COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
————————–
ARRÊT DU : 2 juin 2022
PRUD’HOMMES
N° RG 20/00451 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNUC
Monsieur [R] [S]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/20/1288 du 03/09/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
c/
S.E.L.A.R.L. [P] [O]
Association C.G.E.A. DE BORDEAUX
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 décembre 2019 (R.G. n°F18/00653) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 27 janvier 2020,
APPELANT :
[R] [S]
né le 28 Juillet 1989 à LES ABIMES
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1] – [Localité 2]
Représenté et assisté par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. [P] [O] mandataire judiciaire, au capital de
2 000,00 €, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 434 069 779, ayant son siège social [Adresse 3] [Localité 4] désigné es qualités de liquidateur judiciaire de la SASU COLINET EXPRESS
Représentée et assistée par Me Benjamin BLANC, avocat au barreau de BORDEAUX
Association C.G.E.A. DE BORDEAUX prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 5] – [Localité 4]
Représentée et assistée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 mars 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Monsieur Hervé Ballereau, conseiller,
Elisabeth Vercruysse, vice- présidente placée
qui en ont délibéré.
greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 3 juillet 2017, la société Colinet Express a engagé M. [R] [S] en qualité de chauffeur livreur.
Le contrat de travail était soumis à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Le 27 novembre 2017, M. [R] [S] a eu un accident de la route avec son véhicule professionnel.
Le 21 février 2018, M. [R] [S] a reçu les documents de fin de contrat.
Le 26 avril 2018, M. [R] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux aux fins de :
‘voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘voir condamner la société Colinet Express au paiement de diverses sommes :
– à titre de rappel de salaire, outre les congés payés y afférents,
– à titre d’heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents,
– à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale,
– à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale,
– à titre de travail dissimulé,
– à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents,
– à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
– sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘se voir remettre les bulletins de paie rectifiés, un certificat de travail, et l’attestation pôle emploi,
‘voir ordonner l’exécution provisoire.
Par demande reconventionnelle, la société Colinet Express a sollicité du conseil de prud’hommes la condamnation de M. [R] [S] à lui verser une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 27 novembre 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Colinet Express et a désigné la société [P] [O] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 23 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :
‘requalifié la rupture du contrat de travail de M. [R] [S] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘condamné la société Colinet Express à payer à M. [R] [S] les sommes suivantes :
– 473,21 euros à titre de préavis, outre 47,32 euros de congés payés y afférents,
– 900 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,
– 1 892,82 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle,
– 1 892,82 euros à titre de rappel de salaire janvier, outre 189,28 euros de congés payés y afférents,
– 315,47 euros à titre de rappel de salaire février, outre 31,55 euros de congés payés y afférents,
– 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
‘débouté M. [R] [S] de ses demandes :
– au titre du défaut de visite et de prévention,
– de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– de paiement de 3 samedis, outre les congés payés y afférents,
– de paiement d’heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents,
– de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
‘débouté la société Colinet Express de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ordonné la remise des bulletins de paie de janvier 2018, février 2018, du certificat de travail et de l’attestation pôle emploi rectifiés ;
‘rejeté les autres demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 27 janvier 2020, M. [R] [S] a relevé appel du jugement.
Par ses dernières conclusions du 7 février 2022, M. [R] [S] demande à la cour d’appel de :
‘juger qu’il ne formule aucune demande nouvelle avant dire droit dans ses conclusions signifiées le 13 janvier 2022 ;
‘juger le Cgea infondé en sa demande de « déclarer irrecevable la demande de communication avant dire droit et sous astreinte, formulée par voie de conclusions signifiées le 13 janvier 2022 » ;
‘infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [R] [S] de ses demandes :
– d’enjoindre la société Colinet Express à lui communiquer l’ensemble des feuilles de temps, pointage remplies par ses soins, le carnet de route, les feuilles de route, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
– à défaut, d’enjoindre à la société Chronopost de communiquer les relevés scanne distribution et ramasse établies pendant la relation contractuelle,
– de condamner la société Colinet Express à lui payer :
150 euros nets au titre de 3 samedis travaillés en décembre 2017, outre 15 euros nets de congés payés y afférents,
6 834,11 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre 683,41 euros bruts de congés payés y afférents,
– de dire et juger que la société Colinet Express a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail, et la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– de dire et juger que la société Colinet Express a manqué à son obligation de préserver la santé et la sécurité de son salarié, et la condamner à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– de condamner la société Colinet Express à lui payer la somme de 11 356,92 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– d’ordonner la remise des bulletins de paie rectifiés et du bulletin de paie afférent aux indemnités de rupture, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,
– de dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;
Et, statuant à nouveau,
sur la rupture du contrat
‘juger que M. [R] [S] a fait l’objet d’un licenciement et fixer la date de rupture au 3 février 2018 ;
‘fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Colinet Express aux sommes suivantes :
– 1 712,53 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 171,25 euros bruts de congés payés y afférents,
– 1 872,92 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail ;
‘écarter le barème fixé dans l’article L.1235-3 du code du travail est inopposable ;
‘par conséquent fixer la créance de M. [R] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société Colinet Express à 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, sur le fondement des articles L.1235-2 et L.1235-3 du code du travail, représentant deux mois de salaire ;
‘à titre subsidiaire, fixer la créance de M. [R] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société Colinet Express à 1 872,92 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à un mois de salaire sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail ;
sur l’exécution du contrat de travail
‘fixer la créance de M. [R] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société Colinet Express à :
– 1 791,44 euros bruts au titre du solde du salaire de janvier 2018, outre 179,14 euros bruts de congés payés y afférents, à titre subsidiaire, 1 631,02 euros bruts, outre 163,10 euros bruts de congés payés y afférents,
– 187,29 euros bruts au titre de salaire de février 2018, outre 18,73 euros bruts de congés payés y afférents et à titre subsidiaire, 163,10 euros bruts, outre 16,31 euros bruts de congés payés ;
‘fixer la créance de M. [R] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société Colinet Express à :
– 7 257,52 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre 725,75 euros de congés payés y afférents,
– 150 euros nets au titre de 3 samedis travaillés en décembre 2017, outre 15 euros nets de congés payés y afférents ;
‘fixer la créance de M. [R] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société Colinet Express à 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
‘fixer la créance de M. [R] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société Colinet Express à 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de préserver la santé et la sécurité de son salarié ;
‘fixer la créance de M. [R] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société Colinet Express à 11 356,92 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;
sur les autres demandes
‘condamner la société [P] [O], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Colinet Express à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et frais éventuels d’exécution,
‘ordonner la remise des documents suivants, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir :
– bulletins de paie rectifiés
– bulletin de paie afférent au salaire de février et aux indemnités de rupture,
– un certificat de travail incluant la période de préavis,
– une attestation pôle emploi rectifiée ;
‘juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal ;
‘débouter la société [P] [O] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Colinet Express et le Cgea de Bordeaux de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
‘déclarer l’arrêt à intervenir opposable au Cgea de Bordeaux ;
‘confirmer le jugement déféré pour le surplus.
