Confidentialité des données : 5 octobre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07367

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Confidentialité des données : 5 octobre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07367
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AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/07367 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MVBZ

[G]

C/

Société KERAKOLL FRANCE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 01 Octobre 2019

RG : 18/00168

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2022

APPELANT :

[U] [G]

né le 08 Novembre 1976 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Pascale REVEL de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Laure THORAL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société KERAKOLL FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier FOURMANN de la SELARL FOURMANN & PEUCHOT, avocat au barreau de LYON substitué par Me Nathalie BOYER-SANGOUARD, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Juin 2022

Présidée par Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Octobre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

[U] [G] a été embauché à compter du 27 novembre 2002 en qualité de conducteur de ligne d’extrusion, niveau OQ1, par la SA OLIN, suivant contrat de travail écrit à durée indéterminée du même jour soumis à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes (IDCC 44).

Le contrat de travail de [U] [G] a été poursuivi à compter du 31 janvier 2015 par la SASU KERAKOLL FRANCE.

Au cours de la relation de travail, [U] [G] a été nommé aux fonctions de technicien méthode/maintenance, à compter de janvier 2005, puis de technicien R&D, à compter de janvier 2017.

[U] [G] a dû bénéficier d’un arrêt de travail du 5 septembre au 23 octobre 2017. Et, à l’issue de la visite de reprise du 25 octobre 2017, le médecin du travail a estimé [U] [G] apte à son poste avec aménagements, par avis rédigé dans les termes suivants : « L’état de santé du salarié est compatible avec le poste avec les aménagements suivants : pas de station debout statique prolongée maximum 1 heure ; alternance de station debout/assise ».

La SASU KERAKOLL FRANCE a sanctionné [U] [G] d’un avertissement, par correspondance du 27 octobre 2017.

Par correspondance du 7 novembre 2017, la SASU KERAKOLL FRANCE a convoqué [U] [G] à un entretien préalable à son éventuel licenciement disciplinaire, fixé au 15 novembre suivant, et l’a mis à pied à titre conservatoire.

La SASU KERAKOLL FRANCE a procédé au licenciement de [U] [G] pour faute grave par correspondance du 20 novembre 2017.

Le 16 janvier 2018, [U] [G] a saisi le conseil de prud’hommes de demandes indemnitaires à l’encontre de la SASU KERAKOLL pour sanctions disciplinaires infondées et non-respect des préconisations du médecin du travail, ainsi que d’une contestation du licenciement dont il a fait l’objet le 20 novembre 2017 et de demandes indemnitaires et salariales afférentes.

Par jugement en date du 1er octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon ‘ section industrie, a :

DIT ET JUGÉ que l’avertissement notifié à [U] [G] le 27 octobre 2017 était parfaitement fondé ;

DIT ET JUGÉ que la société KERAKOLL FRANCE avait respecté les préconisations du médecin du travail ;

DIT ET JUGÉ que le licenciement pour faute grave notifié à [U] [G] le 20 novembre 2017 était parfaitement fondé ;

En conséquence,

DÉBOUTÉ [U] [G] de l’ensemble de ses demandes ;

DÉBOUTÉ la société KERAKOLL FRANCE de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNÉ [U] [G] aux entiers dépens de l’instance, y compris les éventuels frais d’exécution forcée du jugement.

[U] [G] a interjeté appel de cette décision le 28 octobre 2019.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 3 novembre 2020, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [U] [G] sollicite de la cour de :

RÉFORMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Au titre de l’exécution de la relation contractuelle,

DIRE ET JUGER nul et subsidiairement mal fondé l’avertissement notifié ;

DIRE ET JUGER que la société KERAKOLL n’a pas respecté les préconisations du médecin du travail ;

CONDAMNER la société KERAKOLL à verser à Monsieur [G] les sommes suivantes :

– 6 000 euros nets pour sanction disciplinaire infondée,

– 15 000 euros nets pour irrespect des préconisations du médecin du travail ;

Au titre de la rupture,

DIRE ET JUGER que le licenciement est nul à titre principal, sans cause réelle ni sérieuse à titre subsidiaire ;

CONDAMNER la société KERAKOLL à verser à Monsieur [G] les sommes suivantes :

– 1 437,54 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 143,75 euros au titre des congés payés afférents,

– 5 060 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 506 euros au titre des congés payés afférents,

– 15 586 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 40 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En toute hypothèse,

CONDAMNER la société KERAKOLL FRANCE à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société KERAKOLL FRANCE aux entiers dépens de l’instance, distraits au profit de la SCP AGUIRAUD ‘ NOUVELET.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 mai 2021 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SASU KERAKOLL FRANCE sollicite de la cour de :

A titre principal,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er octobre 2019 par le conseil de prud’hommes de Lyon ;

DÉBOUTER [U] [G] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant,

CONDAMNER Monsieur [G] au paiement de la somme de 2 000 euros à son bénéfice au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

LIMITER le montant des dommages et intérêts alloués à [U] [G] à la somme de 7 590 euros par application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 12 mai 2022 et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 15 juin suivant.

