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SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 647 FS-B
Pourvoi n° S 21-19.649
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2023
La société Bluelink, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-19.649 contre l’arrêt rendu le 17 mars 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l’opposant à M. [W] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Bluelink, et l’avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 19 avril 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2021), M. [X] a été engagé en qualité de conseiller clientèle par la société Bluelink (la société) le 14 février 2005. Le 29 mai 2009, il a été désigné représentant syndical. Le 9 décembre 2009, il a été élu membre titulaire au comité d’entreprise et délégué du personnel suppléant.
2. Le salarié a fait l’objet de plusieurs procédures disciplinaires. Il a saisi la juridiction prud’homale, le 27 octobre 2010, de demandes à l’encontre de la société relatives à un harcèlement moral et à un traitement discriminatoire.
3. Le 7 décembre 2010, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Le 11 février 2011, l’inspecteur du travail a refusé l’autorisation de le licencier. Le ministre du travail ayant autorisé le licenciement le 11 juillet 2011, le salarié a été licencié pour faute grave le 15 juillet 2011. Le 11 octobre 2013, le tribunal administratif de Melun a rejeté le recours du salarié.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l’arrêt de la condamner à verser au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors « que si le juge judiciaire ne peut, en l’état de l’autorisation administrative accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement, sous réserve que les manquements invoqués n’aient pas été nécessairement contrôlés par l’autorité administrative dans le cadre de la procédure de licenciement ; qu’au cas présent, le ministre du travail avait autorisé le licenciement du salarié, en considérant que les faits reprochés à la date du 27 novembre 2010 étaient établis et qu’ils étaient suffisamment graves pour justifier une mesure de licenciement, compte-tenu des antécédents, consistant en un rappel à l’ordre du 28 juin 2010 et en une mise à pied disciplinaire de cinq jours le 8 novembre 2010 ; que le tribunal administratif a rejeté le recours formé à l’encontre de cette décision en jugeant qu’il ressortait des pièces du dossier et des témoignages de salariés, que le 27 novembre 2010, le salarié avait refusé de retourner à son poste de travail et de traiter les dossiers comme le lui demandait sa supérieure hiérarchique et que les paroles qu’il avait prononcées à l’encontre de cette personne étaient irrespectueuses à son égard, alors même qu’il avait été antérieurement rappelé à l’ordre pour pareille attitude, puis sanctionné pour des faits d’insubordination et irrespect des consignes, par une mise à pied disciplinaire ; qu’en jugeant que l’autorité administrative ne s’était prononcée que sur les seuls faits des 27 novembre et 3 décembre 2010, sans se prononcer sur la réalité des faits et le bien-fondé des réactions de l’employeur quant à la mise en garde du 28 juin 2010 et la mise à pied du 8 novembre 2010 qui étaient seulement mentionnées par le ministre du travail, ce qui l’autorisait à apprécier du harcèlement allégué relativement à ces faits, quand le licenciement avait été autorisé en considération de la gravité du manquement du 27 novembre 2010, appréciée au regard des manquements antérieurs, et notamment du rappel à l’ordre et de la mise à pied disciplinaire, ce dont il résultait que ces faits avaient nécessairement été contrôlés par l’administration et que le juge judiciaire ne pouvait plus les apprécier, la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de séparation des pouvoirs et les articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par une faute grave, il appartient à l’administration du travail de vérifier, d’une part que les faits sont établis et sont fautifs, d’autre part l’absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés par l’intéressé. Il ne lui appartient pas, en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de porter une appréciation sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l’employeur. Ce faisant, l’autorisation de licenciement donnée par l’administration du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir le caractère systématique ou injustifié de ces sanctions devant le juge judiciaire au titre d’éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
6. En conséquence, la cour d’appel a pu, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, prendre en compte les précédentes sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre du salarié qu’elle a estimées injustifiées, pour reconnaître l’existence d’un harcèlement moral.
7. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La société fait grief à l’arrêt d’annuler la mise en garde du 28 juin 2010 ainsi que la mise à pied disciplinaire du 8 novembre 2010 et de la condamner à payer au salarié certaines sommes au titre du salaire correspondant à la mise à pied annulée et des congés payés afférents, alors « que si le juge judiciaire ne peut, en l’état de l’autorisation administrative accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement, sous réserve que les manquements invoqués n’aient pas été nécessairement contrôlés par l’autorité administrative dans le cadre de la procédure de licenciement ; qu’au cas présent, le ministre du travail avait autorisé le licenciement de M. [X], en considérant que les faits reprochés à la date du 27 novembre 2010 étaient établis et qu’ils étaient suffisamment graves pour justifier une mesure de licenciement, compte-tenu des antécédents, consistant en un rappel à l’ordre du 28 juin 2010 et en une mise à pied disciplinaire de 5 jours le 8 novembre 2010 ; que le tribunal administratif a rejeté le recours formé à l’encontre de cette décision en jugeant qu’il ressortait des pièces du dossier et des témoignages de salariés, que le 27 novembre 2010, M. [X] avait refusé de retourner à son poste de travail et de traiter les dossiers comme le lui demandait sa supérieure hiérarchique et que les paroles qu’il avait prononcées à l’encontre de cette étaient irrespectueuses à son égard, alors même qu’il avait été antérieurement rappelé à l’ordre pour pareille attitude, puis sanctionné pour des faits d’insubordination et irrespect des consignes, par une mise à pied disciplinaire ; qu’en annulant la mise en garde du 28 juin 2010 et la mise à pied disciplinaire du 8 novembre 2010, faute par l’employeur de justifier des éléments retenus pour justifier ces sanctions, quand le licenciement avait été autorisé en considération de la gravité du manquement du 27 novembre 2010, appréciée au regard des manquements antérieurs, et notamment du rappel à l’ordre et de la mise à pied disciplinaire, ce dont il résultait que ces faits avaient nécessairement été contrôlés par l’administration et que le juge judiciaire ne pouvait plus les apprécier, la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de séparation des pouvoirs et les articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail. »