Retenues sur salaire : 30 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01326

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Retenues sur salaire : 30 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01326

ARRÊT DU

30 Septembre 2022

N° 1568/22

N° RG 20/01326 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TAXY

FB/AL

AJ

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

12 Février 2020

(RG 18/01148 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 30 Septembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [Y] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Philippe PREVEL, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/005475 du 03/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

S.A.R.L. LE MORISSON

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 31 Mai 2022

Tenue par Frédéric BURNIER

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphane MEYER

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Béatrice REGNIER

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Frédéric BURNIER, Conseiller et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 Mai 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [Y] [N] a été engagé par la société Le Morisson, pour une durée indéterminée à compter du 1er mars 2018, en qualité de cuisinier.

Le 8 août 2018, Monsieur [Y] [N] a exercé son droit de retrait.

Il en a informé son employeur par courrier du 23 août 2018, invoquant une violence commise à son encontre par sa supérieure hiérarchique.

Le 18 septembre 2018, la société Le Morisson a mis en demeure Monsieur [N] de reprendre son poste. Elle a réitéré cette démarche par courrier du 3 octobre 2018.

Par lettre du 15 octobre 2018, Monsieur [Y] [N] a été convoqué pour le 25 octobre suivant, à un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre du 29 octobre 2018, la société Le Morisson a notifié à Monsieur [Y] [N] son licenciement pour faute grave, caractérisée par un abandon de poste.

Le 23 novembre 2018, Monsieur [Y] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Lille et formé des demandes afférentes à un licenciement nul, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 12 février 2020, le conseil de prud’hommes de Lille a :

– dit le licenciement fondé sur une faute grave,

– dit la procédure de licenciement irrégulière,

– condamné la société Le Morisson à payer à Monsieur [Y] [N] la somme de 1 596 euros au titre du défaut de procédure;

– condamné Monsieur [Y] [N] à payer à la société Le Morisson la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes;

– laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Monsieur [Y] [N] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 15 juin 2020, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2022, Monsieur [Y] [N] demande à la cour d’infirmer le jugement, excepté en ce qu’il lui a alloué la somme de 1 596 euros pour défaut de procédure, et statuant de nouveau, de :

– dire le licenciement nul;

– condamner la société Le Morisson à lui verser les sommes de :

– 9 578 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul;

– 9 578 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé;

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

– 333 euros à titre d’indemnité de licenciement;

– 1 596 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 5 062 euros à titre de rappel de salaire ;

– 665 euros à titre d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire et préavis;

– 1 596 euros à titre d’indemnité pour procédure irrégulière ;

– 3 000 euros à titre d’indemnité pour frais de procédure en première instance ;

– 3 000 euros à titre d’indemnité pour frais de procédure en cause d’appel;

– ordonner la capitalisation des intérêts;

– ordonner la remise de bulletins de salaire, d’un solde de tout compte et d’une attestation Pôle emploi rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de 8 jours du prononcé;

– débouter la société Le Morisson de ses demandes;

– condamner la société Le Morisson aux dépens.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [Y] [N] expose que :

– le 3 août 2018, il a été victime d’une agression commise par sa responsable, Madame [V]; celle-ci lui a ensuite adressé un sms : ‘Dorénavant tu ne me parles plus et tu ne me dis plus bonjour’ ; le 8 août suivant, il a décidé d’exercer son droit de retrait ; le délai entre les faits et la décision de retrait tient au fait qu’il ne savait pas comment réagir et qu’il a dû demander conseils; le délai entre la mise en oeuvre de ce droit et la notification à l’employeur s’explique par l’absence des dirigeants, un courrier adressé plus tôt aurait été réceptionné par sa responsable, auteure de l’atteinte physique; le 27 août, il a été victime d’une nouvelle agression perpétrée à son domicile par le frère de Madame [V] ; l’exercice du droit de retrait était fondé et le licenciement consécutif doit être déclaré nul ;

– il a effectué des heures supplémentaires non rémunérées ; il produit des attestations et des sms, ainsi qu’un décompte journalier de ses horaires de travail ; le travail dissimulé par minoration des heures déclarées est caractérisé ;

– l’employeur, qui n’a pas été en mesure de prévenir cette agression et n’a pas réagi ultérieurement, a manqué à son obligation de sécurité ;

– l’employeur, en refusant de lui envoyer ou de remettre à son frère son salaire et sa fiche de paie du mois d’août 2018 a exécuté de manière déloyale le contrat de travail ;

