Mise à pied disciplinaire : 8 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00946

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Mise à pied disciplinaire : 8 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00946
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ARRÊT N° /2023

PH

DU 08 JUIN 2023

N° RG 22/00946 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E6ZQ

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EPINAL

21/00089

23 mars 2022

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2

APPELANTE :

Madame [M] [U] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine BOUDET, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Association MFR DE [Localité 3] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Franck KLEIN substitué par Me LARRIERE de la SELARL AVOCAT JURISTE CONSEIL, avocats au barreau d’EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : WEISSMANN Raphaël

Conseiller : STANEK Stéphane

Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 16 mars 2023 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN et Guerric HENON, présidents, et Stéphane STANEK, conseiller, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 01er Juin 2023 ;puis à cette date le délibéré a été prorogé au 08 Juin 2023;

Le 08 Juin 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [M] [U] épouse [C] a été engagée par l’association MAISON FAMILIALE RURALE DE [Localité 3] (ci-après association MFR DE [Localité 3]), à compter de 1992 en qualité de formatrice, par des contrats de mission, puis en qualité de directrice par contrat à durée indéterminée à compter du 03 avril 2017.

La convention collective nationale des maisons familiales rurales s’applique au contrat de travail.

Par courrier du 19 août 2019, Mme [M] [U] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 27 août 2019, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 30 août 2019, Mme [M] [U] a été licenciée pour faute grave.

Par requête du 21 novembre 2019, Mme [M] [U] a saisi le conseil de prud’hommes d’Epinal, aux fins :

– d’obtenir l’annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied et la nullité du licenciement prononcé à son encontre,

– de condamner l’association MFR DE [Localité 3] à lui payer les sommes suivantes :

– 80 000,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 24 552,60 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

– 12 276,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 227,65 euros à titre d’indemnités compensatrice de congés payés sur préavis,

– 43 224,00 euros de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 4 322,40 euros de congés afférents,

– 15 000,00 euros dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

– 1 888,60 euros de rappel de salaire du 19 août au 29 août 2019, outre 188,86 euros au titre des congés payés sur salaire,

– 325,00 euros pour non restitution des objets,

– 2 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance,

– d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

– de rappeler l’application des intérêts au taux légal avec capitalisation.

Vu le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal rendu le 23 mars 2022, lequel a :

– dit que le licenciement de Madame [M] [C] est parfaitement justifié et fondé sur une faute grave,

– déboute Mme [M] [U] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté l’association MFR DE [Localité 3] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné Mme [M] [U] aux dépens.

Vu l’appel formé par Mme [M] [U] le 20 avril 2022,

Vu l’appel incident formé par l’association MFR DE [Localité 3] le 10 octobre 2022,

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Mme [M] [U] déposées sur le RPVA le 10 janvier 2023, et celles de l’association MFR DE [Localité 3] déposées sur le RPVA le 10 octobre 2022,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 08 février 2023,

Mme [M] [U] demande :

– de déclarer recevable son appel du jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal rendu le 23 mars 2022, et y faire droit,

– d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal rendu le 23 mars 2022,

*

Réformant le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal rendu le 23 mars 2022 :

– de dire et juger que la mise à pied disciplinaire prononcée à son encontre est sans fondement en violation des dispositions législatives précitées,

– de dire et juger qu’aucune faute n’est établie à son encontre

– de prononcer la nullité de la mise à pied prononcée à son encontre le 19 août 2019,

– de déclarer nulle la procédure de licenciement pour violation de la convention collective,

*

A titre subsidiaire :

– de déclarer nul le licenciement pour faute grave prononcé le 30 août 2019 à son encontre pour absence de cause réelle et sérieuse,

*

En conséquence :

– de condamner l’association MFR DE [Localité 3] à lui verser les sommes suivantes :

– 80 000,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 24 552,60 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement (article 22),

– 12 276,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 227,63 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 43 224,00 euros au titre des heures supplémentaires effectuées entre le 1er avril 2017 et le 19 juillet 2019,

