ARRET
N°
[L]
C/
S.A.S. VOYAGES TAQUET
copie exécutoire
le 10 novembre 2022
à
Me Wacquet
Me Delestre
CPW/MR/SF
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022
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N° RG 21/04691 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IHH5
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 08 SEPTEMBRE 2021 (référence dossier N° RG 19/00039)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [N] [L]
[Adresse 1]
[Localité 2]
concluant par Me Christophe WACQUET de la SELARL WACQUET ET ASSOCIÉS, avocat au barreau D’AMIENS
ET :
INTIMEE
S.A.S. VOYAGES TAQUET agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 5]
[Localité 3]
concluant par Me Virginie DELESTRE de la SELARL NOMOS, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l’audience publique du 22 septembre 2022, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l’arrêt sera prononcé le 10 novembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 10 novembre 2022, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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DECISION :
EXPOSE DU LITIGE
M. [L] [N], né le 1er mars 1965, a été embauché par la société Voyages Taquet (ci-après la société) à compter du 14 avril 2008 par contrat à durée déterminée suivi d’un contrat à durée indéterminée, en qualité de conducteur, statut ouvrier. Au dernier état de la relation de travail, il occupait ce même poste, au coefficient 150.
La relation de travail est régie par la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires. La société emploie un peu plus de 50 salariés.
Le 1er octobre 2014, salarié a été présenté par le syndicat CFDT pour le représenter en qualité de titulaire DUP aux élections à venir des représentants du personnel de l’entreprise.
Le 5 février 2019, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens d’une demande initiale tendant à la résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur qu’il a par la suite fait évoluer pour tenir compte de son licenciement pour inaptitude intervenu en cours d’instance.
Par avis du 18 septembre 2019, le médecin du travail a en effet déclaré le salarié définitivement inapte à son poste de travail en précisant ‘selon examen de ce jour, pas de poste de reclassement dans la structure identifié.’
Par courrier du 25 février 2020, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 5 mars 2020. Son licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement lui a été notifié par courrier du 11 mars 2020.
Par jugement du 8 septembre 2021, la juridiction prud’homale a :
fixé le salaire brut mensuel moyen de M. [L] à la somme de 1 887,86 euros ;
dit M. [L] mal fondé en sa demande de reconnaissance de harcèlement moral ;
dit le salarié mal fondé en sa demande au titre de la violation du statut protecteur par son employeur ;
dit et jugé que l’employeur a bien rempli son obligation de recherche de reclassement ;
donné acte à la SAS Voyages Taquet du paiement des sommes dues au titre des congés payés de M. [L] ;
débouté M. [L] de l’intégralité de ses demandes ;
débouté les parties de leurs demandes de condamnations respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Le salarié a interjeté appel de cette décision par la voie électronique le 23 septembre 2021, en l’ensemble de ses dispositions.
Suivant conclusions notifiées par la voie électronique le 18 octobre 2021, M. [L] demande à la cour d’infirmer la décision déférée et de :
Sur la résiliation judiciaire :
dire et juger que la société s’est livrée à des manquements graves à ses obligations légales et contractuelles qui rendent impossible la poursuite du contrat de travail du fait de l’employeur, constater qu’elle s’est également livrée à des faits de harcèlement moral qui constituent une cause de résiliation du contrat de travail et dire et constater en outre qu’en violation des dispositions des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, la société n’a pris aucune mesure de prévention des agissements de harcèlement moral commis par M. [W] ou Subsidiairement, dire et juger que ces faits constituent une violation de l’obligation de sécurité de l’employeur susceptibles d’entraîner la résiliation judiciaire et l’allocation de dommages et intérêts ;
fixer la moyenne des douze derniers mois de salaires bruts, servant au calcul de l’indemnité pour licenciement nul, à la somme de 2 443,23 euros brut ;
prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs de la société, dire que la résiliation produira les effets d’un licenciement nul, et condamner la SAS Voyages Taquet à lui payer :
35 000 euros au titre de l’indemnisation du caractère illicite du licenciement au moins égale à 6 mois de salaire ;
12 053,26 euros au titre de la méconnaissance du statut protecteur du 20 janvier au 17 juin 2019 ;