SUR CE :

– Sur les préconisations du médecin du travail :

[U] [G] soutient principalement, au soutien de ses demandes, que :

– en dépit des réserves émises par le médecin du travail, par avis du 25 octobre 2017, l’employeur n’a procédé à aucun aménagement de son poste de travail et il a été contraint de continuer à travailler en position debout, comme précédemment ;

– la SASU KERAKOLL FRANCE n’objective ainsi par aucune pièce probante qu’elle aurait respecté les préconisations du médecin du travail.

La SASU KERAKOLL FRANCE fait principalement valoir, au soutien de ses prétentions au titre de la rupture du contrat de travail, que :

– [U] [G] ne verse aux débats aucun élément de preuve justifiant la thèse qu’il soutient, alors même que le salarié qui entend obtenir le versement de dommages et intérêts au titre du non-respect de ses obligations par l’employeur doit justifier de sa demande ;

– antérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes, [U] [G] ne l’a jamais mise en demeure de respecter de quelconques préconisations du médecin du travail qui ne l’auraient pas déjà été ;

– alors que le salarié a été accueilli en entretien dès son retour dans l’entreprise pour convenir des modalités à envisager pour sa reprise du travail, son poste était équipé, dès avant le retour du salarié dans l’entreprise, d’une chaise haute permettant d’éviter toute station debout prolongée.

* * * * *

Il ressort des dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur est ainsi tenu, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, d’évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des équipements de travail, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Il est en outre tenu, aux termes des dispositions de l’article L. 4141-1 du même code, d’organiser et de dispenser une information aux travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité, et les mesures prises pour y remédier.

L’employeur est également tenu de mettre à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité.

Il convient de rappeler qu’il incombe en cas de litige à l’employeur, tenu d’assurer l’effectivité de l’obligation de sécurité mise à sa charge par les dispositions précitées, de justifier qu’il a pris les mesures suffisantes pour s’acquitter de cette obligation.

Or, il convient de relever en l’espèce que [U] [G] a dû bénéficier d’un arrêt de travail du 5 septembre au 23 octobre 2017, prescrit par son médecin traitant à raison d’une lésion méniscale bilatérale, d’un oedème osseux condylien latéral et d’une gonarthrose fémoro-tibiale bi-compartimentale.

Et le médecin du travail, exerçant les prérogatives qu’il tirait de l’article L. 4624-3 du code du travail, dans sa rédaction ressortant de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 alors applicable, a estimé à l’issue de la visite de reprise du 25 octobre 2017 que [U] [G] était apte à la reprise de son poste de travail, sous réserve des aménagements suivants par son employeur : « pas de station debout statique prolongée, maximum 1 heure ; alternance de station debout/assise ».

Or, les termes de l’attestation établie le 5 novembre 2018 par Madame [P], supérieure hiérarchique du salarié, selon lesquels elle aurait « convenu » avec celui-ci lors d’un échange en présence du « general manager de Kerakoll France » que, « quelle que soit la tâche qu’il réalise, il n’est jamais en situation d’être en station debout statique de plus d’une heure » et selon laquelle l’intéressé aurait disposé d’une chaise haute de laboratoire lui permettant une position assise-debout devant la paillasse du laboratoire et d’alterner à son aise entre les stations assise et debout, et la photographie non-circonstanciée produite par l’employeur, sont très largement insuffisants à établir que, ainsi qu’elle le soutient, la SASU KERAKOLL FRANCE aurait procédé à l’adaptation du poste de travail rendue nécessaire par l’état de santé de [U] [G], tel que constaté par le médecin du travail le 25 octobre 2017 notamment.

Et la SASU KERAKOLL FRANCE ne peut sérieusement tenter de s’exonérer de l’obligation de sécurité et de prévention spécifiquement mise à sa charge par les dispositions précitées du code du travail en soutenant que son salarié ne l’aurait pas mise en demeure préalablement de respecter ses obligations légales.

Il apparaît ainsi au terme des énonciations qui précèdent que le manquement de la SASU KERAKOLL FRANCE à son obligation de sécurité et de prévention à l’égard de [U] [G] ainsi mis en évidence, compte-tenu de sa nature et de la période d’emploi plus particulièrement concernée notamment, a généré pour le salarié un préjudice pouvant être évalué, en l’absence de toute pièce probante produite par l’intéressé de ce chef, à une somme ne pouvant être inférieure à 1 200 euros.

