Charte informatique : 15 février 2011 Cour d’appel de Lyon RG n° 09/07657

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Charte informatique : 15 février 2011 Cour d’appel de Lyon RG n° 09/07657

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 09/07657

[UT]

C/

SAS GROUPE SEB FRANCE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 26 Novembre 2009

RG : F 08/01451

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 15 FEVRIER 2011

APPELANTE :

[KB] [UT]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 7]

[Adresse 9]

[Adresse 3]

[Localité 8]

comparant en personne, assistée de Me RITOUET de la SELARL BATTEN & RITOUET, avocats au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS GROUPE SEB FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Christian BROCHARD, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Janvier 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Hervé GUILBERT, Conseiller

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Février 2011, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Engagée le 5 avril 2001 par la S.A. CALOR, [KB] [UT] s’est vu confier par lettre du 5 avril 2002 l’emploi de responsable de la gestion des relations consommateurs (cadre, position II), moyennant un salaire mensuel brut de 4 189 € pour un forfait annuel de 215 jours de travail, une prime de vacances et un treizième mois.

Son contrat de travail était soumis à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

[KB] [UT] était chargée de mettre en oeuvre le nouveau service consommateurs Marché France (‘Welcome Center’) sur le site d'[Localité 8] (Rhône) où était implantée la société SEB Développement qui gérait le siège mondial du Groupe SEB.

.

Chargée de recruter, encadrer et animer une équipe composée d’un responsable de plateau et de quinze conseillers clientèle, elle devait prendre en charge une volumétrie de 170 000 contacts par an et environ 110 dossiers à risque médiatique ou juridique. Elle avait pour interlocuteurs externes la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la Commission nationale de sécurité des consommateurs et la Chambre de commerce.

Devenue salariée de la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE, dont le siège est à [Localité 10], elle relevait hiérarchiquement du directeur marketing France qui, depuis avril 2006, était [X] [O].

Les superviseurs placés sous son autorité ont été successivement [MY] [PP] jusqu’en mars 2007 puis [AV] [DK] de juillet 2007 à février 2008.

Par lettre recommandée du 26 février 2008, présentée le 27, la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE a convoqué [KB] [UT] le 6 mars en vue d’un entretien préalable à son licenciement et l’a mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée du 29 février 2008, présentée le 1er mars, la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE a reporté l’entretien au 12 mars pour tenir compte des congés de la salariée jusqu’au 2 mars inclus.

Ces deux lettres ont été distribuées le 4 mars 2008.

Par courriel du dimanche 2 mars 2008, [KB] [UT] a alerté son employeur au sujet du harcèlement qu’elle subissait, selon elle, depuis un an et demi de la part de la direction de Groupe SEB France ainsi que des menaces et intimidations dont elle faisait régulièrement l’objet en raison des données sensibles quantifiables collectées par le ‘Welcome Center’, qui étaient exploitées par les directions transversales du Groupe et instrumentalisées pour servir des intérêts divergents.

Le 4 mars 2008, un avis d’arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle a été délivré à la salariée par le docteur [M], médecin psychiatre vers le cabinet duquel celle-ci avait été orientée le 3 mars par son médecin traitant.

Cet arrêt de travail a été constamment renouvelé jusqu’au 18 mars 2011.

Par lettre recommandée du 21 mars 2008, distribuée le 22 mars, la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE a notifié à [KB] [UT] son licenciement pour faute grave.

Après trois pages commémoratives de faits qui, selon l’employeur, ne sont pas la cause du licenciement, ce dernier a été motivé par un manquement grave à l’obligation de loyauté dont [KB] [UT] était redevable à l’égard de la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE et plus généralement du Groupe SEB, résultant des faits suivants :

Avoir demandé à l’une de ses subordonnées de rédiger une fausse attestation datée du 28 octobre 2006 et indiquant que celle-ci avait été témoin d’un appel téléphonique reçu par [KB] [UT] le 27 octobre 2006 de [P] [OE] (directeur général de la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE) sur le parking d'[Localité 8], alors qu’en réalité, [KB] [UT] se trouvait à son domicile au moment de cet appel ;

Avoir demandé à un prestataire extérieur de réaliser des sauvegardes sur DVD de données professionnelles contenues sur l’ordinateur mis à sa disposition et sur les dossiers réseaux partagés du service afin de pouvoir les conserver à son domicile pour un usage personnel ;

Avoir demandé à la subordonnée mentionnée ci-avant de couvrir ses nombreuses absences injustifiées.

Par lettre recommandée du 2 avril 2008, [KB] [UT] a contesté les motifs de son licenciement en soutenant :

qu’aucun témoignage n’avait été fait, une collègue de travail, à laquelle elle s’était livrée en sa qualité de déléguée du personnel l’ayant seulement épaulée pour faire face aux propos et mesures vexatoires dont elle était victime,

qu’une sauvegarde avait été faite par le nouveau prestataire ECS en application des procédures usuelles et non pour l’usage personnel de la salariée…qui aurait été lequel ‘

qu’elle n’était pas véritablement soumise à un contrôle de son temps de travail, mais adressait néanmoins régulièrement ses plannings prévisionnels à son supérieur hiérarchique qui les avait tous validés.