ou subsidiairement, dire qu’il a été victime d’un management brutal de la société et la condamner au paiement de 15 000 euros au titre de la violation de l’obligation de sécurité et 6 000 euros au titre du préjudice moral spécial ;
Sur le licenciement pour inaptitude :
dire et juger que le licenciement est imputable à l’employeur au regard du harcèlement, et du management brutal ;
dire que l’employeur n’a pas respecté ses obligations au titre du reclassement ;
condamner l’employeur aux indemnités au titre du licenciement nul si le harcèlement est retenu, et aux mêmes sommes au titre du licenciement abusif, et pour défaut de respect des obligations liées à l’absence de recherche de reclassement, soit :
35 000 euros au titre du caractère illicite du licenciement au moins égale à 6 mois de salaire ‘(idem au titre du manquement à l’obligation de reclassement ou non consultation du CSE)’ ;
12 053,26 euros au titre de la méconnaissance du statut protecteur du 20 janvier au 17 juin 2019 (soit 4 mois et 28 jours) ;
3 000 euros au titre du défaut d’information écrit sur l’impossibilité de reclassement ;
condamner l’employeur à lui payer 7 988,09 euros outre 798,09 euros au titre des congés payés afférents ‘(tenant compte de la réintégration de la retenue en paiement de la mutuelle dont détails ci-dessous)’ compte arrêté en mars 2020 avec intérêts à compter de la mise en demeure du 13 novembre 2019
condamner l’employeur à lui payer 2 000 euros pour résistance abusive et injustifiée ;
donner acte à la société de son paiement de la somme de 4 498,37 euros au titre du paiement des sommes dues au titre des congés payés le 9 avril 2020, et la condamner au paiement du solde de 541,02 euros avec intérêts à compter de la saisine jusqu’au 9 avril 2020 sur 4 498,37 euros et à la date du règlement pour le solde ;
le tout avec intérêts à compter de la demande capitalisés après une année entière.
Il demande en outre à la cour en tout état de cause de condamner l’employeur à lui régler une somme de 4 000 euros au visa des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d’appel ainsi qu’aux dépens.
Suivant conclusions notifiées par la voie électronique le 14 janvier 2022, la SAS Voyages Taquet, demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de M. [L] à verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et statuant de nouveau, de :
fixer le salaire brut mensuel moyen de M. [L] à la somme de 1 887,86 euros ;
juger la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] aux torts de la société infondée ;
juger le licenciement notifié à l’encontre de M. [L] fondé ;
débouter M. [L] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Elle demande à la cour, en tout état de cause, de :
lui donner acte qu’elle a d’ores et déjà réglé les sommes réclamées par l’appelant au titre de ses congés payés ;
condamner M. [L] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner le salarié aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualité de salarié protégé
Le conseil de prud’hommes n’a pas retenu que M. [L] bénéficiait d’un statut protecteur au jour de sa saisine.
A hauteur de cour, M. [L] fait valoir en substance qu’il a été désigné ‘délégué syndical titulaire’ par la CFDT le 1er octobre 2014, que son mandat s’est achevé le 17 décembre 2018 et que la protection liée à ce mandat s’est achevée au 17 juin 2019 et donc postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes. Il souligne qu’il est indifférent que la protection ait cessé en cours d’instance.
La société Voyages Taquet réplique en substance que M. [L] a été désigné le 1er octobre 2014 uniquement candidat aux élections DUP sur la liste du syndicat CFDT et a exercé un mandat de délégué syndical de janvier à décembre 2015, date à laquelle son syndicat a révoqué le mandat. Elle souligne que le salarié n’a d’ailleurs pas été présenté comme candidat aux élections professionnelles suivantes ayant eu lieu en décembre 2018.
Or, il appartient au salarié qui se prévaut d’un statut protecteur d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, s’il résulte du courrier du 1er octobre 2014 adressé à l’employeur par la CFDT que le syndicat a proposé la candidature de M. [L] en qualité de titulaire aux élections DUP, aucune des parties ne communique le résultat de ces élections professionnelles permettant de vérifier la réalité d’une élection de l’intéressé et donc de la protection alléguée au-delà de la protection de 6 mois conférée au salarié candidat. M. [L], qui ne produit pas le moindre élément complémentaire malgré la motivation très claire de la juridiction prud’homale soulignant l’absence de preuve à ce titre, ne saurait donc sérieusement soutenir qu’il bénéficiait encore, en février 2019, d’une protection au titre de cette candidature ou d’un mandat électif.
