Charte informatique : 2 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01437

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Charte informatique : 2 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01437

ARRET

Association ESPOIR 02

C/

[K]

copie exécutoire

le 02 mars 2023

à

Me Chalon

Me Romby

CB/MR/BG

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 02 MARS 2023

*************************************************************

N° RG 22/01437 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IMQJ

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 15 MARS 2022 (référence dossier N° RG 20/00128)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Association ESPOIR 02 exerçant sous l’enseigne : SAMSAH agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée, concluant et plaidant par Me Gérard CHEMLA de la SCP SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS substitué par Me Vanessa LEHMANN de la SCP SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

ET :

INTIME

Monsieur [I] [K]

né le 11 Mai 1985 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté, concluant et plaidant par Me François ROMBY, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

A l’audience publique du 05 janvier 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l’arrêt sera prononcé le 02 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 02 mars 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [K] a été embauché par contrat à durée indéterminée à compter du 2 avril 2012 par l’association Espoir 02, en qualité d’aide médico-psychologique.

Son contrat est régi par la convention collective des établissements et services pour personne inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

L’association compte un effectif de plus de 10 salariés.

Par lettre en date du 28 août 2020, le salarié a été convoqué à un entretien préalable, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 25 septembre 2020, il a été licencié pour faute sérieuse dans les termes suivants :

Nous faisons suite à l’entretien préalable du 21 septembre dernier, auquel vous vous êtes présenté comme vous l’avez souhaité, sans être assisté et auquel vous avez été reçu par M. [T], en sa qualité de Directeur de l’association ESPOIR 02, accompagné de Mme [G], Cheffe de Service à l’association.

Les explications recueillies auprès de vous lors de cet entretien n’ont pas permis aux organes de direction de cette association de modifier son appréciation de la situation rendant impossible votre maintien dans la structure et la poursuite de notre collaboration. Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave avec effet immédiat, sans préavis ni indemnité de licenciement, motivé par les faits suivants.

Le mercredi 26 août dernier, vous étiez dans le bureau des AMP ou AES et seul salarié présent au premier étage des locaux, puisque votre collègue, Mme [Y], infirmière, était alors partie en visite à domicile.

Peu avant 11h, vous veniez à peine de quitter votre bureau pour vous rendre en intervention, lorsque le téléphone a de nouveau sonné. M. [T], s’y est alors déplacé pour répondre à l’appel. II s’agissait d’un bénéficiaire requérant une intervention, de sorte qu’il devait consulter le planning déjà ouvert sur le poste informatique de votre bureau pour lui répondre.

En raccrochant, il a refermé ce fichier de planning et il s’est retrouvé devant une page informatique, grande ouverte sur l’écran de l’ordinateur fixe sur lequel vous aviez travaillé toute la matinée, affichant un photomontage le représentant assis à son bureau affublé de dessins de chapeau sur sa tête, d’une moustache sur son visage et d’un sexe masculin d’une (taille particulièrement imposante entre ses mains, dépassant sa propre taille sur la photo).

Choqué, M. [T], en a immédiatement alerté sa hiérarchie au sein de l’association ESPOIR 02 et la décision fut prise de faire constater la situation par un Huissier de Justice, assisté d’un prestataire informatique, la société E. Progest, en présence de la Cheffe de Service, Mme [G], et d’une représentante du personnel, Madame [V].

Vous avez précisé ne pas avoir réalisé ce montage ni l’avoir installé sur votre poste de travail et être simplement retombé sur lui et l’avoir ouvert en cliquant dessus. Depuis, vous et votre collègue Infirmier, M.[Z], n’avez cessé de rechercher maladroitement à vous exonérer, en lui imputant l’entière responsabilité de ces faits, le sachant par ailleurs « protégé ».

