Confidentialité des données : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02648

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Confidentialité des données : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02648
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27/01/2023

ARRÊT N°60/2023

N° RG 21/02648 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OHFT

FCC/AR

Décision déférée du 10 Mai 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 19/01241)

LAFABREGUE E

[Z] [K]

C/

S.A.S. SECAFI

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 27 01 2023

à

Me Pauline CARRILLO

Me Laurence DESPRES

ccc Pôle emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [Z] [K]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Laurence DESPRES de la SELARL DESPRES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S. SECAFI

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 1]

Représentée par Me Pauline CARRILLO de la SELARL LP AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Fabrice PERRUCHOT, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme F. Croisille Cabrol, conseillère chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. Brisset, présidente

A. Pierre-Blanchard, conseillère

F. Croisille-Cabrol, conseillère

Greffier, lors des débats : K. Souifa faisant fonction de greffier

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. Brisset, présidente et par A. Ravéane greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Z] [K] a été embauché suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 3 juin 1998 par la société Secafi Alpha, devenue ensuite Secafi, en qualité de responsable de mission confirmé.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [K] exerçait les fonctions de consultant directeur.

La convention collective des cabinets experts-comptables et des commissaires aux comptes est applicable.

Par LRAR du 11 septembre 2017, la SAS Secafi a notifié un avertissement à M.[K] pour refus de communiquer des informations à sa hiérarchie constitutif d’une insubordination.

Par LRAR du 23 août 2018, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 31 août 2018, puis, par LRAR du 5 septembre 2018, licencié pour faute grave. La relation de travail a pris fin au 10 septembre 2018.

Par courrier non daté, M. [K] a demandé des précisions sur les motifs du licenciement ; la SAS Secafi lui a répondu par LRAR du 23 janvier 2019.

Le 6 août 2019, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 10 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– requalifié le licenciement de M. [K] pour faute grave en licenciement pour faute simple et donc cause réelle et sérieuse,

– condamné la SAS Secafi à payer à M. [K] les sommes suivantes :

* 25.018,92 € au titre de l’indemnité de préavis,

* 2.501,89 € au titre des congés payés y afférents,

* 49.342,87 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SAS Secafi de l’ensemble de ses demandes,

– condamné la SAS Secafi aux entiers dépens.

M. [K] a relevé appel de ce jugement le 15 juin 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 juillet 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. [K] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à M. [K] ses indemnités de rupture,

– le réformer en ce qu’il a requalifié le licenciement de M. [K] pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

– juger le licenciement intervenu dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

– en conséquence, condamner la SAS Secafi au paiement des sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis : 25.018,92 €,

* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 2.501,89 €,

* indemnité de licenciement légale : 49.342,87 €,

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 129.264,42 €,

* 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu’aux éventuels dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 octobre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Secafi demande à la cour de :

– accueillir l’appel incident formé par la société Secafi,

Y faisant droit,

à titre principal :

– fixer le salaire de référence de M. [K] à 8.302 € bruts,

– juger que le licenciement de M. [K] est fondé sur une faute grave,

– infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [K] en licenciement pour faute simple donc cause réelle et sérieuse, et condamné la SAS Secafi au paiement de sommes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement,

– débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

– juger que le licenciement de M. [K] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [K] en licenciement pour faute simple et donc cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Secafi au paiement de sommes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement,

– débouter M. [K] de toutes ses demandes,

– ramener le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à 22.868,48 € et les congés payés afférents à 2.286,84 €,

– ramener le montant de l’indemnité légale de licenciement à 49.120,16 €,

A titre infiniment subsidiaire :

– constater que M. [K] n’apporte pas la preuve des préjudices qu’il estime avoir subis du fait de son licenciement,

– ramener le montant des condamnations sollicitées par M. [K] à de bien plus juste proportions et notamment, limiter le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaire soit 24.906 €,

En tout état de cause :

– débouter M. [K] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [K] à verser à la SAS Secafi la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 – Sur le licenciement :

Dans sa lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l’employeur a licencié le salarié pour faute grave. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.