M. [L] soutient néanmoins, même s’il le fait de façon confuse, avoir acquis entre-temps un mandat représentatif de délégué syndical, et se prévaut de ce fait d’un statut protecteur encore en cours au moment de la saisine du conseil de prud’hommes du fait de ce mandat. Or, s’il ne communique pas le moindre élément à ce titre, il reste que la société Voyages Taquet reconnaît expressément dans ses conclusions qu’il a effectivement été désigné délégué syndical par le syndicat CFDT à compter de janvier 2015. Il s’en déduit que l’employeur a eu connaissance de cette désignation de façon certaine. Pour autant, en vertu de l’article L.2143-11 du code du travail, le mandat de délégué syndical prend fin au plus tard lors du premier tour des élections de l’institution représentative du personnel renouvelant l’institution dont l’élection avait permis de reconnaître la représentativité de l’organisation syndicale l’ayant désigné, mais peut aussi prendre fin notamment lorsque l’organisation syndicale qui l’a désigné révoque le mandat ou décide de son remplacement, peu important, dans les rapports entre le syndicat et le salarié, la régularité de la révocation intervenue.
En l’espèce, la société Voyages Taquet précise que les élections professionnelles ayant suivi la désignation de M. [L] en qualité de délégué syndical sont intervenues en janvier 2019, mais que le mandat du salarié avait déjà été révoqué de façon anticipée en décembre 2015. Elle produit pour en justifier le compte rendu de réunion extraordinaire du 12 février 2019 signé notamment par M. [H], le ‘nouveau délégué syndical CFDT’, dont il ressort qu’il y confirme que M. [L] ne payait ‘plus ses cotisations depuis décembre 2015 et ne serait donc plus délégué syndical mandaté pour réaliser les NAO depuis et qu’il n’avait jamais aucune doléance. Le syndicat confirme qu’il n’était plus délégué syndical mandaté’. Malgré ces éléments émanant directement du délégué syndical de la CFDT, M. [L] ne rapporte pas le moindre document contraire, notamment émanant de son syndicat.
En conséquence, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. [L] ait été élu aux élections professionnelles ayant suivi sa candidature déclarée le 1er octobre 2014, ni que son mandat de délégué syndical se soit poursuivi au-delà de décembre 2015, alors que la protection revendiquée au moment de la saisine de la juridiction prud’homale en février 2019 ne peut être retenue qu’au bénéfice du salarié encore légalement ou conventionnellement investi des mandats en 2018.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a dit que M. [L] ne peut se prévaloir d’un statut protecteur.
Sur la rupture du contrat de travail
Le conseil de prud’hommes n’a pas retenu l’existence d’un harcèlement moral ni les autres manquements allégués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire qui a ainsi été rejetée.
A hauteur de cour, M. [L] soutient en substance avoir été victime de harcèlement moral depuis le changement de direction jusqu’à son arrêt de travail en février 2018, et que son état de santé dégradé ne lui a d’ailleurs pas permis de reprendre le travail depuis lors. Il estime que le manquement de l’employeur lié à ce harcèlement justifie sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, qui est en outre justifiée par divers autres manquements cumulés de l’employeur qui n’a notamment pas procédé à la déclaration d’accident du travail à la suite de son agression verbale du 16 février 2018. Subsidiairement, il souligne le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat du fait de la dépression causée par le management brutal dont il a fait l’objet le 16 février 2018.
La société Voyages Taquet conteste l’ensemble des griefs du salarié et en particulier le harcèlement moral dont elle est accusée. Elle soutient en substance rapporter la preuve contraire et que la résiliation judiciaire n’est aucunement justifiée tant sur le fondement du harcèlement moral, que du fait d’un manquement à son obligation de sécurité qui n’est aucunement prouvé. Elle souligne avoir fait preuve de mansuétude à l’égard de M. [L] déjà sanctionné plusieurs fois par le passé et qui avait encore été convoqué dans le cadre disciplinaire le 16 février 2018, soulignant encore qu’elle lui avait fait bénéficier de faveurs à sa demande, notamment en lui accordant le prêt d’un véhicule ou encore une avance sur salaire. Elle souligne qu’en tout état de cause le salarié ne verse aux débats aucun élément expliquant le préjudice dont il se prévaut et doit être débouté de ses demandes indemnitaires formées à titre principal comme subsidiaire.
