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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02836 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZW4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 18/06107
APPELANT
Monsieur [Y] [X]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Bénédicte GIARD-RENAULT TEZENAS DU MONTC, avocat au barreau de PARIS, toque : D1234
INTIMÉE
UNION NATIONALE DES INDUSTRIES DE CARRIÈRES ET DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION (UNICEM)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M Stéphane MEYER, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Stéphane MEYER, président de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [Y] [X] a été engagé par l’Unicem (Union Nationale des Industries de Carrières et Matériaux de Construction) à compter du mois de janvier 2003, par contrat de professionalisation, puis pour une durée indéterminée, en qualité d’administrateur réseaux et système d’information, avec le statut de cadre.
La relation de travail est régie par la convention collective des cadres des industries de carrières et matériaux.
Monsieur [X] a fait l’objet d’arrêts de travail pour maladie à compter du 23 janvier 2016.
Par lettre du 23 février 2017, Monsieur [X] était convoqué pour le 7 mars à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 13 mars suivant pour faute grave, caractérisée par diverses négligences et agissements mettant en cause la sécurité informatique de l’entreprise.
Le 6 août 2018, Monsieur [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement nul pour harcèlement moral ou sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.
Par jugement du 30 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a condamné l’Unicem à payer à Monsieur [X] les sommes suivantes et a débouté ce dernier de ses autres demandes :
– indemnité compensatrice de préavis : 12 211,74 € ;
– indemnité de congés payés afférente : 1 221,17 € ;
– indemnité conventionnelle de licenciement : 22 583,58 € ;
– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30 000 € ;
– les intérêts au taux légal ;
– indemnité pour frais de procédure : 700 € ;
– les dépens ;
– le conseil a également ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés.
A l’encontre de ce jugement notifié le 25 février 2020, Monsieur [X] a interjeté appel en visant expressément les dispositions critiquées, par déclaration du 25 mars 2020.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 septembre 2022, Monsieur [X] demande, à titre principal, l’infirmation du jugement en ce qu’il a écarté la nullité du licenciement et demande à cet égard la condamnation de l’Unicem à lui payer une indemnité pour licenciement nul de 100 000 €.
A titre subsidiaire, il demande la confirmation du jugement en ce qu’il a estimé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l’Unicem au paiement des indemnités de fin de contrat, mais par voie d’infirmation, la condamnation de l’Unicem à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 100 000 €.
En tout état de cause, il demande la condamnation de l’Unicem à lui payer les sommes suivantes :
– dommages et intérêts pour harcèlement moral : 30 000 € ;
– dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation : 5 000 € ;
– indemnité pour frais de procédure : 5 000 € ;
– les intérêts au taux légal, avec capitalisation ;
– Monsieur [X] demande également que soit ordonnée la remise des documents de fin de contrat rectifiés.
Au soutien de ses demandes et en réplique à l’argumentation adverse, Monsieur [X] expose que :
– il a été victime de faits de harcèlement moral constitués par des agissements répétés commis par la nouvelle Direction à compter de 2013 et une surcharge de travail, dans le but de provoquer son départ, entraînant des arrêts de travail pour maladie, puis par des tâches confiées sans rapport avec ses fonctions et entraînant une grave détérioration de son état de santé ;
– à titre subsidiaire, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure pour protéger son état de santé ;
– en tout état de cause, l’employeur a manqué à son obligation d’adaptation et de formation ;
– son licenciement est nul car contrevenant aux dispositions relatives au harcèlement moral, à celles relatives aux salariés victimes d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle et en ce qu’il constitue une discrimination en raison de son état de santé ;
– à titre subsidiaire, sa convocation à l’entretien préalable au licenciement est intervenue trop longtemps après la découverte des faits allégués et son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors qu’il n’avait jamais fait l’objet de la moindre sanction disciplinaire en 13 ans d’ancienneté ; il repose sur des griefs fallacieux et fabriqués de toutes pièces ;
– il rapporte la preuve de son préjudice.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 septembre 2022, l’Unicem demande l’infirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, sa confirmation en ce qu’il a débouté Monsieur [X] de ses autres demandes, et la condamnation de ce dernier à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 2 500 €.
