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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 12 MAI 2023
N° 2023/171
Rôle N° RG 19/10394 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQBC
[I] [R]
C/
SAS AVIAPARTNER [Localité 6]
Copie exécutoire délivrée
le : 12 mai 2023
à :
Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 87)
Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 28 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/00754.
APPELANTE
Madame [I] [R], demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Stéphanie BAGNIS de la SELARL BAGNIS – DURAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS AVIAPARTNER [Localité 6], demeurant AEROPORT [7] – [Adresse 3]
représentée par Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 15 Mars 2023 en audience publique.
La Cour était composée de :
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023,
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
La société AVIAPARTNER [Localité 6] est un prestataire de services aéroportuaires basé sur le site de l’aéroport [7], qui offre aux compagnies aériennes clientes un panel de services d’assistance en escale (gestion du fret, entretien des aéronefs etc.).
Madame [I] [R] a été embauchée par la société GLOBE GROUND FRANCE HANDLING par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2000 en qualité d’Agent de Passage 2, indice 185, catégorie non-cadre.
Le contrat de travail a été transféré à la société AVIAPARTNER [Localité 6] à compter de mars 2007.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du transport aérien, personnel au sol.
L’entreprise occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Par courrier du 21 février 2017, Madame [R] a été nommée à compter du 2 mars 2017 au poste de technicien administratif 1 au sein du service administratif de l’escale avec une période probatoire de quatre mois.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juin 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement et mise à pied à titre conservatoire avec effet immédiat.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 31 juillet 2017, elle a été licenciée pour faute grave.
Contestant son licenciement et se plaignant de harcèlement moral et d’exécution déloyale de son contrat de travail, Madame [R] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 26 septembre 2017, le conseil de prud’hommes de Martigues pour voir constater l’absence de cause réelle et sérieuse au licenciement et solliciter diverses sommes à titre d’indemnités consécutives à la rupture et des dommages et intérêts.
Par jugement du 28 mai 2019 notifié le 14 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Martigues, section commerce, a ainsi statué :
dit et juge que le licenciement de Madame [I] [R] est un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
fixe le salaire de référence de Madame [R] à 1 969,10 euros,
condamne en conséquence la SAS AVIAPARTNER [Localité 6] à payer à Madame [R] les sommes de :
– l5 083,34 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 3 93 8,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 393,82 euros à titre d’incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,
– 1 300,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
déboute Madame [R] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
déboute Madame [R] de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive, pour harcélement moral, et exécution déloyale du contrat de travail,
déboute Madame [R] de sa demande d’exécution provisoire du présent jugement et de toutes ses autres demandes,
déboute en conséquence la SAS AVIAPARTNER [Localité 6] de toutes ses demandes,
condamné la SAS AVIAPARTNER [Localité 6] qui succombe aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration du 27 juin 2019 notifiée par voie électronique, Madame [R] a interjeté appel du jugement dont elle a sollicité l’infirmation dans chacun des chefs de son dispositif.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 6 février 2023, Madame [R], appelante, demande à la cour, au visa des articles 780 du code civil et 700 du code de procédure civile, de :
réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Martigues en date du 28 mai 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné la société AVIAPARTNER au paiement des sommes suivantes :
15 083,34 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
3 938,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 393,82 euros de congés payés afférents,
1 300,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
statuant à nouveau,
juger qu’elle a été victime d’un harcèlement moral professiomel,
juger que le licenciement pour faute grave prononcé par AVIAPARTNER est nul à titre principal et dépourvu de cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,
condamner en conséguence la société AVIAPARTNER à payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine :
95 000,00 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
l5 604,78 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
4 070,42 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 407,04 euros de congés payés afférents,
50 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
juger que les condamnations seront assorties des intérêts à compter de la saisine de la juridiction prud’homale et de la capitalisatíon des intérêts.