La lettre de licenciement du 5 septembre 2018 était ainsi motivée :

‘- Manque de coopération, déloyauté :

‘ Vous n’informez pas le Responsable de Compte du report de la réunion du bureau du Comité de Groupe de Safran, initialement prévue le 22/03/2018. Ce n’est que sur sa demande d’horaires précis adressée le 19/03/2018 que vous l’informez de cette annulation. Vous l’exposiez ainsi volontairement à un déplacement inutile sur [Localité 4].

‘ Sur sa demande, vous informez le Responsable de Compte que l’horaire de la réunion du Comité, de Groupe de Safran est prévu pour un début de travail dans l’après-midi alors que vous disposiez de l’invitation adressée par un élu précisant un démarrage des travaux en fin de matinée.

De même, vous précisez que vous ne disposez pas d’éléments sur les points devant y être traités alors que vous disposiez de l’ordre du jour établi pour cette réunion. Vous placez ainsi volontairement le Responsable de Compte dans une situation potentiellement complexe vis-à-vis du client.

‘ Vous refusez de communiquer les informations sollicitées par le Responsable de Compte sur les échanges entre vous et les élus au Comité de Groupe.

‘ Vous ne communiquez pas les noms et coordonnées de vos contacts représentants du personnel localisés sur le site de Villaroche comme cela vous est demandé, alors même que vous reconnaissez, lors de l’entretien préalable, que vous avez des contacts (hors CHSCT).

‘ Nous découvrons courant août 2018, qu’à partir de votre messagerie professionnelle, vous échangez avec 3 collègues, pour organiser un rendez-vous avec un concurrent dont l’objet mentionne une « soirée alternative avec la concurrence » (mails du 5 juillet 2018), avec le cabinet Alliance IRP, cabinet fondé en début d’année par deux anciens collaborateurs de Secafi et qui détourne le portefeuille de notre Société. Vous ne pouvez en outre ignorer que ces deux anciens collaborateurs cherchent à débaucher des membres de nos équipes en même temps qu’ils tentent de détourner nombre de nos anciens clients. Vous ne pouvez ignorer que, ce faisant, vous commettez au moins deux graves fautes contractuelles :

* en utilisant à des fins autres que professionnelles le matériel et les moyens mis à votre disposition,

* en faisant montre d’un comportement déloyal en participant à l’organisation d’un repas entre des membres de notre personnel et d’anciens collaborateurs qui ont créé une structure directement concurrente au détriment de votre employeur,

‘ Après réception de votre convocation à entretien préalable à licenciement, vous supprimez délibérément et dans un délai de quelques minutes, la très grande majorité des contenus de votre messagerie professionnelle. Ce dont nous avons fait dresser constat. Vous portez volontairement ainsi atteinte aux informations utiles et nécessaires au cabinet pour assurer la continuité de ses activités et cela caractérise une volonté manifeste de nuire au cabinet.

– Refus d’appliquer les orientations définies par la hiérarchie et le responsable de compte :

‘ Votre responsable hiérarchique, Mme [X] [G] vous a accordé à titre exceptionnel en 2017 un report de vos congés payés et vous a demandé un plan d’apurement. En 2018, vous l’informez lors de l’entretien annuel, le 16 avril 2018, que vous ne serez de nouveau pas en mesure de solder votre stock de congés payés. Vous n’avez alerté précédemment à aucun moment votre manager de votre difficulté à apurer vos congés payés alors même que la règle de non report avait été de nouveau rappelée en début d’année (lors d’une réunion du collectif) par votre manager.

‘ Le 22 mars 2018, une réunion interne est organisée (avec [L] [C], [F] [O] et vous) pour définir les orientations et les équipages d’intervention pour les missions d’analyse des comptes et de la situation dans plusieurs sociétés de Safran. Il vous est demandé, dans le cadre du pilotage de l’intervention d’analyse des comptes et de la situation de Safran Aircraft Engines par le responsable de compte, de prévoir de traiter les sujets industriels et de vous appuyer .pour se faire sur [B] [R] et de ne pas mobiliser M. [I]. Malgré cette demande claire et formalisée dans un compte rendu de réunion, vous faites rédiger et adressez au client une lettre de mission le, 29 mars ne prévoyant pas l’intervention de [B] [R] et faisant au contraire intervenir M. [I] sans informer votre Responsable de Compte. Une réunion de « recadrage » est organisée le 6 avril en présence d'[X] [U], [L] [C], [F] [O] et vous-même pour confirmer notre position sur l’équipage. Vous ne modifiez pas pour autant la lettre de mission.