Elle fait valoir que :
– le licenciement pour faute grave était justifié par les manquements de Monsieur [X] ;
– les éléments présentés par Monsieur [X] au soutien de son allégation de harcèlement moral sont mensongers, alors qu’il n’a jamais manifesté ni fait état d’une quelconque situation de souffrance à qui que ce soit y compris aux instances représentatives ou à la médecine du travail ;
– Monsieur [X] ne rapporte pas la preuve d’un lien entre le prétendu harcèlement moral et son licenciement ;
– elle ignorait tout de la maladie professionnelle alléguée par Monsieur [X] ;
– à l’occasion de la présente procédure, elle a découvert que Monsieur [X] avait utilisé ses fonctions pour capter les données confidentielles de son employeur et se livrer par intrusions répétées à leur vol à des fins personnelles, y compris après son départ de la société et qu’il téléguidait ses témoins ;
– elle a respecté ses obligations relatives à la formation et Monsieur [X] ne rapporte la preuve d’aucun préjudice.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
* * *
MOTIFS
Sur l’allégation de harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Conformément aux dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles.
En l’espèce, Monsieur [X] fait valoir que la nouvelle direction de l’UNICEM arrivée en 2013, et tout particulièrement son responsable hiérarchique, Monsieur [H], Secrétaire général et Monsieur [T], Délégué général, ont exercé à son encontre des pressions dans l’espoir de le voir quitter l’entreprise.
Il précise qu’en avril 2013, il a été victime d’un “burn out”, qu’il, a ensuite repris ses fonctions sans qu’aucune visite de reprise ne soit organisée malgré un arrêt de travail de plus de trois semaines.
Il expose également qu’à compter de 2014, il s’est vu chargé de tâches multiples, chronophages mais surtout sans aucun lien avec son poste d’administrateur réseaux et systèmes d’information (réfection complète de deux salles de réunion, gestion de nombreux travaux de peinture ou de pose de parquet dans des bureaux ou parties communes, achat ou réparation de meubles et de fournitures diverses). Il produit à cet égard des échanges de courriels de fin 2014 et 2015, relatifs à l’organisation de travaux, de déménagements et d’aménagement dans les bureaux.
Il produit également une attestation de Madame [I], déléguée du personnel, qui déclare qu’il est venu la voir à plusieurs reprises pour lui faire part de son mal être au bureau, qu’elle a pu observer que Monsieur [H], lui faisait faire, en plus de ses tâches informatiques, des travaux d’intendance tels qu’accrocher des tableaux et des stores et des travaux de réfection des bureaux, que d’autres salariés ont été victimes des agissements de Monsieur [H], qu’en février 2017, l’assistante RH a envoyé un mail à l’ensemble du personnel pour annoncer son arrêt de travail et qu’un tel envoi constituait un événement unique dans l’entreprise. Elle ajoute que, lors d’une réunion du CE, en mai 2016, la direction a annoncé son remplacement avant le lancement d’un audit informatique.
Il produit également une attestation de Madame [E], collègue et amie, qui déclare qu’en 2012, à la suite d’un changement de direction, l’ambiance agréable qui existait au sein de l’entreprise s’est dégradée, que les surcharges de travail se multipliaient, qu’il était de plus en plus sollicité pour des tâches sans rapport avec ses fonctions (plomberie et électricité), qu’il était évident qu’il allait de moins en moins bien, qu’il se plaignait du fait que Monsieur [H] était “sans arrêt sur son dos”, qu’il se trouvait dans un état de stress permanent mais que la direction ne prenait pas son état de santé au sérieux. Elle ajoute avoir a elle-même été victime de ce type d’agissements de la part de la direction.
Il produit également les attestations d’anciens salariés de l’Unicem, déclarant avoir constaté une dégradation de son état de santé.
Il expose qu’il était déconsidéré par la Direction, que celle-ci ne répondait pas à ses courriels relatifs au travail et produit un courriel du 6 décembre 2015, aux termes duquel Monsieur [H] lui répond laconiquement “on avisera”, lorsqu’il l’informe de difficultés techniques et propose une solution.
Il produit également un courriel du 22 décembre 2015, aux termes duquel le secrétaire général adresse ses voeux de fin d’année au personnel mais sur lequel il n’apparaît pas.