– l’employeur n’a pas respecté le délai de réflexion légal en notifiant sa décision de licencier le lundi 29 octobre alors que l’entretien préalable devait se tenir le jeudi 25 octobre;

– la demande de rappel de salaire correspond aux rémunérations non perçues en raison de l’exercice du droit de retrait jusqu’à la réception de la lettre de licenciement le 31 octobre 2018, et aux heures supplémentaires accomplies.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 mai 2022, la société Le Morisson, qui a formé appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement, excepté en ce qu’il l’a condamnée au paiement d’une indemnité pour procédure irrégulière et l’a déboutée de sa demande reconventionnelle, et statuant de nouveau, de :

– débouter Monsieur [N] de ses demandes;

– condamner Monsieur [N] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– condamner Monsieur [N] à verser au Trésor Public la somme de 10 000 euros à titre d’amende civile pour procédure abusive ;

– condamner Monsieur [N] à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Le Morisson fait valoir que :

– Monsieur [N] n’apporte aucune précision sur les circonstances de la prétendue agression; sa supérieure hiérarchique ne s’est pas montrée violente envers lui ; le sms évoqué ne démontre pas la commission de violences ; ce message n’est pas insultant ; il n’existe aucun motif raisonnable de penser que la vie ou la santé de l’intéressé étaient exposées à un danger grave et imminent ; le salarié a travaillé 3 jours avant d’exercer son droit de retrait; il n’en a pas informé immédiatement l’employeur ; l’usage de ce droit de retrait était illégitime ; les absences répétées et injustifiées du salarié ont provoqué une profonde désorganisation de l’entreprise ; cet abandon de poste caractérise une faute grave ;

– l’appelant ne prouve pas avoir effectué des heures supplémentaires ; les plannings qu’il produit laissent apparaître un volume d’heures de travail en adéquation avec les clauses contractuelles; les attestations ne sauraient suffire à établir l’accomplissement d’heures supplémentaires, le salarié étant fréquemment en retard pour prendre son poste ;

– le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’est nullement caractérisé;

– la personne qui s’est présentée pour réclamer des papiers au nom du salarié n’a pas décliné son identité et n’était pas munie d’une procuration ; les documents de fin de contrat ont été adressés par voie postale ;

– Monsieur [N] ne justifie d’aucun préjudice résultant de l’irrégularité de procédure ;

– l’appelant a exercé de façon illégitime le droit de retrait pour tenter d’obtenir une rupture conventionnelle ; il a ensuite engagée une procédure judiciaire sans présenter le moindre élément probant ; il a fait un usage abusif du droit d’agir en justice ;

– l’abandon de poste et le dénigrement de l’entreprise et de son personnel ont causé un préjudice certain à son employeur.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en rappel de salaire pour heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.

En l’espèce, Monsieur [Y] [N] verse aux débats un relevé mentionnant les heures de début et de fin alléguées de chaque de journée de travail. Il y est fait mention d’une prise de poste à 9h30 et de fins de journée de travail variant entre 15h30 et 17h30. Ce relevé est corroboré par des attestations de proches (Monsieur [T] [H], ami, Monsieur [B] [N], frère, Madame [R] [Z]) qui déclarent que Monsieur [N] quittait régulièrement son poste de travail après 15h30.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement.

Pour sa part, la société Le Morisson produit un relevé manuscrit présentant les heures de début et de fin de chaque de journée de travail de Monsieur [N]. Ce relevé, qui n’a pas été signé par le salarié, ne présente pas les garanties requises d’un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier de l’intéressé.

L’employeur communique également des attestations de Monsieur [X] [F], salarié, qui indique que le service prend fin vers 15h00 tout en précisant qu’il peut se terminer un peu plus tard en fonction de l’affluence, et de Monsieur [J] [K], salarié, qui assure avoir toujours fini aux alentours de 15h30 et ajoute que le personnel mangeait après le service.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, par réformation du jugement déféré, la cour retient que le salarié a accompli des heures supplémentaires, dans une moindre mesure cependant que celle alléguée, et condamne l’employeur à lui payer la somme de 400 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées, outre la somme de 40 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Il résulte des dispositions des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail, que le fait, pour l’employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

En l’espèce, la volonté délibérée de la société Le Morisson de dissimuler sur les bulletins de paie les heures réellement accomplies par le salarié n’est pas suffisamment caractérisée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [N] de sa demande à ce titre.

Sur la demande en rappel de salaire pour la période couverte par l’exercice d’un droit de retrait

Aux termes de l’article L.4131-1 du code du travail, le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation.