‘ Vous contestez par ailleurs le rôle et l’autorité de L [O] et niez ses orientations qui figurent pourtant dans le document de cadrage réalisé, dans un message que vous adressez fin mars 2018 et où vous mettez en copie des collaborateurs non hiérarchiques intervenant sur le secteur aéronautique.

De même, le cadrage interne réalisé en présence de [L] [C], [X] [U], [F] [O] et vous-même sur les missions Safran Aircraft Engines et Comité de groupe Safran prévoit des modifications dans la lettre de mission prévisionnelle et dans l’équipage mission. Vous adressez en contradiction avec les décisions prises un projet de lettre de mission au client ne prenant pas en compte ces modifications.

– Insulte d’un collaborateur :

‘ Dans le cadre de votre intervention sur le Comité Européen de Safran, Mme [L] [T], responsable Europe pour notre Cabinet, vous demande de modifier le document que vous avez réalisé, document trop peu pédagogique et que vous avez communiqué très tardivement Vous refusez’de procéder à cette modification. Mme [L] [T] a Informé sa hiérarchie par un mail du 23 mars 2018 en indiquant vous concernant : « il m’a traitée de conne et refuse de modifier le document »

– Process non respecté :

‘ Malgré la demande réitérée de votre responsable hiérarchique, Mme [X] [G], et le fait que cela soit explicitement mentionné dans votre entretien d’évaluation, vous refusez de réaliser des cadrages (cadrage mission, contenu lettre de mission sans taux et sans volume de jours indiqués..). Ce point a pourtant fait l’objet de multiples demandes de la part de vos responsables successifs.

‘ Vous n’assurez pas non plus l’animation des équipes d’interventions sur les dossiers sur lesquels vous êtes responsable de mission.

‘ Vous ne procédez à aucun pré-cadrage budgétaire de vos missions avec les équipes.

– Non remontée d’un potentiel incident grave :

‘ La Direction Financière du Groupe Safran a exprimé en séance plénière son incompréhension sur la diffusion d’un niveau détaillé d’informations qu’il trouve non seulement inutile mais également risqué au regard de la confidentialité de ces informations.

La Direction Financière du Groupe Safran, M. [N] [H], vous a exprimé par mail le 7 juin 2018 ses observations concernant la confidentialité des données utilisées dans le rapport CGR Safran (rapport qui lui a été transmis le 6 juin) et ceci avant la présentation à l’instance de ce rapport (12 juin). Malgré cela, le document n’a pas été modifié pour tenir compte de ce risque client. Vous n’avez pas remonté ce point ni au Responsable de Compte ni à un expert comptable en charge des aspects déontologiques pour la DR et avez considéré que c’est un « non-sujet ». Le Responsable de Compte a appris et découvert cette information a posteriori, directement par le DRH (début juillet).

Pour rappel, vous aviez déjà fait l’objet d’un avertissement le 11 septembre 2017 pour insubordination en refusant de communiquer des éléments d’informations à votre hiérarchie…’

Par courrier du 23 janvier 2019, en réponse à la demande de M. [K], la société a apporté les précisions suivantes :

‘- S’agissant de la réunion du Comité de Groupe (…)

La date de la réunion est celle du 16 mai 2018.

– S’agissant des informations (…)

Le 15 mai 2018, Monsieur [O] vous adresse une demande par mail concernant les points prévus à l’ordre du jour du bureau du Comité de Groupe de Safran du 16 mai 2018. Alors que vous disposez des points à l’ordre du jour de cette réunion vous lui répondez que vous n’avez pas connaissance de questions particulières.

Le 22 mars 2018, Monsieur [O] vous adresse plusieurs questions relatives à la lettre de mission pour le Comité de Groupe de Safran. Sans réponse de votre part il vous relance le 30 mars suivant. Vous lui répondez le 3 avril 2018 sans lui transmettre de réponses à ses questions.

– S’agissant des noms et coordonnées (…)

Le 20 décembre 2017, Monsieur [O] vous adresse une demande pour disposer d’un « contact DS (DSC) CGT à Villaroche ». Vous ne répondez pas à sa demande alors que vous connaissez les interlocuteurs.