Il fait principalement valoir :
– qu’il ne formule pas en cause d’appel de demande avant-dire droit de communication de pièces ;
sur la rupture du contrat de travail
– sur la nature de la rupture du contrat : qu’alors que l’employeur avait toujours reconnu avoir licencié M. [R] [S], il demande en cause d’appel la requalification de la rupture en prise d’acte de la rupture ; que le salarié n’a jamais manifesté sa volonté de prendre acte de la rupture du contrat de travail ; que ni le CGEA ni le mandataire ne peuvent revenir sur l’aveu judiciaire de l’employeur ;
– sur l’irrégularité du licenciement : que l’employeur ne démontre ni la remise de la lettre de convocation à l’entretien préalable ni la tenue d’un entretien ; que les attestations produites par l’employeur sont mensongères et dénuées de valeur probante ; qu’en tout état de cause l’entretien se serait tenu de façon irrégulière dès lors que l’employeur se serait fait assister de deux salariés face à un salarié seul ; que faute de mention de l’adresse à laquelle le salarié pouvait se procurer la liste des conseillers extérieurs pouvant l’assister, il n’a pu bénéficier d’un entretien au cours duquel il aurait pu s’expliquer sur les griefs reprochés ; que la lettre de licenciement n’a pas été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception ;
– sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :
. que l’employeur ne justifie pas de l’envoi de la lettre de licenciement datée du 3 janvier 2018 ; qu’en réalité le salarié a été officiellement informé de son licenciement par l’envoi de la lettre du 3 février 2018, puis des documents de fin de contrat ;
. que l’employeur et le CGEA sont défaillants dans la charge de la preuve qui leur incombe ; qu’en tout état de cause M. [R] [S] conteste les griefs formulés à son encontre ; que le grief des retards, qui ne figure pas dans la lettre, ne peut être rajouté a posteriori ; qu’ils n’ont, en outre, jamais été sanctionnés au préalable et n’ont jamais donné lieu à un avertissement écrit ; que l’employeur ne démontre ni la survenance d’un autre accident que celui du 27 novembre 2017, ni la mise en cause de M. [R] [S] ; que l’employeur ajoute des griefs au cours de la procédure, alors qu’ils n’ont jamais été reprochés au salarié auparavant, et ne figuraient pas dans la lettre ;
. que si l’indemnité pour procédure irrégulière ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement abusif, le montant des dommages et intérêts alloués au salarié devrait intégrer le préjudice subi du fait de l’irrégularité de la procédure ;
. que le barème de l’article L.1235-3 du code du travail doit être écarté en ce qu’il est inconventionnel et ne permet pas la réparation adéquate du préjudice de M. [R] [S] ;
sur l’exécution du contrat de travail
– sur les heures supplémentaires : qu’il a été amené à réaliser de nombreuses heures supplémentaires qui n’ont pas toutes été déclarées et par conséquent pas rémunérées ; que l’employeur a refusé de lui communiquer les relevés horaires établis pendant la relation contractuelle ; que par ses écritures et pièces, il étaye sa demande par des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre ;
– sur les salaires de janvier et février 2018 : qu’il a toujours été à la disposition de son employeur qui a refusé de lui fournir du travail.
– sur les samedis travaillés : que la prohibition des sanctions pécuniaires a un caractère d’ordre public auquel ne peut pas faire échec une disposition du contrat de travail ; que le salarié a travaillé trois samedis en décembre 2017, chacun devant donner lieu au paiement d’une prime de 50 euros ; que ces primes ne figurent pas sur le bulletin de paie dans la mesure où l’employeur l’a fait travailler gratuitement pour compenser les frais liés à l’accident du 27 novembre 2017, ce qui constitue une sanction pécuniaire illégale ;
– sur le manquement à l’obligation de préserver la santé et la sécurité du personnel : que le salarié n’a jamais rencontré le médecin du travail alors qu’il a eu un accident du travail et présentait des contraintes physiques importantes ; que la visite d’embauche n’a pas eu lieu alors qu’elle était prévue au contrat ; que les conditions de travail ont conduit le salarié à être inattentif en conduisant et à avoir un accident de la circulation suivi d’un arrêt de travail du 27/11/2017 au 03/12/2017 ;
– sur le manquement à l’exécution loyale du contrat de travail : que des incohérences apparaissent sur les bulletins de paie ; que des samedis ont été travaillés sans être réglés ; qu’aucun carnet de route n’a été tenu ; que les législations sur le repos quotidien, la durée maximale hebdomadaire, le temps de pause n’ont pas été respectées ; que l’employeur a appliqué des sanctions pécuniaires illégales ; que le préjudice est démontré et concerne bien l’exécution du contrat de travail, qu’il ne fait pas double emploi avec les autres prétentions du salarié ;
– sur le travail dissimulé : que le salarié a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées ; que le refus de la société Colinet Express de communiquer les outils de décompte du temps de travail est un refus de transparence qui prouve la volonté de dissimulation pour faire l’économie de salaires et des charges sociales afférentes ; que l’employeur a agi en toute connaissance de cause.