Or, il résulte des dispositions des articles 1224 et 1228 du code civil qu’un contrat de travail peut être résilié aux torts de l’employeur en cas de manquement suffisamment grave de sa part à ses obligations contractuelles. Si les manquements de l’employeur invoqués par le salarié sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, le juge prononce la rupture de celui-ci au jour de la décision, sauf si le contrat a déjà été interrompu. Lorsque le salarié est licencié postérieurement à sa demande de résiliation, cette dernière, si elle est accueillie, doit produire ses effets à la date du licenciement.
Cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou nul pour les salariés bénéficiant du statut protecteur lié à leur mandat électif ou représentatif ou les salariés victimes de harcèlement.
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié soumet au juge des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, M. [L] a été licencié pour inaptitude et absence de possibilité de reclassement le 11 mars 2020, alors qu’il avait formulé une demande de résiliation judiciaire le 5 février 2019.
Il fonde notamment sa demande de résiliation judiciaire sur le harcèlement moral subi depuis le changement de direction jusqu’au début de son arrêt maladie du 16 février 2018, à l’origine d’une dégradation de son état de santé.
Il est établi que la société Voyages Taquet s’est dotée d’un nouveau directeur, M. [W] au mois de décembre 2016. M. [L] soutient notamment qu’il a subi des brimades, des réflexions, des invectives de la part du nouveau directeur particulièrement hostile à son égard, qui lui a notamment dit ‘occupe toi de tes fesses’, sans toutefois contextualiser cet unique exemple précis allégué ni produire le moindre élément à l’appui de ses affirmations. De la même manière, il affirme de manière imprécise et sans aucun élément à l’appui qu’alors que les cars des autres chauffeurs ont été changés, le nouveau bus devant lui être attribué l’a été à un autre chauffeur.
En revanche, il reste les éléments suivants allégués et étayés par M. [L] :
– il a été cantonné à du transport scolaire alors qu’il effectuait auparavant des transports internationaux ; il produit à ce titre ses bulletins de paie de 2016, 2017, et 2018 dont il ressort que le dernier voyage de tourisme à l’international a été effectué par M. [L] en mai 2017 et qu’il a alors subi une baisse de sa rémunération du fait de ce changement de situation ;
– M. [W] l’affectait à des tâches de nettoyage de cars et non seulement de son propre car, selon une fréquence élevée ; il produit à ce titre ses feuilles de route des 26 décembre 2017, 2, 9, 10, 11, 12 janvier 2018, dont il ressort qu’il était affecté sur ces deux mois à plusieurs reprises des matinées entières à du nettoyage, notamment 4 matinées la semaine du 7 janvier 2018 ;
– il n’a soudainement plus disposé d’une clé du local syndical et ne disposait pas d’un bureau, même partagé, alors que les autres délégués syndicaux disposaient d’une clé du local syndical, ce qui n’est pas contesté par l’employeur.
Il étaye aussi ses allégations quant à une agression verbale du 16 février 2018 par le directeur, à l’origine de son arrêt de travail pour accident du travail qui a immédiatement suivi Il produit à ce titre le certificat médical initial du 16 février 2018 des urgences du centre hospitalier d'[Localité 4] mentionnant que le salarié a relaté avoir été agressé verbalement par son employeur et a subi un choc psychologique, avec la précision qu’il n’avait auparavant pas connu d’épisode dépressif, un certificat médical daté du lendemain de son médecin traitant, plus détaillé, dont il ressort qu’il présente un syndrome dépressif majeur avec choc psychologique, pleurs, idées noires justifiant une ITT de 10 jours sauf complication, le certificat médical initial d’accident du travail du 16 février 2018 du Pôle urgences du CHU d'[Localité 4], et les certificats médicaux de prolongation d’accident du travail dont celui du 19 février 2018 mentionnant clairement un syndrome dépressif réactionnel, outre une ordonnance du 17 février 2018 pour des antidépresseurs.
Il justifie également :
– d’une décision du 25 octobre 2018 de reconnaissance par la Caisse d’assurance maladie de l’incident survenu le 16 février 2018 comme étant un accident du travail, étant souligné que constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle, et qu’ainsi peuvent bénéficier de la prise en charge spécifique aux accidents du travail, les personnes victimes d’agression ou ayant subi un choc émotionnel au temps et au lieu du travail et qui développent à la suite des faits, des pathologies dues au stress post traumatique ;
– de l’avis d’inaptitude du médecin du travail qui fait suite à l’arrêt de travail prolongé consécutif à l’incident du 16 février 2018.