– 4 322,40 euros au titre des congés payés y afférents,

– 15 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

– 1 888,60 euros à titre de rappel de salaire du 19 août au 29 août 2019,

– 188,86 euros au titre des congés payés y afférents,

– 325,00 euros pour les objets non restitués,

– 8 200,00 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

*

En tout état de cause :

– de débouter l’association MFR DE [Localité 3] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– de condamner l’association MFR DE [Localité 3] à lui verser la somme de 4 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner l’association MFR DE [Localité 3] aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel qui seront recouvrés par Maître Sabine BOUDET, avocat au barreau de Nancy.

L’association MFR DE [Localité 3] demande :

– de déclarer recevable mais mal fondé l’appel interjeté par Mme [M] [U] à l’encontre du jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal rendu le 23 mars 2022,

– de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté l’association MFR DE [Localité 3] de ses demandes reconventionnelles,

*

Statuant à nouveau :

A titre principal :

– de dire que Mme [M] [U] a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire,

– de constater l’absence de nullité du licenciement,

– de dire que le licenciement de Mme [M] [U] est parfaitement justifié et fondé sur une faute grave,

– de constater l’absence de condition vexatoire,

– de dire que Mme [M] [U] a le statut de cadre dirigeant,

– en conséquence, de débouter Mme [M] [U] de l’intégralité de ses demandes,

– de condamner Madame [M] [C] à verser à l’association MFR DE [Localité 3] la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au regard des frais irrépétibles que celle-ci a dû contracter pour faire valoir ses droits,

– de condamner Mme [M] [U] aux entiers dépens,

*

A titre subsidiaire :

– de dire que Mme [M] [U] ne justifie pas du préjudice subi lui permettant de solliciter des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 80 000,00 euros,

– en conséquence, de ramener l’étendue du préjudice subi à sa juste valeur, conformément à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017,

– de dire que Mme [M] [U] ne justifie pas du préjudice subi lui permettant de solliciter des dommages et intérêts à hauteur de 15 000,00 euros à titre de licenciement vexatoire,

– en conséquence, de débouter Mme [M] [U] de sa demande,

– de dire que l’indemnité de licenciement est égale à 8 020,08 euros,

*

A titre reconventionnel :

– de condamner Mme [M] [U] à verser à l’association MFR DE [Localité 3] la somme de 15 014,38 euros au titre du salaire indûment versé,

– à défaut et quoi qu’il en soit, de condamner Mme [M] [U] à verser à l’association MFR DE [Localité 3] la somme de 6 451,50 euros au titre du salaire indûment versé au titre de la majoration des 30 points pour la formation de directeur.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 10 octobre 2022, et en ce qui concerne la salariée le 10 janvier 2023.

Sur la demande de voir déclarer nulle la mise à pied

Mme [M] [U] explique que sa mise à pied du 19 août 2019 est une mise à pied disciplinaire, alors qu’elle n’a reçu aucun écrit préalable sur les griefs qui lui étaient reproché.

Elle ajoute que les faits qui lui sont reprochés sont censés avoir été commis depuis sa prise de fonction en 2017 et que jusqu’à la date de l’entretien, aucun reproche n’avait été formulé contre elle ; elle estime que l’employeur ne pouvait engager un entretien immédiatement au jour de son retour de vacances pour notifier la mise à pied, , ces faits n’ayant aucun caractère d’urgence.

Elle fait également valoir que ce sont les mêmes faits qui fondent la mise à pied et le licenciement.

L’association MFR fait valoir que la mise à pied critiquée est conservatoire et non disciplinaire.

Elle affirme que la mise à pied conservatoire ne suppose aucune condition préalable telle que l’urgence.

Motivation

Aux termes de l’article L1332-3 du code du travail, lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l’article L. 1332-2 ait été respectée.

En l’espèce, la lettre de convocation à l’entretien préalable (pièce 2 de l’association MFR) notifie à Mme [M] [U] une mise à pied expressément qualifiée de conservatoire.