Aux termes de ses dernières conclusions du 19 juin 2020, la société [P] [O] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Colinet Express demande à la cour d’appel de :
Sur l’appel incident
‘infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Colinet Express à payer à M. [R] [S] les sommes suivantes :
– 1 892,82 euros à titre de rappel de salaire janvier, outre 189,28 euros de congés payés y afférents,
– 315,47 euros à titre de rappel de salaire février, outre 31,55 euros de congés payés y afférents,
– 473,21 euros à titre de préavis, outre 47,32 euros de congés payés y afférents,
– 1 892,82 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle,
– 900 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;
Et, statuant à nouveau,
‘fixer la date de rupture au 22 janvier 2018, correspondant à la prise d’acte de la rupture par M. [R] [S] ;
‘fixer la créance de M. [R] [S] au passif de la société Colinet Express au titre du solde de tout compte et des créances de rupture, à :
– 1 174,33 euros à titre de salaire du 1er au 22 janvier 2018, outre 117,43 euros de congés payés y afférents,
– 1 712,51 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 171,25 euros de congés payés y afférents,
– 1 712,51 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, équivalente à un mois de salaire, sauf à réduire ledit montant en fonction du préjudice établi ;
‘débouter M. [R] [S] du surplus de ses prétentions ;
Sur l’appel principal,
‘dire recevable mais mal fondé son appel ;
‘confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [R] [S] de son rappel d’heures supplémentaires, de sa demande au titre de la prime de 50 euros par samedi travaillé en décembre 2017, de sa demande indemnitaire pour travail dissimulé, et de ses demandes indemnitaires pour exécution déloyale du contrat de travail et pour manquement à l’obligation de sécurité ;
‘fixer en cas de manquement retenu à la prévention de la santé pour défaut de visite d’embauche la créance de M. [R] [S] au passif de la société Colinet Express à la somme maximale de 150 euros ;
‘fixer en cas d’exécution déloyale par extraordinaire retenue, la créance de M. [R] [S] au passif de la société Colinet Express à la somme maximale de 300 euros ;
‘fixer en cas de preuve de l’exécution de 3 samedis en décembre 2017, la créance de M. [R] [S] au passif de la société Colinet Express à la somme de 50 euros bruts au titre de la prime prévue par la note de service, outre 5 euros bruts de congés payés y afférents ;
‘débouter en toute hypothèse M. [R] [S] de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires non établies et de sa demande pour travail dissimulé.
Elle argue en substance :
sur l’appel incident
– sur la date de la rupture : que par courrier du 22 janvier 2018 M. [R] [S] a lui-même acté de la rupture de son contrat de travail ; que la date de rupture du contrat est donc le 22 janvier 2018 ; que M. [R] [S] a donc droit au paiement de son salaire jusqu’à cette date ;
– sur l’indemnité pour irrégularité de procédure : qu’elle n’est pas cumulable avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– sur les dommages et intérêts pour rupture abusive : que le barème doit être appliqué, ayant été jugé conforme à la Constitution et aux engagements internationaux ;
sur les demandes en exécution du contrat de travail
– sur les samedis : que les salariés doivent habituellement travailler deux samedis par mois ; que M. [R] [S] n’a pas travaillé les deux samedis supplémentaires au titre du mois de décembre 2017 ; qu’il n’en justifie d’ailleurs pas ; qu’en tout état de cause cette prime ne saurait dépasser 100 euros ;
– sur les heures supplémentaires : que les éléments établis personnellement par le salarié ne peuvent être recevables que s’ils sont corroborés par des éléments complémentaires d’extranéité ; qu’en l’espèce M. [R] [S] est défaillant dans l’administration du commencement de preuve qui lui incombe ; que les seuls éléments permettant de justifier si effectivement M. [R] [S] a fait des heures supplémentaires sont en la possession de Chronopost qui n’a pas répondu à sa demande de communication ;
– sur le travail dissimulé : qu’il ne prouve pas l’exécution d’heures supplémentaires non réglées ; qu’il ne prouve pas non plus l’intention frauduleuse de l’employeur ;
– sur l’exécution déloyale : que M. [R] [S] est défaillant quant à la charge de la preuve qui lui incombe, à savoir la preuve de faits distincts de ses autres prétentions ; que cette demande fait double emploi avec les précédentes ; qu’il ne justifie pas du préjudice distinct de ses autres prétentions qu’il soutient avoir subi ;
– sur le manquement à l’obligation de prévention : que l’employeur s’associe à la motivation de l’Ags sur ce point ;
– sur les intérêts de retard ; qu’ils sont interrompus en application de l’article L.622-28 du code de commerce ; que M. [R] [S] est donc irrecevable.