Le 28 avril 2008, [KB] [UT] a saisi le Conseil de prud’hommes de Lyon.

Par jugement avant dire droit du 28 mai 2009, le Conseil a ordonné l’audition de [MY] [PP], [N] [B], [AV] [DK], [A] [LM], [J] [WE] et [T] [XK], salariées ou anciennes salariées de la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE ainsi que celle de [IP] [K], technicien de maintenance et service en informatique, qui était intervenu le 18 février 2008.

Le Conseil de prud’hommes a statué le 26 novembre 2009 sur le dernier état des demandes.

* * *

LA COUR,

Statuant sur l’appel interjeté le 8 décembre 2009 par [KB] [UT] du jugement rendu le 26 novembre 2009 par le Conseil de prud’hommes de LYON (section encadrement) qui a :

– dit que le licenciement de [KB] [UT] repose bien sur une faute grave et n’est par conséquent pas abusif,

– en conséquence, débouté [KB] [UT] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE de sa demande basée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 11 janvier 2011 par [KB] [UT] qui demande à la Cour de :

1°) infirmer le jugement entrepris,

2°) condamner la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE au paiement des sommes suivantes :

– dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 99 500,00 €

(nets de C.S.G. et de C.R.D.S.)

– dommages-intérêts pour harcèlement moral66 400,00 €

(nets de C.S.G. et de C.R.D.S.)

– indemnité compensatrice de préavis33 183,30 €

– congés payés afférents3 318,33 €

– rappel de salaire au titre de la mise à pied3 687,00 €

– congés payés afférents368,70 €

– rappel de salaire au titre des 1er et 2 mars 2008368,70 €

– congés payés afférents36,87 €

– rappel de six jours de réduction du temps de travail 1 106,00 €

– congés payés afférents110,61 €

– rappel de 1,42 jour de congés d’ancienneté261,78 €

– avantage C.E.320,00 €

– indemnité de licenciement 11 202,68 €

– intéressement et participation sur préavis5 669,60 €

– article 700 du code de procédure civile 3 000,00 €

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE qui demande à la Cour de :

– confirmer la décision des premiers juges en date du 26 novembre 2009 en toutes ses dispositions,

– débouter [KB] [UT] de l’ensemble de ses demandes,

– la condamner à la somme de 3 000 € pour procédure abusive,

– la condamner à la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Attendu qu’aux termes des articles L 1152-1 à L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements précédemment définis ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit ;

Attendu que selon l’article L 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l’application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;

Attendu que [KB] [UT] n’a pas été licenciée pour s’être livrée à un harcèlement moral sur ses subordonnées ; que cette imputation tardive, reposant sur le témoignage d’un petit nombre de salariées auxquelles, à une seule exception, la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE avait eu des reproches professionnels ou disciplinaires à adresser, tend à modifier les termes du litige et à éluder le débat sur le harcèlement que l’appelante dit avoir elle-même subi ; qu’il sera donc seulement relevé que le 3 mars 2007, une conseillère de la Chambre de commerce a écrit à [KB] [UT] que le ‘Welcome Center’ était un exemple du fait de son excellent management et de la satisfaction des collaborateurs, qui en faisaient l’un des centres les plus prisés des personnes en recherche d’emploi ; qu’il ressort des explications orales des parties et des pièces communiquées que l’appelante, dont le rattachement hiérarchique au directeur du marketing portait en germe les difficultés qu’elle a rencontrées dans l’exécution de sa mission, a été confrontée à ce que le docteur [TM], médecin-chef du secteur de psychiatrie du [5], a qualifié de conflit de loyauté entre la direction du Groupe et sa hiérarchie directe ; que par lettre du 22 janvier 2007, faisant suite à l’interruption de son entretien d’évaluation, [KB] [UT] a demandé à [X] [O] de lui préciser par écrit à qui elle pouvait transmettre les documents de son service ; qu’elle ne souhaitait plus, en effet, être exposée à la fois au reproche d’avoir transmis des éléments sur demande écrite du Comité exécutif (COMEX) du Groupe (en mettant [X] [O] en copie) et d’avoir refusé de transmettre immédiatement de tels éléments au motif que l’accord préalable d'[X] [O] était requis ; que par courriel du 1er février 2007, la salariée a renouvelé sa demande de clarification ; que dans une lettre remise en main propre à la salariée le 19 février 2007, [X] [O] (N+1) et [GR] [Y] (ressources humaines) ont noté au titre des points à améliorer le respect de la hiérarchie directe, toute information émanant du ‘Welcome Center’ et ayant un impact sur le fonctionnement de la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE devant être transmise en priorité au directeur du marketing ; qu’ils lui ont rappelé l’information concernant un ‘recall DARTY’, dont [KB] [UT] était la source et qui était parvenue le 26 octobre 2006 à [S] [R], numéro deux du Groupe SEB, alors qu’aucun des acteurs de la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE n’étaient au courant ; qu’énoncé sous cette forme, le reproche est inexact, [KB] [UT] ayant adressé son courriel du 26 octobre 2006 simultanément à [X] [O] et aux autres destinataires ; que le supérieur direct de la salariée pouvait tout au plus déplorer de n’avoir pas eu la primeur de l’information ; qu’au demeurant, [S] [R] ne suivait pas rigoureusement la voie hiérarchique puisque le 21 avril 2006, il a transmis directement à [KB] [UT], pour information, un courriel relatif au rôle d’expert et de consultant en appui des filiales européennes qu’il avait décidé de confier à la salariée ; que par courriel du 13 novembre 2006, il l’a autorisée à diffuser à [CG] [I] (‘acting’ directeur DQNE) le rapport consolidé confidentiel du ‘Welcome Center’ ; que dans sa lettre recommandée du 26 février 2007 à [X] [O], [KB] [UT] a interrogé ce dernier sur le point de savoir si elle devait solliciter de sa part l’autorisation de transmettre une information demandée directement par la société SEB Développement ou par le COMEX, ou simplement lui adresser copie des informations transmises ; que par lettre du 19 mars 2007, dont l’auteur n’est curieusement pas identifiable, l’appelante a été informée de ce qu’elle devait demander, de manière informelle ou formelle, l’autorisation d'[X] [O] avant de transmettre toute information sensible et/ou importante à destination de tout interlocuteur interne et externe ; que le 22 juin 2007, le directeur qualité a transmis à [KB] [UT] la demande du président directeur général de recevoir en direct les reportings du service consommateurs ; que la salariée a aussitôt interrogé [X] [O] pour savoir si elle pouvait ajouter le président et les membres du COMEX sur la liste de diffusion ; qu’il n’est pas démontré que, comme l’écrit [X] [O] dans son attestation du 20 avril 2009, [KB] [UT] ne tenait absolument pas compte des attentes de sa hiérarchie, ne jugeant pas utile de faire bénéficier celle-ci des informations auxquelles elle avait accès, et qu’elle transmettait par ailleurs à d’autres managers ; que l’épisode de décembre 2006 auquel [X] [O] consacre un paragraphe (longue réticence de [KB] [UT] à transmettre des fichiers à ce dernier) n’est pas documenté, les courriels des 15 et 19 décembre 2006 visés par le témoin n’ayant pas été versés aux débats ;