L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

L’article L.4131-3 du même code ajoute qu’aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux.

En l’espèce, il est constant que Monsieur [N] ne s’est plus présenté à son poste de travail à compter du mercredi 8 août 2018.

Il a attendu le 23 août 2018 pour adresser un courrier à son employeur pour l’informer qu’il faisait usage de son droit de retrait. Il a alors justifié sa décision en ces termes : ‘ma supérieure hiérarchique s’est montrée violente envers moi et m’a envoyé un sms 2h plus tard alors que j’avais quitté le restaurant : ‘dorénavant tu ne me parles plus et ne me dis plus bonjour’. Cette personne est une menace pour moi et tant que je devrais me retrouver à travailler avec elle, la loi m’autorise à ne plus me présenter sur mon lieu de travail’.

Il a évoqué une rupture conventionnelle et a joint à son courrier un formulaire cerfa afférent pré-rempli .

Dans ses écritures, Monsieur [N] précise que les faits ses sont déroulés le vendredi 3 août 2018 et qu’il a été victime d’une atteinte physique commise par sa responsable, Madame [I] [V].

A aucun moment, Monsieur [N] ne décrit les violences subies. Il ne verse au dossier aucun document, notamment d’ordre médical, faisant état d’atteintes à son intégrité physique. Il ne produit aucune attestation relatant les faits.

Le courrier de l’employeur du 28 août 2018 indiquant que celui-ci avait été averti ‘de vos altercations avec votre supérieure hiérarchique’, ne saurait suffire à établir la réalité de violences commises par Madame [V] à l’encontre de Monsieur [N], les disputes pouvant n’être que verbales.

Le sms retranscrit, que Monsieur [N] ne verse pas aux débats mais que Madame [V] reconnaît avoir envoyé, témoigne d’une tension entre les protagonistes mais ne fait référence à aucun événement violent. Dans l’attestation communiquée par l’intimée, Madame [V] explique avoir rédigé ce message après que le salarié a quitté son service sans prendre son repas avec l’équipe ni même dire ‘au revoir’. Celle-ci dément toute attitude violente envers Monsieur [N].

Il s’ensuit que les prétendus faits de violences commis à l’encontre de Monsieur [N] dans le cadre de son activité professionnelle ne sont nullement démontrés. L’existence d’un danger grave pour la vie ou la santé du salarié ne peut être retenue.

En outre, il n’est pas contesté et il ressort des relevés d’horaires notés par le salarié lui-même, que Monsieur [N] a travaillé les 4, 6 et 7 août, suivant les faits allégués du 3 août 2018. Il n’est rapporté aucun acte de violence, aucune altercation, aucune parole ou attitude offensantes, au cours de ces trois journées, de sorte qu’aucun danger imminent n’était caractérisé lorsque la salarié a décidé de faire usage de son droit de retrait le 8 août 2018.

Enfin, les violences qui auraient été commises le 27 août 2018 à l’encontre du colocataire de Monsieur [N] par le frère de Madame [V] et un autre individu, qui cherchaient l’appelant, telles qu’elles sont décrites dans les attestations de Madame [M], de Monsieur [C] et par la plainte déposée le 31 août 2018 par ce dernier, ne sauraient constituer un danger grave et imminent pour la vie et la santé de l’intéressé, imputable à l’employeur et susceptible de justifier l’exercice d’un droit de retrait près de 20 jours auparavant.

Il résulte de l’ensemble de ces considérations que Monsieur [N] ne disposait, le 8 août 2018, d’aucun motif raisonnable de penser qu’il était confronté dans le cadre de son activité professionnelle à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

La cour retient que Monsieur [N] a fait un usage illégitime du droit de retrait.

Dès lors, la retenue sur salaire appliquée par l’employeur pour absences injustifiées apparaît fondée. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [N] de sa demande de rappel de salaire à ce titre.

Sur le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité

Il n’est nullement établi que Monsieur [N] aurait été soumis, dans le cadre de son emploi au service de la société Le Morisson, à un risque quelconque pour sa santé ou sa sécurité.

Dès lors, aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, telle qu’elle résulte des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, n’apparaît caractérisé.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [N] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

La preuve de la faute grave incombe à l’employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 29 octobre 2018, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail, fait grief au salarié d’avoir été absent sans justificatif depuis le 8 août 2018, malgré deux lettres adressées par l’employeur les 18 septembre et 3 octobre 2018. Elle précise que cette absence durable, qualifiée d’abandon de poste, a causé un préjudice lié à la désorganisation du travail.