Vous vous prétendez «victime» d’un acte malveillant; cependant, force est de constater que :

– Cette image était bien affichée sur votre écran pendant votre temps de travail ce jour-là, en position très visible et parfaitement accessible à toute personne passant à proximité;

– Votre ordinateur n’était pas protégé par un mot de passe et mettait en danger le système informatique et la sécurité des données concernant les bénéficiaires;

– Ce photomontage installé sur l’ordinateur que vous utilisez quotidiennement, vous l’avez délibérément conservé durant les 2 mois précédents, sans le signaler à votre Direction ni au prestataire informatique et vous ne l’avez pas supprimé en quittant votre poste de travail;

– Vous ne réservez pas l’utilisation de l’ordinateur mis à votre disposition pour le bon exercice

De vos fonctions, mais le consacrez à des moqueries obscènes avec vos collègues aux dépens de votre hiérarchie, choquant la pudeur par leur caractère sexuel et relevant de l’insubordination la plus grossière;

– Manifestement ces actes malveillants ont été largement partagés puisqu’une autre de vos collègues, infirmière, s’est crue obligée de vous défendre, tout aussi maladroitement en s’empressant de révéler au Directeur qu’elle en avait parlé avec vous et qu’elle était au courant depuis longtemps de l’existence de ce photomontage.

– L’image de fond ainsi détournée par ce photomontage est extraite d’une vidéo d’une interview donnée par le Directeur de l’association, dans l’exercice de ses fonctions de représentation de celle-ci, élément de sa stratégie de communication, portant non seulement atteinte à l’image et la dignité de ce cadre, mais aussi à l’image de marque de la structure toute entière, soumise à l’agrément de nos organes de tutelle, ce qui vous avait été d’ailleurs été rappelé à l’occasion d’une plainte d’une famille à votre encontre auprès de la Direction de l’Autonomie et de la Solidarité du Conseil Départemental ;

Vous avez été embauché par notre Association à effet du 2 avril 2012 en qualité d’aide médico-psychologique, pour travailler au sein d’un Service d’Accompagnement Médicosocial pour Adultes Handicapés, auprès de personnes fragiles atteintes de handicaps psychiques résultant de maladies chroniques de types psychoses schizophréniques, maniaco-dépressives ou névrotiques, marqués par une alternance d’états calmes et « tendus », les rendant particulièrement vulnérables et influençables.

Ces personnes souffrent d’une difficulté à entrer en relation avec autrui, une diminution ou une disparition des « habilités sociales» qui rend leur comportement grandement complexe en termes d’étrangeté, de variabilité et d’imprévisibilité.

Participant directement au soin et à l’accompagnement de ces adultes handicapés, votre métier exige notamment un bon équilibre psychologique, un sens profond du respect de la dignité des personnes en général et d’une stricte discrétion professionnelle, un sens aigu de l’éthique professionnelle et une maîtrise de l’accompagnement pédagogique et de la construction de l’identité.

Vous avez parfaitement connaissance des dispositions de la charte informatique interne à l’association qui proscrit notamment d’accéder ou de visualiser tout document «obscène, pornographique ou d’autre nature qui peuvent être choquants pour une autre personne – à caractère sexuel, raciste, sexiste ( … ) qui comporterait des commentaires déplacés sur des orientations sexuelles, des handicaps ou des particularités personnelles» et nous avons eu à plusieurs reprises à vous rappeler les dispositions du Règlement Intérieur de l’association, qui rappellent les dispositions relatives à la dignité du salarié, la prohibition des agissements portant atteinte aux droits et à la dignité des personnes et rappellent le devoir d’utilisation «de bonne foi» des outils mis à la disposition du personnel et de présentation «correcte et soignée» de celui-ci.

Ainsi, votre comportement participe à la création d’un environnement de travail hostile, offensant, humiliant et intimidant, il porte atteinte à l’image et à la dignité du directeur de l’association (qui nous a précisé réserver ses droits quant aux suites à y donner) et à l’image de marque de l’association elle- même. Ce comportement est contraire à l’objet même de cette association et est incompatible avec les principes fondamentaux et essentiels de votre fonction d’aide médico-psychologique auprès de ses bénéficiaires adultes handicapés psychiques. II rend impossible la poursuite de notre collaboration et votre maintien au sein de notre association.