Aux termes de ses dernières conclusions du 4 février 2020, l’Ags Cgea de Bordeaux demande à la cour d’appel de :
‘déclarer irrecevable la demande de communication avant dire droit et sous astreinte, formulée par voie des conclusions signifiées le 13 janvier 2022 ;
Sur appel incident,
‘réformer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Colinet Express à payer à M. [R] [S] les sommes suivantes :
– 1 892,82 euros à titre de rappel de salaire janvier, outre 189,28 euros de congés payés y afférents,
– 315,47 euros à titre de rappel de salaire février, outre 31,55 euros de congés payés y afférents,
– 473,21 euros à titre de préavis, outre 47,32 euros de congés payés y afférents,
– 1 892,82 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle,
– 900 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;
Et, statuant à nouveau,
‘fixer la date de rupture au 22 janvier 2018, correspondant à la prise d’acte de la rupture par M. [R] [S] ;
‘fixer la créance de M. [R] [S] au passif de la société Colinet Express au titre du solde de tout compte et des créances de rupture, à :
– 1 174,33 euros à titre de salaire du 1er au 22 janvier 2018, outre 117,43 euros de congés payés y afférents,
– 1 712,51 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 171,25 euros de congés payés y afférents,
– 1 712,51 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive équivalente à un mois de salaire, sauf à réduire ledit montant en fonction du préjudice établi ;
‘débouter M. [R] [S] du surplus de ses prétentions ;
Sur appel principal
‘dire recevable mais mal fondé son appel ;
‘confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [R] [S] de son rappel d’heures supplémentaires, de sa demande au titre de la prime de 50 euros par samedi travaillé en décembre 2017, de sa demande indemnitaire pour travail dissimulé, et de ses demandes indemnitaires pour exécution déloyale du contrat de travail et pour manquement à l’obligation de sécurité ;
‘faire droit subsidiairement aux contestations du Cgea de Bordeaux ;
‘fixer en cas de manquement retenu à la prévention de la santé pour défaut de visite d’embauche la créance de M. [R] [S] au passif de la société Colinet Express à la somme maximale de 150 euros ;
‘fixer en cas d’exécution déloyale par extraordinaire retenue, la créance de M. [R] [S] au passif de la société Colinet Express à la somme maximale de 300 euros ;
‘fixer en cas de preuve de l’exécution de 3 samedis en décembre 2017, la créance de M. [R] [S] au passif de la société Colinet Express à la somme de 50 euros bruts au titre de la prime prévue par la note de service, outre 5 euros bruts de congés payés y afférents ;
‘débouter en toute hypothèse M. [R] [S] de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires non établies et de sa demande pour travail dissimulé ;
Sur la garantie de l’Ags,
‘déclarer l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS-CGEA de Bordeaux dans la limite légale de sa garantie, laquelle exclut l’astreinte et l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient principalement :
sur la demande avant-dire droit
– que l’objet du litige est limité aux seules demandes formulées dans les conclusions déposées au soutien de l’appel ou à la faveur de l’appel incident ; que la demande de communication avant-dire droit ne figurait ni dans les conclusions d’appel de M. [R] [S] ni dans les conclusions responsives signifiées dans les trois mois suivant l’appel incident de l’Ags ; que cette demande est donc irrecevable ;
sur les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail
– que la lettre de la société Colinet Express du 3 janvier 2018 ne peut constituer l’acte de rupture faute pour l’employeur de pouvoir produire l’avis de dépôt du recommandé ; qu’en revanche M. [R] [S] a lui-même acté de la rupture dans son courrier du 22 janvier 2018 ; que cette lettre vaut donc rupture par prise d’acte du salarié ; que la rupture du contrat de travail est bien consommée au 22 janvier 2018 ; que la lettre de la société Colinet Express du 3 février 2018 ne peut pas avoir d’effet juridique selon l’adage « rupture sur rupture ne vaut » ;
– que cette prise d’acte s’assimile à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et est le point de départ du préavis ;
– que c’est à tort que le conseil de prud’hommes a alloué une indemnité pour irrégularité de procédure ; que la société Colinet Express justifie avoir convoqué M. [R] [S] à un entretien préalable ; que la rupture actée par le salarié n’ouvre pas droit à une indemnité pour irrégularité de procédure ; qu’il est légalement impossible de cumuler une indemnité pour irrégularité de procédure avec une indemnité pour licenciement abusif ;
– que le barème de l’article L.1235-3 doit être respecté en ce qu’il a été jugé conforme à la Constitution, à l’article 6§1 de la CESDH et à l’article 24 de la charte sociale, ainsi que compatible avec l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT ; que ce plafond n’est pas une indemnité forfaitaire acquise, que M. [R] [S] ne justifie pas de sa situation après la rupture du contrat ;
sur les demandes de M. [R] [S] en exécution du contrat
– sur les samedis : que la prime ne concernait que deux samedis supplémentaires travaillés, étant précisé que l’organisation du travail dans l’entreprise impliquait que les chauffeurs travaillent deux samedis par mois ; que M. [R] [S] n’a pas travaillé le 2 décembre ; qu’il ne peut prétendre qu’à une prime de 50 euros bruts pour le samedi supplémentaire, s’il justifie avoir travaillé les trois samedis suivant la fin de son arrêt ; que contrairement à ce qu’il affirme, les bulletins de salaire ne démontrent pas qu’il ait subi de retenue sur salaire ;
– sur les heures supplémentaires : que l’agenda produit ne concerne que le mois de septembre 2017 ; que les mentions qui y sont consignées sont inexploitables pour reconstituer le temps journalier effectif de travail ; qu’il n’est corroboré par aucune élément extrinsèque ; qu’il est constant que l’employeur a payé des heures supplémentaires en septembre et en octobre 2017 ;
– sur le travail dissimulé : que l’employeur s’est acquitté de 147 heures supplémentaires ; que M. [R] [S] est défaillant dans l’administration de la preuve de l’omission d’heures supplémentaires au-delà de celles figurant sur les bulletins de paie ; que ce défaut de preuve prive de tout fondement sa prétention ; que l’intention frauduleuse ne se présume pas par seul constat du manquement de l’employeur ;
– sur l’exécution déloyale : que cette demande n’est fondée ni en droit ni en son quantum ; que sous ce couvert il ne saurait rechercher une indemnisation complémentaire à celle légalement plafonnée pour la rupture abusive de son contrat ;
– sur le manquement à la prévention de la sécurité et à la santé : que depuis janvier 2017 l’examen médical a été remplacé par une simple visite d’information et de prévention ; que la période d’essai de deux mois différait l’éventuelle obligation d’effectuer une visite, non justifiée par une pathologie particulière en l’espèce ; que s’agissant des conditions de travail, M. [R] [S] est défaillant dans l’administration de la preuve des manquements de l’employeur ; qu’il ne démontre pas non plus son préjudice ;
– qu’en application de l’article L.622-28 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective interrompt le cours des intérêts ; que cela vaut aussi pour les créances salariales ;
sur la garantie des créances par l’Ags
– que l’action ne peut que rendre l’arrêt opposable à l’Ags sans condamnation directe à son encontre ;
– que les astreintes ne sont pas garanties par l’Ags ; qu’il en est de même de l’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– que la garantie ne pourra s’exercer que dans les limites fixées par l’article L.3253-17 du code du travail, soit en l’espèce cinq fois le plafond mentionné à l’article D.3253-5 et en vigueur à la date de la rupture.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de communication de pièces
En première instance, M. [R] [S] avait formulé une demande avant-dire droit de communication de pièces, dont il a été débouté par le jugement déféré.
