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ARRET
N°
[J]
C/
S.A.R.L. KEOLIS OISE SENLIS
copie exécutoire
le 16 mai 2023
à
Me Marras
Me Blanc de la Naulte
CB/MR/IL
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 16 MAI 2023
*************************************************************
N° RG 22/00712 – N° Portalis DBV4-V-B7G-ILFI
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 31 JANVIER 2022 (référence dossier N° RG F21/00001)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [T] [J]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté, concluant et plaidant par Me Giuseppina MARRAS de la SCP DELARUE VARELA MARRAS, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me François-Julien SCHULLER, avocat au barreau D’AMIENS
ET :
INTIMEE
S.A.R.L. KEOLIS OISE SENLIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée, concluant et plaidant par Me Arnaud BLANC DE LA NAULTE de l’AARPI NMCG AARPI, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Roman GUICHARD, avocat au barreau de PARIS
Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau D’AMIENS avocat postulant
DEBATS :
A l’audience publique du 16 mars 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Madame Corinne BOULOGNE indique que l’arrêt sera prononcé le 16 mai 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 16 mai 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
M. [J] a été embauché par contrat à durée déterminée le 20 mai 2010 par la SARL Keolis ci-après dénommée la société ou l’employeur, en qualité de conducteur receveur.
La relation contractuelle s’est poursuivie selon un contrat à durée indéterminé qui a été conclu le 4 juillet 2010 à effet au 10 juillet 2010.
Son contrat est régi par la convention collective des transports routiers et des activités auxiliaires.
La société emploie plus de 10 salariés.
M. [J] s’est vu infliger par l’employeur un avertissement le 28 octobre 2019 pour n’avoir pas respecté l’échéancier mis en place en juillet 2019 pour apurer le retard dans la restitution des fonds nés de la collecte des sommes versées par les clients pour le paiement des tickets.
Le 9 décembre 2019, la société a infligé à M. [J] une mise à pied disciplinaire d’un jour fixé au 2 janvier 2020 pour le même motif que le précédent avertissement.
Une autre mise à pied disciplinaire de 4 jours a été infligée le 23 juillet 2020 pour ne pas avoir respecter l’échéancier et resté redevable de sommes.
Convoqué encore une fois pour le 4 septembre 2020, M. [J] remettait à l’employeur deux chèques de 250 euros et un autre de 823,90 euros pour apurer le passif.
Convoqué à un entretien préalable fixé au 13 octobre 2020, M. [J] a été licencié pour faute grave le 16 octobre 2020 dans les termes suivants :
Par courrier du 05 octobre 2020, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement qui s’est déroulé le 13 octobre dernier et auquel vous vous êtes présenté assisté de Monsieur [G] [M] représentant du personnel.
Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous ont conduits à engager cette procédure et avons pu recueillir vos explications.
Sur la période du 16/09/2020 au 05/10/2020, vous avez encaissé 173 euros de recette et vous n’avez pas procédé à la restitution de ces recettes perçues auprès de l’entreprise. Comme exposé à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois, nous vous rappelons qu’en votre qualité de conducteur receveur, vous deviez respecter notre règlement intérieur qui prévoit notamment en son article 25 les dispositions suivantes: « Exécution du service: … Les conducteurs doivent: garantir l’encaissement des recettes: tout nouveau « conducteur-receveur» salarié reçoit un fond de caisse d’un montant de 30 euros. So fonction consiste en la perception et l’encaissement de la vente directe des tickets. La remise des recettes perçues dans le cadre de son activité doit être effectuée de façon régulière à la caisse. Audelà d’un encours de 150 euros ou d’un non rendu de recettes de plus de 5 jours travaillés, le salarié s’expose à des sanctions disciplinaires … »
Malheureusement, force est de constater que ce manquement de votre part est le reflet d’un manque de rigueur probant dans la gestion des recettes que vous percevez. De plus, cela n’est pas sans conséquence sur la situation économique de l’entreprise, mais également sur l’image de rigueur que nous nous devons d’apporter à nos clients.
