Your cart is currently empty!
ARRET N° 23/
FD/XD
COUR D’APPEL DE BESANCON
ARRET DU 16 JUIN 2023
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 12 Mai 2023
N° de rôle : N° RG 22/01011 – N° Portalis DBVG-V-B7G-EQYW
S/appel d’une décision
du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTBELIARD
en date du 31 mars 2022
code affaire : 80P
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
APPELANT
Monsieur [T] [Z], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Ludovic PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON
INTIMEE
S.A.S. VEOLIA INDUSTRIES GLOBAL SOLUTIONS, sise [Adresse 2]
représentée par Me Brice MICHEL, avocat au barreau de BELFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile l’affaire a été débattue le 12 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame DOMENEGO Florence, conseiller, entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller
Mme Florence DOMENEGO, conseiller
qui en ont délibéré,
Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe
Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 16 Juin 2023 par mise à disposition au greffe.
**************
Statuant sur l’appel interjeté le 20 juin 2022 par M. [T] [Z] du jugement rendu le 31 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Montbéliard qui, dans le cadre du litige l’opposant à la SAS VEOLIA INDUSTRIE GLOBALE SOLUTIONS, a :
– débouté M. [T] [Z] de ses demandes de :
– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– rappel de salaires pour la période de mise à pied à titre conservatoire du 31 janvier 2020 au 13 février 2020 ;
– indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaires ;
– indemnité compensatrice de 2 mois de préavis ;
– indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
– indemnité légale de licenciement ;
– l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SAS VEOLIA à payer à M. [T] [Z] la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure irrégulière.
– condamné M. [T] [Z] à payer à la SAS VEOLIA la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
-condamné M. [T] [Z] aux entiers dépens de l’instance ;
Vu les dernières conclusions transmises le 1er septembre 2022, aux termes desquelles M. [T] [Z], appelant, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de :
– condamner la SAS VEOLIA INDUSTRIES- GLOBALE SOLUTIONS à lui verser les sommes suivantes :
– 1 966,35 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière
– 17 697,15 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
– 917 63 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire du 31 janvier 2020 au 13 février 2020
– 91,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme
– 3932,70 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de 2 mois de préavis
– 393,27 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme
– 4 424,28 euros à titre d’indemnité légale de licenciement
– 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal sur les sommes ayant la nature juridique de salaire à compter de la date de saisine du Conseil de Prud’hommes et pour le surplus à compter du jugement dont appel et à défaut à compter de l’arrêt à intervenir
– voir indiquer la moyenne des trois derniers mois de rémunération dans le dispositif de l’arrét à intervenir
– condamner la SAS VEOLIA INDUSTRIES – GLOBALE SOLUTIONS aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions transmises le 18 novembre 2022, aux termes desquelles la SAS VEOLIA INDUSTRIES – GLOBALE SOLUTIONS, intimée, demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions
– débouter en conséquence M. [Z] de sa demande en paiement d’indemnités de licenciement, de préavis ainsi que de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
– condamner M. [Z] aux frais et dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procedure civile.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 6 avril 2023 ;
SUR CE ;
EXPOSE DU LITIGE :
Selon contrat à durée indéterminée en date du 12 mars 2014, M. [T] [Z] a été engagé par la SAS VEOLIA INDUSTRIES – GLOBALE SOLUTIONS (VIGS) en qualité d’agent logistique coefficient hiérarchique 190 points, niveau ll, échelon 3, avec une reprise d’ancienneté au 4 avril 2011.
Le 16 février 2017, la SAS VIGS a notifié à M. [Z] un avertissement, lui rappelant qu’il était interdit de dormir à son poste de travail.
Le 6 avril 2017, la SAS VIGS a notifié à M. [Z] une mise à pied disciplinaire de deux jours, en sanction du comportement virulent qu’il avait adopté envers le représentant des ressources humaines suite au refus de sa demande de rupture conventionnelle.