La SASU KERAKOLL FRANCE lui en devra nécessairement réparation, par infirmation du jugement déféré.

– Sur l’avertissement du 27 octobre 2017 :

[U] [G] soutient principalement, au soutien de ses demandes, que :

– il n’avait fait l’objet d’aucune sanction au cours des dix années précédant la rupture de la relation de travail, et avait même bénéficié de plusieurs promotions au sein de la société ;

– à titre principal, la sanction « fort opportunément notifiée en suite d’une visite médicale de reprise avec réserves, est illicite compte-tenu de son caractère discriminatoire » ;

– à titre subsidiaire, la sanction notifiée le 27 octobre 2017 ne repose sur aucun manquement fautif objectivé qui lui serait imputable, alors qu’aucune fiche de poste ne lui avait été remise à l’occasion de sa promotion aux fonctions de technicien R&D quelques semaines auparavant ;

– les faits du 13 juillet 2017 comme ceux relatifs à la préparation de l’audit qualité interne et à l’analyse des non-conformités qui lui ont été reprochés étaient en tout état de cause prescrits à la date de la notification de l’avertissement.

La SASU KERAKOLL FRANCE fait principalement valoir, au soutien de ses prétentions au titre de la rupture du contrat de travail, que :

– l’avertissement notifié le 27 octobre 2017, soit deux jours après la reprise du travail par le salarié, n’a aucun lien avec l’arrêt de travail dont il a dû bénéficier puisque les manquements fautifs sont anciens et ont été constatés à l’occasion de contrôles réalisés pendant l’été, qui n’ont été révélés à la direction qu’au cours du mois de septembre 2017, lorsque sa supérieure a dû procéder aux contrôles en préparation d’un audit interne ;

– c’est à l’occasion de la formation de Madame [P] auprès de Madame [E], responsable de laboratoire et supérieure hiérarchique du salarié ayant pris son poste au cours de l’été, alors que toutes deux passaient en revue les différents dossiers en cours, que l’employeur a découvert l’absence de tests de performances mécaniques et de résultats obtenus pour les projets initiés par monsieur [G] en juillet 2017, et c’est donc le 14 septembre 2017 que l’employeur a eu connaissance de ce manquement fautif ;

– la sanction n’avait donc aucun caractère discriminatoire et se trouve fondée sur des faits objectifs qui la justifiaient.

* * * * *

L’article L. 1132-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de son état de santé.

Et, aux termes des articles L.1333-1 et L.1333-2 du code du travail, le juge du contrat de travail peut, au vu des éléments que doit fournir l’employeur et de ceux que peut fournir le salarié, annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée, ou disproportionnée à la faute commise.

En l’espèce, la SASU KERAKOLL FRANCE a sanctionné [U] [G] d’un avertissement par correspondance du 27 octobre 2017 rédigée dans les termes suivants :

« Monsieur,

Je fais suite à notre entretien en date du 26 octobre en présence de votre supérieur hiérarchique Madame [D] [P].

Nous avons à déplorer des manques et erreurs fréquents dans le travail que vous effectuez, ayant une incidence sur les développements en cours ou sur les tests de contrôle qualité.

Ainsi, les essais de performance mécaniques sur les formulations du projet IOO7697 que vous avez réalisées le 13 juillet 2017 n’ont pas été effectués, ni avant ni après la période de fermeture estivale, et les éprouvettes n’ont jamais été constituées alors qu’elles auraient dû l’être en prenant en compte le temps de polymérisation et l’impossibilité de réalisation des tests mécaniques pendant la fermeture estivale. Vous n’avez nullement informé votre supérieure et seule la synthèse des résultats a mis récemment en évidence ces manquements qui retardent l’avancement du projet.

Par ailleurs, la préparation de l’audit qualité interne et l’analyse des non conformités ont mis en évidence des lacunes importantes dans la rédaction des Avis de Non-conformité. Ainsi, les produits suivants, non conformes, n’ont pas fait l’objet par vos soins d’Avis de Non-conformité, lesquels ont dû être émis à posteriori par votre supérieure :

Avis de Non conformité du Resyflex 112 ISO lot L04

Avis de Non conformité du Resyflex 112 ISO lot L07

Avis de Non conformité du Resyflex 112 ISO lot L36

Avis de Non conformité du Resyflex 151 ISO lot M75

Avis de Non conformité du Resyflex 151 ISO lot M76

Avis de Non conformité du Resyflex CP3 lot G07

Avis de Non conformité du Resycolle ISO lot W41

Avis de Non conformité du Resycolle ISO lot W42

Avis de Non conformité du Resycolle ISO lot W43

Toujours dans le cadre de la préparation de l’audit interne, il a été mis en évidence des non respects des plans de contrôle produit et un enregistrement incomplet des résultats.