Qu’il est en revanche démontré que [KB] [UT] a été progressivement mise à l’écart par son supérieur hiérarchique ; que dès le 14 avril 2006, dans un courriel portant en objet ‘Welcome Center et reclassement du personnel dans les Vosges’, [X] [O] a écrit : Après discussion en interne, nous aurions préféré laissé [KB] hors des discussions ; que l’entretien annuel d’évaluation de [KB] [UT] a été interrompu le 18 janvier 2007 en raison de ce qu'[X] [O] a appelé par euphémisme des ‘divergences de point de vue’ ; que ce dernier a convoqué [CN] [TH], travailleur temporaire du service consommateur, en vue d’une réunion fixée le 16 avril 2007, pour le présenter à l’équipe en vue de son intégration, sans en informer [KB] [UT] ; qu’en revanche, une demande de réunion avec la force de vente du réseau PROXI, transmise par la salariée le 15 juin 2007 n’a reçu aucune réponse d'[X] [O] ; qu’en effet, le courriel de ce dernier, à la lecture duquel l’intimée renvoie la Cour, n’est pas une réponse à la demande de la salariée ; que si celle-ci a été informée de la procédure de licenciement engagée contre [IP] [W], salarié de son service, par un courriel du 7 août 2007, qui avait d’ailleurs un objet plus large (résoudre l’usure au poste de conseiller clientèle), elle a eu connaissance de la date de l’entretien préalable au licenciement de ce salarié par un courriel de [T] [XK], déléguée du personnel, et de la date du licenciement par un courriel de son superviseur [AV] [DK] (N-1) qui avait eu le 22 août 2007 une réunion et un déjeuner avec [X] [O] et avec [GR] [Y], de la direction des ressources humaines ; qu’une nouvelle réunion consacrée à l’intégration de [AV] [DK] au poste de superviseur a d’ailleurs eu lieu le 7 novembre 2007 avec les mêmes participants, c’est-à-dire sans [KB] [UT] ; que le 24 septembre 2007, [X] [O] a fait savoir à [KB] [UT] qu’il préférait qu’elle ne participât pas au séminaire organisé les 4 et 5 octobre à Londres par l’Association des services consommateurs des multinationales en Europe ; qu’invité par l’appelante le 11 décembre 2007 au repas de [FY] du ‘Welcome Center’, [X] [O] n’a pas répondu ;