Ce faisant, la combinaison des documents médicaux, de l’avis d’inaptitude et de la décision de la Caisse d’assurance maladie démontrent que l’altération de l’état de santé du salarié du fait du syndrome réactionnel dépressif révélé le 16 février 2018 et qui s’est prolongé jusqu’à la déclaration d’inaptitude en septembre 2019, se trouve en lien de causalité directe avec les conditions de travail.
Il résulte ainsi des éléments restants retenus, pris dans leur ensemble, que le salarié établit la matérialité de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Il appartient dès lors à la société Voyages Taquet de démontrer qu’ils étaient justifiés par des éléments objectifs.
La société Voyages Taquet répond de façon pertinente :
– s’agissant du changement d’affectation de M. [L], qu’il n’a pas été cantonné à du transport scolaire puisqu’il a effectué en 2017 des transports ‘grand tourisme’ dans des proportions au moins aussi importantes que celle des autres chauffeurs, ce dont il résulte du tableau produit reprenant de façon détaillée, par chauffeur, la répartition des séjours en fonction du carnet de commande, M. [L] se trouvant parmi les chauffeurs comptabilisant le plus de séjours à l’étranger en 2017, et même en seconde position avec 5 voyages contre 6 voyages pour le premier et 4 voyages pour deux suivants, jusque 0 pour l’un des chauffeurs ; la preuve contraire est ainsi suffisamment rapportée par l’employeur ;
– s’agissant de la reprise d’une clé du local syndical, que cela était dû au comportement du salarié qui avait bénéficié de clés du local jusqu’à deux événements qui ont conduit les syndicats à changer les serrures et à ne pas lui donner un double des clés, dès lors qu’il avait laissé à plusieurs reprises le local ouvert et que des fonds avaient disparu, ce qui ressort très précisément des déclarations du délégué syndical CGT M. [O] et de l’élue CSE titulaire Mme [X] figurant dans le compte rendu de la réunion exceptionnelle du 12 février 2019 produit ; M. [L] ne communique quant à lui pas le moindre élément de nature à conduire la cour à douter de l’objectivité de ces déclarations, étant rappelé qu’en matière prud’homale la preuve est libre et que l’employeur n’avait donc pas l’obligation de solliciter de la part de ces salariés la confirmation de leurs propos dans une attestation ; par ailleurs, s’agissant d’un bureau en sa qualité de représentant d’un syndicat, la cour ne peut que constater que M. [L] n’a exercé un mandat de délégué syndical que jusqu’en décembre 2015 alors que le harcèlement résulte d’après les explications mêmes du salarié, de l’arrivée du nouveau directeur courant 2016.
En conséquence, pour ces faits, l’employeur rapporte la preuve contraire établissant l’absence d’agissements fautifs de sa part.
En revanche, s’agissant du grief lié à l’affectation anormale à des tâches de nettoyage de cars et non seulement de son propre car notamment à compter de décembre 2017, selon une fréquence élevée, l’employeur ne rapporte aucunement la preuve de la normalité de la fréquence à laquelle le salarié a été effectivement affecté au nettoyage de car dès lors qu’il se contente de produire les plannings des conducteurs de ses salariés de janvier 2016 à fin janvier 2017 et de janvier 2018, s’abstenant de verser aux débats les plannings du reste de l’année 2017 et en particulier du mois de décembre spécifiquement évoqué par le salarié. Par ailleurs, si la société Voyages Taquet produit les plannings des conducteurs dont il ressort que certains étaient comme M. [L] affectés à du nettoyage en janvier 2018, il n’en reste pas moins que cette unique pièce peu lisible apparaît, s’agissant de la situation de M. [L], en contradiction avec les feuilles de route émanant de la société elle-même produites par le salarié et dans lesquelles sont précisément détaillés les horaires consacrés par l’intéressé au nettoyage pour la semaine du 8 janvier 2018, sans que les différences soient expliquées. Même à retenir cette pièce comme étant néanmoins suffisamment pertinente, il demeure néanmoins que les heures précises consacrées au nettoyage par ces autres salariés concernés n’y sont pas détaillées, ce qui empêche toute comparaison, étant en outre signalé qu’il n’est en tout état de cause pas établi que ces salariés étaient placés dans la même situation salariale que l’intéressé, et qu’il n’est encore produit aucun document de nature à démontrer la normalité de l’obligation imposée quant à l’amplitude cumulée imposée en décembre 2017 et janvier 2018 et donc des conditions de travail ainsi imposée de façon répétée à M. [L]. La société Voyages Taquet échoue ainsi à rapporter la preuve nécessaire d’un élément objectif de nature à justifier ses agissements.