Dans ses dernières écritures, il demande l’infirmation de la décision en ce qu’elle l’a débouté de cette demande, sans pour autant la formuler à nouveau.
Il n’y a donc pas lieu à déclarer cette demande irrecevable, puisque la cour d’appel n’en est pas saisie.
La cour n’est pas non plus saisie de moyens tendant à son infirmation.
La décision dont appel sera ainsi nécessairement confirmée en ce qu’elle a débouté M. [R] [S] de sa demande de communication de pièces avant-dire droit.
Sur la nature et la date de rupture du contrat de travail
> Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
> En application de l’article L.1235-1 du code du travail, à défaut d’accord, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Il est constant que la faute grave, faute disciplinaire résultant d’un manquement du salarié aux obligations résultant de son contrat, est celle qui rend impossible le maintien de celui-ci dans l’entreprise.
Il revient à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il reproche au salarié.
> La procédure de licenciement est régie notamment par les articles L.1232-2 et suivants et R.1232-1 et suivants du code du travail quant à la convocation du salarié à un entretien préalable au licenciement, au déroulement de cet entretien, et à la notification du licenciement.
> Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient et si les manquements sont suffisamment graves et empêchent la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
La rupture du contrat de travail est immédiate et la prise d’acte ne peut être rétractée.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige.
Le juge doit examiner l’ensemble des manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans sa lettre de rupture.
Sur ce,
En l’espèce, la société Colinet Express soutient en premier lieu avoir convoqué M. [R] [S] par lettre du 7 décembre 2017 à un entretien préalable à un licenciement prévu le 22 décembre, décalé au 27 décembre à la demande du salarié, et en second lieu lui avoir notifié son licenciement pour faute grave par courrier du 3 janvier 2018. Elle reconnaît néanmoins ne pouvoir justifier de la remise effective et de la date de délivrance de ces deux courriers au salarié, de sorte que la procédure de licenciement est irrégulière.
Par courrier daté du 22 janvier 2018, intitulé « demande de reçu pour soldes tout compte A/R », M. [R] [S] a demandé à son employeur :
« Monsieur,
Suite à la rupture amiable du contrat de travail qui me liait à l’entreprise Colinet Express intervenue de manière effective le 02 Janvier 2018, vous auriez dû me fournir à ce moment-là le reçu pour solde de tout compte ainsi que mon bulletin de salaire, ce qui n’a pas été le cas malgré mes multiples demandes.
Si l’article L.1234-20 du code du travail rend ce document facultatif, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me l’adresser sans délais, en vue de parfaire la clôture de nos relations professionnelles.
Je vous prie d’agréer (‘.) »
N’ayant pas reçu de réponse, il a à nouveau interpellé la société Colinet Express par courrier daté du 30 janvier 2018 dans les termes suivants :
« Monsieur,
Depuis le 03 Janvier 2018 vous m’avez indiqué que nous allions nous mettre d’accord sur une rupture amiable du contrat de travail qui nous lie.
Or, je n’ai jamais souhaité quitter l’entreprise, et reste malgré tout disponible pour travailler depuis le 03 Janvier 2018, malgré votre volonté de rupture.
De même, vous n’avez de votre côté donné aucune suite, ni n’avait émise auprès de moi la moindre proposition ni la moindre procédure de sanction depuis mon accident de travail il y a plus de 2 mois le 27 Novembre 2017.
Je souhaite donc pouvoir reprendre mon travail normalement et que vous régularisiez ma situation de Janvier 2018 ainsi que les retraits sur salaire indus que vous avez pratiqués depuis l’accident du 27 Novembre 2017 endommageant votre véhicule d’entreprise.
Sans réponse de votre part dans les 4 jours je serais contraint de saisir le Conseil des Prud’Hommes et les autorités compétentes pour les transports. »
La réponse de l’employeur est intervenue par courrier daté du 3 février 2018 :
« Monsieur,
J’accuse réception de vos courriers et vous en remercie.
Je viens par la présente vous rappeler que vous êtes licencié de chez Colinet Express depuis le 03 Janvier 2018 suite à l’entretien préalable à votre licenciement du 22 Décembre 2017.
Je profite pour porter à votre connaissance que vous êtes interdit de site chez Chronopost pour les raisons suivantes :
plusieurs accidents de la route ayant pour cause dégradations du véhicule de travail mis à votre disposition dont le dernier en date du 27 Novembre 2017 avec pour résultante ‘la non livraison des clients dans les délais’.
les retards répétés et quotidiens qui ont entraîné une perte de qualité dans la livraison des colis.
Je vous enverrai vos documents de sortie dès qu’ils seront prêts. »
> L’employeur et l’AGS-Cgea demandent qu’il soit retenu que par son courrier du 22 janvier 2018, M. [R] [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Or il ne ressort aucunement de la lecture de ce courrier que M. [R] [S] y ait exprimé sa volonté expresse de mettre fin au contrat de travail, aux torts de l’employeur. Ceci est corroboré par son courrier suivant du 30 janvier et surtout par la réponse de la société Colinet Express le 3 février qui, loin de prendre acte de la rupture du contrat par le salarié, lui rappelle l’avoir licencié le 3 janvier précédent.