– S’agissant des contenus de la messagerie professionnelle (…)

Suite à votre entretien préalable, Monsieur [M] vous demande le 31 août 2018 de restituer les mails professionnels supprimés de votre messagerie. Vous l’informez le 3 septembre 2018 à 9h42 que vous les avez restitué dans votre messagerie. Or, nous avons constaté que votre messagerie avait un volume de stockage de 24,6 giga le 3 août 2018 et que vous avez restitué le 3 septembre 2018 après-midi une capacité de 7,79 giga, soit un écart très conséquent.

– S’agissant des congés (…)

Il n’est pas possible que vous ayez alerté Madame [G] en février 2018 puisqu’un mail de cette dernière, en date du 19 avril 2018 mentionne bien le fait que jusqu’à cette date, elle n’était pas au courant des difficultés de report. Vous n’avez pas contredit ce mail.

Ce qui vous est reproché est de ne pas appliquer les orientations définies par votre hiérarchie en matière de congés, règles stipulées également par écrit par la Direction Générale de SECAFI. Depuis de nombreuses années vous ne respectez pas ces règles qui vous ont été rappelées par votre encadrement.

Cette situation est d’autant plus inacceptable que la planification de votre charge se caractérise par une forte récurrence des missions (plus que d’autres consultants) ce qui devrait permettre de faciliter l’organisation de temps de travail et la régulation pour permettre de planifier vos congés dans le respect des règles du cabinet.

– S’agissant de la mission d’analyse des comptes de Safran Aircraft Engines (…)

Vous avez reçu le compte rendu de la réunion le 26 mars 2018 ainsi qu’un état des travaux préparés avec Monsieur [R] en vue de la réalisation de la mission.

Vous n’avez pas tenu compte de ces éléments et avez adressé à Monsieur [O] la lettre de mission pour Safran Aircraft Engines le 29 mars 2018. Ce dernier vous a fait part de ses remarques le 30 mars 2018, remarques en conformité avec la procédure interne RACI qui précise les périmètres d’intervention d’un Responsable de compte sur les missions. Malgré cela, vous transmettez le 6 avril 2018 au client la lettre de mission sans prendre en compte les demandes de Monsieur [O].

– Sur la date, le contenu et l’horaire du message de fin mars 2018 (…)

Il s’agit d’un mail que vous avez adressé en réponse à Monsieur [O] le 30 mars 2018 à 16h27 dans lequel vous remettez en cause son rôle et sa responsabilité en tant que Responsable de Compte. Vous mettez copie de votre réponse Messieurs [I] et [S] alors qu’ils n’étaient pas destinataires du mail initial de Monsieur [O].

– S’agissant du cadrage interne réalisé en présence de MM. [C], [U] et [O] (…)

Comme vous ne pouvez l’ignorer, le cadrage interne a eu lieu le 6 avril 2018.

– S’agissant de la prétendue insulte envers Mme [T] (…)

Le 7 novembre 2017, Madame [T] vous adresse un mail vous indiquant, suite à une réunion préparatoire avec le Comité Européen de Safran, des modifications demandées par le client sur votre document remis le matin même. Lorsque le Responsable de Compte vous demande de prendre en compte les demandes de Madame [T] vous lui répondez que c’est « une conne » et que vous ne jugez pas utile de modifier le document. Madame [T] procédera aux modifications demandées par le client et vous les présentera pour relecture le 8 novembre matin juste avant leur présentation au client. Ces propos ont été confirmés par Madame [T] auprès de son responsable hiérarchique, Monsieur [E].

– S’agissant des process non respectés (…)

Vos derniers entretiens annuels d’évaluation formalisent les écarts par rapport aux attendus d’un consultant de votre qualification et de votre ancienneté.

Vos questionnements sur ce point démontrent soit votre manque de maitrise de nos process, soit que vous feignez de les ignorer.

Dans les deux cas, cela nous laisse perplexe dans la mesure où, comme vous le savez, le cadrage des missions faisait partie d’un de vos objectifs fixés pour l’année 2017 (construit le budget de la mission conformément au cadrage mission) et qui n’a pas été respecté.