En ce qui concerne l’altercation du 16 février 2018, la société Voyages Taquet conteste toute agression verbale par M. [W], et soutient que c’est au contraire M. [L] qui, ayant mal vécu un entretien disciplinaire auquel il avait été régulièrement convoqué à la suite d’erreurs commises pendant son travail, s’est emporté avant quelque temps plus tard, étant resté dans les locaux de l’entreprise, d’indiquer se sentir mal, ce qui a conduit l’un des salariés présents à appeler les pompiers.
Or, malgré les pièces médicales circonstanciées directement postérieures aux faits produites par le salarié (tant dans le certificat médical des urgences ayant immédiatement fait suite à l’incident que dans le certificat médical du médecin traitant rédigé le lendemain), qui lient incontestablement son état de santé à ses conditions de travail, relayant certes ses déclarations quant à une agression de la part de son employeur mais en y associant des constatations médicales d’un syndrome dépressif réactionnel, et la reconnaissance des faits comme étant un accident du travail par la Caisse d’assurance maladie en octobre 2018, la cour observe que l’employeur se contente de produire une simple attestation de M. [W] qui est pourtant impliqué dans l’accident du travail, dans laquelle il émet des ‘réserves’ quant à la véracité des faits avancés par M. [L] et que l’on suppose destinée à la Caisse d’assurance maladie. De plus, rien ne prouve l’envoi de ce document inopérant qui est au demeurant antérieur à la décision de reconnaissance d’un accident du travail qui n’a pas fait l’objet d’un recours.
L’absence de tout témoignage quant aux circonstances de l’accident du travail ainsi survenu est d’autant plus surprenante que dans l’attestation du directeur impliqué, il est clairement précisé que l’entretien avec M. [L] ‘avait eu lieu au sein même de l’entreprise, avec moi-même et la responsable d’exploitation (son supérieur direct) et en présence de mon assistante’, la responsable d’exploitation étant par ailleurs, selon M. [W], la personne à l’origine de l’appel aux pompiers.
De même, il sera noté l’absence de preuve de la délivrance au salarié d’une convocation à un entretien à caractère disciplinaire, comme l’absence de preuve des manquements devant lui être reprochés. M. [W] évoque d’ailleurs dans son attestation des erreurs commises pendant le service sans toutefois les préciser, ce que l’employeur ne précise pas non plus dans ses conclusions. Même à considérer qu’il s’agissait là malgré tout d’un entretien disciplinaire comme l’allègue ainsi la société Voyages Taquet sans preuve, il convient alors de retenir qu’il n’est pas démontré que cet entretien disciplinaire sans envoi d’une convocation régulière était justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. L’argumentation de l’employeur est ainsi inopérante.
En conséquence, au regard de l’ensemble de ces éléments, aucun harcèlement ne saurait être retenu avant décembre 2017 mais la société ne satisfait pas à la charge de la preuve qui lui incombe s’agissant de la situation postérieure au 1er décembre 2017, de sorte que les agissements dont a été victime le salarié sont bien constitutifs de harcèlement moral à compter de cette date. Il est sur ce point indifférent qu’il ait bénéficié de faveurs de la part du nouveau directeur à son arrivée dans l’entreprise, dès lors que le comportement inadapté est postérieur.
Alors qu’il est parfaitement établi que le syndrome dépressif réactionnel dont a souffert plusieurs années le salarié est en effet en lien de causalité directe avec le comportement de son employeur le 16 février 2018, il apparaît que la société Voyages Taquet ne justifie pas avoir mis en oeuvre les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail. La cour d’appel a constate l’absence de preuve de mesures destinées à prévenir ce type de management brutal dans l’entreprise, ou encore le syndrome dépressif réactionnel aux conditions de travail qui s’est prolongé jusqu’à la déclaration d’inaptitude. La société ne prouve pas même avoir contacté la médecine du travail pour établir le diagnostic des risques psychosociaux à la suite de l’arrêt de travail du salarié pourtant emmené par les pompiers aux urgences et immédiatement placé en arrêt de travail. L’employeur ne justifie pas non plus avoir pris de mesure de soutien ou d’organisation interne afin de permettre au salarié de retrouver le cas échéant de nouvelles conditions de travail.