Cette mesure fait suite à deux mises en demeure d’avoir à reprendre son poste de travail ou à fournir des justificatifs d’absence, adressées par l’employeur au salarié par courriers datés des 18 septembre et 3 octobre 2018.

Monsieur [N], qui a fait un usage illégitime du droit de retrait, doit être considéré comme en absence injustifiée depuis le 8 août 2018. Cette absence caractérise une faute susceptible de faire l’objet d’une sanction disciplinaire.

La poursuite de cette absence injustifiée pendant plus de deux mois, malgré deux mises en demeure, le silence conservé par le salarié après le 23 août 2018 malgré les sollicitations de l’employeur, rendaient impossible la poursuite du contrat de travail.

Le licenciement pour faute grave est donc justifié.

Par confirmation du jugement déféré, Monsieur [Y] [N] doit être débouté de ses demandes d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure

Selon l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.

L’article L.1235-2 du même code dispose que, lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, mais que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

En l’espèce, l’entretien préalable auquel Monsieur [N] a été convoqué devait se tenir le jeudi 25 octobre 2018.

Conformément aux dispositions de l’article R.1231-1 du code du travail relatif à la computation des délais applicables à la rupture du contrat de travail, l’employeur ne pouvait notifier la lettre de licenciement avant le mardi 30 octobre 2018.

En notifiant la lettre de licenciement le lundi 29 octobre 2018, la société Le Morisson a donc commis une irrégularité de procédure.

Toutefois, Monsieur [N], qui a préalablement été destinataire de deux mises en demeure et qui ne s’est pas présenté à l’entretien préalable, ne justifie ni de l’existence ni de l’étendue d’un préjudice résultant de cette irrégularité.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a alloué à celui-ci la somme de 1 596 euros pour irrégularité de procédure et Monsieur [N] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Monsieur [N] fait grief à son employeur de ne pas lui avoir donné la fiche de paie pour le mois d’août 2018 et le chèque afférent.

S’il est constant que ces documents sont quérables et non portables, l’appelant justifie par les attestations de Monsieur [B] [N], son frère, et Madame [U] [A], que l’employeur a refusé de remettre ces documents à ces derniers alors qu’ils se sont présentés dans les locaux de l’entreprise le 15 septembre 2018 munis d’une procuration.

La société Le Morisson ne prouve pas par ailleurs avoir remis ces documents au salarié.

Toutefois, il ressort du bulletin de salaire du mois d’août 2018, dont Monsieur [N] ne conteste pas les mentions, qu’un acompte de 300 euros avait été versé à l’intéressé, de sorte que le solde restant à régler en fin de mois, au titre des journées travaillées jusqu’au 8 août, s’avérait négatif.

L’appelant ne justifie ni de l’existence ni de l’étendue d’un préjudice résultant de ce défaut de remise des documents sollicités.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif ainsi qu’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.

Compte tenu de la solution apportée au litige, il ne peut être retenu que l’action en justice était abusive ou totalement infondée. L’intimée ne justifie ni de l’existence ni de l’étendue d’un préjudice résultant de cette procédure.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Le Morisson de ses demandes reconventionnelles mais de l’infirmer en ce qu’il a condamné Monsieur [N] au paiement d’une indemnité de 1 000 euros pour frais de procédure et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Le Morisson à payer à Monsieur [Y] [N] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– dit le licenciement fondé sur une faute grave,

– débouté Monsieur [Y] [N] de ses demandes de dommages et intérêts pour travail dissimulé, pour manquement à l’obligation de sécurité, pour exécution déloyale du contrat de travail et pour licenciement nul, ainsi que de ses demandes de rappel de salaire pour la période allant du 8 août 2018 à la date de son licenciement, d’indemnité de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis (et d’indemnité de congés payés afférente),

– débouté la SARL Le Morisson de ses demandes reconventionnelles,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

Condamne la SARL Le Morisson à payer à Monsieur [Y] [N] la somme de 400 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre la somme de 40 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

Déboute Monsieur [N] de sa demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

Condamne la SARL Le Morisson à payer à Monsieur [Y] [N] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autre condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2018,

Dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa notification,

Déboute la SARL Le Morisson de ses demandes d’indemnité pour frais de procédure formées en première instance et en cause d’appel,

Condamne la SARL Le Morisson aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT

EMPECHE

Le Conseiller

Cindy LEPERRE Frédéric BURNIER

 


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