Il produit également un courriel du 23 décembre 2015 adressé par Monsieur [T] à des collègues, leur écrivant : “Merci ! Vous êtes plus rapide que nos informaticiens”.
Concernant son état de santé, il produit un certificat établi le 20 janvier 2017 par un psychiatre, certifiant l’avoir reçu en juin 2013, avoir alors constaté un “épisode de crise de panique, inaugural d’un état dépressif” nécessitant un arrêt de travail et un traitement psychothérapique, que le 21 janvier 2016, il a repris contact d’urgence dans un état de détresse psychologique, présentant une phobie par rapport au travail, expliquant se sentir déconsidéré par sa hiérarchie, tableau clinique évoquant un “burn out”.
Il a fait l’objet d’arrêts de travail pour maladie à compter du 23 janvier 2016, prolongés jusqu’à son licenciement.
Il a été reconnu travailleur handicapé le 22 octobre 2018.
Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
De son côté, l’Unicem produit l’attestation Monsieur [N] [N], technicien support informatique qui était le collaborateur direct de Monsieur [X] et partageait son bureau, qui déclare n’avoir “pas ressenti que l’atmosphère s’était dégradée lors de la prise de fonction de Mr [H] en tant que Secrétaire Général”.
L’Unicem fait valoir que, dès son arrivée en septembre 2013, Monsieur [T], Délégué général, a accédé à la demande de Monsieur [X] en lui permettant de s’organiser en télétravail deux ou trois jours par semaine et produit en ce sens un avenant signé le 1er octobre 2013, ce qui contredit les allégations du salarié selon lequel la nouvelle direction a exercé des pressions à son encontre dans le but d’obtenir son départ.
L’Unicem conteste les témoignages de Mesdames [I] et [E] et produit les attestations de Messieurs [R], [G] et [Z], qui déclarent n’avoir jamais entendu en réunions du comité d’entreprise les propos imputés à Monsieur [H].
A cet égard, Madame [L] [B], déclare que le comité d’entreprise, apprenant que Monsieur [X] souhaitait faire reconnaître sa pathologie comme maladie professionnelle, a vainement tenté de le contacter et ajoute n’avoir jamais eu connaissance de faits de harcèlement moral dont il aurait été victime ; au soutien de ce témoignage est produit le procès-verbal du comité d’entreprise du 27 septembre 2016, mentionnant n’avoir aucune nouvelle de Monsieur [X], en arrêt maladie, ce dernier n’ayant pas répondu aux courriel et courrier de ce comité.
L’Unicem produit les attestations de Madame [B], Monsieur [N] et Monsieur [Z], qui déclarant ne l’avoir jamais vu effectuer des travaux de plomberie ou d’électricité.
Concernant le grief de surcharge de travail, l’Unicem produit un compte rendu d’entretien annuel relatif à la charge de travail établi le 13 janvier 2016 et signé par Monsieur [X], mentionnant : “Compatibilité avec le respect du quotidien : En général oui […] compatibilité avec le respect du repos hebdomadaire : Globalement oui […] comment cela s’articule avec la vie familiale personnelle : Pas de souci.”
L’Unicem produit enfin des compte-rendus d’évaluation annuelle signés par Monsieur [X] ; celui établi en 2014 ne mentionne aucun commentaire de sa part et, sur celui de janvier 2015, à la question suivante du responsable hiérarchique : “La situation globale dans l’entreprise est elle satisfaisante ‘”, Monsieur [X] a répondu : “oui, pas de souci relationnel majeur’il y a une bonne relation et un bon état d’esprit”, le responsable hiérarchique concluant : “Mr [X] est satisfait de l’équilibre atteint entre son environnement professionnel et son cadre personnel”.
Ces éléments objectifs permettent d’écarter la plupart des griefs de Monsieur [X].
Il subsiste néanmoins le grief relatif à des tâches sans rapport avec les fonctions contractuelles mais concernant ce point, il résulte des courriels susvisés, produits par Monsieur [X], qu’il a seulement été chargé de façon ponctuelle de superviser certains aménagements et non pas de les effectuer lui-même.
l’Unicem ne fournit pas d’explications relatives aux trois courriels précités de décembre 2015 mais ces éléments ne suffisent à constituer des agissements répétés de harcèlement moral.