Vous ne respectez pas non plus le processus qui consiste à organiser la communication des informations nécessaires au bon déroulement de la mission (exemple du mail du 17 juillet 2018 de réponse au RC de l’époque qui démontre une pratique qui consiste à prendre RDV avec la DRH et de laisser le point en suspens sans redonner les informations utiles au consultant). Ce mail est aussi révélateur de l’absence d’un document de cadrage, précisant les thématiques de la mission, les sujets « détourés », le calendrier (pas seulement le calendrier indiquant la réunion préparatoire, mais les différents jalons de la mission…) …ces éléments faisant partie des processus attendus de conduite de mission.

Les problèmes de communication avec les Responsables de Comptes illustrent également le non-respect des processus qui consistent, en tant que Responsable de Mission, à remonter les informations nécessaires au Responsable de Compte pour détecter les opportunités commerciales et de développement.

– S’agissant de la non-remontée d’un potentiel incident grave (…)

La Direction de Safran a informé Monsieur [O] le 12 juillet 2018, à l’occasion d’une réunion de travail en regrettant que des données confidentielles puissent apparaitre dans nos rapports.’

Sur la prescription :

Aux termes de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Il appartient à l’employeur de justifier de la date à laquelle il a eu connaissance de chacun des griefs, étant rappelé que la procédure de licenciement a été engagée le 23 août 2018.

M. [K] soulève la prescription des faits suivants :

– grief 1, sous-grief 1 : absence d’information du report de la réunion du bureau du comité de groupe prévue le 22 mars 2018 (date dans la lettre de licenciement) ;

– grief 1, sous-grief 2 : absence d’information à l’occasion de la réunion du comité de groupe du 16 mai 2018 (date dans la lettre de précisions) ;

– grief 1, sous-grief 3 : absence d’informations sur les échanges avec les élus, informations demandées par M. [O] par mail du 22 mars 2018 avec relances par mail du 30 mars 2018 (dates dans la lettre de précisions) ;

– grief 1, sous-grief 4 : absence d’informations sur les coordonnées des élus demandées par M. [O] le 20 décembre 2017 (date dans la lettre de précisions) ;

– grief 2, sous-grief 1 : report de congés payés du 16 avril 2018 (date dans la lettre de licenciement) ;

– grief 2, sous-grief 2 : rédaction d’une lettre de mission du 29 mars 2018 non conforme et non modifiée malgré la réunion de recadrage du 6 avril 2018 (dates dans la lettre de licenciement) ;

– grief 2, sous-grief 3 : remise en cause de l’autorité de M. [O] dans un mail du 30 mars 2018 et non-respect dans la lettre de mission des modifications faites lors du cadrage interne du 6 avril 2018 (dates dans la lettre de précisions) ;

– grief 3 : insulte envers Mme [T] suite à un mail de M. [K] du 7 novembre 2017, dont Mme [T] s’est plainte auprès de la hiérarchie par mail du 23 mars 2018 (dates dans la lettre de licenciement et la lettre de précisions) ;

– grief 4 : non-respect des process relatifs au cadrage ainsi que reproché lors de l’entretien d’évaluation du 16 avril 2018 (date dans les conclusions).

Or, dans ses conclusions, la SAS Secafi est totalement muette sur la question de la prescription, et elle ne critique pas non plus le jugement en ce qu’il a déclaré prescrits certains griefs. La cour retiendra donc la prescription soulevée par M. [K].

La cour ne serait amenée à analyser les griefs prescrits que si d’autres griefs pour lesquels il n’existe pas de difficulté de prescription étaient établis et permettaient à l’employeur de se placer sur le terrain de la poursuite d’un comportement fautif.

Il y a donc lieu d’examiner sur le fond les griefs non prescrits :

– grief 1, sous-grief 5 : dîner avec des concurrents :

Par mail du 5 juillet 2018, Mme [Y] a proposé à MM. [K] et [S] et Mme [J], salariés de la SAS Secafi, sous l’objet ‘soirée alternative avec la concurrence ”, un dîner avec d’anciens salariés de la SAS Secafi, et salariés d’Alliance IRP, et M. [K] a accepté, le dîner ayant eu lieu le 10 juillet 2018.