La société Colinet Express et l’AGS-Cgea seront donc déboutées de leur demande tendant à voir fixer la date de rupture du contrat de travail au 22 janvier 2018, correspondant à la prise d’acte de la rupture par M. [R] [S].
> Il est admis que la rupture du contrat de travail résultant de la volonté de l’employeur constitue un licenciement.
Par son courrier du 3 février 2018, adressé par lettre recommandée avec accusé de réception, la société Colinet Express a clairement mis fin au contrat de travail de M. [R] [S].
Ce contrat a donc pris fin le 3 février 2018, par licenciement de l’employeur.
La cause de ce licenciement ne peut se trouver que dans ce courrier, et non dans celui du 3 janvier 2018, que M. [R] [S] soutient ne pas avoir reçu et que la société Colinet Express ne peut démontrer avoir régulièrement notifié.
La cour d’appel relève par ailleurs que ce courrier du 3 février 2018 ne mentionne pas la cause du licenciement, de sorte qu’il ne peut être considéré qu’il s’agisse d’un licenciement pour faute.
Deux griefs sont invoqués, justifiant selon la société Colinet Express l’exclusion de son ancien salarié du site :
– plusieurs accidents de la route ayant causé des dégradations du véhicule de service, le dernier s’étant produit le 27 novembre 2017, avec pour résultante la non livraison des clients dans les délais ;
– les retards répétés et quotidiens qui ont entraîné une perte de qualité dans la livraison des colis.
Sur le premier grief, il est constant que M. [R] [S] a eu un accident de la circulation alors qu’il conduisait son véhicule de service le 27 novembre 2017. La société Colinet Express ne produit aucune pièce relative à cet accident ou à ses conséquences. Le constat amiable produit par le salarié est illisible. Aucun élément ne permet ainsi d’établir que M. [R] [S] ait été fautif dans la survenance de cet accident, ni que ce dernier ait endommagé le véhicule de l’entreprise, ni encore que cet accident ait eu des conséquences sur les livraisons du jour.
Au surplus, la société Colinet Express ne démontre pas davantage que le salarié ait eu d’autres accidents de la circulation pendant son temps de travail.
Ce grief n’est pas démontré.
Sur le second grief, l’Ags-Cgea produit cinq captures d’écran de messages échangés entre un dénommé « Chris » et M. [T] [C], employé de l’entreprise. Ces éléments démontrent que M. [R] [S] a été en retard à l’embauche le 4 juillet 2017, le 14 octobre 2017 et le 8 novembre 2017. Les autres messages ne sont pas datés.
Ces trois retards, dont au surplus aucun élément ne démontre qu’ils aient désorganisé l’entreprise ou perturbé son activité, ne caractérisent pas un manquement du salarié à ses obligations qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail.
La décision déférée sera ainsi confirmée en ce qu’elle a requalifié le licenciement de M. [R] [S] le 3 février 2018 en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur la demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires
Selon l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Par ailleurs, les articles L.3171-2 et L.3171-3 du code du travail déterminent les obligations de l’employeur, relatives au décompte du temps de travail.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Sur ce,
En l’espèce, M. [R] [S] a travaillé pour la société Colinet Express à compter du 3 juillet 2017.
Il produit aux débats la copie de son agenda pour le mois de septembre 2017, sur lequel il affirme avoir noté jour par jour ses heures d’embauche et de débauche, et soutient avoir ainsi effectué pour ce seul mois 94h16 au titre des heures supplémentaires. Il reconnaît ne pas avoir tenu de décompte pour les mois de juillet, octobre, novembre et décembre 2017, mais indique pouvoir transposer ces données sur les mois concernés, et produit un décompte par extrapolation.
Ses écritures contiennent ainsi un décompte détaillé mois par mois : pour le mois de septembre, il intègre les heures supplémentaires figurant sur l’agenda ; pour les autres mois, il extrapole le nombre d’heures fait en septembre, et en déduit les heures supplémentaires d’ors et déjà réglées par la société Colinet Express.
M. [R] [S] fournit ainsi des éléments suffisamment précis pour permettre à son employeur d’y répondre, concernant le mois de septembre 2017 uniquement. Ne peut en effet être considérée comme suffisamment précise pour permettre à l’employeur d’y répondre une extrapolation d’heures supplémentaires réalisées pendant un mois sur cinq autres mois d’exécution du contrat, sans précision d’heures d’embauche et de débauche, sans aucun autre élément de nature à les corroborer, et alors que des heures supplémentaires ont été réglées par l’employeur.
La société Colinet Express, pourtant tenue à l’obligation de contrôler les heures de travail de ses salariés, ne produit aucune pièce permettant de déterminer le nombre d’heures de travail effectuées par M. [R] [S] pendant l’exécution de son contrat de travail. Elle en reporte la responsabilité sur l’entreprise Chronopost, dont elle est sous-traitante, société qui serait propriétaire de l’ensemble des documents relatifs aux horaires de travail des salariés, et qui n’aurait pas donné suite à sa demande de communication. Ce faisant, la société Colinet Express reconnaît ne pas avoir mis en place d’outil de contrôle du temps de travail de ses salariés, au mépris des obligations légales et réglementaires qui lui incombent, et ce sans aucun motif légitime. Il ne peut en effet revenir à l’entreprise donneuse d’ordre de lui communiquer, sans qu’elle puisse les contrôler, les données relatives au temps de travail de ses propres salariés.
Il sera ainsi fait droit à la demande chiffrée de M. [R] [S] au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférent pour le mois de septembre, soit 1 339,46 euros au titre des heures supplémentaires et 133,95 euros au titre des congés payés y afférents. La décision déférée sera infirmée sur ce point.