Que [KB] [UT] n’a pas attendu son licenciement pour se plaindre d’être harcelée ; qu’il ressort, en effet, d’une lettre de l’inspectrice du travail datée du 4 avril 2007 qu’au cours d’un entretien avec celle-ci, la salariée l’a informée de faits constituant, selon elle, un harcèlement moral ; que dans ce courrier, l’inspectrice du travail a invité [KB] [UT] à revoir avec sa hiérarchie la définition de son poste et à noter par écrit les événements attestant de cette situation afin de constituer un dossier utile en cas de litige ; que [T] [XK] était présente à l’entretien que [KB] [UT] a eu le 19 mars 2007 avec l’inspectrice du travail ; que le 26 mars 2007, l’appelante s’est renseigné auprès d’un consultant sur les modalités du bilan de compétence avec l’APEC ; que ce consultant, [F] [U], l’avait trouvée alors en grande souffrance professionnelle ;

Qu’il résulte des pièces et des débats que l’attitude d'[X] [O] n’a pas permis à [KB] [UT] de sortir du conflit de loyauté dont elle était prisonnière ; qu’en effet, le directeur marketing n’a pas résolu directement avec ceux qu’il appelle dans son attestation ‘les autres managers’ le problème de la diffusion des informations élaborées par le ‘Welcome Center’ ; que l’appelante a été soumise à une charge psychologique importante, aggravée par sa mise à l’écart ; qu’en effet, elle a été progressivement supplantée par [AV] [DK] qui traitait directement avec [X] [O] et avec la direction des ressources humaines ; que dans un courriel du 22 août 2007, [AV] [DK] a d’ailleurs informé [KB] [UT] de ce que sa fonction était susceptible d’évolution, aux dires d'[X] [O], de façon à décharger l’appelante de ‘certaines tâches’ ; que la Cour retire des éléments contradictoirement débattus la conviction que celle-ci a été victime d’un harcèlement moral, le syndrome psychotraumatique constaté par le docteur [M] en mars 2008 étant en relation directe avec la dégradation de ses conditions de travail ; que les certificats établis en mai 2008 par les docteurs [HJ] et [TM], psychiatres, décrivent un ensemble de symptômes que l’on retrouve habituellement chez les personnes victimes de harcèlement ; que le retentissement des faits est important, même s’il a été aggravé encore par le licenciement ; que la Cour dispose d’éléments suffisants pour fixer à la somme de 30 000 € le montant des dommages-intérêts dus à la salariée en réparation de son préjudice ;

Sur le licenciement :

Attendu qu’il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis ;

Qu’en l’espèce, [T] [XK] a été la cheville ouvrière du licenciement de [KB] [UT] puisqu’elle s’est rapprochée le 22 février 2008 de la direction des ressources humaines pour l’informer des faits qui constituent les trois griefs adressés à l’appelante ; que le même jour, elle a rédigé une attestation dans laquelle elle justifie sa démarche par une situation de plus en plus insupportable aussi bien psychologiquement que physiquement ; qu’elle a enfin été entendue comme témoin par le Conseil de prud’hommes le 25 juin 2009 ; qu’il convient d’apprécier la cohérence de la démarche de [T] [XK] et la foi qui peut être accordé à son témoignage ; que début 2004, la Caisse primaire d’assurance maladie a transmis à la S.A.S. CALOR une attestation de salaire pour le paiement d’indemnités journalières, en raison d’anomalies ; qu’il s’est avéré que la société CALOR n’avait pas délivré à [T] [D] cette attestation datée du 27 octobre 2003, pour un arrêt de travail du 26 mars au 28 avril 2003 ; qu’interrogée le 29 janvier 2004 par [G] [C], responsable des ressources humaines, et par [KB] [UT], [T] [XK] a reconnu ne pas avoir obtenu d’arrêt de travail à cette date ; qu’elle a accusé son compagnon d’avoir rédigé l’attestation de salaire, ajoutant qu’à la suite de vol dans son chéquier et de disparition de documents, elle souhaitait s’éloigner de lui et s’installer chez une amie à [Localité 6] ; qu’au cours d’un entretien préalable à une sanction disciplinaire, fixé le 10 février 2004, [T] [XK] a reconnu qu’elle avait établi elle-même l’attestation de salaire en utilisant un timbre qu’elle avait fabriqué et un avis d’arrêt de travail qui lui avait été délivré antérieurement et qu’elle n’avait pas pris à l’époque ; que par lettre recommandée du 16 février 2004, la société CALOR lui a notifié une mise à pied disciplinaire de cinq jours ; qu’il ressort d’un arrêt rendu le 6 mars 2008 par la Cour d’appel de Chambéry, devant laquelle [T] [XK] avait comparu comme prévenue à l’audience du 24 janvier 2008, que le 15 février 2006, devant les policiers de [Localité 6], [T] [XK] a désigné comme auteur du faux non son ex-mari ou elle-même, mais sa future co-prévenue [BC] [E], alors employée à la Mutualité sociale des Alpes et qui l’avait hébergée de mars à octobre 2004 ;