Celle-ci ne pourra être remise en cause que si le licenciement est lui-même remis en cause , ou requalifié en licenciement pour faute simple ; dans ces cas, la mise à pied pourra justifier un rappel de salaire.

En conséquence, Mme [M] [U] sera déboutée de ses demandes.

Sur la demande de voir dire le licenciement nul

Mme [M] [U] expose que la directrice ne pouvait engager la procédure de licenciement sans autorisation préalable du conseil d’administration, et ce en application de la convention collective.

Or elle a été convoquée à l’entretien préalable par lettre du 19 août 2019, alors que le conseil s’est tenu le 20 août.

Elle ajoute que les lettres de notification de la mise à pied et du licenciement n’indiquent pas l’existence du procès-verbal d’assemblée générale.

L’association MFR fait valoir que ses statuts en leur article 16 donnent pouvoir au conseil d’administration ; elle précise que le 20 août le conseil d’administration a validé la procédure et donné mandat à la présidente pour mener la procédure de licenciement, et que le 27 août il a voté le licenciement de Mme [M] [U].

Motivation

Aux termes des statuts de l’association MFR (sa pièce 30), le conseil d’administration « engage le personnel sur la proposition du directeur ou de la directrice ».

Les statuts ne traitant pas de la rupture des contrats de travail, il convient de déduire de l’article précité que c’est également le conseil d’administration qui décide du licenciement.

Il résulte des dispositions de l’article L1232-2 du code du travail que la procédure de licenciement débute avec la convocation à l’entretien préalable.

Cependant, le non-respect de cette étape, ou son irrégularité, ne vicie pas le licenciement.

En l’espèce, si la directrice de l’association n’avait pas été autorisée à convoquer Mme [M] [U] à l’entretien préalable avant d’adresser la lettre de convocation, cette absence d’autorisation ne vicie pas le licenciement.

L’association MFR renvoie à sa pièce 32 (procès-verbal du conseil d’administration du 27 août 2019) pour justifier de l’autorisation donnée à la directrice de l’association de licencier Mme [M] [U].

A aucun endroit sur ce procès-verbal ne figure l’autorisation invoquée.

Il est indiqué en page 1 que le compte-rendu est fait de l’entretien préalable du 27 août 2019 « avec [M] [C] par [E] [P] » (point 1)

En point 2, « consultation des membres du CA » figurent des échanges au sujet d’une « cabale » impliquant Mme [M] [U], et ce point 2 se termine ainsi en page 2 : « Le résultat des votes sur les avis des membres du CA s’établit comme suit :

– 1 abstention

– 2 licenciements pour faute grave et perte de confiance

– 1 licenciement

– 3 ruptures de contrat.

D’après ces avis, l’avocat sera interrogé sur les possibilités qui sécuriseront le plus l’association ».

En page 3, dans les « questions diverses » il est indiqué : « 5) Pour le poste de direction, il n’y a rien de fait pour l’instant, tant que la décision à l’encontre de [M] [C] n’est pas prise ». ; en 7), le conseil d’administration valide la proposition de rupture conventionnelle pour M. [N] et donne mandat à la présidente pour conduire la procédure avec M. [L].

Il résulte de ce procès-verbal qu’aucune autorisation n’a été donnée à la présidente de conduire la procédure de licenciement de Mme [M] [U] et de prononcer ce dernier.

Dans ces conditions, le licenciement sera déclaré, non pas nul, la nullité résultant de manière limitative des dispositions des l’article L1235-3-1, mais sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture

– sur la demande de rappel au titre de la mise à pied

Mme [M] [U] réclame à ce titre 1888,60 euros outre 188,86 euros de congés payés y afférents.

L’association MFR ne conclut pas sur ce point.

Motivation

Le licenciement étant reconnu sans cause réelle et sérieuse, la mise à pied conservatoire n’est plus fondée.

La privation de salaire pendant cette période justifie donc le principe d’un rappel à ce titre.