Par requête en date du 13 novembre 2020, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Laon en contestant la cause réelle et sérieuse du licenciement et en sollicitant son indemnisation.

Par jugement du 15 mars 2022 le conseil de prud’hommes de Laon a :

– Dit que M. [K] est recevable et bien fondé en ses demandes;

– Dit que l’Association ESPOIR 02 ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un licenciement pour faute grave à l’encontre de M. [K] ;

– Dit que le licenciement pour faute grave notifié à M. [K] le 25 septembre 2020 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– Prononce la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Condamné l’association Espoir 02, en la personne de son représentant légal, à payer à M. [K] les sommes suivantes :

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 11 070 euros

– Indemnité de licenciement légale : 3690 euros

– Indemnité compensatrice de préavis: 3692 euros

– Indemnité de congés payés sur préavis: 369,20 euros

– article 700 du Code de procédure civile: 1524 euros

– Débouté M. [K] du surplus de ses demandes ;

– Débouté l’association Espoir 02 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Ce jugement a été notifié le 15 mars 2022 à l’association Espoir 02 qui en a relevé appel le 28 mars 2022.

M. [K] a constitué avocat le 16 avril 2022.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 9 novembre 2022, l’association Espoir 02 prie la cour de :

– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Laon en ce qu’il a débouté M. [K] de ses demandes de condamner l’association Espoir 02 à hauteur de :

* 11.070 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et vexatoire

* 18,45 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

– infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Laon du 15 mars 2022 en ce qu’il a :

* Dit que M. [K] est recevable et bien fondé en ses demandes;

* Dit que l’association Espoir 02 ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un licenciement pour faute grave à l’encontre de M. [K]

* Dit que le licenciement pour faute grave notifié à M. [K] le 25 septembre 2020 est dépourvu de cause réelle et sérieuse

* Prononce la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

* Condamne l’association Espoir 02 en la personne de son représentant légal, à payer à M. [K] les sommes suivantes :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 11.070 €

– indemnité de licenciement légale: 3690 euros

– indemnité compensatrice de préavis: 3692 euros

– indemnité de congés payés sur préavis: 369,20 euros

– article 700 du code de procédure civile: 1524 euros

* Déboute l’association Espoir 02 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Et statuant à nouveau, de :

A titre principal :

– dire et juger que le licenciement de M. [K] repose sur une faute grave

En conséquence:

– Débouter M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

– Débouter M. [K] de sa demande d’indemnité de licenciement;

– Débouter M. [K] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents.

– Débouter M. [K] de sa demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement

A titre subsidiaire.

– Dire et juger que le licenciement de M. [K] repose sur une cause réelle et sérieuse

En conséquence :

– Débouter M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

A titre ultra-subsidiaire :

– Fixer l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu par le barème prévu à l’article L 1235-3 du code du travail, à savoir 3 mois de salaire, soit la somme de 5538,15 euros

– Fixer le montant de I’indemnité de préavis à la somme de 3692,10 euros correspondant à deux mois de salaire et celui de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents à la somme de 369,21 euros

En tout état de cause:

– Débouter M. [K] de sa demande de remise d’une attestation chômage, certificat de travail et fiches de paie conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 1524 euros par jour

– Débouter M. [K] de ses demandes d’intérêts moratoires au taux légal et d’anatocisme

– Condamner M. [K] à verser à l’association ESPOIR 02 la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et au titre de ses frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel

– Condamner M. [K] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 5 avril 2022, M. [K] prie la cour de :

Confirmer la décision entreprise qui :

* Dit que M. [K] est recevable et bien fondé en ses demandes;

* Dit que l’association Espoir 02 ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un licenciement pour faute grave à l’encontre de M. [K]

* Dit que le licenciement pour faute grave notifié à M. [K] le 25 septembre 2020 est dépourvu de cause réelle et sérieuse