A l’appui de son recours, l’appelante fait valoir en substance que :
suite au rachat par la société AVIAPARTNER de la société MAP HANDLING AIR ASSISTANCE, ses conditions de travail se sont détériorées ;
elle a subi un harcèlement moral de deux collègues de travail et de deux responsables hiérarchiques qui a eu des conséquences sur son état de santé ;
la dégradation de ses conditions de travail s’est poursuivie après son affectation à compter du 2 mars 2017 à titre probatoire sur le poste de technicien administratif l au sein du service administratif de l’escale, qui était un nouveau stratagème pour la pousser à bout ;
le licenciement s’inscrit dans un processus de harcèlement moral dont elle a été victime ;
suite à son licenciement, le délégué syndical a demandé des explications et 200 employés ont signé une pétition contre son licenciement ;
elle a été licenciée alors qu’elle venait d’être affectée pour un période probatoire sur un nouveau poste pour lequel elle n’a reçu aucun accompgnement ni aide ;
les griefs reprochés sont inexistants et infondés.
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 10 décembre 2019, la société AVIAPARTNER [Localité 6], relevant appel incident, demande à la cour de :
à titre principal :
réformer le jugement
dire et juger que Madame [R] n’a pas été victime de harcèlement moral,
dire et juger que le licenciement de Madame [R] repose sur une faute grave,
débouter en conséquence Madame [R] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
à titre subsidiaire :
confirmer le jugement
dire et juger que Madame [R] n’a pas été victime de harcèlement moral,
constater que le licenciement de Madame [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause :
débouter Madame [R] de sa demande relative à sa condamnation en paiement de dommages et intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3 000,00 euros,
condamner Madame [R] à lui payer la somme 1 euro à titre de dommages intérêts pour comportement abusif et dolosif et à 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
à titre très subsidiaire :
constater le caractère excessif des sommes demandées par Madame [R],
revoir à de plus justes proportions les sommes allouées à Madame [R].
La société intimée réplique que :
Madame [R] n’a jamais été salariée de la filiale MAP HANDLING FREIGHT;
elle conteste toute situation de harcèlement moral de la salariée ;
Madame [R] reconnaît dans ses écritures ne pas avoir fait correctement son travail ;
toutes les demandes formulées par Madame [R] au cours de sa carrière ont été systématiquement prises en compte ;
elle a pris les mesures immédiates pour faire cesser les souffrances décrites par la salariée et ainsi pour répondre à ses attentes en raison des difficultés rencontrées sur son précédent poste ;
Madame [R] a été affectée, à compter du 2 mars 2017, au poste de technicien administratif 1, au sein du service administratif, de l’escale AVIAPARTNER [Localité 6] avec des missions simples de support telles que de la saisie, de l’archivage et du transfert d’informations et ou documents (envois de mails);
malgré l’accompagnement reçu, Madame [R] a commis plusieurs erreurs qui ont dégénéré en fautes.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 13 février 2023, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 15 mars suivant.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’existence d’un harcèlement moral :
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa version applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Madame [R] expose avoir été victime d’agissements répétés de la part de collègues de travail, Mesdames [V] et [H], et de supérieures hiérarchiques, Mesdames [P] et [C] ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à sa dignité.
Elle fait état des faits suivants :
– une pression très forte s’accompagnant de remarques blessantes et d’humiliations répétées devant ses collègues de travail pendant près de deux ans ;
– l’absence de réponse à ses lettres pour obtenir un rendez-vous ;
– une mise à l’écart ;
– une mise au placard ;
– un vol de documents ;
– un état anxio-dépressif.
Les courriels de nature professionnelle sans aucun caractère déplacé et les différentes attestations versées au débats par Madame [R] ne permettent d’établir la matérialité d’aucun des faits invoqués par la salariée en dehors de sa souffrance au travail à une période non datée. Aucun fait précis et circonstancié n’est relaté, aucun des attestants n’a été le témoin direct de remarques blessantes ou d’humiliations adressées à Madame [R], aucun n’évoque de situations caractéristiques d’une mise à l’écart ou d’une mise au placard.
Ainsi, dans une attestation du 26 novembre 2018, Madame [K], une collègue de travail agent de trafic, explique l’avoir croisée à plusieurs reprises ‘en larmes dans les toilette après une remontrance lors d’une discussion avec ses supérieures hiérarchiques’ et précise : ‘A ce moment-là, [I] m’a expliqué les raisons de son état d’énervement, tristesse, acablement et une sensation d’injustice et d’acharnement. Situation que j’ai moi-même vécu dans ce service. J’ai moi-même été témoin d ‘une discussion la concernant sans jamais la nommer mais la personne hiérarchiquement au-dessus de [I] l’a insulté, la traitant de ‘l’autre connasse je vais l’emplatrer’ devant 3 personnes’.
Dans une attestation du 19 novembre 2018, Madame [L], une collègue de travail agent administratif, indique également avoir croisé à plusieurs reprises Madame [R] en pleurs dans les toilettes de l’aéroport, ‘stressée à l’idée de mal faire’. Elle ajoute : ‘Je me sentais impuissante face à cela la pression et les remontrances incessantes ont poussé Madame [R] à se mettre en arrêt maladie’.
Dans une attestation du 19 novembre 2018, Madame [D], agent de courrier APT, souligne aussi avoir ‘vu Mme [R] [I] en pleurs par rapport à ses conditions de travail et cet acharnement qu ‘elle subissait de la part de certaines personnes d’Aviapartner’ et précise : ‘elle a même rajouté ‘j’en peux plus ils vont me tuer’ cette phrase m ‘a marquée, elle semblait perdue. J’ai constaté cette souffrance qu’elle subissait au travail’.
Dans une attestation du 20 novembre 2018 (soit plus de 15 mois après le licenciement de la salariée), Madame [X], agent d’escale, ‘atteste sur l’honneur que depuis environ 1 an et demi Madame [R] est en souffrance au travail’. Elle ajoute : ‘Depuis ces derniers mois, j’ai à plusieurs reprises aperçu [I] en pleurs et constaté son mal-être. Je suis consciente que ce témoignage pourrait me porter préjudice dans le futur, mais il est inconcevable, que de tels agissements émanents d’une direction puisse perdurer’.
Le vol de documents n’est pas davantage établi, ne reposant en l’état des pièces versées au dossier uniquement sur les dires de la salariée qui communique un courriel du ’05/04″ adressé à Madame [V] indiquant : ‘Cc yas, j’avais 2 classeurs avec des dossiers important au nom de [R] dans l’armoire dans le bureau ‘ ont-il été jeté eux aussi ‘. Merci; [R]’ ainsi qu’un procès-verbal de plainte au commissariat de [Localité 8] du 19 juin 2019 (soit près de deux ans après le licenciement) aux termes duquel Madame [R] relate des conditions de travail difficiles au sein de la société AVIAPARTNER à compter de 2015 suite à un changement de direction (isolement, retrait de responsabilités reproches incessants…) et la disparition d’un cahier en juin 2017. Elle précise dans sa plainte avoir récupéré le cahier en août 2019 après intervention des policiers auprès d’une collègue, Madame [C], qui l’avait mis dans son coffre.
Les pièces médicales mettent en évidence un état anxio-dépressif de Madame [R] après son licenciement.
Au regard de ces éléments et des pièces versées aux débats, Madame [R] n’établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de toutes ses demandes subséquentes au titre du licenciement nul et pour harcèlement moral.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
L’article L 1222-1 du code du travail dispose que chacune des parties doit exécuter de bonne foi le contrat de travail, ce dont il résulte qu’en cas d’exécution déloyale de ce dernier par l’employeur, le salarié peut être fondé à solliciter des dommages-intérêts en réparation du préjudice né pour lui de cette exécution déloyale.
Madame [R] n’invoque aucun autre argument à l’appui de cette demande. Le manquement allégué à l’obligation d’exécuter de manière loyale le contrat de travail trouve donc sa cause exclusive dans les faits de harcèlement moral dont la salariée prétend avoir été victime.
Or, la cour n’ayant pas retenu de situation de harcèlement moral, il convient de débouter la salariée de sa demande d’indemnisation de ce chef. Le jugement entrepris est également confirmé sur ce point.