A défaut de contestation subsidiaire de l’association MFR sur le quantum de la réclamation, il sera fait droit à la demande..

– sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [M] [U] sollicite à ce titre 80 000 euros, indiquant avoir 27 ans d’ancienneté ; elle indique que son salaire moyen est de 4 078,08 euros.

L’association MFR fait valoir que la salariée ne fait état d’aucune recherche d’emploi demeurée infructueuse, et qu’elle travaille au sein de la MFR LA CLAYETTE depuis le 04 janvier 2021, après avoir travaillé pendant 3 mois dans deux autres structures.

Elle indique également que la salariée avait 9 ans d’ancienneté, pour avoir été embauchée le 23 août 2010.

L’intimée explique également que le salaire moyen de Mme [M] [U] est de 3564,48 euros « dans le cas où la Cour ferait droit à la demande reconventionnelle de la MFR » (p38), sans préciser de quelle demande reconventionnelle il s’agit, et que « à défaut le salaire moyen est de 4 075,84 euros ».

Motivation

Les seuls bulletins de paie versés aux débats sont ceux produits en pièces 13 par Mme [M] [U] ; il s’agit de ses bulletins de paie de mai à août 2019.

Après examen de ces pièces, le salaire moyen retenu sera de 4 078,08 euros.

Son ancienneté débute, comme le fait valoir l’association MFR, au 23 août 2010, date de sa ré-embauche après rupture du contrat précédent, ainsi qu’il résulte des pièces 8 et 9 de la salariée, auxquelles renvoie l’employeur.

Mme [M] [U] ne justifie pas de sa situation après le licenciement ; elle ne conteste pas les arguments avancés par l’association MFR.

Compte tenu de son ancienneté, en application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail ; il sera fait droit à sa demande à hauteur de 16 000 euros.

– sur la demande d’indemnité de licenciement

Mme [M] [U] réclame 24 552,60 euros, en faisant référence à l’article 22-2 de la convention collective.

L’association MFR lui oppose un calcul sur la base de l’indemnité légale, à hauteur de 1/4 de mois par année d’ancienneté, en précisant que cette indemnité est plus favorable.

Motivation

L’article II de la convention collective des maisons familiales rurales « Indemnité de licenciement » prévoit que « Hormis le cas du licenciement pour faute grave ou lourde, l’indemnité de licenciement est ainsi calculée :

2/10ème de mois de salaire par année de fonction dans la dernière association et 1/10ème de mois de salaire par année de fonction auprès des autres associations de l’Institution,

à laquelle s’ajoute une indemnité supplémentaire égale à 2/15ème de mois de salaire par année d’ancienneté dans la dernière association au-delà de 10 ans, et 1/15ème de mois de salaire par année d’ancienneté auprès des autres associations de l’Institution au-delà de 10 ans,

sous la réserve que l’ensemble des indemnités ne soit pas supérieur à :

– 6 mois en cas de licenciement pour motif autre qu’économique,

– 7 mois en cas de licenciement pour motif économique,

il est versé un supplément d’indemnité égal à 1/12è de mois de salaire par année d’ancienneté dans l’Institution autre que celle acquise auprès du dernier employeur quand l’intéressé ne retrouve pas un nouveau poste dans l’Institution dans les trois mois suivant l’expiration du préavis que celui-ci soit ou non effectué.

Si le salarié vient à faire l’objet d’un nouveau licenciement, la nouvelle indemnité ne prend pas en compte les années d’ancienneté déjà retenues pour le calcul d’une indemnité de licenciement antérieure. »

Si le salarié a interrompu son activité professionnelle en [Localité 5] Familiales pendant une durée supérieure ou égale à une année scolaire, l’indemnité de licenciement est calculée sur l’ancienneté acquise en [Localité 5] Familiales postérieurement à cette interruption. »

Mme [M] [U] présente un calcul sur la base des dispositions précitées de la convention collective, qu’elle estime donc par conséquent plus favorables.