* Prononce la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

* Condamne l’association Espoir 02 en la personne de son représentant légal, à payer à M. [K] les sommes suivantes :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 11.070 €

– indemnité de licenciement légale: 3690 euros

– indemnité compensatrice de préavis: 3692 euros

– indemnité de congés payés sur préavis: 369,20 euros

– article 700 du code de procédure civile: 1524 euros

* Déboute l’association Espoir 02 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Statuant à nouveau,

Condamner l’employeur des chefs suivants :

1. Remise d’une attestation chômage et d’un certificat de travail et de fiches de paye conformes à la décision à intervenir, et ce sous astreinte provisoire de 1524 euros par jour et par document de retard à compter du prononcé de la décision, et ce pendant 30 jours, avec possibilité de révision ou de liquidation, le conseil de prud’hommes se réservant le pouvoir de réviser ou de liquider l’astreinte

2. Intérêts moratoires au taux légal, anatocisme

3. Article 700 du code de procédure civile pour un montant de 4000 euros outre dépens

4. A défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret -du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par l’employeur en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 décembre 2022 et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 5 janvier 2023. L’affaire a été plaidée à l’audience du 5 janvier 2023 et l’arrêt mis en délibéré au 2 mars 2023 par mise à disposition du greffe en application des dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le licenciement

M. [K] rapporte qu’il n’est pas l’auteur du photomontage, celui-ci étant l”uvre de son collègue M. [Z] dont le licenciement a été refusé par l’inspection du travail qui a considéré qu’il s’agissait d’une blague non diffusée, que le photomontage doit s’analyser à l’aune de la liberté d’expression dont la seule limite est l’abus qui s’apprécie s’il y a eu outrage, injure ou propos diffamatoires.

Il ajoute qu’en cas de charte informatique dans l’entreprise son non-respect justifie une sanction mais en cas d’absence d’une telle charte, l’employeur peut sanctionner à la condition de prouver que le travail a été affecté par l’usage abusif de l’ordinateur ou que les fichiers en cause soient illicites ; que la jurisprudence sanctionne le licenciement pour un motif lié à un exercice non abusif de sa liberté d’expression par la nullité.

L’association fait valoir que les trois conditions du licenciement pour faute grave sont réunies, que si M. [K] n’est pas l’auteur du photomontage il l’a installé le 26 août 2020 sur son ordinateur qui peut être vu de tous, qu’il a été créé à partir d’un extrait d’une vidéo destinée à promouvoir l’association, qu’il s’agissait de tourner en dérision les activités de l’association et de décrédibiliser le directeur, qu’il s’agit d’une violence gratuite, offensante et humiliante, portant atteinte à la dignité du directeur ce qui n’est pas un mode de la liberté d’expression.

Il ajoute que le salarié a reconnu sa faute, que n’importe qui pouvait voir le photomontage en ce compris la famille du directeur, que l’appréciation de l’inspection du travail ne lie pas la cour, qu’il a été téléchargé sur un outil de travail, que la charte informatique interne prohibe tout contenu à caractère pornographique signée par le salarié, que d’autres salariés avaient eu accès au document puisque certains ont attesté en faveur de M. [K] ; que le salarié avait perdu de vue les valeurs de l’association qui prône une éthique professionnelle.

Sur ce

Pour que le licenciement disciplinaire soit justifié, l’existence d’une faute avérée et imputable au salarié doit être caractérisée.

La faute grave s’entend d’une faute constitutive d’un manquement tel qu’il rend impossible la poursuite du contrat de travail et qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce il est reproché au salarié d’avoir gardé sur son ordinateur professionnel un photomontage du directeur de l’établissement dans une posture caricaturale.

La Cour de cassation reconnaît pour chaque salarié une liberté d’expression individuelle plus générale dans et hors de l’entreprise, dès lors que ses propos ne portent pas atteinte à la réputation de l’entreprise.