Que pour ce qui concerne plus spécialement les relations de [T] [XK] avec [KB] [UT], la seconde s’est confiée à la première en sa qualité de déléguée du personnel, élue comme candidate libre ; qu’en février 2007, [KB] [UT] a soumis à [T] [XK] un projet de lettre qui a donné lieu de la part de la déléguée du personnel à l’appréciation suivante : Vous ne polémiquez pas, vous mettez les choses au point dans un langage soft (pas de mot fort) mais des faits qui sont plus percutants que du bla bla !!!!! ; que [T] [XK] a contacté à plusieurs reprises [H] [Z], déléguée syndicale C.F.D.T., en 2006 et 2007 pour lui faire part du harcèlement que [KB] [UT] et elle-même subissaient ; qu’en décembre 2006, [T] [XK] a soumis à [H] [Z] le brouillon d’une lettre destinée à une déléguée du personnel, dans laquelle elle dénonçait les critiques émises par celle-ci sur le service de [KB] [UT] et vantait le bon management de sa supérieure hiérarchique ; qu’en avril 2007, elle a annoncé à [H] [Z] qu’elle avait pris l’initiative de contacter l’inspection du travail pour dénoncer le harcèlement de [KB] [UT], qui continuait ; qu’elle avait refusé la proposition faite par la déléguée C.F.D.T. de l’accompagner, désirant défendre seule [KB] [UT] ; que [T] [XK] était ressentie comme trop proche de [KB] [UT], raison pour laquelle [N] [B] ne l’a pas sollicitée lorsqu’elle s’est trouvée en difficulté ; que le 22 février 2008 seulement, [T] [XK] a fait état du ‘comportement de plus en plus oppressant de [sa] hiérarchie’ avant d’évoquer à la barre du Conseil de prud’hommes la peur que lui inspirait [KB] [UT] et d’ajouter : On n’est pas du même monde ; que cette prise de conscience tardive, après le non-renouvellement de son mandat de déléguée du personnel et juste avant son départ en retraite, ne concorde pas avec l’état antérieur des relations de [KB] [UT] et de [T] [XK] dont rendent compte les pièces communiquées ; que les incertitudes et les contradictions de [T] [XK] ne permettent pas de considérer que son témoignage, sur lequel repose l’essentiel des griefs faits à [KB] [UT] dans la lettre de licenciement, est constamment digne de foi ;

Attendu qu’au soutien du premier grief, la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE communique :

– une attestation datée du 28 octobre 2006 dans laquelle [T] [XK] relate le contenu d’un appel téléphonique émis par le directeur général [P] [OE] et reçu par l’appelante alors qu’elle se trouvait sur le parking de SEB à [Localité 8], en compagnie de [T] [XK] et d’une autre téléconseillère,

– un brouillon de la même attestation, attribué à [KB] [UT],

– une attestation établie le 22 février 2008 par [T] [XK] qui relate que [KB] [UT] lui a rapporté ‘dans la foulée’ un entretien téléphonique qu’elle avait eu le 27 octobre 2006 avec [P] [OE] et, beaucoup plus tard, le 18 février 2008, lui a demandé de rédiger une attestation antidatée, au vu d’un brouillon que sa supérieure hiérarchique avait préparé ;

Qu’en première instance, [KB] [UT] a expliqué qu’à l’issue de leur rendez-vous à l’inspection du travail, [T] [XK] lui avait proposé de lui délivrer une attestation sur la base du descriptif de ce qui s’était passé à l’époque et lui avait dicté à cette fin un brouillon d’attestation ; que l’appelante a contesté avoir exercé une quelconque pression sur [T] [XK] ; qu’elle reprend la même thèse devant la Cour ; qu’elle ne conteste pas avoir rédigé le brouillon qui constitue la pièce n°38 de la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE et donne des circonstances dans lesquelles celle-ci a été établie une explication qui n’emporte pas la conviction ; qu’en effet, la Cour ne voit pas pour quelle raison [T] [XK], qui devait rédiger la version définitive de l’attestation, en aurait dicté le brouillon à [KB] [UT] plutôt que de l’écrire elle-même ; qu’en revanche, il n’existe aucun élément en faveur de pressions exercées par l’appelante sur sa subordonnée ; que l’attestation litigieuse (pièce n°35) n’a pas date certaine et aurait, selon [T] [XK], été rédigée par elle à la suite d’une demande exprimée par [KB] [UT] le 17 février 2008 et réitérée le 21 février ; que l’attestation antidatée aurait donc été rédigée à une date peu antérieure au jour (22 février) où, selon la lettre de licenciement, [T] [XK] a ‘fait remonter’ les faits imputés à sa supérieure ; que cette chronologie est plausible puisque [T] [XK] était encore en possession du brouillon, qu’elle a remis à son employeur, ce qui n’aurait sans doute plus été le cas si elle avait recopié ce brouillon bien avant février 2008 ; que dès lors, la question qui se pose est celle de savoir :

– si [T] [XK] a rédigé l’attestation datée du 28 octobre 2006 pour [KB] [UT],

ou

– si [T] [XK] a rédigé cette attestation pour alimenter la dénonciation intervenue le 22 février 2008 ;