Sur la demande de rappel de salaires au titre des mois de janvier et février 2018
La date de rupture du contrat de travail étant fixée au 3 février 2018, M. [R] [S] est bien fondé à demander le règlement de son salaire jusqu’au terme du contrat.
Il a d’ores et déjà perçu à titre de solde de tout compte une somme de 81,51euros bruts pour salaire du 1er au 3 janvier 2018.
La moyenne de ses salaires bruts de juillet à décembre 2017 est de 1 871,44 euros.
Sa créance au passif de la procédure collective de la société Colinet Express sera donc fixée aux sommes de :
– 1 789,93 euros au titre du salaire de janvier 2018,
– 178,99 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés pour le mois de janvier 2018,
– 187,14 euros au titre du salaire de février 2018,
– 18,71 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés pour le mois de février 2018.
La décision déférée sera infirmée sur les montants fixés.
Sur la demande de rappel de salaires pour les samedis travaillés en décembre 2017
M. [R] [S] produit une note de service émise par la société Colinet Express le 4 décembre 2017 rédigée comme suit : « Compte tenu de l’accroissement du volume de travail lié à l’approche des fêtes de fin d’année et comme vous en avez été précédemment informés de façon orale, la présence de chacun et de tous s’avère impérative et nécessaire les samedis 9, 16 et 23 décembre 2017.
Il est à noter que les 2 samedis supplémentaires travaillés seront payés à raison de cinquante euros (50€) chacun ; soit donc cent euros (100€) les 2. »
Il soutient avoir travaillé les trois samedis indiqués, à savoir les 9, 16 et 23 décembre 2017, sans en avoir reçu paiement. Son bulletin de paie du mois de décembre 2017 ne mentionne en effet aucune rémunération forfaitaire pour des samedis supplémentaires travaillés.
Cette note contenant une consigne claire de l’employeur constitue un élément suffisamment précis pour lui permettre d’y répondre.
La société Colinet Express affirme que le salarié n’a pas travaillé ces jours-là et lui reproche de ne pas apporter de preuve du contraire.
Ce faisant, l’employeur inverse la charge de la preuve : en application des dispositions ci-dessus rappelées, il lui revient de contrôler les heures de travail effectuées par ses salariés, et ainsi de produire ces éléments en cas de litige.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent la société Colinet Express et l’Ags-Cgea, aucune pièce ne démontre que l’organisation du travail dans l’entreprise impliquait que les chauffeurs travaillent deux samedis par mois. Le contrat de travail de M. [R] [S] précise que sa durée hebdomadaire de travail est de 39 heures par semaine du lundi au samedi.
Il se déduit ainsi du libellé de la note de service, corroborée par le contrat de travail, que le salaire contractuellement convenu incluait un samedi travaillé par mois.
La décision déférée sera donc infirmée sur ce point et la créance de M. [R] [S] au passif de la procédure collective de la société Colinet Express fixée à la somme de 100 euros au titre des samedis supplémentaires travaillés en décembre 2017.
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
L’article L. 4121-1 du code du travail dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique des travailleurs, qui comprennent :
– des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
– des actions d’information et de formation ;
– la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Il veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
En application de l’article R. 4624-10 du code du travail, tout salarié bénéficie d’une visite d’information et de prévention réalisée par un professionnel de santé dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective de travail.
La défaillance de l’employeur sur ce point justifie l’octroi de dommages et intérêts en fonction du préjudice dont l’existence et l’étendue doivent être établies.
Sur ce,
En l’espèce, il est constant que l’employeur n’a pas organisé la visite d’information et de prévention prévue réglementairement.
M. [R] [S] argue que l’accident du 27 novembre 2017 révèle de sa part une faute manifeste d’inattention, et que justement une rencontre avec le médecin du travail aurait permis à ce dernier de constater l’état de fatigue et de stress du salarié lié à son rythme de travail et à l’origine de l’accident.
Il ne produit aucune pièce relative à son état de santé pendant l’exécution du contrat de travail, notamment à la période de cet accident. Le certificat médical du 27 novembre 2017 ne comporte aucune mention relative à cela.
Il doit à ce stade être rappelé que M. [R] [S] n’apporte aucun élément démontrant avoir accompli des heures supplémentaires non rémunérées en dehors du mois de septembre 2017, pas plus qu’il ne démontre que ses conditions de travail étaient particulièrement difficiles ou faisaient peser un risque sur sa santé.
Faute de démontrer le préjudice qui lui aurait été causé par la carence de l’employeur, M. [R] [S] sera donc débouté de cette demande et la décision déférée confirmée sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’exécution de bonne foi du contrat de travail
L’article 1104 du code civil édicte le principe selon lequel les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.
L’article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Sur ce,
M. [R] [S] fait valoir plusieurs éléments au soutien de sa demande :
– en premier lieu les incohérences dans le paiement des heures supplémentaires, le non-paiement de samedis travaillés, le non-respect du temps de pause et du temps de travail hebdomadaire, et le non-respect du contrat de travail prévoyant l’obligation de tenir des feuilles de pointage ;
– en second lieu, l’application de sanctions pécuniaires illégales.
La cour d’appel relève que les moyens tirés des heures supplémentaires et des samedis non travaillés doivent être écartés, M. [R] [S] ne justifiant pas d’un préjudice distinct de celui qui a déjà été réparé par la condamnation de l’employeur à lui régler les sommes dues.
Le non-respect du temps de pause et du temps de travail hebdomadaire n’est démontré que pour le mois de septembre 2017. Il est constant en revanche que l’obligation contractuelle de tenue de fiches de présence et de pointage (article 8 ‘ 4 du contrat de travail) n’a pas été respectée par l’employeur.
