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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 2
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 20 JUIN 2023 à
la SCP LAVAL – FIRKOWSKI
la SELARL 2BMP
LD
ARRÊT du : 20 JUIN 2023
MINUTE N° : – 23
N° RG 21/01692 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GMJA
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 27 Avril 2021 – Section : INDUSTRIE
APPELANTE :
S.A.S. SAINT MICHEL [Localité 2] prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 10]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Thomas LESTAVEL de l’AARPI EUNOMIE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
ET
INTIMÉ :
Monsieur [B] [E]
né le 22 Octobre 1970 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Alexia MARSAULT de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 21 mars 2023
Audience publique du 23 Mars 2023 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté/e lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,
Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Puis le 20 juin 2023 (délibéré prorogé, initialement fixé au 13 juin 2023), Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCEDURE
La SAS St Michel [Localité 2] est spécialisée dans le secteur de la fabrication de biscuits, biscottes et patisseries de conservation.
Selon contrat à durée déterminé du 1er avril 2014 poursuivi en contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2015, M. [B] [E] a été engagé par la SAS Saint Michel [Localité 2] en qualité d’opérateur collecte des déchets.
La relation de travail est régie par la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012.
Le 28 avril 2018, M. [E] a reçu en main propre contre- décharge une lettre, datée du 25 avril 2018, lui notifiant sa convocation à un entretien préalable à sanction disciplinaire.
Le 14 mai 2018, lors de l’entretien, la SAS St Michel [Localité 2] a indiqué à M. [B] [E] qu’elle lui reprochait le vol des gâteaux dans l’enceinte de l’entreprise.
Le 18 mai 2018, M. [E] a été placé en arrêt de travail pour maladie non professionnelle.
Le 31 mai 2018, il a déposé une main courante à la gendarmerie.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juin 2018 que le salarié conteste avoir reçue, la SAS St Michel [Localité 2] a notifié à M. [E] une mise à pied de deux jours.
Le 15 juin 2018, M. [E] a transmis à son employeur un arrêt de travail pour accident de travail dont il aurait été victime le 13 mai 2018. La SAS St Michel [Localité 2] a transmis cette déclaration à la Caisse primaire d’assurance maladie et adressé par lettre du 20 juin 2018 des réserves motivées. Le 4 septembre 2018, la CPAM a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l’accident.
Le 29 octobre 2018, à l’issue d’un examen médical de pré-reprise, le médecin du travail a informé la société qu’une ‘reprise de poste n’était vraisemblablement pas envisageable dans l’entreprise’.
Le 13 novembre 2018, lors de la visite de reprise, M. [E] est déclaré inapte par le médecin du travail, son avis mentionnant ‘inapte au poste et à tous les postes de l’entreprise. Formation à voir dans l’avenir’.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2018, la SAS St Michel [Localité 2] a informé M. [E] qu’elle n’avait pas de poste à lui proposer dans le cadre de son reclassement. Le même jour, l’absence de poste au titre du reclassement a été évoquée à la réunion du CSE.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 décembre 2018, la société a convoqué M. [E] à un entretien préalable fixé au 19 décembre 2018 en vue d’un licenciement pour inaptitude non-professionnelle. M. [E] ne s’est pas rendu à l’entretien.
Le 24 décembre 2018, la SAS St Michel [Localité 2] lui a notifié à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par requête du 30 avril 2019, M. [B] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Blois d’une demande tendant à contester la rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 27 avril 2021 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Blois a :
– Annulé la mise à pied de deux jours notifiée le 6 juin 2018.
– Prononcé l’annulation du licenciement de M. [B] [E] notifié par la SAS St Michel [Localité 2] le 24 décembre 2018.
– Condamné la SAS St Michel [Localité 2] à payer à M. [B] [E] Monsieur [B] [E] les sommes suivantes :
– 10 042,14 euros soit 6 mois de salaire au titre de l’indemnité pour licenciement nul,
– 3 347,38 euros au titre du préavis,
– 334,74 euros au titre des congés payés sur le préavis,
– 1 000,00 euros au titre de Particle 700 du code de procédure civile.
– Ordonné à la SAS St Michel [Localité 2] de remettre à M. [B] [E] les bulletins de paie relatifs au préavis et les documents rectifiés de son de contrat sous astreinte de 20,00 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la notification du jugement.
– Débouté M. [B] [E] du surplus de ses demandes.
– Débouté la SAS St Michel [Localité 2] de sa demande reconventionnelle.
– Rappelé les dispositions de l’article R. 1454-28 du Code du travail relatives à l’exécution provisoire de droit.
– Condamné la SAS St Michel [Localité 2] aux entiers dépens.
Le 2 juin 2021, la SAS St Michel [Localité 2] a relevé appel de cette décision.
PRETENTION ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 16 mars 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SAS Saint Michel [Localité 2] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Blois du 27 avril 2021 en ses dispositions suivantes :
– Annule la mise à pied de deux jours notifiée le 6 juin 2018.
– Prononce l’annulation du licenciement de M. [B] [E] notifié par la SAS St Michel [Localité 2] le 24 décembre 2018.
– Condamne la SAS St Michel [Localité 2] à payer à M. [B] [E] Monsieur [B] [E] les sommes suivantes :
– 10 042,14 euros soit 6 mois de salaire au titre de l’indemnité pour licenciement nul,
– 3 347,38 euros au titre du préavis,
– 334,74 euros au titre des congés payés sur le préavis,
– 1 000,00 euros au titre de Particle 700 du code de procédure civile.
– Ordonne à la SAS St Michel [Localité 2] de remettre à M. [B] [E] les bulletins de paie relatifs au préavis et les documents rectifiés de son de contrat sous astreinte de 20,00 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la notification du jugement.
– Déboute M. [B] [E] dusurplus de ses demandes.
– Déboute la SAS St Michel [Localité 2] de sa demande reconventionnelle.
– Rappelle les dispositions de l’article R. 1454-28 du Code du travail relatives à l’exécution provisoire de droit.
– Condamne la SAS St Michel [Localité 2] aux entiers dépens. ‘
En conséquence,
– Débouter M. [B] [E] de l’intégralité de ses demandes.
– Condamner M. [B] [E] à verser à la SAS St Michel [Localité 2] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 1er mars 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [B] [E] demande à la cour de :
– Dire et juger la SAS Saint Michel [Localité 2] si n’est irrecevable, mal fondée en son appel formé à l’encontre du jugement rendu le 27 avril 2021 par le conseil de prud’hommes de Blois,
En conséquence, débouter la SAS Saint Michel [Localité 2] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Vu l’appel incident régulièrement formé parM. [E] et y faisant droit,
– Infirmer le jugement de première instance concernant le montant de l’indemnité pour licenciement nul, le rejet de sa demande de dommages et intérêts pour mise à pied disciplinaire abusive et sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
Statuant à nouveau sur les chefs réformés,
– Condamner la SAS Saint Michel [Localité 2] d’avoir à régler à M. [E] les sommes de :
– 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– 400 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre de la mise à pied notifiée le 30 juillet 2018,
– 15 000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement nul, subsidiairement à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Confirmer le jugement entrepris sur le surplus,
– Condamner la SAS Saint Michel [Localité 2] d’avoir à régler à M. [E] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la SAS Saint Michel [Localité 2] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
– Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au cas particulier, M. [E] fait valoir différents faits au soutien de son allégation de harcèlement moral :
Il prétend avoir été injustement accusé de vol de biscuits et fait l’objet d’une sanction injustifiée à ce titre, de ne pas avoir été informé de la suite donnée à cette procédure avant le 30 juillet 2018, notification tardive de la sanction, de faire l’objet d’incessants reproches sur le non port de la tenue de travail alors qu’il y est autorisé pour raisons médicales, des critiques sur son travail, une anxiété à l’origine de ses arrêts de travail et son inaptitude.
M. [E] justifie avoir fait l’objet le 25 avril 2018 d’une convocation en entretien préalable à sanction disciplinaire fixé au 14 mai suivant, l’employeur lui reprochant un vol de biscuits pour lequel il a été prononcé le 6 juin 2018 une mise à pied de deux jours, non exécutée en raison de l’arrêt de travail pour maladie du salarié à compter du 14 mai 2018, prolongé sans interruption. Il conteste les faits reprochés.
M. [E] soutient également que l’employeur a notifié sa sanction tardivement, le 30 juillet 2018 après qu’il a écrit pour connaitre la suite donnée à la procédure disciplinaire, et qu’il a déposé une main courante à la gendarmerie le 31 mai 2018 pour dénoncer l’absence d’information et son état d’anxiété. Il justifie d’une lettre adressée à la société et de la main courante.
M. [E] dénonce enfin des remarques incessantes de la part d’un manager sur le fait qu’il ne portait pas la tenue de travail alors qu’il y était autorisé pour raison médicale. Le salarié ne prouve pas l’existence de telles remarques ou observations alors que la SAS St Michel [Localité 2] ne les reconnaît pas dans ses écritures mentionnant de ‘prétendues remarques ‘ ou que le salarié ‘ aurait reçu des réflexions’. La cour constate également qu’il n’est produit aucun élément de preuve justifiant que M. [E] serait médicalement dispensé du port de la tenue de travail. Les observations de la SAS St Michel [Localité 2] développées en défense à l’allégation sur ce point ne permettent pas de conclure à la réalité de cette dispense et dans tous les cas, il n’est pas démontré que M. [E] a fait l’objet de reproches d’un manager sur ce sujet. Ce fait n’est pas établi.