Que la première hypothèse se heurte au fait que [T] [XK] est restée en possession de l’attestation qu’elle a remise avec le brouillon à la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE , et non à [KB] [UT] ; que ce constat n’est pas en faveur de pressions exercées par celle-ci sur [T] [XK] puisque ces pressions ne pouvaient avoir pour but que d’obtenir, non la rédaction de l’attestation, mais sa délivrance à [KB] [UT], dont rien ne démontre formellement qu’elle a eu lieu ; qu’il n’existe pas de ‘preuve implicite’ en matière de faute grave, contrairement à ce que considère la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE dans ses écriture (page 28) ; que dans la situation la plus favorable à l’employeur, il pourrait donc seulement être reproché à l’appelante d’avoir tenté d’obtenir de sa subordonnée une attestation faisant état de faits dont il reste à apprécier s’ils sont matériellement inexacts ; que les seuls faits dont l’inexactitude est certaine concernent le lieu où [KB] [UT] a reçu l’appel de [P] [OE] et la présence de [T] [XK] ; que l’appelante ne pouvait en effet se trouver sur le parking du Groupe SEB puisque, dans un courriel adressé à [T] [XK] le 19 janvier 2007, elle a rapporté à celle-ci l’appel téléphonique de [P] [OE] en précisant qu’elle se trouvait alors à son domicile ; que pour le reste, la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE est dans l’incapacité de rapporter la preuve de ce que [P] [OE] n’a pas appelé [KB] [UT] chez elle le vendredi 27 octobre 2006 à 19 heures pour lui faire les vifs reproches qui sont consignés dans le courriel de la salariée et dans l’attestation de [T] [XK] ; qu’en effet, [P] [OE] n’a pas attesté ; qu’il n’y a donc pas lieu de s’attarder sur le crédit à accorder à l’attestation très tardive de [YW] [L], qui certifie qu’il était présent au domicile de [KB] [UT] et qui confirme le contenu de l’entretien ; qu’en conclusion, la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE ne démontre ni que [KB] [UT] a exercé des pressions sur [T] [XK] pour obtenir une fausse attestation, ni qu’une telle attestation a été effectivement délivrée par [T] [XK] à [KB] [UT], ni que les seuls faits relatés susceptibles de faire grief à la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE dans l’attestation litigieuse étaient inexacts ;

Attendu, sur le deuxième grief, que [KB] [UT] a été informée le 7 février 2008 d’un changement de prestataire d’infogérance, ECS remplaçant OSIATIS ; que [IP] [K], technicien en maintenance, est intervenu le 18 février 2008 sur l’ordinateur de [KB] [UT] pour résoudre un problème d’archivage ; que la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE ne conteste pas qu’elle était informée de cette intervention ; que selon [IP] [K], la salariée a sollicité une prestation complémentaire, à savoir la sauvegarde sur supports DVD de l’ensemble des documents, personnels ou professionnels, enregistrés sur le disque dur de son ordinateur ainsi que des documents qui étaient sur le serveur ; qu’elle avait le statut de VIP, ce qui impliquait que la société ECS devait satisfaire ses demandes ; que l’intervention de [IP] [K] a commencé à 9 heures 30 ; que [KB] [UT] s’est rendue à une séance de kinésithérapie de 12 heures à 13 heures, laissant [IP] [K] avec [T] [XK] qui voulait voir comment on faisait une sauvegarde ; que le technicien a terminé ses opérations et, selon ses dires, a remis les DVD à [KB] [UT] qui était donc de retour ; que la salariée a soutenu en première instance que la sauvegarde des données avait été effectuée sur demande du service informatique de la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE et qu’elle n’avait personnellement aucun intérêt à effectuer des sauvegardes de données sur DVD, disposant d’une ligne spécialisée d’accès à distance ; que devant la Cour, [KB] [UT], qui a un nouveau conseil, ne reprend pas explicitement cette thèse, qui est contredite par la déposition de [IP] [K] ; qu’elle affirme que ce dernier était déjà parti à son retour et n’avait donc pas pu lui remettre les DVD ; que sur ce point, la salariée est encore contredite par [IP] [K] qui, il est vrai, a été entendu par le Conseil de prud’hommes seize mois après les faits ; qu’au cours de sa déposition, [T] [XK] a indiqué qu’elle n’avait pas vu la fin des opérations du technicien, que ce dernier avait écrit des choses sur des CD, mais qu’elle ne savait pas ce qu’il en avait fait ;  qu’en tout cas, le bon d’intervention n’a été signé par personne, ce qui, selon [IP] [K], n’est pas significatif ; qu’il est possible que [KB] [UT] mente lorsqu’elle soutient que ce dernier ne lui a pas remis les DVD de sauvegarde ; qu’il est également possible que les inexactitudes qui ponctuent la version de la salarié reflètent seulement ce discours embrouillé et décousu, ces troubles de mémoire et cette grande difficulté à retracer les événements de manière chronologiques qui ont été constatés par les docteurs [HJ] et [TM], médecins psychiatres ;

Que pour qualifier les faits imputés à la salariée, la Cour se placera encore une fois dans l’hypothèse la plus favorable à la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE, à savoir celle qui est soutenue par [T] [XK], selon laquelle [KB] [UT] a emporté à son domicile les DVD que lui avait remis [IP] [K] ; que la faute de [KB] [UT] ne peut consister :