A titre d’exemples :

La mesure à 28 jours du shore A sur le Resybrid 50 FC lot A81 alors que le plan de contrôle indique une mesure à 14 jours.

L’absence de mesure du shore A à 28 jours sur le lot 161129M1 du Geniosil 70.

Un grand nombre de résultats mécaniques non enregistrés dans les cahiers de contrôle ayant nécessité de les rechercher dans le logiciel de l’équipement de traction.

L’ensemble de ces écarts, qui vu la fréquence démontre une négligence dans la réalisation de votre travail, a un impact direct sur l’entreprise et sa capacité à garantir la qualité de sa production. Nous ne pouvons tolérer que perdure cette situation, ce qui nous conduit à vous adresser aujourd’hui cet avertissement disciplinaire.

En cas d’absence d’amélioration de la qualité de votre travail ou si de nouveaux écarts venaient à être portés à notre connaissance, nous serions amenés à envisager d’autres sanctions disciplinaires ».

Or, la circonstance que la sanction disciplinaire en cause lui a été notifiée deux jours après l’avis du médecin du travail établi à l’issue de la visite de reprise du 25 octobre 2017 aux termes duquel il était apte à la reprise du travail sous réserve que l’employeur procède à des aménagements de son poste, dont se prévaut [U] [G], est à elle seule insuffisante à laisser supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte de la SASU KERAKOLL FRANCE à son encontre.

Il résulte toutefois des dispositions de l’article L. 1332-4 du code du travail que, dès lors que les faits sanctionnés auraient été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites.

Pourtant, la SASU KERAKOLL FRANCE, qui soutient qu’elle n’aurait découvert qu’en septembre 2017 l’absence de réalisation d’essais de performance mécanique pour des formulations réalisées par son salarié le 13 juillet 2017, qu’elle a entendu reprocher à [U] [G] dans les termes précités de l’avertissement du 27 octobre 2017, n’établit pas la réalité de ses affirmations de ce chef, le courriel adressé au salarié par sa nouvelle supérieure hiérarchique le 14 septembre 2017 étant sans valeur probante suffisante à cet égard.

De même, la SASU KERAKOLL FRANCE, qui soutient qu’elle n’aurait découvert qu’en septembre 2017 l’absence d’établissement par son salarié des avis de non-conformité relatifs aux lots qu’il avait contrôlés les 24 janvier (lots n° M75 et M76), 23 mai (lot n° L04), 30 mai (lot n° L07) et 21 juillet 2017 (lot n° L36) n’établit pas la réalité de ses affirmations de ce chef, alors même, d’ailleurs, qu’il ressort des termes des avis de non-conformité finalement établis que la supérieure hiérarchique de l’intéressé avait traité les non-conformités des lots concernés dans les jours suivant immédiatement les contrôles qu’il avait réalisés.

Il convient dès lors de considérer que les manquements du 13 juillet 2017 s’agissant de l’absence de réalisation d’essais de performance mécanique, d’une part, et des mois de janvier, mai et juillet 2017 s’agissant de l’absence d’établissement des avis de non-conformités d’autre part, ainsi reprochés à [U] [G], étaient en réalité prescrits à la date d’engagement des poursuites disciplinaires le 27 octobre suivant.

Il apparaît en outre que la SASU KERAKOLL FRANCE ‘ pas plus que son salarié ‘ ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité et les circonstances (de temps notamment) du manquement qu’elle a entendu reprocher à [U] [G] le 27 octobre 2017 tenant à l’absence d’établissement d’un avis de non-conformité ensuite du contrôle du lot G07 du Resyflex CP3, de sorte que la matérialité de ce grief ne peut être considérée comme établie.

Et il apparaît, enfin, que l’absence d’établissement par [U] [G] d’un avis de non-conformité à la suite des contrôles qu’il avait réalisés le 1er septembre 2017 des lots n° W41 à W43, que la SASU KERAKOLL FRANCE a entendu reprocher à son salarié dans les termes précités de la lettre d’avertissement du 27 octobre 2017, ne peut valablement caractériser l’existence d’un manquement fautif du salarié en l’absence notamment de toute insubordination, mauvaise volonté ou négligence caractérisée de l’intéressé dans l’exécution de sa prestation de travail alors que :

– la supérieure hiérarchique de l’intéressée, informée de la non-conformité le 5 septembre 2017, avait décidé à cette date du traitement du produit non-conforme ;

– l’exécution du contrat de travail de [U] [G] a précisément été suspendue du 5 septembre 2017 au 25 octobre suivant, ensuite de l’arrêt de travail dont il a dû bénéficier ;

– ce n’est qu’à l’issue des opérations de contrôle des 9 octobre et 7 novembre, qu’il mentionne, que l’avis de non-conformité a finalement pu être établi pour les lots concernés.

Il convient de relever de même, s’agissant du manquement tiré par la SASU KERAKOLL FRANCE « de la mesure à 28 jours du shore A sur le Resybrid 50 FC lot A81 alors que le plan de contrôle indique une mesure à 14 jours », dont la matérialité est reconnue de façon explicite par le salarié dans la correspondance de contestation qu’il a adressée à son employeur le 6 novembre suivant, que l’exécution du contrat de travail de [U] [G] avait été suspendue du 5 septembre 2017 au 25 octobre suivant, ensuite de l’arrêt de travail dont il a dû bénéficier.

Il ne peut être considéré dès lors, au regard des énonciations qui précèdent, que l’erreur de [U] [G] dans la mesure de contrôle à réaliser procéderait d’une insubordination, d’une mauvaise volonté délibérée ou d’une négligence caractérisée de nature à caractériser l’existence d’un manquement fautif de l’intéressé dans l’exécution du contrat de travail.

Et aucune des pièces versées aux débats par les parties ne permet d’établir la réalité comme les circonstances du manquement que la SASU KERAKOLL FRANCE a entendu reprocher à [U] [G] à raison de « L’absence de mesure du shore A à 28 jours sur le lot 161129M1 du Geniosil 70 ».

Il apparaît ainsi, au terme des énonciations qui précèdent, que l’avertissement notifié le 27 octobre 2017 à [U] [G] ne repose sur aucun manquement fautif établi, et doit par conséquent être annulé.

Or, la notification d’une sanction injustifiée à [U] [G] dans les circonstances ci-dessus exposées, le surlendemain de la reprise du travail par l’intéressé à l’issue de l’arrêt dont il avait dû bénéficier pour maladie, a généré pour celui-ci un préjudice qui, en l’absence de toute pièce justificative produite aux débats par l’appelant quant à l’étendue du préjudice dont il sollicite réparation, peut être évalué à la somme de 500 euros.

La SASU KERAKOLL FRANCE lui en devra réparation, par infirmation du jugement dont appel.

– Sur le licenciement :

[U] [G] soutient principalement, au soutien de ses demandes indemnitaires et salariales au titre du licenciement dont il a fait l’objet, que :

– la chronologie des événements démontre la volonté de l’employeur de l’évincer de l’entreprise afin d’éviter de mettre en ‘uvre les préconisations contraignantes du médecin du travail, et c’est bien à cause de son état de santé dégradé qu’il a été licencié, de sorte que la mesure de licenciement dont il a fait l’objet est nulle ;

– en tout état de cause, l’employeur n’établit pas la réalité ni l’imputabilité des griefs énoncés dans la lettre de licenciement ;

– dès lors que les manquements tirés de la non-conformité du produit AGGIUSTATO CASA auraient été découverts par la maison-mère, ils auraient dû faire partie de l’avertissement notifié le 27 octobre 2017 ;

– en tout état de cause, les faits reprochés ne pouvaient justifier de son licenciement pour faute grave, d’autant qu’il n’avait bénéficié d’aucune formation sur ce poste, qu’il occupait depuis moins d’un an.

La SASU KERAKOLL FRANCE fait principalement valoir, en réponse, que, alors que le salarié avait pu bénéficier de formations poussées à la période de sa promotion à ses fonctions de technicien R&D, trois séries de griefs lui étant personnellement imputables, tenant à la non-exécution de ses missions de contrôle concernant la conformité d’une commande destinée à la maison-mère KERAKOLL ITALY, d’abord, à un comportement irrespectueux, de défiance et d’insubordination à l’égard de sa supérieure hiérarchique, ensuite, et à la copie d’éléments confidentiels de l’entreprise et à la prise de photographie de ses installations industrielles, enfin, justifiaient la rupture du contrat de travail pour faute grave.

* * * * *

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-2 du code du travail qu’il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement, d’une part, et de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis, d’autre part.

Les motifs invoqués par l’employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables et il ressort de l’article L. 1235-1 du code du travail qu’il appartient au juge d’apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux. Et, en cas de saisine du juge, la lettre de licenciement fixe les limites du litige à cet égard.

Au cas particulier, la SASU KERAKOLL FRANCE a procédé au licenciement de [U] [G] pour faute grave par correspondance du 20 novembre 2017 rédigée dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est déroulé le 15 novembre 2017, au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [I] et nous vous confirmons, par la présente, les griefs retenus à votre encontre, tels que nous les avons exposés lors de cet entretien et que nous vous rappelons :

Réclamation client Kerakoll Italy concernant le produit « Aggiustatutto Casa » couleur « Gris ferro » :

Notre maison mère, et cliente, nous a porté réclamation suite plainte d’un client final concernant la couleur d’un produit. Il s’agit du produit Resyflex 112 ISO lot L35, production en date du 21 juillet 2017, couleur « Gris Ferro » et conditionné sous la marque « Aggiustatutto Casa ».