De surcroît, nous vous rappelons que vous avez déjà été reçu pour des faits similaires, à savoir:
– le 03 juillet 2019, vous avez été reçu lors d’un entretien préalable à sanction au cours duquel nous vous avons reproché d’avoir un retard de rendu recette d’un montant total de 2089.50 euros. C’est dans ces conditions que nous avons mis en place un échéancier de paiement vous permettant ainsi de solder votre dette progressivement. Cet échéancier prévoyait donc un versement mensuel d’un montant de 139,30 euros (à compter de septembre 2019 jusqu’en novembre 2020. Malheureusement, vous n’avez pas respecté cet engagement.
– le 29 novembre 2019, nous vous avons reçu une nouvelle fois afin de vous exposer le fait que vous ne respectiez pas l’échéancier fixé en date du 03 juillet 2019 et que, à cette même date, vous deviez toujours à l’entreprise la somme de 1985,50 euros.
– le 15 juillet 2020, nous vous avons reçu une nouvelle fois, lors de cet entretien, nous avons fait le constat qu’en plus de l’échéancier non respecté, vous n’aviez pas restitué vos recettes encaissées sur la période du 16/12/2019 au 17/07/2020 d’un montant total de 896,30 euros. Ainsi, ce même jour, nous vous mettions en demeure de nous restituer l’intégralité des sommes que vous deviez à l’entreprise, soit 1573,80 euros (et ce avant le 31 août 2020.
– le 04 septembre 2020 et puisque vous n’aviez pas restitué à l’entreprise la somme que vous deviez, nous vous avons convoqué une autre fois afin de trouver une solution en urgence avant que nous entamions une démarche plus lourde de conséquences. Vous nous avez alors remis quatre chèques correspondant aux recettes que vous aviez perçues et non restituées à l’entreprise. A l’issu de cet entretien, nous vous avons rappelé que vous deviez suivre et respecter scrupuleusement les consignes de l’entreprise relatives à la gestion des recettes perçues dans le cadre de vos fonctions de conducteur-receveur. Nous vous avions également précisé, qu’au vu des éléments passés, nous ne tolérerions à l’avenir aucun retard de votre part.
Malheureusement, et comme exposé au préalable, nous déplorons que, malgré l’écoute et la bienveillance avec laquelle nous avons agi afin de gérer au mieux cette situation, vous continuez sciemment à restituer vos recettes avec du retard. Comme exposé lors de l’entretien, nous ne pouvons pas continuer à vous convoquer dès que vous avez un retard de recettes.
II est parfaitement inadmissible que vous ne respectiez pas ces règles élémentaires qui prévalent au sein de notre entreprise. En agissant ainsi, vous vous placez délibérément en infraction avec vos obligations contractuelles et enfreignez les règles les plus élémentaires de votre poste de travail.
De plus, vos agissements, sont contraires à la poursuivre d’une relation de travail basée sur la confiance et la loyauté. Ces faits n’étant pas sans conséquence financière pour l’entreprise et étant préjudiciables à l’image de rigueur et de qualité que nous nous devons d’avoir envers notre clientèle, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.
Cette mesure prend effet à compter de la date d’envoi du présent courrier. «
Contestant la légitimité du licenciement et sollicitant l’annulation des sanctions disciplinaires, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes d’Abbeville par requête du 5 janvier 2021.
Par jugement du 31 janvier 2022 le conseil de prud’hommes a :
– Débouté M. [J] de l’ensemble des demandes, fins et conclusions
– Condamné M. [J] à restituer la somme de 822,80 euros restant dû à ce jour à la Société Keolis Oise Senlis
– Condamné M. [J] à payer à la Société Keolis Oise Senlis la somme de 50 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Débouté la Société Keolis Oise Senlis du surplus de ses demandes reconventionnelles
– Condamné M. [J] aux entiers dépens.
Ce jugement a été notifié à M. [J] qui en a relevé appel le 16 février 2022.