Surabondamment, il s’ajoute encore que l’employeur ne justifie pas avoir déclaré l’accident du travail malgré l’avis d’arrêt de travail pour accident du travail du 16 février 2018, ce qui ne saurait se justifier par une incertitude quant à la qualification de l’accident survenu à l’occasion de l’exécution du contrat de travail dans les locaux de l’entreprise et que le salarié justifie d’un arrêt de travail daté du jour pour accident du travail.
Sans qu’il soit utile de suivre les parties dans leur argumentation, ces manquements de l’employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Il convient donc d’infirmer le jugement déféré et de prononcer la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.
La résiliation produisant les effets d’un licenciement nul du fait du harcèlement moral retenu, M. [L] est fondé à obtenir le paiement, compte tenu de son ancienneté (un peu plus de 12 ans), de son âge au moment de la rupture (pour être né le 1er mars 1965), de sa rémunération mensuelle de référence (1 887,86 euros) et de l’absence d’éléments justifié sur sa situation postérieure à la rupture, d’une somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à un peu plus de 6 mois de salaire.
Le jugement sera donc infirmé.
Sur le préjudice moral complémentaire
Le conseil de prud’hommes a rejeté la demande indemnitaire de M. [L].
A hauteur de cour, le salarié sollicite la condamnation de la société Voyages Taquet à lui payer 6 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du ‘préjudice spécial qu’il a subi’, pour ‘préjudice moral spécifique’. La société Voyages Taquet s’oppose à la demande en soulignant que le salarié ne donne aucune explication sur le principe et sur le quantum de sa demande, alors que la notion de préjudice automatique n’existe pas.
Or, sans qu’il soit besoin d’examiner le fait générateur de responsabilité, il résulte de l’examen des moyens débattus que l’appelant n’articule dans ses conclusions aucun moyen permettant de caractériser le manquement fondant sa demande, comme le préjudice distinct allégué tant dans son principe, qu’en son quantum. Dans ces conditions, le moyen de ce chef est rejeté. Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de rappel de salaire
Le conseil de prud’hommes a rejeté la demande du salarié d’un rappel de salaire sur la période du 18 septembre 2019 au 11 mars 2020 en soulignant qu’il résulte de ses bulletins de salaire qu’il a été rempli de ses droits.
A hauteur de cour, M. [L] soutient qu’il n’a pas été licencié dans le délai d’un mois suivant l’avis d’inaptitude et que l’employeur n’a pas pour autant procédé à la reprise du paiement du salaire, qui a été payé uniquement à la suite d’une mise en demeure lui a été adressée le 13 novembre 2019 mais en déduisant anormalement notamment les indemnités journalières et les cotisations de mutuelle.
La société Voyages Taquet s’oppose à la demande en soulignant qu’elle a à bon droit déduit les indemnités journalières perçues de la rémunération versée en décembre 2019, comme la cotisation mutuelle dès lors que son contrat de travail a té suspendu sur une longue durée. Par ailleurs, elle souligne avoir dû procéder à une retenue sur salaire réclamée par les services fiscaux pour un montant de 191,49 euros par mois.
Or, il résulte des dispositions de l’article L.1226-4 du code du travail, que si le salarié n’est pas reclassé dans l’entreprise à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail ou s’il n’est pas licencié, l’employeur est tenu de verser à l’intéressé, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Cette obligation s’impose, quelle que soit l’origine de l’inaptitude, que celle-ci soit temporaire ou définitive et même si le salarié est déclaré inapte à tout emploi dans l’entreprise. Le versement du salaire doit être repris même si la procédure de licenciement est en cours à cette date, si le salarié a refusé un poste de reclassement ou s’il a retrouvé un nouvel emploi à temps plein. Le salaire est dû jusqu’à la présentation de la lettre de licenciement.