M. [E] ne démontre pas davantage qu’il aurait fait l’objet de critiques sur la qualité de son travail. Il ne produit qu’un courrier rédigé par lui-même le 4 septembre 2018 et adressé à la CPAM. Ce fait allégué ne sera pas retenu.
Il produit ces arrêts de travail depuis le 14 mai 2018 mentionnant une axiété réactionnelle et le fait qu’un accident de travail du 13 mai est déclaré.
M. [E] justifie ainsi pour partie d’éléments de faits qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement à son encontre ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail et sa santé.
Il appartient à SAS St Michel [Localité 2] de démontrer que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Selon l’article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
En vertu de l’article L.1333-2 du code du travail, le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
La SAS St Michel [Localité 2] ne produit pas d’extraits de la vidéo-surveillance ou de photos issue de ce dispositif par lequel elle indique avoir constaté le vol reproché à M. [E]. Elle verse toutefois aux débats une attestation du supérieur hiérarchique du salarié qui indique avoir visionné la vidéo et reconnu M. [E] en train de voler des gâteaux et passé par dessus le grillage, celui-ci ayant reconnu le vol mais pas le franchissement du grillage. Cette pièce ne doit pas être écartée au seul motif qu’elle émane du supérieur hiérarchique. En matière prud’homale, la preuve est libre. Un supérieur hiérarchique du salarié visé par la procédure disciplinaire, y compris lorsqu’il représente l’employeur en entretien préalable, peut attester dans le cadre du litige, les juridictions appréciant la valeur probante d’un tel document de preuve. Toutefois, ce témoignage n’est corroboré par aucun autre témoignage, ni aucune autre pièce qui emporterait la conviction, les pièces sur la mise en place en 2013 et 2016 de dispositif de surveillance pour lutter contre les vols et les intrusions dans l’entreprise ne démontrant rien sur le vol reproché. Le doute devant profiter au salarié, il sera retenu que la SAS St Michel [Localité 2] ne démontre pas le vol invoqué au soutien de la mise à pied prononcée contre M. [E], laquelle est injustifiée et doit, en conséquence, être annulée.
S’agissant de la notification de la sanction et d’une procédure irrégulière qui caractériserait un comportement négligeant voire méprisant, la SAS St Michel [Localité 2] justifie par la production de récepissé de dépôt de lettre recommandée avec accusé de réception qu’elle a notifié à M. [E] la sanction de mise à pied prononcée dès le 6 juin 2018, soit dans le délai légal et que c’est ce dernier qui n’a pas réclamé sa lettre auprès de La Poste en sorte qu’aucun manquement ne peut être reproché à la société. La cour relève par ailleurs que la lettre du salarié réclamant à la SAS St Michel [Localité 2] des informations sur le devenir de la procédure n’est pas datée et que la société y a répondu. Enfin , la main courante déposée auprès de la gendarmerie l’a été le 31 mai, soit assez rapidement après l’entretien préalable. Le déroulement de la procédure est exclusif de tout harcèlement moral.
Enfin, aucun élément n’est en faveur de l’existence d’un accident de travail survenu le 13 mai 2018 qui serait nié par l’employeur, celui-ci ayant transmis la déclaration assortie de la formulation de réserves ainsi qu’elle en a le droit à la caisse primaire d’assurance maladie puis a renseigné le questionnaire adéquat de ladite caisse. Les éléments médicaux produits ne permettent pas de retenir un lien, même partiel, avec les conditions de travail de M. [E].
Il résulte de ces développements que la SAS St Michel [Localité 2] justifie de l’existence d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que l’existence de la sanction injustifiée, outre qu’il s’agit d’un fait isolé, est exclusive de tout harcèlement moral.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu le harcèlement moral et la nullité du licenciement comme étant en lien avec ce harcèlement et en ce qu’il a condamné la SAS St Michel [Localité 2] à payer à M. [E] une somme au titre d’un licenciement nul.
La demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral sera également rejetée.
– Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour sanction injustifiée
La mise à pied disciplinaire n’a pas été exécutée en raison de l’arrêt de travail pour maladie ininterrompu de M. [E] . Elle a cependant été prononcée pour des faits relevant du registre de la malhonnêteté ; ce qui cause un préjudice moral au salarié.
Il convient de lui allouer la somme de 300 euros de dommages-intérêts à ce titre.