La seule limite posée par les juges à la liberté d’expression est qu’elle ne dégénère pas en abus, les seules des restrictions étant justifiées par la nature de la tâche à accomplir et doit être proportionnée au but recherché.

L’abus est caractérisé lorsque les termes utilisés par le salarié sont injurieux, diffamatoires ou excessifs. Il s’apprécie notamment au regard de la teneur des propos, de leur degré de diffusion, des fonctions exercées par l’intéressé et de l’activité de l’entreprise.

M. [Z] a attesté être l’auteur du photomontage litigieux qu’il a créé le 1er juillet 2020 sur le poste informatique de son collègue M. [K] pour lui faire une blague ; que la caricature n’a jamais été diffusée ni partagée sur un réseau privé ou public. De nombreux témoignages de salariés confirment qu’ils n’avaient jamais visualisé le document.

Il convient de relever que le photomontage n’a pas été diffusé à l’extérieur de l’établissement, ni même auprès d’autres salariés et que dans ces conditions il n’a pas été porté atteinte à la réputation de l’association.

Par ailleurs M. [K] n’est pas l’auteur de ce photomontage puisqu’il est acquis aux débats qu’il a été créé par M. [Z], il ne l’a pas diffusé mais l’a seulement gardé sur son ordinateur, plus précisément dans le fichier photo ; que cette conservation peut s’analyser comme une modalité de la liberté d’expression au même titre que sa création.

Le photomontage n’était pas affiché sur l’écran lorsque le directeur l’a visualisé puisqu’il a consulté le planning affiché puis l’a fermé et que c’est à la suite de cette fermeture qu’il est apparu. Le salarié n’avait donc pas laissé la photo sur l’écran lorsqu’il a quitté son poste de travail elle n’était pas visible pour les personnes passant devant.

L’employeur argue de la charte informatique qui prohibe l’accès et la visualisation de tout document obscène, pornographique ou d’autre nature qui peuvent être choquants pour une autre personne à caractère sexuel, sexiste’ qui comporterait des commentaires déplacés sur des orientations sexuelles, des handicaps ou des particularités personnelles.

La cour relève que le photomontage n’entre pas dans la prévision de la charte informatique qui concerne des téléchargements de scènes pornographiques car il constitue une caricature de mauvais goût crée au sein de l’association.

Par ailleurs le fait que la photographie d’origine ayant servie de base à la réalisation du photomontage soit issue d’une vidéo d’une interview donnée par le directeur de l’association ne cause pas d’atteinte à celle-ci puisque le document est resté interne à la structure.

L’employeur n’explicite pas en quoi la possession du photomontage par le salarié a atteint la qualité de son travail et son attitude respectueuse envers les résidents de la structure d’accueil, les qualités professionnelles de M. [K] étant louées par de nombreux collègues qui en ont attesté alors qu’il n’avait jamais fait l’objet de reproches.

Il n’explicite pas plus la raison pour laquelle la liberté d’expression du salarié qui conserve une caricature du directeur doit être réduite du fait de la nature de la tâche à accomplir et soit disproportionnée au but recherché par l’association, le document n’ayant pas été diffusé ni au sein de l’association ni à l’extérieur.

L’inspecteur du travail qui a refusé le licenciement de M. [Z] a d’ailleurs qualifié le photomontage de blague n’ayant pas été diffusée ni au sein de l’association ni à l’extérieur ni utilisé dans le cadre syndical.

Si le photomontage caricature le directeur dans une situation démontrant un certain irrespect, le fait de conserver le document n’excède pas les limites admissibles de la liberté d’expression et la cour, par confirmation du jugement dira que le licenciement pour faute grave de M. [K] n’est pas justifié.

Sur les conséquences indemnitaires

M. [K] sollicite au dispositif de ses conclusions communiquées le 4 novembre 2022 la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné l’association à lui verser les sommes suivantes :

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 11 070 euros

– Indemnité de licenciement légale : 3690 euros

– Indemnité compensatrice de préavis : 3692 euros

– Indemnité de congés payés sur préavis : 369,20 euros.