Sur le licenciement pour faute grave :
Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
L’article L.1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement du 31 juillet 2017 est ainsi rédigée :
‘Madame,
Par courrier daté du 30 juin 017, présenté à votre domicile le 1er uillet 2017, nous vous avons informée que nous envisagions à votre encontre une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à votre licenciement.
En application de l’article L. 1232-2 du Code du Travail, nous vous avons convoquée à un entretien au cours duquel nous vous avons exposé les motifs de la mesure ainsi envisagée et avons recueilli vos explications.
Cet entretien s’est tenu le 24 juillet 2017 à 10h00.
Vous vous êtes présentée accompagnée par Monsieur [O] [W]. Au cours de l’entretien, nous vous avons exposé les faits que nous vous reprochons et qui sont les suivants :
Le 16 juin 2017 à 9H29, je vous ai envoyé un mail pour vous rappeler que début mars 2017, vous aviez intégré le service administratif de l’escale dans le cadre de vos nouvelles fonctions de technicien administratif 1.
Dans le cadre de cette prise de poste, nous vous avons confié, entre autre, après une période d’intégration et une formation interne, des missions de support administratif tel que de la saisie, de l’archivage et du transfert d’information et/ou de documents afin d’apporter un appui auprès de :
Notre Technicienne Administrative en charge du suivi de nos ‘fournisseurs et clients’ et ;
Notre Responsable Administrative en charge plus spécifiquement des ressources humaines.
Dans le cadre de vos fonctions de support à notre Technicienne Administrative en charge de nos clients et fournisseurs, nous attendions que vous saisissiez et transmettiez des factures établies par notre responsable facturation.
Or, début mai 2017, vous avez inversé l’envoi de nos factures ‘débours’ à nos clients. Cette erreur a eu des conséquences préjudiciables puisque notre client Easyjet a reçu la facture de notre client Brussels Airlines et ce dernier a reçu celle de notre client Vueling. Des clients non concernés par l’envoi de facture ont donc reçu les tarifs pratiqués avec d’autres compagnies concurrentes. Suite à cette erreur, nous vous avons alertée sur l’impérieuse nécessité d’être plus rigoureuse lors du transfert de données qui sont strictement confidentielles. Le fait que vous ayez intégrée ce poste il y a peu, ne pouvait expliquer cette confusion, puisqu’il s’agissait d’une opération simple et non complexe. Or, cela est extrêmement préjudiciable à l’égard de nos différents clients dans un contexte de concurrence exacerbée et d’appels d’offres récurrents.
Début juin 2017, à l’issue de la phase de facturation du mois de mai 2017 élaborée par notre responsable facturation, vous deviez envoyer des factures de prestations ‘extra service à nos clients’ selon ses consignes par mail. Or, vous avez transféré ces factures qui contiennent des données confidentielles à nos superviseurs piste qui ont donc eu l’opportunité de comparer les prix et auraient pu les utiliser à mauvais escient auprès de nos concurrents.
Ces fautes sont particulièrement graves. En effet, vous savez pertinemment que notre secteur d’activité est soumis à une très forte concurrence entre les différents acteurs que sont les sociétés d’assistance aéroportuaire et les compagnies aériennes. Dans ce contexte, la transmission de tarifs pratiqués à des interlocuteurs non concernés par l’envoi de ces informations peut être fortement préjudiciable pour notre société. Malgré une première alerte, vous avez renouvelé cette faute ce qui n’est pas acceptable.
Par ailleurs, dans le cadre de vos fonctions de support auprès de notre Responsable Administrative, Madame [A] [H], en charge plus spécifiquement des ressources humaines et du suivi de nos agents, nous vous avions demandé d’archiver les attestations formation du mois d’avril 2017 des salariés. Il s’agissait encose une fois d’une tache simple.