Enfin, si la dégradation de l’état de santé de Monsieur [X] est incontestable et s’il est vraisemblable qu’elle soit en lien avec une situation de souffrance au travail, l’Unicem justifie néanmoins, par les éléments objectifs précités, que cette souffrance n’est pas en lien avec des faits de harcèlement moral.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée à cet égard.
Sur le manquement allégué à l’obligation de sécurité
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l’article L 4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Aux termes de l’article L. 1152-4 du même code, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.
En l’espèce, Monsieur [X] n’expose pas quelles mesures l’entreprise aurait dû prendre pour prévenir sa situation de souffrance au travail et il résulte des explications qui précèdent qu’aucun élément ne permet d’établir que la direction de l’entreprise ait pu avoir connaissance de cet état, avant son arrêt de travail du 23 janvier 2016, prolongé jusqu’à son licenciement.
Sur le licenciement
Monsieur [X] argue de la nullité du licenciement aux motifs qu’il contrevient, d’une part, aux dispositions relatives au harcèlement moral, d’autre part à celles relatives aux salariés victimes d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle et enfin en ce qu’il constitue une discrimination en raison de son état de santé.
Il résulte des développements qui précèdent que le premier grief n’est pas fondé.
Concernant le deuxième grief, aux termes de l’article L1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre ce contrat que s’il justifie, soit d’une faute grave de l’intéressée, soit de l’impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie professionnelle.
Aux termes de l’article L.1226-10 du même code, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle.
Ces dispositions s’appliquent dès lors que l’employeur a été informé du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie avant la date de notification de la rupture du contrat de travail.
En l’espèce, Monsieur [X], qui faisait l’objet d’arrêts de travail depuis le 23 janvier 2016, produit la copie d’une lettre datée du 27 février 2017, aux termes de laquelle il informait Monsieur [H], secrétaire général de l’entreprise, de sa “démarche de reconnaissance de Maladie professionnelle auprès de la Cpam”. Cette dernière en a à son tour informé l’entreprise par lettre du 20 mars 2017.
Monsieur [X] produit également une note adressée par Monsieur [H] à Monsieur [T] le 3 mars 2017, dont il résulte de façon incontestable qu’il avait bien reçu la lettre de Monsieur [X] avant le 13 mars 2017, date de notification du licenciement.
Par conséquent, les dispositions de l’article L1226-9 s’appliquent et il appartient à l’entreprise d’établir l’existence d’une faute grave.
Il résulte des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 13 mars 2017, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :
« Les motifs de licenciement, dont nous avons pris connaissance avec la restitution du diagnostic des systèmes d’information par la société Référence DSI effectué lors de la réunion du Bureau de l’UNICEM le 19 janvier 2017 sont notamment les suivants :
– L’installation et le déploiement d’une protection virale des postes par un logiciel piraté, en violation de l’ensemble de la législation en vigueur ; ce faisant vous avez exposé l’UNICEM à une série de risques à la fois juridiques mais également organisationnels dont témoignent les nombreuses attaques virales subies depuis l’été 2016.
– L’absence totale d’une maîtrise des comptes utilisateurs ayant des droits de « super administrateur » : le diagnostic a révélé 17 comptes au sein du système d’information, ayant la pleine capacité sur le réseau pour créer ou détruire des informations, quel que soit leur degré de sensibilité.
– L’attribution de deux de ces comptes à un prestataire, la société MASAO, comme administrateur du domaine « Unicem » sans en avoir informé la direction générale au préalable, et ainsi avoir gravement exposé l’UNICEM à des responsabilités dont, à part vous-même, nul autre personne n’avait connaissance.
– Le déploiement de serveurs proposant des espaces de stockage sans contrainte d’identification (sites FTP) ouvrant ainsi la porte à du stockage illégal de fichiers mettant ainsi en jeu la responsabilité pénale de l’UNICEM.