L’association MFR ne discute pas ce calcul, mais oppose le calcul de l’indemnité légale.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de Mme [M] [U], conforme à la convention collective.

– sur la demande d’indemnité compensatrice de préavis, outre l’indemnité de congés payés afférents

Cette demande n’étant pas discutée à titre subsidiaire par l’association MFR, il y sera fait droit.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Mme [M] [U] fait reproche à son ancien employeur de lui avoir interdit l’accès à son bureau à son retour de congés, invoquant une mise à pied conservatoire, et de ne pas avoir pu récupérer ses affaires personnelles.

Elle lui reproche également d’avoir soutenu que la secrétaire faisait son travail ou qu’elle demandait à cette dernière d’aller aux formations à sa place, alors que son travail était apprécié, notamment par le directeur régional.

L’association MFR fait valoir que la salariée n’a pas eu accès à son bureau en raison de la mise à pied conservatoire, que les motifs de licenciement ne sont pas vexants mais sont fondés sur des faits précis et concordants, et que l’existence d’un préjudice n’est plus présumée.

Motivation

Il résulte des développements qui précèdent que les motifs du licenciement ne sont pas examinés.

Mme [M] [U] fait valoir simplement le caractère non fondé de certains motifs du licenciement, sans que ceux-ci portent atteinte à sa dignité ou encore soient injurieux ; leur critique ne peut donc fonder la demande.

L’association MFR ne conteste pas que, nonobstant la mise à pied conservatoire, Mme [M] [U] n’a pas pu reprendre possession de ses effets personnels présents dans son bureau.

Cette attitude revêt un caractère vexatoire, qui sera réparée par des dommages et intérêts de 300 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non restitution des objets personnels

Mme [M] [U] explique ne pas avoir récupéré ses objets personnels.

Elle réclame en conséquence la somme de 325 euros, correspondant à leur valeur.

L’association MFR s’oppose à la demande estimant que Mme [M] [U] ne justifie ni des objets non restitués ni de leur valeur.

Motivation

Mme [M] [U] produit en pièce 18 la liste des objets non restitués.

En pièce 19, elle produit la lettre de son Conseil du 15 octobre 2019, adressée à l’employeur, faisant notamment état de cette absence de restitution.

Il résulte des développements précédents que Mme [M] [U] n’a pas pu retourner dans son bureau pour y reprendre ses effets personnels.

L’association MFR est donc dans ces circonstances seule en capacité de justifier de ce que, dans ses locaux, ne subsistent plus d’affaires personnelles de la salariée ; l’employeur n’en justifie pas.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande, la somme réclamée apparaissant cohérente avec la liste en pièce 18 précitée.

Sur la demande de paiement d’heures supplémentaires

– sur le statut de Mme [M] [U]

Mme [M] [U] soutient ne pas être cadre-dirigeant ; elle indique qu’elle ne bénéficiait d’aucune autonomie et renvoie au règlement intérieur de l’association MFR qui donne les plus larges pouvoirs au conseil d’administration.

L’association MFR affirme que Mme [M] [U] était cadre-dirigeant, et renvoie à l’article 10 de la convention collective, ainsi qu’à l’article 5 du contrat de travail de l’appelante, prévoyant un forfait de salaire à horaire indéterminé. L’intimée estime qu’en conséquence, Mme [M] [U] ne saurait soutenir qu’aucune convention de forfait n’a été signée.

Elle précise que l’appelante disposait d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, était habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome, et que sa rémunération se situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans les MFR.

Motivation

L’article L. 3111-2 du code du travail dispose que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres du code relatifs notamment au temps de travail, et que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

En l’espèce, l’association MFR produit aux débats :

– le contrat de travail de Mme [M] [U] (en pièce 1) qui stipule en son article 5 : « la rémunération correspondant à un forfait de salaires pour un horaire de travail indéterminé est ainsi calculée : Madame [M] [C] recevra chaque mois une rémunération brute calculée sur la base suivante :

– Directeur ‘ Echelon 8, 25ème année, soit 510 points

– Formation Directeur : 30 points

– Points enfants : 2

– Total : 542 points »

– en pièce 5 l’annexe de la convention collective relative aux métiers et aux rémunérations, qui décrit les fonctions du Directeur :

« 1.1. – Directeur

Le directeur détient son autorité de l’association. Sa responsabilité s’exerce auprès du Conseil

d’administration.