La société a constitué avocat le 1er mars 2022.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 12 mai 2022, M. [J] prie la cour de :
– Déclarer son appel du salarié bien fondé et y faisant droit,
Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Compiègne le 31 janvier 2022 en ce qu’il a :
* débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes,
* condamné le salarié à verser à l’employeur la somme de 822,40 euros,
* condamné le salarié verse à l’employeur la somme de 50 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné le salarié aux entiers dépens,
Et statuant à nouveau,
– Annuler l’avertissement et les mises à pied prononcés par l’employeur 28 octobre 2019, le 9 décembre 2019 et le 23 juillet 2020,
– En conséquence de cette annulation condamner l’employeur à lui verser la somme de 3000 € au titre de ses sanctions de manière injustifiée,
– Constater l’absence de faute grave imputable au salarié,
En conséquence:
– requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse;
– condamner l’employeur au paiement des sommes suivantes:
* Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25 000 euros
net,
* indemnité compensatrice de préavis: 5000 euros,
* congés payés sur préavis: 500 euros,
* indemnité de licenciement: 6525 euros,
* article 700 du code de Procédure civile: 2000 euros.
Ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte), le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du 8ème jour du prononcé de la décision, la juridiction prud’homale se réservant la faculté de liquider l’astreinte,
Dire et juger que les sommes allouées par la juridiction porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale, ‘
‘ Condamner l’employeur aux entiers dépens, en ce compris les frais liés à l’exécution de la présente décision.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 20 juillet 2022, la société Keolis prie la cour de :
– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Compiègne, le 31 janvier 2022 en ce qu’il a :
– Débouté M. [J] de l’ensemble des demandes, fins et conclusions
– Condamné M. [J] à restituer la somme de 822,80 euros restant dûe à ce jour à la Société Keolis Oise Senlis
– Condamné M. [J] à payer à la Société Keolis Oise Senlis la somme de 50 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamné M. [J] aux entiers dépens
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande reconventionnelle de condamnation de M. [J] à la somme d’un euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
En conséquence
– Juger que le licenciement pour faute grave et les sanctions disciplinaires notifiées à M. [J] sont parfaitement fondés,
– Débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– Condamner M. [J] à lui verser à un euro symbolique à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
– Condamner M. [J] à lui verser à la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 16 mars 2023.
MOTIFS
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur les sanctions disciplinaires
M. [J] conteste les sanctions disciplinaires qui lui ont été infligées les 28 octobre 2019 par un avertissement, 19 décembre 2019 et le 23 juillet 2020 par des mises à pied disciplinaires invoquant la prescription des faits visés par ces sanctions car datés de 2018 et 2019 pour la dernière ; il sollicite l’indemnisation du préjudice né des sanctions injustifiées.
La société Kélois réplique que la prescription ne s’applique pas en cas de réitération de fautes exposant que le salarié a continué à ne pas restituer les sommes dont il était redevable, qu’il ne peut lui être reproché d’avoir cherché à trouver une solution amiable en permettant de liquider la dette en plusieurs échéances.
Sur ce
Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite ‘un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »
En cas de contestation d’une sanction, le contrôle judiciaire du pouvoir disciplinaire s’exerce sur :
– la qualification du fait fautif qui justifie la sanction
– la proportionnalité de la sanction au fait fautif
– la régularité de la procédure
Le juge apprécie si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur doit fournir au juge les éléments qu’il a retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa propre conviction. Le juge peut ordonner, si besoin est, toutes les mesures d’instruction utiles.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le juge doit vérifier :
– que les faits reprochés existent bien.
– que ces faits sont bien fautifs ;
– que la faute ne constitue pas un prétexte pour infliger une sanction au salarié.
Le juge peut vérifier si la sanction est proportionnée à la faute, compte tenu du contexte dans lequel le fait a été commis.
Le juge doit ainsi vérifier le caractère proportionné de la sanction au vu d’éléments objectifs propres à chaque espèce, tels que :
– l’ancienneté du salarié ;
– l’existence ou non de reproches antérieurs ;
– la fréquence des faits fautifs dans l’entreprise ;
– les conséquences de l’agissement incriminé ;
– les conditions particulières de travail ;
– les relations dans l’entreprise.
En application de l’article L1333-2 du code du travail, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie avant le prononcé de la sanction disciplinaire.
L’article L.1332-4 du code du travail prévoit qu”aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Néanmoins, ces dispositions ne s’opposent pas à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois si le comportement du salarié s’est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai.
S’il subsiste un doute concernant l’un des griefs invoqués par l’employeur, il profite au salarié. ‘
Le salarié conducteur receveur est tenu de restituer à l’employeur les recettes perçues par la vente de tickets de transport et ce de façon régulière à la caisse. Le contrat de travail stipule qu’au-delà d’un encours de 150 euros ou d’un non-rendu des recettes de plus de 5 jours travaillés, le salarié s’expose à des sanctions disciplinaires.
M. [J] a fait l’objet de 3 sanctions à savoir le 28 octobre 2019 un avertissement, puis les 19 décembre 2019 et 23 juillet 2020 des mises à pied disciplinaires.
L’avertissement du 28 octobre a visé un retard de restitution des recettes qui lui avait été réclamé par courrier du 22 octobre et concernant la période comprise entre le 16 septembre et le 15 octobre 2019 pour un montant de 495 euros.
Le délai de deux mois pour sanctionner un fait dont l’employeur n’a eu connaissance qu’après le 16 septembre 2019 est donc parfaitement respecté.
La mise à pied disciplinaire du 9 décembre 2019 porte sur le même type de grief à savoir la non restitution des recettes et précise qu’en juillet un échéancier avait été mis en place pour rembourser 139,30 euros mensuellement mais que depuis octobre le salarié ne le respecte plus si bien qu’il reste redevable de la somme de 1985,50 euros.
Le grief invoqué est le non-respect de l’échéancier des mensualités d’octobre et novembre ; l’engagement de la procédure ayant débuté par l’envoi d’une convocation pour entretien préalable du 20 novembre 2019, le délai de deux mois a été respecté.
La mise à pied disciplinaire du 23 juillet 2020 a été infligée suite au non-respect de l’échéancier et la non-restitution des recettes encaissées entre le 16 décembre 2019 et le 17 juillet 2020.
En effet, les dispositions de l’article L. 1332-4 du code du travail ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur à 2 mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai, ce qui est le cas en l’espèce.
Ainsi même si le premier fait remonte à plus de deux mois (16 décembre 2019) le manquement a persisté jusqu’au 17 juillet 2020 par répétition, le délai de deux mois pour engager une sanction a donc été respecté.
L’employeur démontre la réalité des griefs formulés à l’encontre du salarié et fondant les différentes sanctions disciplinaires.
La cour, par confirmation du jugement, déboutera le salarié de sa demande d’annulation des sanctions disciplinaires et d’indemnisation à ce titre.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le licenciement
La Société Keolis Oise Senlis fait valoir que les actes de malhonnêteté ou d’indélicatesse sont qualifiés très souvent de faute grave, qu’en vertu de l’article 25 dy règlement intérieur les conducteurs sont tenus de restituer toute somme au-delà d’un encours de 150 euros ou d’un non rendu après 5 jours, que M. [J] n’a jamais contesté ne pas avoir restitué les recettes collectées, qu’il a signé des échéanciers pour rembourser sa dette mais ne les a pas respectés, qu’elle a fait preuve de bienveillance à son égard.
Elle argue qu’elle a tenté vainement par des sanctions disciplinaires de lui faire prendre conscience du manquement à son obligation mais qu’il a persisté pendant plus d’un an à ne pas rembourser, que sa contestation aujourd’hui est sans effet et n’est étayée par aucune pièce, qu’il est mensonger de prétendre qu’elle ait effectué une quelconque retenue sur salaire pour se faire rembourser, qu’au jour du licenciement il était toujours redevable de 822,80 euros, qu’il invoque le fait qu’il figurait sur la liste CGT des membres du CSE sans en tirer de conséquence.
Elle rapporte n’avoir aucune obligation à procéder à une mise à pied conservatoire en cas de faute grave, qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir tardé à le licencier car elle a pris le temps de la réflexion mais a toutefois respecté le délai de deux mois car le dernier fait date du 16 septembre 2020 pour une procédure engagée le 5 octobre 2020.
M. [J] réplique qu’il lui est reproché la non restitution de recettes le 16 septembre au 5 octobre mais qu’elles devaient être arrêtées au 15 octobre au soir et déposées à l’automate le 16 octobre 2020, qu’il justifie avoir déposé une somme de 240 euros le 13 octobre, que l’employeur a bloqué le versement du salaire et ne l’a pas mis à pied de façon conservatoire ce qui contredit le principe de la faute grave et qu’il a 10 ans d’ancienneté dans la société.
Sur ce
Pour que le licenciement disciplinaire soit justifié, l’existence d’une faute avérée et imputable au salarié doit être caractérisée.
La faute grave s’entend d’une faute constitutive d’un manquement tel qu’il rend impossible la poursuite du contrat de travail et qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.
Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le grief repris dans la lettre de licenciement est d’avoir « Sur la période du 16/09/2020 au 05/10/2020, vous avez encaissé 173 euros de recette et vous n’avez pas procédé à la restitution de ces recettes perçues auprès de l’entreprise. »
L’article 25 du règlement intérieur de la société prévoit au titre « Exécution du service » que Les conducteurs doivent garantir l’encaissement des recettes, que tout nouveau « conducteur-receveur » salarié reçoit un fond de caisse d’un montant de 30 euros. Sa fonction consiste en la perception et l’encaissement de la vente directe des tickets. La remise des recettes perçues dans le cadre de son activité doit être effectuée de façon régulière à la caisse. Au- delà d’un encours de 150 euros ou d’un non rendu de recettes de plus de 5 jours travaillés, le salarié s’expose à des sanctions disciplinaires … »
L’employeur verse aux débats les échanges de courriels entre le directeur de la société et l’assistante d’exploitation et notamment celui du 12 octobre 2020 qui indique que pour la période comprise entre le 16 septembre et le 9 octobre 2020, M. [J] a encaissé 229 euros mais n’a pas effectué de dépôt.
M. [J] malgré ses dénégations ne verse aucune pièce démontrant qu’il a régularisé un dépôt de recettes pour cette période.
Le juge apprécie si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur doit fournir au juge les éléments qu’il a retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa propre conviction. Le juge peut ordonner, si besoin est, toutes les mesures d’instruction utiles.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le juge doit vérifier :
– que les faits reprochés existent bien.
– que ces faits sont bien fautifs ;
– que la faute ne constitue pas un prétexte pour infliger une sanction au salarié.
Le juge peut vérifier si la sanction est proportionnée à la faute, compte tenu du contexte dans lequel le fait a été commis.
Le juge doit ainsi vérifier le caractère proportionné de la sanction au vu d’éléments objectifs propres à chaque espèce, tels que :
– l’ancienneté du salarié ;
– l’existence ou non de reproches antérieurs ;
– la fréquence des faits fautifs dans l’entreprise ;
– les conséquences de l’agissement incriminé ;
– les conditions particulières de travail ;
– les relations dans l’entreprise.
En application de l’article L1333-2 du code du travail, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie avant le prononcé de la sanction disciplinaire.
L’article L.1332-4 du code du travail prévoit qu”aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Néanmoins, ces dispositions ne s’opposent pas à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois si le comportement du salarié s’est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai.
S’il subsiste un doute concernant l’un des griefs invoqués par l’employeur, il profite au salarié. ‘
Le salarié conducteur receveur est tenu de restituer à l’employeur les recettes perçues par la vente de tickets de transport et ce de façon régulière à la caisse. Le contrat de travail stipule qu’au-delà d’un encours de 150 euros ou d’un non-rendu des recettes de plus de 5 jours travaillés, le salarié s’expose à des sanctions disciplinaires.