L’étiquette du produit correspond bien au « Grigio Ferro », désignation de couleur figurant en gros caractère en haut du produit. Le marquage jet d’encre du produit est également conforme et indique « Grigio Ferro » en cohérence avec la planification de la production. Toutefois la couleur du produit est non conforme et bien plus claire, proche d’une autre référence « Gris Perle ». de toute évidence il y a eu erreur en production, erreur de préparation des teintes ou inversion de préparations.

Ce qui nous a conduit à vous convoquer est que vous êtes la personne ayant été en charge du contrôle.

Sur cette gamme de produit, dont la couleur est une des caractéristiques essentielles, le plan de contrôle prévoit des mesures colorimétriques destinées à vérifier la couleur et éviter toute déviance.

Ce produit aurait donc dû être détecté et déclaré non conforme, être isolé, et un Avis de non-conformité aurait dû être édité.

Au lieu de cela ce batch de production a été enregistré par vos soins dans le registre de contrôle sous une fausse couleur « Gris Perle AT » et ce en contradiction avec le planning de production et le marquage du produit. Vous l’avez alors déclaré « conforme », autorisant ainsi son expédition au client final.

Lors de l’entretien, nous vous avons montré le registre de contrôle, les résultats colorimétriques que vous avez enregistrés, les photos du produit et de son marquage.

En première explication, vous nous avez indiqué que le produit qui vous a été présenté au contrôle était conforme.

Nous vous avons alors indiqué que le témoin retenu du laboratoire était bien non conforme. Votre explication ne peut donc être acceptée d’autant que si tel était le cas, les enregistrements de contrôle auraient dû correspondre à la couleur « Grigio Ferro », ce qui n’est pas le cas.

Vous nous avez alors indiqué n’avoir « aucune explication à apporter ».

Votre comportement au sein du laboratoire et vis-à-vis de votre supérieure :

Lors de l’entretien, nous vous avons demandé des explications sur votre comportement au sein du laboratoire et en particulier vis-à-vis de votre supérieure.

Nous avons récemment déjà été amené à vous adresser une sanction disciplinaire, sous la forme d’un avertissement, pour des malfaçons répétées dans votre travail. Or nous regrettons que votre attitude se soit depuis particulièrement dégradée notamment vis-à-vis de votre supérieure.

Ainsi, et à titre d’exemple :

– Durant les deux dernières semaines, à chaque fois que vous avez croisé votre supérieure vous chantiez « Le maton me guette »,

– Vous avez refusé de réintégrer le bureau du laboratoire, comme votre supérieure vous l’a demandé à plusieurs reprises et vous avez continué de travailler dans un bureau adjacent,

– Vous vous êtes même laissé allez jusqu’à déclarer « ce sera elle ou moi ».

Comme seule explication, vous nous avez indiqué « mon comportement, il est ce qu’il est ». Vous vous êtes permis lors de cet entretien de continuer à « écorcher » le nom de votre supérieure, de demander si sa période d’essai était terminée et vous vous êtes montré agressif envers elle, ce que je vous ai fait remarquer.

Copie d’éléments confidentiels et prise de photos des installations industrielles :

Travaillant au laboratoire, vous êtes au contact de documents contenant des données confidentielles relevant du savoir-faire de la société (formulations, matières premières, fournisseurs), des process et des clients.

Il a été porté à la connaissance de la direction le fait que, durant la semaine 44, vous aviez photocopié un certain nombre de documents. Il vous a été vu sortir de la société avec ces documents. Cette même semaine, le 02 novembre, votre supérieure vous a surpris en train de prendre des photos des installations avec votre téléphone personnel.

J’ai donc demandé à vous voir le 07 novembre afin d’avoir vos explications sur ces faits.

Vous avez dans un premier temps nié avoir photocopié des documents. Vous avez ensuite déclaré avoir photocopié des documents mais ne pas les avoir sortis de l’entreprise et les avoir conservés dans votre casier du vestiaire. Vous avez par contre refusé de m’indiquer la nature des documents photocopiés.

Concernant la prise de photographies, vous avez indiqué l’avoir fait dans le cadre de la vérification métrologique d’une étuve de stockage. Or, il n’était ni nécessaire ni demandé de prendre des photos de l’équipement. Votre supérieure vous a fait remarquer que vous preniez des vues d’ensemble sur lesquelles l’étude ne devait représenter qu’à peine 10 % de l’image, vous avez simplement donné comme explication « Je ne suis pas un photographe professionnel ».