Ce travail est très facile à réaliser. Il consiste à :
1. Récupérer les attestations originales avec la copie des tests de nos salariés dans une bannette située dans votre bureau ;
2. Numériser ces attestations et tests ;
3. Nommer les fichiers réceptionnés avec l’intitulé de la formation ;
4. Archiver les fichiers renommés dans des répertoires informatiques sur un serveur ;
Or, lors de l’audit du 26 mai dernier de notre client RAM, il nous a été impossible de justifier certaines attestations et tests. En effet, par la remise d’un rapport d’audit le 29 mai 2017, une non-conformité pénalisante dans le cadre de notre relation commerciale avec ce client, a été notifiée. Dans ce rapport, il était indiqué de façon très explicite : ‘Le tableau de suivi de formation n’est pas à jour’. Cette remarque figurait dans le rapport d’audit du fait que les informations contenues dans le tableau de suivi des formations ne pouvaient pas être documentées par les attestations et tests qui devaient alors être archivés.
Comme il a été déjà évoqué précédemment, la concurrence acharnée que nous livrons avec les autres sociétés d’assistance aéroportuaire nous octroie une très faible marge de man’uvre vis-à-vis de nos compagnies aériennes clientes. Par votre faute et ses conséquence (réception d’une non-conformité de la Compagnie RAM), notre réputation a été mise à mal par ce client. Nous ne pouvons tolérer de telles erreurs qui sont très facilement évitables.
Enfin, la semaine du 5 au 9 juin 2017, vous deviez informer nos salariés selon une procédure bien établie de leur rendez-vous de visites médicales. Malheureusement, certains salariés n’avaient pas été informés et n’ont donc pas pu se présenter à leur rendez-vous avec la Médecine du Travail.
Suite à ces différents constats et afin de corriger rapidement ces dysfonctionnements qui ne peuvent que nuire au bon fonctionnement de notre escale et perturber notre organisation, je vous ai demandé d’être rigoureuse dans l’appréhension des dossiers que nous vous confions.
Suite à ces anomalies consécutives à des tâches qui sont très simples à exécuter, je vous rappelais que Madame [A] [H] était présente au quotidien et qu’elle pouvait vous aider à mieux vous organiser dans votre travail et acquérir la rigueur nécessaire afin de vous permettre d’accomplir les tâches attendues et respecter les échéances associées.
Malgré ces remontrances notamment sur la nécessité d’archiver les attestations formations de nos salariés, le jeudi 29 juin 2017 en fin d’après-midi, je me suis rendu compte que les attestations de formation du mois de mars 2017 n’avaient pas été archivées et notamment celles d’une quarantaine de salariés embauchés en contrat de professionnalisation début mars 2017. Cette carence est d’autant plus importante qu’il s’agit d’une catégorie de salariés pour laquelle une vigilance doit être accrue du fait de leur inexpérience dans le métier. Par ailleurs, il est indispensable que leur dossier administratif soit particulièrement bien constitué et complet en raison des contrôles effectués par OPCALIA pour les prises en charge et remboursement de la part de cet organisme.
Vous aviez bien saisi les attestations du mois d’avril 2017 suite à notre entrevue du 30 mai 2017.
Par contre, à la date du 29 juin 2017, date de mon constat, vous n’aviez saisi aucune attestation du mois de mai 2017 alors que nous étions audités par la Compagnie ALITALIA depuis le 27 juin. Il s’agit d’une inexécution volontaire de votre part d’accomplir des missions pourtant simples dans un contexte de relation difficiles avec vos autres collègues.
Votre comportement est inadmissible. Vous avez continué à agir avec légèreté alors que je vous avais déjà fait part des risques commerciaux pour l’Entreprise.
Nous sommes audités en permanence par nos compagnies clientes qui nous demandent de justifier des mises à jour des formations pour nos agents. Dans ce cadre, nous devons être capables de produire à tout instant l’attestation de formation. À défaut, nous sommes exposés à des non conformités qui ne peuvent que détériorer les relations commerciales avec nos compagnies clientes.
Nous vous avions pourtant mise en garde mais manifestement, vous n’aviez pas tenu compte des remontrances que j’avais pourtant formalisé dans mon mail du 16 juin 2017.
La répétition des faits fautifs sur une période aussi courte, qui sont sans relation avec l’aptitude à vos nouvelles fonctions, malgré les observations que nous vous avons adressées et l’assistance de notre équipe, aggravent les ; reproches que nous avons à votre égard.
Lors de l’entretien préalable du 24 juillet 2017, vous avez nié l’entièreté des faits en prétextant qu’aucune personne du Service Administratif de l’Escale vous aidait dans l’accomplissement de votre travail quotidien. Cette remarque traduit manifestement une mauvaise foi de votre part. En effet, nous ne percevons pas en quoi une aide était nécessaire pour scanner des attestations, les archiver, transmettre et informer nos salariés des rendez-vous pris au préalable par notre responsable administrative auprès de la Médecine du Travail.
Je vous ai rappelé lors de l’entretien préalable que, dès votre prise de poste en mars dernier, j’avais pris un soin particulier pour vous expliquer l’importance du suivi des formations des salariés dont vous étiez en charge.
Non seulement vous faite preuve de mauvaise foi mais, à priori, vous n’envisagez jamais une remise en cause de qualité de votre travail malgré les remontrances verbales et écrites que j’avais formulé.
Nous considérons donc que vos agissements sont graves et au vu des motifs décrits précédemment, la Direction n’a d’autre solution que de prononcer à votre encontre un licenciement pour faute grave’.
La salariée a donc été licenciée pour avoir début mai 2017 inversé l’envoi de factures ‘débours’ à des clients et, début juin 2017, envoyé des factures de prestations ‘extra service à nos clients’auxsuperviseurs piste, ne pas avoir archivé les attestations des formations et avoir omis d’informer la semaine du 5 au 9 juin 2017 des salariés de leur rendez-vous de visites médicales.
L’employeur expose qu’à compter de mars 2017, Madame [R] a été affectée au poste de technicienne administrative 1 au sein du service administratif et qu’il lui était confié dans ce cadre des missions de secrétariat très basiques.
A l’appui du premier grief reproché, la société AVIAPARTNER [Localité 6] verse aux débats les pièces suivantes :
– un courriel du 2 juin 2017 émanant de la salariée adressé à la compagnie aérienne EasyJet ayant pour objet : ‘RE: Invoice MRS///EZY’ indiquant : ‘Hi, Oups, Now the good invoice, Best regards Cordialement, [I] [R] Service Administratif’ en réponse au courriel de la société EasyJet rédigé comme suit : ‘Hi all [Courriel 1] = Please do not pay [Courriel 2] [Localité 6] = This is for TP airline, not EZY’ ;
– un courriel du 2 juin 2017 émanant de la société Brussels Airlines adressé à la salariée : ‘Hello [I] bien le bonjour de [Localité 4], Je me permets de vous signaler que la facture relative à votre mail concerne Air Nostrum. Bonne journée’ ;
– un courriel du 30 juin 2017 émanant de Madame [B] du ‘Billing and Recovery department’ de la société AVIAPARTNER [Localité 6] adressé notamment à la société Brussels Airlines et à Madame [R] indiquant : ‘Bonjour, la facture en pièce jointe qui vous avait été envoyée par erreur (voir email ci-dessous) a été réglée ce jour. Je vous remercie de déduire ce montant de votre prochain réglement afin de régulariser la situation’.
La matérialité du premier grief est au regard de ces éléments établie.
S’agissant du second grief, l’employeur communique un courriel du 12 juin 2017 émanant de la salariée adressé notamment à ‘F-Supervision-Piste-[Localité 6]’, mentionnant l’envoi de pièces jointes, et rédigé comme suit : ‘Bonjour, Nous somme toujours en attente de la réponse pour pouvoir répondre à Manpower qui me relance merci’ faisant suite à un courriel de la société MANPOWER du 7 juin 2017 indiquant que trois intérimaires au service Piste mentionnés dans une facture ne font pas partie des effectifs MANPOWER.
Cet élément est insuffisant pour établir l’envoi de factures de prestations intérimaires aux superviseurs piste et la connaissance par la salariée du caractère confidentiel de ces données.
Le deuxième grief est par conséquent écarté.