Toutefois, ainsi que le relève M. [K], la SAS Secafi ne justifie pas avoir engagé des actions à l’encontre d’Alliance IRP devant l’ordre des experts-comptables et le tribunal de commerce ; elle ne justifie pas non plus de ce que le dîner litigieux, qui s’est tenu en dehors du temps et du lieu de travail, aurait eu pour objet de ‘débaucher’ des salariés de Secafi au profit d’Alliance IRP et de ‘soustraire des informations confidentielles’, et ainsi elle ne démontre pas qu’en acceptant de participer à ce dîner, M. [K] aurait manqué à son obligation de loyauté.

Le ton des mails était d’ailleurs décontracté, M. [K] disant qu’il s’agissait d’un dîner entre amis.

Mme [J] atteste que l’objet du mail ‘soirée alternative avec la concurrence ” était humoristique, et que lors du dîner du 10 juillet 2018, aucune information susceptible d’être utilisée contre la SAS Secafi n’a été partagée ; elle précise que, suite à ce dîner, elle a été convoquée à un entretien aux fins d’évaluation de sa loyauté envers la SAS Secafi, loyauté qu’elle a certifiée, et que, choquée par les pratiques managériales de la société, elle a démissionné au 31 décembre 2018.

M. [S] atteste du caractère privé et amical de ce dîner, qui avait lieu le soir de la demi-finale de la coupe du monde de football France-Belgique, dans un bar à tapas très animé et peu propice à des discussions de ‘débauchage professionnel’ ; il précise que lui aussi a été convoqué à un ‘entretien-interrogatoire’ par la SAS Secafi ; il ajoute qu’aucun des salariés de la SAS Secafi n’a ensuite rejoint le cabinet Alliance IRP.

La cour considère donc qu’il s’agissait d’un événement relevant de la vie privée de M.[K], sans lien avec le travail.

Quant au grief selon lequel M. [K] a utilisé à des fins personnelles la messagerie professionnelle, il ne saurait être retenu. En effet, la SAS Secafi ne justifie pas de ce que le contrat de travail de M. [K] ou le règlement intérieur aurait strictement prohibé toute utilisation de la messagerie à des fins autres que professionnelles ; l’envoi de mails personnels ne pourrait être reproché au salarié qu’en cas d’abus de sa part, or tel n’est pas le cas pour un unique échange de mails privés.

Le grief n’est donc pas fondé.

– grief 1, sous-grief 6 : destruction de mails de sa messagerie professionnelle suite à la convocation à l’entretien préalable au licenciement :

Par mail du 31 août 2018, la SAS Secafi a demandé à M. [K] de mettre à la disposition de l’entreprise l’ensemble des messages professionnels qu’il avait supprimés de sa messagerie et sauvegardés selon M. [K] sur son disque dur. Contrairement aux dires de la société, M. [K] a répondu à ce mail : par mail du 3 septembre 2018, M. [K] a indiqué que les messages étaient bien à disposition de l’entreprise puisqu’ils étaient archivés sur son poste de travail.

Le 3 septembre 2018, la SAS Secafi a fait réaliser un constat par Me [D], huissier de justice ; néanmoins, l’huissier n’a pas relevé de baisse du volume de stockage des archives de la boîte mail entre le 3 août et le 3 septembre 2018 ni de disparition définitive de mails que l’entreprise n’aurait pas pu retrouver dans les archives.

Le grief n’est donc pas établi.

– grief 5 : absence de remontée d’un potentiel incident grave :

La SAS Secafi reproche à M. [K] d’avoir mentionné des données confidentielles dans le rapport CGR Safran transmis à M. [H] le 6 juin 2018, en vue de la réunion plénière du 12 juin 2018, et de ne pas l’avoir modifié malgré les observations de M.[H] du 7 juin 2018 ; elle précise que M. [K] n’en a pas parlé avec M. [O] qui n’a découvert ce fait que début juillet.

Toutefois, la SAS Secafi se borne à produire un mail en partie ‘caviardé’ du 7 juin 2018 adressé par M. [H] à M. [K], lui disant que le rapport externe destiné aux élus ‘donnait beaucoup trop de choses’ et qu’il n’était pas indispensable qu’il contienne ‘des données non indiquées au marché’. Dans sa pièce, la SAS Secafi a masqué la réponse de M. [K].

De son côté, M. [K] produit l’échange de mails in extenso, avec sa réponse technique aux observations de M. [H].

M. [K] produit également les attestations de M. [V] (ancien salarié), M.[A] (élu CGT) et M. [P] (directeur des affaires sociales de Safran), ayant assisté à la réunion du 12 juin 2018, indiquant qu’il avait été indiqué que les élus au comité de groupe devaient connaître toutes les informations y compris celles pouvant être confidentielles.

Il est aussi versé un extrait du procès-verbal du comité de groupe du 12 juin 2018 mentionnant qu’à l’avenir, il convenait de faire le point sur ce qui relevait des données confidentielles ou non, et que les données confidentielles seraient toujours diffusées aux élus, soit par projection, soit dans le rapport avec la mention ‘confidentiel’.

Ainsi, la SAS Secafi ne justifie pas de ce que M. [K] aurait enfreint les règles en matière de données confidentielles et aurait diffusé des données susceptibles de provoquer un ‘incident grave’.

Le grief n’est pas établi.

Aucun des griefs non prescrits n’étant justifié, il n’y a pas lieu d’envisager les griefs qui à eux seuls étaient atteints par la prescription.

La cour estime donc que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave – par confirmation du jugement – ni même sur une faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse – par infirmation.

2 – Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Sur l’indemnité compensatrice de préavis :

En application de la convention collective, M. [K] qui avait le statut cadre avait droit à un préavis de 3 mois.

M. [K] se fonde sur un salaire mensuel de 8.339,64 € et la SAS Secafi sur un salaire mensuel de 7.622,82 € (soit le salaire de base uniquement).

Il convient toutefois de tenir compte de la prime d’ancienneté et du 13e mois, soit un salaire mensuel de 8.339,64 €.

M. [K] peut donc prétendre à une indemnité compensatrice de préavis de 25.018,92 € bruts, outre congés payés de 2.501,89 € bruts, le jugement étant confirmé.

Sur l’indemnité de licenciement :

En vertu de l’article L 1234-9 du code du travail, en sa rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017 applicable aux licenciements survenus à compter du 24 septembre 2017, le salarié titulaire d’un contrat à durée indéterminée licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. En vertu des articles R 1234-2 et R 1234-4 du code du travail, cette indemnité ne peut être inférieure à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans et 1/3 de mois de salaire par année au-delà de 10 ans d’ancienneté.

M. [K] avait une ancienneté remontant au 3 juin 1998 soit 20 ans et 3 mois au moment du licenciement.

L’indemnité légale due est bien de 49.342,87 €, le jugement étant confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En vertu de l’article L 1235-3 du code du travail, modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017, si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si l’une des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal figurant dans un tableau.

Selon le tableau, pour un salarié ayant 20 ans d’ancienneté au jour du licenciement, dans une entreprise comprenant au moins 11 salariés, cette indemnité est comprise entre 3 et 15,5 mois de salaire brut.

M. [K], né le 13 avril 1960, était âgé de 58 ans lors du licenciement.

Il justifie avoir créé une activité de ‘conseil pour les affaires et autres conseils de gestion’ le 15 avril 2019.

La SAS Secafi justifie qu’il a retrouvé un emploi auprès de la société Expair dès le mois de janvier 2019. M. [K] ne justifie pas de ses revenus.

Il lui sera alloué des dommages et intérêts de 60.000 €.

Sur le remboursement à Pôle Emploi :

En application de l’article L 1235-4 du code du travail, si le licenciement du salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si le salarié a une ancienneté d’au moins 2 ans dans une entreprise d’au moins 11 salariés, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Il convient donc d’office d’ordonner le remboursement par l’employeur au Pôle emploi des indemnités chômage à hauteur de 6 mois.

3 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

L’employeur qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles. L’équité commande de mettre à la charge de l’employeur les frais irrépétibles exposés par le salarié en première instance soit 1.500 € et en cause d’appel soit 1.500 €.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a qualifié le licenciement de M. [Z] [K] en licenciement pour faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse et a débouté l’appelant de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Juge que le licenciement de M. [Z] [K] était sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Secafi à payer à M. [Z] [K] les sommes suivantes :

– 60.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Ordonne le remboursement par la SAS Secafi à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à M. [Z] [K] du jour du licenciement au jour du jugement à hauteur de 6 mois,

Condamne la SAS Secafi aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset.

 


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