N’obtenant de votre part aucune autres explications, je vous ai notifié votre mise à pied à titre conservatoire qui vous a été confirmé par courrier en LRAR du même jour. A l’issu, votre supérieure vous a raccompagné à votre vestiaire et vous a demandé de restituer les documents, vous lui avez répondu qu’aucun document ne s’y trouvait.

Lors de notre entretien du 15 novembre, vous avez à nouveau reconnu les faits. Vous avez souhaité apporter comme précision que les documents sortis étaient des copies des registres du laboratoire. Vous nous avez dit « il vous faut être patients », sans préciser plus vos pensées.

Votre courrier d’explications concernant le projet IO07697 :

Par courrier en date du 06 novembre, vous nous avez indiqué que la non réalisation des tests dans le cadre du projet susmentionné était « convenu avec ma responsable hiérarchique ». cette dernière ayant changé de société, nous l’avons contactée afin de vérifier avec elle votre déclaration et éviter une méprise.

Madame [E] a réfuté votre affirmation.

Lors de notre entretien du 15 novembre, nous vous en avons fait part. Vous nous avez répondu ne rien avoir à ajouter.

* * * * *

Votre attitude, tant vis-à-vis de la société que de votre supérieure, montre votre volonté de ne pas poursuivre votre contrat de travail et de pousser la société à procéder à sa rupture. Le 07 novembre, vous avez même jeté vos habits de travail dans la poubelle du vestiaire au lieu de les ranger dans votre casier ou de les déposer dans le réceptacle de la société en charge du nettoyage des vêtements.

Votre comportement et votre attitude, notamment vis-à-vis de votre supérieure et réitérée lors de l’entretien, ne nous laisse malheureusement pas d’autre alternative que de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave (…) ».

Or, la circonstance, dont se prévaut [U] [G], qu’il a été licencié pour faute grave par correspondance du 20 novembre 2017 faisant suite à l’avertissement lui ayant été notifié le 27 octobre précédent, soit dans les jours et semaines suivant l’avis établi le 25 octobre précédent par le médecin du travail l’estimant apte à la reprise de son poste sous réserve de l’aménagement par l’employeur de son poste de travail, est à elle seule insuffisante à laisser supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte de la SASU KERAKOLL FRANCE à son encontre.

Pour autant, il convient de relever en premier lieu, s’agissant du grief tiré par la SASU KERAKOLL FRANCE d’un manquement dans le contrôle d’un lot du produit « Aggiustatutto Casa » couleur « Gris ferro » expédié à la société-mère KERAKOLL ITALY, que :

– le cahier de contrôle RESYFLEX 112 ISO met en évidence que [U] [G] a procédé le 21 juillet 2017 aux opérations de contrôle du lot RESYFLEX 112 ISO n°L35 ;

– la SASU KERAKOLL FRANCE a eu connaissance le 25 octobre 2017 au plus tard, par le courriel reçu à cette date d’un « product manager » de la société KERAKOLL SpA, d’une non-conformité affectant la couleur du produit du lot considéré ;

– alors qu’elle étaye la matérialité du manquement fautif qu’elle a entendu imputer à [U] [G] par la production du cahier de contrôle et du courriel du 25 octobre 2017 précités, la SASU KERAKOLL FRANCE ne justifie et ne soutient d’ailleurs pas qu’elle n’aurait eu une pleine et entière connaissance que postérieurement à cette date des faits invoqués dans les termes précités au soutien du licenciement de l’intéressé.

Pourtant, la SASU KERAKOLL FRANCE, qui avait déjà estimé devoir sanctionner [U] [G] d’un avertissement par correspondance du 27 octobre 2017 sans faire reproche à l’intéressé d’un contrôle défectueux de la conformité du produit AGGIUSTATO CASA le 21 juillet déjà portés à sa connaissance, n’était plus valablement fondée, par la suite, à invoquer ces mêmes faits au soutien d’une nouvelle sanction disciplinaire.

Il convient de relever en second lieu que, même étayés par les termes particulièrement succincts et non circonstanciés de l’attestation établie le 13 décembre 2017 par [T] [V], les termes généraux de l’attestation établie le 5 novembre 2018 par [D] [P], supérieure hiérarchique qui aurait été victime de ces agissements, sont insuffisants à établir la réalité des comportements et propos provocateurs imputés par la SASU KERAKOLL FRANCE à son salarié, sans d’ailleurs en préciser les circonstances de temps.

De même, les seuls termes de l’attestation établie par [D] [P] près d’un an après le licenciement de l’intéressé, vagues et très imprécis, ne permettent pas d’établir la réalité comme les circonstances d’un refus de [U] [G] d’exécuter les directives de son employeur de réintégrer le bureau du laboratoire pour continuer à travailler dans un bureau adjacent.