Il assure principalement quatre missions :

– Une mission de formation

Il justifie de la qualification pédagogique délivrée par l’Institution et des qualifications nécessaires réglementairement pour l’enseignement et la fonction de direction. Il veille au respect, aux principes, à l’organisation et à la mise en oeuvre de la pédagogie de l’alternance des [Localité 5] Familiales Rurales.

Il met en oeuvre une organisation prenant en compte les exigences de la pédagogie de l’alternance. Il met en place les conditions d’une vie résidentielle par un cadre, un encadrement et des activités appropriées. Il participe aux activités de formation ‘ animation ‘ éducation lui permettant une connaissance de chaque jeune ou adulte en formation.

– Une mission de permanent de l’association

Comme permanent de l’association il est investi d’une fonction d’animation ; il informe le président et le conseil d’administration pour les aider dans leurs responsabilités associatives et à élaborer les orientations nécessaires. Il met en oeuvre les décisions prises. Il veille au bon fonctionnement de l’association. Il s’assure de l’application des statuts de l’association et de la participation de l’association aux activités des fédérations départementale, régionale et nationale.

– Une mission de gestion de l’établissement

Il respecte et fait respecter les règles juridiques et administratives en vigueur dans le domaine de l’enseignement mais aussi plus généralement les règles dans le domaine de la gestion : respect du droit du travail dont la convention collective, des règles fiscales et comptables.

Dans le cadre des décisions du conseil d’administration, il gère l’établissement sur un plan financier en liaison avec le trésorier de l’association dans le souci d’assurer une situation budgétaire satisfaisante et le développement de l’établissement. Il assume l’organisation et l’animation de l’ensemble du personnel dans le cadre d’un projet de formation, d’éducation et de développement.

Il valorise les compétences de l’équipe notamment par la délégation de responsabilités.

– Une mission de relations extérieures

Le directeur, plus encore que les autres salariés de l’association, est porteur de l’image de celle-ci. Il entretient les relations nécessaires au développement de l’association et de son milieu. Il ne peut cependant engager l’association devant ces partenaires qu’avec l’accord du Conseil d’administration. »

– en pièce 45, un pouvoir, établi sur document de la banque Crédit Agricole, en date du 28 mars 2017, donné par la présidente de l’association à Mme [M] [U] à faire fonctionner plusieurs comptes de l’association : compte courant, compte titre ordinaire, compte d’avance Dailly, compte titre ordinaire etc.

– en pièce 46, un contrat de carte de paiement auprès du Crédit Agricole, par l’association MFR, au profit de Mme [M] [U].

Mme [M] [U] produit aux débats plusieurs pièces relatives à des procédures disciplinaires à l’égard de salariés de l’association (pièces 51, 53, 47) ou de modification d’un contrat de travail (pièce 46) démontrant qu’elle n’avait pas d’autonomie en la matière, les décisions étant prises par la présidente de l’association.

Compte tenu de l’absence d’autonomie de Mme [M] [U] dans la gestion du personnel, et nonobstant les pièces précitées de l’association MFR justifiant de l’autonomie de la salariée dans d’autres domaines, et de son niveau de rémunération, le statut de cadre dirigeant ne peut lui être appliqué.

Mme [M] [U] est donc soumise aux dispositions du code du travail relatives à la durée du travail.

– sur la demande de rappel de salaires :

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’ en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction.

Il ressort de cette règle que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties mais que le salarié doit appuyer sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Mme [M] [U] produit en pièce 20 des tableaux récapitulatifs par mois et par semaines de ses volumes horaires de travail, entre avril 2017 et juillet 2019, et en pièces 20-2 à 20-4 des copies de calendriers de 2017 à 2019, portant indications de ses horaires de travail quotidiens.