L’employeur s’oppose au paiement d’une somme supplémentaire au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d’une indemnité de préavis moindre que celle de 5535 euros et soutient que le licenciement n’est pas intervenu dans des conditions brutales et vexatoires.

Il prétend que la notion de préjudice nécessaire ayant été abandonné par la jurisprudence il appartient à M. [K] de démontrer la réalité du préjudice né du licenciement non fondé.

Sur ce

M. [K] sollicite la confirmation pure et simple des condamnations prononcées en première instance.

Si la notion de préjudice nécessaire a été abandonnée par la jurisprudence pour certaines demandes, il n’en est pas ainsi pour l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié ayant 8 ans d’ancienneté, il est constant que l’application de l’article L. 1235-3 du code du travail qui fixe le barème d’indemnisation applicable, conduira à limiter les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entre un montant minimum de 3 mois de salaire et un montant maximum à 8 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [K], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice du salarié doit être évaluée à la somme de 11 070 euros.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a condamné l’association espoir 02 à payer à M. [K] la somme de 11 070 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le montant retenu par les premiers juges au titre de l’indemnité compensatrice de préavis qui correspond à 2 mois de salaire outre les congés payés afférents est conforme à l’article L 1234-1 du code du travail sera aussi confirmé ainsi que le montant de l’indemnité de licenciement.

Sur la remise des documents de fin de contrat

M. [K] sollicite de la cour qu’elle ordonne la remise d’une attestation chômage, d’un certificat de travail et des fiches de paie conformes à la présente décision, au besoin, sous astreinte provisoire de 1524 euros par jour de retard et par document pendant 30 jours exposant que cette demande n’a pas été tranchée par les premiers juges.

L’employeur ne réplique pas sur ce point.

Sur ce

Il y a lieu d’ordonner à l’association espoir 02 de remettre à M. [K] une attestation chômage, un certificat de travail et des fiches de paie conformes à la présente décision. En l’état faute de caractériser le risque de non-exécution spontanée, la demande d’assortir cette injonction d’une astreinte est rejetée.

Sur les intérêts et l’anatocisme

M. [K] demande à la cour d’assortir la décision d’intérêts moratoires et d’ordonner l’anatocisme.

L’employeur ne réplique pas sur ce point.

Sur ce

L’association Espoir 02 sera condamnée aux sommes ci-dessus reprises avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales, à savoir l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, l’indemnité légale de licenciement.

Les intérêts courront à compter du présent arrêt pour l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour la condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu’elle est demandée et s’opérera par année entière.

En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil les intérêts échus, dus au moins pour une année entière produiront intérêt.

Sur les dépens et les demandes sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Les dispositions à ce titre seront infirmées.

Succombant en première instance et en appel, la cour condamne l’association Espoir 02 aux dépens de l’ensemble de la procédure.

Il apparaît inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de M. [K] les frais irrépétibles qu’il a dû exposer pour la présente procédure.

L’association Espoir 02 est condamnée à lui verser la somme de 2500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition du greffe

Confirme le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Laon le 15 mars 2022 sauf en qu’il a débouté M. [I] [K] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a laissé à la charge de chaque partie ses propres dépens

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,

Dit que l’association Espoir 02 devra remettre à M.[I] [K] une attestation chômage, un certificat de travail et des fiches de paie conformes à la présente décision

Dit n’y avoir lieu à prononcer une astreinte à cette remise de documents de fin de contrat

Dit que les condamnations sont prononcées avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales, à savoir l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et l’indemnité légale de licenciement et à compter du prononcé du présent arrêt pour l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour la condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Ordonne la capitalisation des intérêts de droit, dès lors qu’elle est demandée et s’opérera par année entière

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne l’association Espoir 02 à verser à M. [I] [K] une somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne l’association Espoir 02 aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


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