M. [Z] a été placé en arrêt de maladie du 24 février 2017 au 25 juin 2018, puis du 24 juillet 2018 au 8 novembre 2019.
Le 30 janvier 2020, la SAS VEOLIA INDUSTRIES – GLOBALE SOLUTIONS a mis à pied à titre conservatoire M. [Z] et l’a convoqué à un entretien préalable fixé au 7 février 2020.
Le 12 février 2020, M. [Z] a été licencié pour faute grave, l’employeur lui reprochant d’avoir, le 31 janvier 2020, proféré des agressions verbales, menaces, tentatives d’intimidations envers son manager, et d’avoir fait preuve d’un non-respect des consignes de travail et du non-respect de la hiérarchie.
Contestant la forme et le bienfondé de la rupture de son contrat de travail, M. [Z] a saisi le 2 février 2021 le conseil de prud’hommes de Montbéliard aux fins de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir diverses indemnisations, saisine qui a donné lieu au jugement entrepris.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
– Sur la rupture du contrat de travail :
Aux termes de l’article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse et il appartient à l’employeur de rapporter la preuve du motif l’ayant conduit à se séparer du salarié.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige et à laquelle la cour se réfère pour un plus ample exposé de sa teneur, reproche à M. [Z] :
– d’avoir le 31 janvier 2020 haussé le ton envers son manager, qui venait l’informer qu’il ne serait pas sanctionné pour un écart de stock de 13 000 euros constaté la veille, en lui disant qu’il avait passé une mauvaise nuit et qu’il ne souhaitait pas revivre trois ans et demi sous traitement et de l’avoir menacé de déposer plainte pour harcèlement, diffamation, délit de faciès et racisme en se prévalant d’avoir plusieurs témoins
– d’avoir le même jour soutenu que l’employeur lui devait 12 000 euros et d’avoir demandé à son manager de lui payer cette somme par tous les moyens possibles, en lui disant qu’il savait où il habitait, qu’il ne s’agissait pas d’une menace mais d’une promesse et qu’il n’arriverait pas à le faire craquer comme les autres salariés
– d’avoir le même jour menacé son manager en lui disant qu’il n’allait pas en rester là et qu’il allait porter plainte avec ses deux avocats
– d’avoir indiqué qu’il ne serait pas là lundi et qu’il allait voir le médecin pour avoir trois semaines de maladie, et d’avoir déposé sur la table, après avoir obtenu un bon de sortie à 12 heures 45, l’ensemble de ses affaires en précisant qu’il n’avait pas l’intention de revenir, faits constituant des agressions verbales, des menaces, des tentatives d’intimidations du manager et un non-respect des consignes de travail et de la hiérarchie caractérisant selon l’employeur une faute grave.
Pour en justifier, l’employeur produit le compte-rendu d’incident dressé le 31 janvier 2020 par M. [D], chef d’équipe (pièce 8), et la main-courante déposée à la gendarmerie le même jour (pièce 12) confirmant le comportement agressif adopté verbalement par M. [Z] et les menaces de représailles faites à son égard dans un contexte de rancoeur à l’encontre de l’employeur.
M. [Z] ne conteste pas dans ses conclusions avoir tenu de tels propos, mais met en lien ces derniers avec le fait que son manager l’avait tenu responsable la veille de la perte de 13 000 euros de pièces et soutient qu’il ne peut lui être reproché d’avoir refusé les excuses présentées le lendemain par son manager comme d’avoir indiqué qu’il se réservait la possibilité de déposer plainte.
Si les faits du 31 janvier 2020 doivent être effectivement reliés à ceux du 30 janvier 2020 au cours desquels le manager avait menacé le salarié ‘d’un constat voire d’un avertissement’ si l’écart de stock de 13 000 euros lui était imputable, la réaction cependant adoptée par le salarié le lendemain est manifestement virulente, inadaptée et irrespectueuse envers sa hiérarchie. Elle présente par ailleurs des menaces formulées directement à l’encontre de son manager, lequel ne peut être tenu pour responsable financièrement de l’échec de la rupture conventionnelle que ce salarié avait entendu obtenir.