– La mise en place d’une règle globale qui désactive tous les pare-feu des postes de travail, laissant la porte ouverte aux virus, malware et fuite d’informations, et mettant en péril l’intégrité des données de l’ensemble des collaborateur et des services de l’UNICEM. »
Monsieur [X] n’a été convoqué à un entretien préalable à licenciement que par lettre du 23 février 2017, alors qu’il résulte des propres déclarations de l’employeur aux termes de cette lettre, que les faits allégués auraient été découverts par lui lors d’une réunion du Bureau du 19 janvier 2017, soit près d’un mois plus tôt.
A elle seule, cette tardiveté démontre que les faits allégués ne nécessitaient pas, pour l’entreprise, le départ immédiat du salarié, ce dont il résulte qu’elle ne pouvait valablement le licencier pour faute grave.
En l’absence de faute grave, le licenciement est donc nul en application des disposions de l’article L.1226-10 du code du travail, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le moyen relatif à la discrimination, également soulevé au soutien de cette nullité.
Monsieur [X] est donc fondé à obtenir paiement d’une indemnité pour licenciement nul, au moins égale à l’indemnité sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.
Au moment de la rupture, Monsieur [X], âgé de 38 ans, comptait plus de 14 ans d’ancienneté. Il perçoit actuellement une pension d’invalidité de près de 1 000 euros par mois, alors qu’il percevait, lorsqu’il était salarié de l’Unicem, un salaire mensuel brut de 4 070,58 euros.
Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d’évaluer son préjudice à 45 000 euros.
Il convient par ailleurs de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’Unicem à payer à Monsieur [X] une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de congés payés afférente, ainsi qu’une l’indemnité conventionnelle de licenciement, pour des montants qui ne font pas l’objet de contestation.
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation
Aux termes de l’article L.6321-1 du code du travail , l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme. Les actions de formation mises en ‘uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l’article L. 6312-1.
En l’espèce, alors que Monsieur [X] soutient que l’Unicem a manqué à ses obligations à cet égard, cette dernière répond, d’un part, qu’il avait bénéficié d’une formation en 2007 et d’autre part, qu’elle lui en a proposé une en 2015 mais qu’il l’a refusée.
Cependant, au soutien de cette dernière allégation, l’Unicem ne produit qu’un courriel du 6 août, accompagné d’un programme de séminaire, ainsi rédigé : “ce serait bien pour vous ça !”.
A lui seul, cet élément ne peut suffire à établir que l’Unicem a respecté ses obligations depuis 2007.
Monsieur [X] expose à juste titre que ce manquement de l’employeur lui a causé un préjudice constitué par une perte d’employabilité dans un secteur “très pointu” où des formations régulières sont indispensables pour se mettre à jour des évolutions.
Ce préjudice doit être évalué à 3 000 euros et il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur les autres demandes
Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés.
Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’Unicem à payer à Monsieur [X] une indemnité de 700 euros destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et y ajoutant, de la condamner au paiement d’une indemnité de 2 000 euros en cause d’appel.
Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2018, date de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du même code et de faire application de celles de l’article 1343-2.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’Unicem (Union Nationale des Industries de Carrières et Matériaux de Construction) à payer à Monsieur [Y] [X] les sommes suivantes :
– indemnité compensatrice de préavis : 12 211,74 € ;
– indemnité de congés payés afférente : 1 221,17 € ;
– indemnité conventionnelle de licenciement : 22 583,58 € ;
– indemnité pour frais de procédure : 700 € ;
– les dépens ;
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés, étant précisé qu’ils doivent être conformes aux dispositions du présent arrêt ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés ;
Déclare nul le licenciement de Monsieur [Y] [X] ;
Condamne l’Unicem à payer à Monsieur [X] les sommes suivantes :
– indemnité pour licenciement nul : 45 000 € ;
– dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation : 3 000 € ;
Y ajoutant ;
Condamne l’Unicem à payer à Monsieur [Y] [X] une indemnité pour frais de procédure en cause d’appel de 2 000 €.
Dit que les condamnations au paiement de l’indemnité pour licenciement nul, des dommages et intérêts et de l’indemnité pour frais de procédure porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2018 et dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
Déboute Monsieur [Y] [X] du surplus de ses demandes ;
Déboute l’Unicem de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel ;
Condamne l’Unicem aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT