Confidentialité des données : 2 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/04537

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Confidentialité des données : 2 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/04537
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

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ARRÊT DU : 2 février 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 20/04537 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LZKC

Madame [O] [X]

c/

S.A.S. APPROVISIONNEMENT MATERIEL ELECTRIQUE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 octobre 2020 (R.G. n°F 19/01664) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 20 novembre 2020,

APPELANTE :

[O] [X]

née le 04 Mars 1966 à [Localité 3] ([Localité 3])

de nationalité Française

Profession : Assistante commerciale, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Anaïs SAULNIER, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée par Me Déborah DIAS, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMÉE :

S.A.S. APPROVISIONNEMENT MATERIEL ELECTRIQUE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

Représentée par Me Marie TASTET, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée de Me ARDOUREL, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 novembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président,

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

qui en ont délibéré.

greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Selon un contrat de travail à durée indéterminée, la société Approvisionnement Matériel Electrique a engagé Mme [X] en qualité d’assistante commerciale à compter du 2 juillet 2012.

Suite à un avenant en date du 28 juin 2017, la salariée a exercé les fonctions d’assistante commerciale et administrative qualifiée, niveau V, échelon 3.

A compter du mois de juillet 2017, Mme [X] a été placée en arrêt maladie à plusieurs reprises.

Par courrier du 11 septembre 2017, la société Approvisionnement Matériel Électrique (la société) a convoqué Mme [X] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 29 septembre 2017, Mme [X] a été licenciée pour faute grave.

Le 13 mai 2018, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux aux fins de voir juger la nullité de son licenciement et, à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse et voir condamner la société Approvisionnement Matériel Electrique au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 23 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :

– débouté Mme [X] de l’entièreté de ses demandes,

– débouté la société Approvisionnement Matériel Electrique de ses demandes,

– condamné Mme [X] aux entiers dépens et frais éventuels d’exécution.

Par déclaration du 20 novembre 2020, Mme [X] a relevé appel du jugement.

Le 8 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de report de l’ordonnance de clôture présentée le jour même par Mme [X] de sorte que la Cour statuera sur les demandes de celle-ci formées dans les conclusions du 23 mai 2022.

Par ses dernières conclusions du 23 mai 2022, Mme [X] sollicite de la Cour qu’elle :

– confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Approvisionnement Matériel Electrique de l’entièreté de ses demandes,

– infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [X] de l’entièreté de ses demandes et l’a condamnée aux dépens et frais éventuels d’exécution,

Et, statuant à nouveau,

– juge qu’elle a fait l’objet d’un licenciement nul, subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamne la société Approvisionnement Matériel Electrique au paiement des sommes suivantes :

– 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– 3 600,58 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 360 euros de congés payés y afférents,

– 2 359,12 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 12 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct subi du fait des manquements commis par l’employeur à son obligation de sécurité,

– 12 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct subi du fait des circonstances vexatoires du licenciement, de l’abus de droit et de la légèreté blâmable dont a fait preuve l’employeur,

– 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

– 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions du 27 avril 2021, la société Approvisionnement Matériel Electrique sollicite de la Cour qu’elle :

– confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [X] de l’entièreté de ses demandes et l’a condamnée aux dépens et frais éventuels d’exécution,

Et, statuant à nouveau,

– condamne Mme [X] à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens et la somme de 775 euros en remboursement du procès-verbal de constat d’huissier qu’elle a dû faire établir.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.

L’affaire a été fixée à l’audience du 30 novembre 2022 pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de licenciement nul

Selon les dispositions de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mental ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L 1154-1, dans sa version applicable au litige, prévoit, que si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte des articles L 1152-2 et L 1152-3 du code du travail que le licenciement d’un salarié victime de harcèlement moral est nul si ce licenciement trouve directement son origine dans ces faits de harcèlement ou leur dénonciation.

Mme [X] fait valoir qu’elle a été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral à l’origine de son arrêt de travail. Elle produit, au soutien de sa prétention, deux certificats médicaux des 17 juillet et 22 août 2017. Le premier indique ‘la patiente me dit avoir été agressée et menacée verbalement par son employeur le mardi 11 juillet 2017 : retentissement moral important et syndrome dépressif.’. Le second :’ la patiente me dit à nouveau avoir été menacée par son employeur le 22/08/17 à 11h. Retentissement moral et syndrome dépressif’

Ces documents médicaux reposent sur les seuls propos de l’intéressée.

En l’absence de toute autre pièce venant étayer ces allégations, il ne peut qu’être constaté que Mme [X] ne démontre pas de faits matériellement établis qui, pris dans leur ensemble, permettraient de présumer ou laisseraient supposer l’existence d’un harcèlement moral par la société à son encontre.

De ce fait, sans qu’il ne soit besoin pour la société de prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, Mme [X] sera déboutée de sa demande de voir reconnaître la nullité de son licenciement au motif d’une situation de harcèlement moral de la part de la société à son encontre.

Le jugement déféré, qui a débouté Mme [X] de sa demande de nullité du licenciement pour des faits de harcèlement moral, sera donc confirmé.

Sur la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse et les conséquences indemnitaires

L’article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privant du préavis prévu à l’article L 1234-1 du même Code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l’employeur. Il appartient à ce dernier d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés au salarié dans sa lettre de licenciement, d’autre part que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise.

En tout état de cause, selon l’article L 1235-1 du code du travail, ‘si un doute subsiste, il profite au salarié.’

En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 26 juin 2018 qui fixe les limites du litige, la société reproche les manquements suivants à Mme [X] justifiant son licenciement pour faute grave :

Au cours du mois juillet 2017, nous avons découvert que vous avez transmis des données confidentielles, telles que le nom de nos plus gros fournisseurs, à une société concurrente. Votre comportement est particulièrement déloyal et porte préjudice à notre société. Alertés par ces faits graves, nous avons mandaté une société d’informatique pour expertiser votre ordinateur professionnel. Cette expertise a eu lieu en présence d’un Huissier de Justice le 06 septembre 2017.

La réalisation de cette expertise nous a permis d’avoir connaissance d’autres faits qui sont les suivants :

A de nombreuses reprises, vous avez utilisé l’ordinateur mis à votre disposition à des fins personnelles et ce sur votre temps de travail. Vous avez notamment navigué sur des sites non professionnels à de multiples reprises et utilisé les outils mis à votre disposition pour effectuer des activités sans lien avec votre contrat de travail.

De même, vous avez régulièrement utilisé votre boite mail professionnelle à des fins personnelles sur votre temps de travail.

Plus grave encore, vous vous êtes connectée à votre ordinateur professionnel à distance, en dehors du temps de travail à des heures particulièrement tardives et avez procédé à la suppression de documents professionnels, ce qui préjudicie à l’entreprise.

En outre, dans le cadre de vos fonctions, vous avez pour mission d’éditer des devis, de procéder à l’établissement de facture et d’effectuer le suivi des livraisons par l’établissement des bons de livraisons.

Nous avons pu constater une désorganisation du système de facturation et des manipulation et irrégularités dans la tenue des devis et des factures, ainsi que lors de la remise des marchandises par le biais des bons de livraison

Dès lors, ces fautes nous conduisent à procéder çà votre licenciement pour faute grave.

Ainsi, nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise’.

Concernant le premier grief relatif à la transmission de données confidentielles à une société concurrente, il ressort du constat d’huissier établi à la demande de la société et des démarches de la direction de la société que Mme [X] a adressé le 20 juin 2017, depuis son adresse personnelle sur son poste de travail, un fichier excel récapitulant les écritures comptables d’un des clients de la société à une ex-salariée travaillant désormais pour une société concurrente. Puis le 22 juin 2017, elle lui adressé les contacts, noms et adresses mails, des plus gros fournisseurs de la société en lui précisant qu’elle ‘lui mailerait les autres plus tard.’

En parallèle, il a été retrouvé sur son ordinateur professionnel un mail intitulé ‘matériel Abidjan’entre la salariée et son mari le 12 avril 2017, via son adresse personnelle, concernant du matériel ou une commande sans que la société n’en ait connaissance.

Il est donc bien établi par la société que Mme [X], via son adresse mail personnelle, démontrant par là même qu’elle en est bien l’émettrice, contrairement à ce qu’elle soutient, a transmis des données clients ou divulgé des informations et des données confidentielles de la société à des personnes extérieures travaillant pour des sociétés concurrentes ou clientes de cette dernière.

Compte-tenu des développements qui précèdent, sans qu’il soit besoin d’examiner plus en avant les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement, l’employeur établit la réalité de ce grief principal dont la gravité est telle qu’elle rend impossible le maintien de cette salariée dans l’entreprise.

Le jugement déféré, qui a débouté Mme [X] de sa demande de prononcer un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires en découlant, sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure vexatoire du licenciement et manquements aux obligations de sécurité de la part de l’employeur

Mme [X] fait valoir qu’après avoir été contrainte de travailler dans des conditions portant atteinte à sa dignité, elle s’est retrouvée ensuite privée de son emploi pour de faux motifs qui ont porté atteinte à son image et honneur. En outre, Mme [X] considère que la société a manqué à son obligation de sécurité en ne lui assurant pas des conditions de travail de nature à préserver sa santé physique et morale.

Cependant, il est à relever que Mme [X] n’apporte aucun élément décrivant des conditions de travail portant atteinte à sa dignité ni des manquements de la société à son obligation de sécurité d’autant que la situation de harcèlement moral évoquée par cette dernière n’a pas été retenue faute d’éléments présumant ou laissant supposer l’existence d’une telle situation.

C’est donc à bon droit que le jugement déféré a débouté Mme [X] de ses demandes de dommages et intérêts. Il sera confirmé de ce chef.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Mme [X], qui succombe devant la Cour, sera condamnée aux dépens d’appel et en conséquence déboutée de la demande qu’elle a formée au titre de ses frais non répétibles.

Il est contraire à l’équité de laisser à la société Approvisionnement Materiel Electrique la charge des frais non répétibles qu’elle a engagés, restés à sa charge. Mme [X] devra lui payer la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais de remboursement du procès verbal de constat d’huissier.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en les dispositions qui lui ont été soumises,

Y ajoutant

CONDAMNE Mme [O] [X] aux dépens d’appel ; en conséquence la DEBOUTE de la demande qu’elle a formée au titre des frais non répétibles

CONDAMNE Mme [O] [X] à payer à la société Approvisionnement Materiel Electrique la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais de remboursement du procès verbal de constat d’huissier.

Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière

 


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