Tout autant, il ne saurait être reproché à ce manager d’avoir abusé de son pouvoir d’encadrement, dès lors d’une part qu’en sa qualité de chef d’équipe, il était responsable de l’organisation de son service et de la production faite par ce dernier, et que d’autre part, il s’est manifestement présenté au salarié, dès les vérifications faites sur l’origine de l’écart de stock, pour l’informer du résultat de ces dernières sans aucunement ‘l’accuser à tort’ comme le soutient l’appelant.
Enfin, si M. [Z] pouvait parfaitement ‘refuser les excuses présentées par son manager’, un tel refus ne l’autorisait cependant pas à menacer son manager d’un dépôt de plainte pour ‘harcèlement, racisme, diffamation et délit de faciès’ et d’une venue à son domicile pour en obtenir réparation, en se prévalant de plusieurs témoins dont l’existence n’est toujours pas à hauteur de cour démontrée.
De tels faits, qui s’inscrivent dans un passé disciplinaire important dès lors que M. [Z] a déjà été sanctionné à plusieurs reprises pour des faits de même nature dans le délai de trois ans prévu à l’article L 1332-5 du code du travail, caractérisent une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que le licenciement pour faute grave et la mise à pied à titre conservatoire subséquente étaient parfaitement justifiés et ont débouté M. [Z] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires correspondantes.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ces chefs.
– Sur l’irrégularité de la procédure de licenciement :
Aux termes de l’article L 1332-2 du code du travail, lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge et l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre, en application de l’article L 1232-2 du code du travail.
En l’espèce, les premiers juges ont retenu que la procédure de licenciement était irrégulière dès lors que la lettre recommandée convoquant M. [Z] à l’entretien préalable avait été présentée à son domicile le 1er février 2020 pour un entretien fixé au 5 février 2020.
Une telle irrégularité que les premiers juges ont sanctionnée n’est remise en cause à hauteur de cour par aucune des parties. Seul est contesté par M. [Z] le montant alloué en dédommagement de cette irrégularité.
Si M. [Z] revendique l’allocation de la somme de 1 966,35 euros correspondant à un mois de salaire, maximum prévu par l’article L 1235-2 du code du travail, il résulte cependant des termes mêmes de la lettre de licenciement, non-contestés par l’appelant dans ses conclusions, d’une part, que l’employeur a tenté le 31 janvier 2020 une remise en main propre de la convocation à l’entretien préalable que ce dernier a refusée catégoriquement et d’autre part, que le salarié, qui avait parfaitement connaissance de la date de cet entretien, a mandaté pour l’y accompagner M. [O] [I], membre CGT élu CSE, lequel s’est retrouvé seul avec l’employeur le jour de l’entretien.
Le préjudice revendiqué par M. [Z] ne présente pas en conséquence l’ampleur revendiquée, ce dernier ayant pu organiser sa défense en vue de cet entretien quand bien même le délai était inférieur à cinq jours.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont fixé le préjudice de M. [Z] à la somme de 1 000 euros, somme non contestée par l’intimée.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
– Sur les autres demandes :
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Partie perdante, M. [Z] sera condamné aux dépens d’appel et débouté de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Z] sera condamné à payer à l’employeur la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi, :
– Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Montbéliard en date du 31 mars 2022 en toutes ses dispositions
– Condamne M. [T] [Z] aux dépens d’appel, lesquels seront recouvrés selon les règles propres à l’aide juridictionnelle
– et vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. [T] [Z] à payer à la SAS VEOLIA INDUSTRIE GLOBALE SOLUTIONS la somme de 1 000 euros et le déboute de sa demande présentée sur le même fondement.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le seize juin deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, président de chambre, et Xavier DEVAUX, directeur de greffe
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,