M. [J] a fait l’objet de 3 sanctions à savoir le 28 octobre 2019 un avertissement, puis les 19 décembre 2019 et 23 juillet 2020 des mises à pied disciplinaires.
L’avertissement du 28 octobre a visé un retard de restitution des recettes qui lui avait été réclamé par courrier du 22 octobre et concernant la période comprise entre le 16 septembre et le 15 octobre 2019 pour un montant de 495 euros.
Le délai de deux mois pour sanctionner un fait dont l’employeur n’a eu connaissance qu’après le 16 septembre 2019 est donc parfaitement respecté.
La mise à pied disciplinaire du 9 décembre 2019 porte sur le même type de grief à savoir la non restitution des recettes et précise qu’en juillet un échéancier avait été mis en place pour rembourser 139,30 euros mensuellement mais que depuis octobre le salarié ne le respecte plus si bien qu’il reste redevable de la somme de 1985,50 euros.
Le grief invoqué est le non-respect de l’échéancier des mensualités d’octobre et novembre ; l’engagement de la procédure ayant débuté par l’envoi d’une convocation pour entretien préalable du 20 novembre 2019, le délai de deux mois a été respecté.
La mise à pied disciplinaire du 23 juillet 2020 a été infligée suite au non-respect de l’échéancier et la non-restitution des recettes encaissées entre le 16 décembre 2019 et le 17 juillet 2020.
En effet, les dispositions de l’article L. 1332-4 du code du travail ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur à 2 mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai, ce qui est le cas en l’espèce.
Ainsi même si le premier fait remonte à plus de deux mois (16 décembre 2019) le manquement a persisté jusqu’au 17 juillet 2020 par répétition, le délai de deux mois pour engager une sanction a donc été respecté.
L’employeur démontre la réalité des griefs formulés à l’encontre du salarié et fondant les différentes sanctions disciplinaires.
La cour, par confirmation du jugement, déboutera le salarié de sa demande d’annulation des sanctions disciplinaires et d’indemnisation à ce titre.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le licenciement
La Société Keolis Oise Senlis fait valoir que les actes de malhonnêteté ou d’indélicatesse sont qualifiés très souvent de faute grave, qu’en vertu de l’article 25 dy règlement intérieur les conducteurs sont tenus de restituer toute somme au-delà d’un encours de 150 euros ou d’un non rendu après 5 jours, que M. [J] n’a jamais contesté ne pas avoir restitué les recettes collectées, qu’il a signé des échéanciers pour rembourser sa dette mais ne les a pas respectés, qu’elle a fait preuve de bienveillance à son égard.
Elle argue qu’elle a tenté vainement par des sanctions disciplinaires de lui faire prendre conscience du manquement à son obligation mais qu’il a persisté pendant plus d’un an à ne pas rembourser, que sa contestation aujourd’hui est sans effet et n’est étayée par aucune pièce, qu’il est mensonger de prétendre qu’elle ait effectué une quelconque retenue sur salaire pour se faire rembourser, qu’au jour du licenciement il était toujours redevable de 822,80 euros, qu’il invoque le fait qu’il figurait sur la liste CGT des membres du CSE sans en tirer de conséquence.
Elle rapporte n’avoir aucune obligation à procéder à une mise à pied conservatoire en cas de faute grave, qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir tardé à le licencier car elle a pris le temps de la réflexion mais a toutefois respecté le délai de deux mois car le dernier fait date du 16 septembre 2020 pour une procédure engagée le 5 octobre 2020.
M. [J] réplique qu’il lui est reproché la non restitution de recettes le 16 septembre au 5 octobre mais qu’elles devaient être arrêtées au 15 octobre au soir et déposées à l’automate le 16 octobre 2020, qu’il justifie avoir déposé une somme de 240 euros le 13 octobre, que l’employeur a bloqué le versement du salaire et ne l’a pas mis à pied de façon conservatoire ce qui contredit le principe de la faute grave et qu’il a 10 ans d’ancienneté dans la société.