– Sur le licenciement et le manquement à l’obligation de reclassement
Selon l’article L.1226-2 du code du travail, ‘Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.’
Au cas particulier, l’avis du médecin du travail mentionne ‘inapte au poste et à tous les postes de l’entreprise. Formation à voir dans l’avenir’. Ce qui exclut un reclassement au sein de l’entreprise St Michel et à tout le moins dans l’établissement St Michel [Localité 2] où M. [E] travaillait.
La SAS St Michel [Localité 2] justifie de l’envoi le 15 novembre 2018 auprès des entités du groupe de recherches, dont les établissements d'[Localité 4], [Localité 7], [Localité 5], St Michel services, St Michel Biscuits, St [Localité 8] et [Localité 9], de postes disponibles susceptibles d’être offert à M. [E] dont l’emploi et la date de naissance étaient mentionnées ainsi que l’avis écrit du médecin du travail. Les réponses sont produites et les 29 postes disponibles sont répertoriés dans un tableau détaillé précisant notamment l’emploi, la qualification du poste, le niveau de diplôme requis, la nature de la tâche administrative ou de surveillance, l’existence de port de charges, en hauteur, organisation du travail…, ce tableau ayant été communiqué au salarié. Six postes ont ainsi été identifiés au sein de l’entreprise SAS St Michel [Localité 2], au sein de laquelle la recherche de reclassement n’était pas obligatoire au regard des mentions figurant dans l’avis d’inaptitude. Pour les autres, M. [E] ne disposait pas des qualifications requises pour occuper ces postes, même avec une simple adaptation (assistant comptable, responsable d’équipe, technicien de maintenance, électromécanicien, conducteur de machines ou de ligne fabrication….) Il n’est pas allégué d’un poste qui aurait dû être proposé et qui ne l’a pas été au titre du reclassement.
L’article de presse produit par M. [E] concernant le groupe St Michel, l’apparition de nouveaux métiers et de recrutements date d’avril 2017 et ne peut démontrer un manquement allégué d’une recherche opérée en novembre 2018.
La SAS St Michel [Localité 2] justifie par ailleurs qu’elle a été en contact avec le médecin de travail pour une étude de poste le 29 octobre 2018. Elle a également sollicité, le 29 novembre 2018, l’avis des institutions représentatives du personnel qui ont émis un avis favorable à l’unanimité. Elle a écrit au salarié pour lui communiquer les postes recensés et l’informer du déroulement de la procédure avec l’absence de postes à proposer, imposibilité rappelée dans la lettre de licenciement.
Il apparaît ainsi que la SAS St Michel [Localité 2] justifie de recherches loyales et sérieuses de reclassement de M. [E] et qu’elle n’a pu formuler aucune proposition en adéquation avec ses compétences et les restrictions médicales.
Il convient dès lors de dire que le licenciement de M. [E] est pourvu d’une cause réelle et sérieuse et de rejeter sa demande indemnitaire à ce titre.
Le jugement sera également infirmé en ce qu’il a condamné la SAS St Michel [Localité 2] à payer à M. [E] des sommes au titre de l’indemnité de préavis et congés payés afférents.
– Sur la demande de remise de documents
il n’y a pas lieu à ordonner la remise de documents de fin de contrat rectifiés. Le jugement sera infirmé de ce chef.
– Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient de condamner la SAS St Michel [Localité 2] à payer à M. [E] une somme globale de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel. La demande de la SAS St Michel [Localité 2] sera rejetée.
La société succombant partiellement, elle supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, rendu contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu entre M. [B] [E] et la SAS St Michel [Localité 2] par le conseil de prud’hommes de Blois le 27 avril 2021 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et ajoutant,
– Annule la sanction de mise à pied disciplinaire de deux jours du 6 juin 2018 ;
– Condamne la SAS St Michel [Localité 2] à payer à M. [B] [E] la somme de 300 euros de dommages-intérêts à ce titre ;
– Rejette la demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral présentée par M. [B] [E] ;
-Rejette la demande en nullité du licenciement et en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul présentée par M. [B] [E] ;
– Dit que la SAS St Michel [Localité 2] a respecté son obligation de reclassement et que le licenciement de M. [B] [E] est pourvu d’une cause réelle et sérieuse ;
– Rejette les demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnité de préavis et de congés payés afférents présentées par M. [B] [E] ;
– Rejette la demande tendant à la remise de documents de fin de contrat rectifiés ;
– Condamne la SAS St Michel [Localité 2] à payer à M. [B] [E] la somme globale de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel et rejette sa propre demande à ce titre ;
– Condamne la SAS St Michel [Localité 2] aux dépens de première instance et d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Karine DUPONT Laurence DUVALLET