Il apparaît enfin en troisième lieu, s’agissant du grief tiré par la SASU KERAKOLL FRANCE de la copie par le salarié d’éléments confidentiels et la prise de photos de ses installations industrielles, que, ainsi qu’il ressort des attestations convergentes de [T] [V] et de [D] [P] que produit l’employeur, comme d’ailleurs du courriel adressé le 2 novembre 2017 au soir par le salarié à sa supérieure hiérarchique, [U] [G] a procédé à cette date à la prise de plusieurs photographies de vues d’ensemble des installations de zone fabrication à l’aide de son téléphone portable.

Dans son attestation précitée, Madame [P] précise toutefois que [U] [G] a, à sa demande le 2 novembre 2017, immédiatement cessé ses opérations et procédé à l’effacement des photographies ainsi prises.

Et les termes particulièrement vagues de l’attestation établie par Madame [V], selon lesquels [U] [G] aurait, au cours de cette même journée du 2 novembre 2017, pris « divers documents dans le laboratoire » pour les photocopier, puis aurait emporté « des documents » dans son véhicule personnel en quittant son lieu de travail en fin de journée, apparaissent très insuffisants à objectiver l’existence d’un manquement fautif susceptible d’être imputé à l’intéressé.

Il apparaît par conséquent, au terme de ces énonciations, que la SASU KERAKOLL FRANCE n’établit pas la matérialité des faits dont elle a entendu se prévaloir au soutien du licenciement pour faute grave de [U] [G] le 21 novembre 2017 ni l’existence de manquements fautifs susceptibles de justifier la rupture du contrat de travail qui la liait à ce salarié, a fortiori pour faute grave.

Il convient dès lors de condamner la SASU KERAKOLL FRANCE, par infirmation du jugement déféré, à verser à [U] [G] les sommes de 5 060 euros bruts, outre congés payés afférents, à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de 15 586 euros à titre d’indemnité de licenciement, et de 1 437,54 euros bruts, outre congés payés afférents, au titre de la mise à pied conservatoire dont il a injustement fait l’objet à compter du 7 novembre 2017.

Enfin, compte-tenu de l’ancienneté de quinze années du salarié au service de son employeur, du niveau de la rémunération mensuelle brute qu’il percevait, des circonstances du licenciement, de sa situation personnelle sur le marché de l’emploi et de sa capacité à retrouver un emploi stable, dont il justifie notamment par la production du justificatif de son embauche à compter du 1er novembre 2018 en qualité de technicien laboratoire d’analyse textile, le préjudice subi par [U] [G] à raison de la rupture injustifiée de son contrat de travail peut être évalué à la somme de 27 000 euros.

La SASU KERAKOLL lui en devra également réparation, par application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 alors applicable.

– Sur les demandes accessoires :

La SASU KERAKOLL FRANCE, partie perdante au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit être condamnée à supporter les dépens de première instance et d’appel.

Et il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de [U] [G] l’intégralité des sommes qu’il a été contraint d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, en première instance puis en cause d’appel, de sorte qu’il convient de condamner la SASU KERAKOLL FRANCE à lui verser la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a débouté [U] [G] de ses demandes indemnitaires et salariales formées, à titre principal, au titre de la nullité du licenciement ;

INFIRME le jugement dont appel pour le surplus ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

ANNULE l’avertissement notifié à [U] [G] le 27 octobre 2017 par la SASU KERAKOLL FRANCE ;

CONDAMNE la SASU KERAKOLL FRANCE à verser à [U] [G] les sommes de :

– mille deux cents euros (1 200 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du non-respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail,

– cinq cents euros (500 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l’avertissement injustifié du 27 octobre 2017,

– mille quatre cent trente-sept euros et cinquante-quatre centimes (1 437,54 euros) bruts à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire injustifiée du 7 au 21 novembre 2017,

– cent quarante-trois euros et soixante-quinze centimes (143,75 euros) bruts au titre des congés payés afférents,

– cinq mille soixante euros (5 060 euros) bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– cinq cent six euros (506 euros) bruts au titre des congés payés afférents,

– quinze mille cinq cent quatre-vingts-six euros (15 586 euros) à titre d’indemnité de licenciement,

– vingt-sept mille euros (27 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la rupture injustifiée de son contrat de travail ;

CONDAMNE la SASU KERAKOLL FRANCE à verser à [U] [G] la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euros) par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SASU KERAKOLL FRANCE de la demande qu’elle formait en cause d’appel sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

CONDAMNE la SASU KERAKOLL FRANCE au paiement des dépens de première instance et d’appel, qui seront distraits au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELET, avocats.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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