Le salaire, qui correspond à l’emploi occupé avant la suspension du contrat de travail, est versé tant que le salarié n’est ni reclassé ni licencié. Il doit comprendre l’ensemble des éléments de rémunération, y compris la partie variable et, le cas échéant, le 13e mois ou les heures supplémentaires, mais pas les remboursements de frais. Ne sauraient notamment être déduites les prestations de sécurité sociale et de prévoyance versées à l’intéressé ou le montant du salaire qu’il a perçu au titre d’un nouvel emploi. L’employeur ne peut pas s’exonérer de son obligation en versant au salarié une indemnité de congés payés, ni le contraindre à prendre des vacances. Le salaire versé ouvre droit à une indemnité de congés payés et, le cas échéant, à une prime de vacances. L’employeur ne peut opérer aucune réduction sur les sommes dues.
En l’espèce, à l’examen des bulletins de paie des trois derniers mois avant la suspension du contrat de travail, il apparaît que le conseil de prud’hommes a exactement fixé à 1 887,86 euros bruts par mois le salaire de référence. Les heures supplémentaires antérieures aux trois derniers mois avant la suspension du contrat de travail ne sauraient être retenues pour augmenter ce montant. En parallèle, aucune réduction ne peut être opérée sur la somme tant au titre des indemnités journalières qu’au titre de cotisations pour la mutuelle, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l’employeur doit verser au salarié, exception faite à l’évidence d’une saisie sur salaire à la demande des services fiscaux, intervenue postérieurement à la suspension du contrat de travail, et qui ne saurait être mise à la charge de l’employeur.
Il ressort des bulletins de paie produits que, déduction faite de cette seule saisie pour un montant de 191,49 euros par mois, le salarié aurait dû percevoir un total de 9 691,03 euros du 18 septembre 2019 au 11 mars 2020. Dès lors qu’il a perçu sur la période un total de 7 790,94 euros, il lui reste donc dû la somme de 1 900,09 euros.
La décision déférée sera infirmée, et l’employeur sera donc condamné à payer à M. [L] cette somme outre les congés payés afférents.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Le conseil de prud’hommes, qui a rejeté la demande de rappel de salaire, a également rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
A hauteur de cour, le salarié maintient sa demande de dommages-intérêts en faisant valoir que l’employeur n’a pas respecté ses obligations sur la reprise du salaire alors qu’il s’agit d’une entreprise importante disposant d’un service de ressources humaines structuré qui ne peut ignorer les dispositions légales, une mise en demeure et un courrier officiel à son conseil. L’employeur, qui soutient qu’aucun rappel de salaire n’est dû, s’oppose à la demande.
Or, M. [L] ne justifie ni d’un abus par la société Voyages Taquet ni d’un préjudice distinct de celui qui résulte du simple retard dans le paiement déjà indemnisé par les intérêts moratoires. Il doit être débouté de sa demande à titre de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera de ce chef confirmé.
la demande de rappel de congés payés
Le conseil de prud’hommes a donné acte à la société Voyages Taquet du paiement des sommes dues au titre de l’indemnité de congés payés de M. [L], sur la base d’un salaire moyen de 1 887,86 euros, rejetant la demande de paiement d’un solde restant dû de 541,01 euros.
A hauteur de cour, le salarié maintient qu’il reste dû la somme de 541,02 euros en se fondant sur un salaire moyen de 2 525 euros, estimant que les congés n’ont donc pas été payés intégralement par la société Voyages Taquet. L’employeur s’oppose à la demande.
Or, sur la base du salaire moyen exactement retenu par le premier juge de 1 887,86 euros, il apparaît que le salarié a été rempli de ses droits et ne peut donc solliciter de solde restant dû. La demande sera, par voie de confirmation, rejetée.
Sur les intérêts
Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du même code et de faire application de celles de l’article 1343-2.
les autres demandes
La société Voyages Taquet, qui succombe au principal, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Elle sera condamnée à payer à M. [L] une somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles pour l’ensemble de la procédure. Le jugement déféré sera infirmé de ces chefs.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation judiciaire et les demandes financières subséquentes, en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire dans le cadre de la reprise du paiement du salaire, en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés et ajoutant,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ;
Dit que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul ;
Condamne la société Voyages Taquet à payer à M. [L] les sommes suivantes :
– 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
– 1 900,09 euros à titre de rappel de salaires outre 190 euros au titre des congés payés afférents ;
Dit que la condamnation aux dommages et intérêts pour licenciement nul portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, et dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1 343-2 du code civil ;
Déboute la société Voyages Taquet de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel ;
Condamne la société Voyages Taquet à payer à M. [L] la somme de 2 500 euros pour frais de procédure ;
Condamne la société Voyages Taquet aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.