En ce qui concerne l’application de sanctions pécuniaires illégales, M. [R] [S] affirme que le règlement des samedis travaillés de décembre 2017 a été ôté de son bulletin de paie sur décision de l’employeur, pour le sanctionner des dégradations occasionnées au véhicule de service lors de l’accident du 27 novembre 2017. Si tel était le cas, il s’agirait en effet d’une sanction pécuniaire illégale. Aucun élément néanmoins n’étaye les affirmations du salarié sur ce point. La société Colinet Express donne une explication crédible en soutenant que ces samedis n’ont pas été travaillés.
La preuve de la pratique de telles sanctions n’est donc pas démontrée.
Les griefs retenus ont causé à M. [R] [S] un préjudice en termes de fatigue d’une part et de difficultés à suivre ses heures de travail d’autre part. Ce préjudice sera justement réparé par l’allocation de la somme de 800 euros de dommages et intérêts. La décision déférée sera infirmée sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé
L’article L8223-1 du Code du travail dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L8221-5 dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Sur ce,
En l’espèce, il a été retenu que l’employeur était redevable d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires uniquement pour le mois de septembre 2017, et non comme le soutient M. [R] [S] pour la période de juillet à décembre 2017.
Nonobstant le fait que certaines heures supplémentaires et samedis travaillés n’aient pas été réglés, il ne résulte du dossier tel que soumis à la cour aucun élément permettant de caractériser une intention de dissimulation de la société Colinet Express.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté M. [R] [S] de cette demande.
Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
Sur l’indemnité compensatrice de préavis
En l’absence de faute grave, M. [R] [S], qui avait plus de six mois d’ancienneté à la date de la rupture, est fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire sur le fondement des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, soit la somme de 1 712,53 euros, ainsi que l’indemnité de congés payés afférente, soit 171,25 euros.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Selon l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent licenciement, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau figurant dans le texte.
Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234-9.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.
Sur ce,
En l’espèce, aucune réintégration n’est sollicitée ni proposée.
M. [R] [S] est donc bien-fondé à obtenir l’indemnisation du préjudice subi du fait de ce licenciement non fondé.
Pour répondre à l’argumentation du salarié visant à écarter l’application du barème ci-dessus rappelé, la cour d’appel relève qu’il est désormais admis que les dispositions des articles L.1235-3, L.1235-3-1 et L.1235-4 du code du travail sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT et sont donc compatibles avec ces stipulations. Il appartient seulement au juge d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par les textes.
Il sera ainsi fait application des dispositions légales en vigueur, selon lesquelles M. [R] [S] peut prétendre à une indemnité maximale d’un mois de salaire.
L’appelant justifie ainsi s’être trouvé au chômage de février 2018 à mai 2019 avec une indemnisation à hauteur de 57 % de son salaire au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi.
Ces éléments justifient de lui allouer une indemnité dont le montant sera équitablement fixé à une somme représentant un mois de salaire, soit, sur une base d’un salaire mensuel de 1 871,44 euros brut, la somme de 1 871,44 euros qui sera fixée au passif de la procédure collective de la société la société Colinet Express.
La décision déféré sera infirmée quant au montant alloué.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement irrégulier
Il est admis par l’ensemble des parties que cette indemnité ne peut se cumuler avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La décision déférée sera donc infirmée en ce qu’elle a fait droit à la demande de M. [R] [S] à hauteur de 900 euros.
Sur la remise des documents de fin de contrat
En suite de ces condamnations, la société Colinet Express sera condamnée à remettre à M. [R] [S] un bulletin de paie rectifié, un certificat de travail rectifié et l’attestation Pôle Emploi rectifiée.
Il n’est pas nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Sur les intérêts de retard
En application de l’article L.622-28 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective interrompt le cours des intérêts.
M. [R] [S] sera donc débouté de sa demande tendant à voir assortir les condamnations des intérêts au taux légal.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l’équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l’autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La décision déférée sera confirmée sur ces points.
La société Colinet Express, partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance d’appel.
M. [R] [S] sera débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, compte tenu de la procédure de liquidation judiciaire en cours pour la société Colinet Express.
PAR CES MOTIFS
La cour,
– Confirme la décision déférée en ce qu’elle a :
. débouté M. [R] [S] de sa demande avant-dire droit de communication de pièces sous astreinte ;
. requalifié la rupture du contrat de travail de M. [R] [S] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
. condamné la société Colinet Express à verser à M. [R] [S] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
. débouté M. [R] [S] de sa demande au titre du défaut de visite et de prévention ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
. débouté la société Colinet Express de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
. ordonné la remise des bulletins de paie de janvier 2018, février 2018, du certificat de travail et de l’attestation pôle emploi rectifiés ;
– L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
– Fixe la créance de M. [R] [S] au passif de la procédure collective de la société Colinet Express aux sommes suivantes au titre de l’exécution du contrat de travail :
. 1 339,46 euros au titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires du mois de septembre 2017,
. 133,95 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférente,
. 1 789,93 euros au titre du rappel de salaire pour le mois de janvier 2018,
. 178,99 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférente,
. 187,14 euros au titre du rappel de salaire pour le mois de février 2018,
. 18,71 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférente,
. 100 euros au titre du rappel de salaire pour les samedis travaillés en décembre 2017,
. 800 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
– Fixe la créance de M. [R] [S] au passif de la procédure collective de la société Colinet Express aux sommes suivantes au titre de la rupture du contrat de travail :
. 1 712,53 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
. 171,25 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférente,
. 1 871,44 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Déboute M. [R] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;
Y ajoutant,
– Déboute M. [R] [S] de sa demande de voir assortir d’une astreinte la condamnation de la société [P] [O] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Colinet Express à lui transmettre les documents de fin de contrat rectifiés ;
– Déclare le présent arrêt opposable à l’Unedic délégation AGS (CGEA) de [Localité 4] ;
– Déboute M. [R] [S] de sa demande tendant à voir assortir les présentes condamnations des intérêts au taux légal ;
– Condamne la société [P] [O] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Colinet Express aux entiers dépens de la procédure d’appel ;
– Déboute M. [R] [S] de sa demande au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.
Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps M.P. Menu