– ni à avoir fait effectuer une sauvegarde des données sur DVD puisque, d’une part, elle démontre que les bases de données étaient encore sauvegardées sur support DVD en septembre 2006 et, d’autre part, qu’il s’agissait, selon les termes de [IP] [K], d’une manoeuvre qu’il conseillait tous les jours sur support externe,

– ni à avoir détenu ces données enregistrées à son domicile puisqu’elle avait un accès permanent à celles-ci au moyen d’une connexion VPN, avec un logiciel IPassConnect, ainsi qu'[V] [SB], ingénieur informatique, l’a constaté début 2008 à l’occasion d’un dépannage ;

Que l’appropriation personnelle des ressources techniques auxquelles [KB] [UT] avait accès, prohibée par l’article 1er de la charte informatique du Groupe SEB, ne peut, dans le cas de l’appelante, résulter de la nature du support sur lequel les données sont conservées ; qu’elle implique un usage extra-professionnel de celles-ci ; qu’il est reproché à [KB] [UT] d’avoir fait procéder à des sauvegardes pour un usage personnel, plus précisément afin d’appuyer un dossier contentieux à l’encontre de la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE ; que la preuve de la destination des données sauvegardées sur DVD résulterait de l’existence d’une sauvegarde automatique des fichiers partagés et de l’accès direct dont [KB] [UT] bénéficiait à son domicile ; que de l’inutilité de la sauvegarde sur DVD des fichiers partagés, la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE déduit non la preuve d’un fait, mais celle d’une intention prêtée à la salariée ; qu’il ne s’agit que d’une preuve par présomption ; qu’en outre et surtout, il ne peut y avoir en droit disciplinaire de délit d’intention, la sphère de la conscience du salarié échappant au contrôle de l’employeur ; que s’agissant du deuxième grief, la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE n’a caractérisé à la charge de [KB] [UT] aucun fait objectif ayant un caractère fautif ;

Attendu, sur le troisième grief tiré d’absences injustifiées, qu’il convient de considérer, selon la société intimée, que le reproche portait non sur la durée ou la fréquence des absences, mais plutôt sur la finalité de celles-ci ; qu’en effet, ces absences auraient eu pour objet de préparer un futur dossier prud’homal ou de rechercher un emploi à l’extérieur ; que par là, le troisième grief se rapproche du deuxième, l’objectif présumé d’un comportement anodin transformant ce dernier en fait fautif ; que de même qu’il existe en droit pénal des ‘délits-obstacles’, il s’agit ici d’un ‘licenciement-obstacle’ ayant pour objet de préserver la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE d’un risque judiciaire auquel le licenciement ne pouvait d’ailleurs que donner corps ; qu’aucune absence injustifiée ne pouvait d’ailleurs être reprochée à un cadre soumis à un forfait annuel en jour et dont le contrat de travail l’invitait à ne pas tenir compte du nombre d’heures effectuées (article 3) ;

Attendu, en conclusion, que la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE n’est pas parvenue à réunir les éléments constitutifs d’un ‘acte global de déloyauté’ dont les faits distincts visés dans la lettre de licenciement participeraient ; que le manquement à l’obligation de loyauté imputé à l’appelante n’est qu’une nébuleuse dissimulant l’inexistence (2ème et 3ème grief) ou le caractère insuffisamment sérieux (1er grief) des fautes reprochées à la salariée ;

Qu’en conséquence, le licenciement de [KB] [UT] par la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris sera donc infirmé ;

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu que [KB] [UT] qui a été licenciée sans cause réelle et sérieuse, alors qu’elle avait plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise occupant habituellement plus de dix salariés, est en droit de prétendre, en application de l’article L 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l’appelante, qui était dans sa cinquante-deuxième année à la date du licenciement, n’a pu reprendre une activité professionnelle en raison de son état de santé ; qu’il est impossible, dans les troubles présentés par la salariée, de faire la part de ce qui incombe au harcèlement moral et de ce qui résulte du licenciement ; qu’il peut néanmoins être admis que la rupture du contrat de travail a été un facteur péjoratif dans l’évolution de sa pathologie ; que la Cour dispose d’éléments suffisants pour fixer à la somme brute de 70 000 € le montant de l’indemnité que la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE devra verser à [KB] [UT] en réparation du préjudice consécutif à la rupture de son contrat de travail ;

Attendu en outre qu’en application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail, il convient en tant que de besoin d’ordonner le remboursement par la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage payées à [KB] [UT] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;

Sur l’indemnité compensatrice de préavis :

Attendu qu’aux termes de l’article L 1234-5 du code du travail, l’inobservation du délai-congé ouvre droit, sauf faute grave, à une indemnité compensatrice égale aux salaires et avantages, y compris l’indemnité de congés payés, que le salarié aurait reçus s’il avait accompli son travail ; que le préavis prévu par l’article 27 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, âgés de plus de cinquante ans et ayant plus de cinq ans de présence dans l’entreprise, est de six mois ; qu’en conséquence, la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE sera condamnée à payer à [KB] [UT] une indemnité compensatrice de 33 183,30 € outre 3 318,33 € de congés payés afférents ;

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement :

Attendu que le taux de l’indemnité de licenciement fixé à l’article 29 de la convention collective nationale applicable, en fonction de la durée de l’ancienneté de l’intéressé dans l’entreprise, est de :

– pour la tranche de 1 à 7 ans d’ancienneté : 1/5 de mois par année d’ancienneté,

– pour la tranche au-delà de 7 ans : 3/5 de mois par année d’ancienneté,

l’indemnité de congédiement étant calculée sur la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels dont l’ingénieur ou cadre a bénéficié au cours de ses 12 derniers mois de présence dans l’établissement ; qu’en ce qui concerne l’ingénieur ou cadre âgé d’au moins 50 ans et de moins de 55 ans et ayant 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise, le montant de l’indemnité de licenciement est majoré de 20 % sans que le montant total de l’indemnité puisse être inférieur à 3 mois ; que l’indemnité prévue par l’article 29 de la convention collective ne peut pas dépasser la valeur de 18 mois de traitement ;

Qu’en l’espèce, [KB] [UT] était âgée de cinquante-et-un ans à la date du licenciement ; qu’au terme du préavis, son ancienneté était de sept ans et cinq mois ; que le salaire mensuel de référence est de 5 530,55 € ; que l’indemnité conventionnelle de licenciement due à [KB] [UT] s’élève donc à 10 950,49 € ;

Sur la demande de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire :

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L 1332-3 du code du travail que seule une faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant une mise à pied conservatoire ;

que la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE sera donc condamnée à payer à [KB] [UT] un rappel de salaire de 3 687 € complété par une indemnité de 368,70 € au titre des congés payés incidents ;

Sur la demande de rappel de salaire sur les journées des 1er et 2 mars :

Attendu que la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE soutient désormais que [KB] [UT] était en congés payés jusqu’au 3 mars 2008 ; que devant la formation de référé du Conseil de prud’hommes, elle avait plaidé que la mise à pied avait pris effet le 27 février 2008, date de première présentation de la lettre recommandée du 26 février 2008 ; que l’examen du bulletin de paie de mars 2008 ne permet d’identifier ni les cinq jours de congés payés pris ni les vingt-et-un jours d’absence non rémunérés ; qu’il ne résulte pas de cette pièce que les journées des 1er et 2 mars ont été rémunérées ; que la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE sera donc condamnée à payer à [KB] [UT] un rappel de salaire de 368,70 € outre 36,87 € de congés payés incidents ;

Sur le solde des jours de réduction du temps de travail et les congés d’ancienneté :

Attendu que [KB] [UT] procède par affirmation, sans s’expliquer sur l’ouverture du droit ; qu’elle ne trouve rien à opposer à la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE qui, en visant le bulletin de paie d’avril 2008, soutient que ses droits sont épuisés ;

Sur les avantages C.E. :

Attendu que [KB] [UT] ne saisit la Cour d’aucun moyen contre ce chef du jugement entrepris ;

Sur la participation et l’intéressement :

Attendu que les parties ne se sont pas suffisamment expliquées ; que les accords applicables n’ont pas été communiqués ; que la Cour n’étant pas en mesure de statuer, la réouverture des débats sera ordonnée ;

Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu’il ne serait pas équitable de laisser [KB] [UT] supporter les frais qu’elle a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud’hommes qu’en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’une somme de 3 000 € lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Reçoit l’appel régulier en la forme,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté [KB] [UT] de ses demandes au titre du solde des jours de réduction du temps de travail, des congés d’ancienneté et des avantages C.E.,

Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,

Statuant à nouveau :

Dit que [KB] [UT] a été victime de harcèlement moral et licenciée par la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamne la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE à payer à [KB] [UT] :

la somme brute de soixante-dix mille euros (70 000 €) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

la somme de trente mille euros (30 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au harcèlement moral,

lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

Ordonne le remboursement par la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage éventuellement payées à [KB] [UT] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

Condamne la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE à payer à [KB] [UT] les sommes brutes suivantes :

trente-trois mille cent quatre-vingt-trois euros et trente centimes (33 183,30 €) à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

trois mille trois cent dix-huit euros et trente-trois centimes (3 318,33 €) au titre des congés payés afférents,

dix mille neuf cent cinquante euros et quarante-neuf centimes (10 950,49 €) à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 

trois mille six cent quatre-vingt-sept euros (3 687 €) à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire,

trois cent soixante-huit euros et soixante-dix centimes (368,70 €) au titre des congés payés incidents,

trois cent soixante-huit euros et soixante-dix centimes (368,70 €) à titre de rappel de salaire sur les journées des 1er et 2 mars 2008,

trente-six euros et quatre-vingt-sept centimes (36,87 €) au titre des congés payés incidents ;

Ordonne la réouverture des débats sur la demande relative à la participation et à l’intéressement à l’audience collégiale du 7 juin 2011 à 10 heures 30, salle 1, la notification du présent arrêt valant convocation à ladite audience,

Déboute la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE de ses demandes reconventionnelles,

Condamne la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE à payer à [KB] [UT] la somme de trois mille euros (3 000 €) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. GROUPE SEB FRANCE aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY

 


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