Sur ce
Pour que le licenciement disciplinaire soit justifié, l’existence d’une faute avérée et imputable au salarié doit être caractérisée.
La faute grave s’entend d’une faute constitutive d’un manquement tel qu’il rend impossible la poursuite du contrat de travail et qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.
Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le grief repris dans la lettre de licenciement est d’avoir « Sur la période du 16/09/2020 au 05/10/2020, vous avez encaissé 173 euros de recette et vous n’avez pas procédé à la restitution de ces recettes perçues auprès de l’entreprise. »
L’article 25 du règlement intérieur de la société prévoit au titre « Exécution du service » que Les conducteurs doivent garantir l’encaissement des recettes, que tout nouveau « conducteur-receveur » salarié reçoit un fond de caisse d’un montant de 30 euros. Sa fonction consiste en la perception et l’encaissement de la vente directe des tickets. La remise des recettes perçues dans le cadre de son activité doit être effectuée de façon régulière à la caisse. Au- delà d’un encours de 150 euros ou d’un non rendu de recettes de plus de 5 jours travaillés, le salarié s’expose à des sanctions disciplinaires … »
L’employeur verse aux débats les échanges de courriels entre le directeur de la société et l’assistante d’exploitation et notamment celui du 12 octobre 2020 qui indique que pour la période comprise entre le 16 septembre et le 9 octobre 2020, M. [J] a encaissé 229 euros mais n’a pas effectué de dépôt.
M. [J] malgré ses dénégations ne verse aucune pièce démontrant qu’il a régularisé un dépôt de recettes pour cette période.
Les faits reprochés s’étant produit à compter du 16 septembre 2020 et l’employeur ayant adressé un courrier en vue d’un entretien préalable le 5 octobre 2020, le délai de prescription deux mois a été respecté.
La cour rappelle que même si la faute grave rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, l’employeur n’est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d’engager une procédure disciplinaire. Ainsi, si le comportement du salarié n’ est pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail jusqu’à la décision, le licenciement pour faute grave est justifié. En outre, l’absence de mise à pied conservatoire ne remet pas en cause pour autant la gravité de la faute.
Par ailleurs, lorsqu’il y a persistance du comportement fautif du salarié après des avertissements auxquels ses manquements professionnels avaient donné lieu, les juges peuvent prendre en considération les faits précédemment sanctionnés qu’invoque l’employeur à l’appui du licenciement pour apprécier si celui-ci repose sur une cause réelle et sérieuse ou une faute grave.
L’examen des fiches de paie ne révèlent pas l’existence de prélèvements injustifiés de l’employeur pour obtenir restitution de la dette, ce qui n’aurait pas eu pour conséquence de retirer au faits fautifs leur caractère de gravité.
Le fait pour le salarié de conserver les fonds provenant des recettes perçues pour le compte de l’employeur constitue une faute grave.
Les pièces et documents versés aux débats permettent de tenir pour établis le grief constitutif de faute grave énoncé dans le lettre de notification du licenciement rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une faute grave.
Le salarié doit par conséquent être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime ainsi que de ses prétentions relatives aux indemnités de rupture, indemnité compensatrice de préavis et indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
Le jugement étant confirmé en ce qu’il a débouté M. [J] de ces demandes d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions de première instance seront confirmées.
Succombant en cause d’appel, M. [J] sera condamné en application de l’article 700 du code de procédure civile à payer à Société Keolis Oise Senlis une somme que l’équité commande de fixer à 100 euros pour la procédure d’appel.
Partie perdante, M. [J] sera condamné aux dépens de la procédure et débouté de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort
Confirme le jugement rendu le 31 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes d’Amiens en toutes ses dispositions
y ajoutant
Condamne M. [T] [J] à verser à Société Keolis Oise Senlis la somme de100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel
Déboute M. [T] [J] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Rejette les demandes plus amples ou contraires
Condamne M. [J] aux dépens de la procédure d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.