Ces éléments son suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

L’association MFR ne produit aucun justificatif des horaires de travail de Mme [M] [U].

Elle met en doute la fiabilité des pièces produites par l’appelante, et pointant des incohérences, notamment quant à des heures de travail mentionnées pendant des périodes de formation, et des heures de fin de réunion qui ne correspondent pas à la réalité.

Compte tenu des éléments produits aux débats, il sera fait droit à la demande à hauteur de 35 000 euros, outre les congés payés afférents.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Mme [M] [U] fonde sa demande sur celle présentée au titre des heures supplémentaires.

L’association MFR fait valoir qu’aucun caractère intentionnel n’est démontré.

Motivation

L’article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose qu’est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

En cas de travail dissimulé et de rupture de la relation de travail, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

Pour être établi, le travail dissimulé suppose que son caractère intentionnel soit démontré.

Mme [M] [U] ne démontre pas cette intention, qui ne peut s’induire de la simple omission d’indication et de paiement d’heures de travail.

Dans ces conditions, Mme [M] [U] sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande d’un indû de salaire

L’association MFR réclame 15 014,38 euros, et à tout le moins 6 451,50 euros, en faisant valoir que Mme [M] [U] a bénéficié d’une majoration « points de direction », pour 6451,50 euros pour la durée de l’exécution du contrat de travail, en déclarant dans son CV avoir bénéficié d’une formation de Directeur sur trois ans, alors qu’elle n’avait pas terminé le dernier module de formation, et qu’elle a été embauchée avec une ancienneté de 25 ans, qu’elle n’avait pas.

Mme [M] [U] fait valoir que ce n’est pas elle qui a défini les éléments de sa rémunération ; qu’elle n’a pas non plus rédigé son contrat de travail. Elle ajoute que la convention collective prévoit que l’ancienneté est calculée dès la première date d’entrée dans la fédération des MFR, et qu’elle y est entrée en 1992.

Motivation

Aux termes de l’article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

Mme [M] [U] qui affirme que l’ancienneté à prendre en compte dans le poste est à calculer à compter du premier engagement ne vise pas la disposition de la convention qui le prévoirait.

A la lecture de la convention collective et de l’annexe sur les rémunérations, une telle disposition n’existe pas.

Par ailleurs, Mme [M] [U] ne conteste pas ne pas avoir terminé sa formation de Directrice, et que cette formation conditionnait la majoration « point de direction ».

Les calculs de l’association MFR n’étant pas contestés à titre subsidiaire, il sera fait droit à la demande de remboursement de l’indû.

Sur l’application d’office des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail en faveur de Pôle Emploi

Aux termes des dispositions de l’article 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L1132-4, L1134-4, L1144-3, L1152-3, L1153-4, L1235-3 et L1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

La salariée ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins 11 salariés, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de 2 mois en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l’article 700.

Succombant à l’instance de manière principale, l’association MFR sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Epinal le 23 mars 2022 ;

Statuant à nouveau dans les limites de l’appel,

Dit que le licenciement de Mme [M] [U] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l’association MFR de [Localité 3] à payer à Mme [M] [U] :

– 1 888,60 euros à titre de rappel de salaire du 19 août au 29 août 2019,

– 188,86 euros au titre des congés payés afférents,

– 325 euros pour les objets non restitués,

– 16 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 24 552,60 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 12 276,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 227,63 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 300 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

– 35 000 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires

– 3 500 euros au titre des congés payés afférents ;

Condamne Mme [M] [U] à payer à l’association MFR de [Localité 3] 15 014,38 euros à titre de salaire indûment versé ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Condamne l’association MFR de [Localité 3] à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [M] [U] à la suite de son licenciement, dans la limite de deux mois d’indemnités ;

Condamne l’association MFR de [Localité 3] aux dépens de première instance et d’appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

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