S’agissant du non-archivage des attestations de formations, l’employeur produit les pièces suivantes :
– des fiches de ‘Procédure générale qualité PQ.05″ à l’entête ‘Royal Air Maroc’ dont une datée du 26 mai 2017, ‘Fiche d’action corrective : 1″, non signée et sans visa, qui mentionne une non-conformité : « le tableau de suivi de formation n’est pas à jour » ;
– des échanges de courriels concernant des constatations faites concernant un vol du 27 mai 2017 par la compagnie aérienne Royal Air Maroc et la proposition d’actions correctives par la société AVIAPARTNER [Localité 6]. Les points relevés par la société Royal Air Maroc dans les courriels ne concernent pas la formation mais il est fait notamment mention dans les pièces jointes d’une ‘FAC 1 MRS 2017″.
Ces éléments sont insuffisants pour établir le non-archivage d’attestations formations par Madame [R]. Le grief est dès lors écarté.
S’agissant de l’absence d’information de salariés concernant leur rendez-vous de visites médicales la semaine du 5 au 9 juin 2017, l’employeur produit un courrier non daté émanant de l’Association Interprofessionnelle de Santé et Médecine du Travail l’informant que les visites médicales non honorées et non excusées 48 heures à l’avance seront facturées à compter du 1er juillet 2014.
Cette pièce datant manifestement de 2014 ne justifie en rien le rien le quatrième grief reproché à la salariée.
Ainsi, seul le premier grief consistant dans l’envoi par erreur de deux factures à de mauvais destinataires est établi. Toutefois, il ne saurait servir à lui-seul de support à un licenciement, a fortiori pour faute grave.
En effet, ainsi que le relève la salariée, elle venait d’être affectée à l’initiative de la société trois mois auparavant sur un nouveau poste (technicien administratif 1 au sein du service administratif de l’escale) avec une période probatoire de quatre mois sans qu’il soit justifié d’une formation et d’un accompagnement particulier à ces nouvelles fonctions.
Par voie d’infirmation du jugement, le licenciement est déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les indemnités de rupture :
Le licenciement étant privé de cause réelle et sérieuse, la salariée est en droit de prétendre à une indemnisation au titre de cette rupture abusive.
Aucune faute grave n’étant retenue à l’encontre de la salariée, l’employeur, qui l’a licenciée à tort sans préavis, se trouve débiteur envers elle d’une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où elle aurait dû l’exécuter.
Madame [R] peut donc prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, à hauteur de 3 938,20 euros, outre 393,82 euros au titre des congés payés afférents, sommes non contestées dans leur quantum par l’employeur. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Le jugement entrepris est également confirmé en ce qu’il a fait droit à une indemnité conventionnelle de licenciement fixée à la somme de 15 083,34 euros.
Au moment de son licenciement, Madame [R] avait plus de deux années d’ancienneté et la société AVIAPARTNER [Localité 6] employait habituellement au moins 11 salariés.La salariée peut donc prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu’elle a perçu pendant les six derniers mois précédant son licenciement.
En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, et compte tenu de son âge, son ancienneté, sa qualification, sa rémunération, des circonstances de la rupture et de la perception d’allocations de retour à l’emploi pendant plus d’un an (à compter du 5 septembre 2018), il sera accordé à Madame [R] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 24 000,00 euros. Le jugement déféré est infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ce chef.
Sur le remboursement des indemnités de chômage :
Il convient d’ordonner d’office, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société AVIAPARTNER [Localité 6] à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il convient également de condamner la société AVIAPARTNER [Localité 6] aux dépens de l’instance d’appel et à payer à Madame [R] la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
La demande de la société AVIAPARTNER [Localité 6] au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté Madame [I] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DECLARE le licenciement de Madame [I] [R] par la société AVIAPARTNER [Localité 6] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société AVIAPARTNER [Localité 6] à payer à Madame [I] [R] la somme de 24 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DIT que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2017 et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,
DIT qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1154 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus,
ORDONNE le remboursement par la société AVIAPARTNER [Localité 6] aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Madame [I] [R] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de six mois dans les conditions prévues à l’article L1235-4 du code du travail,
CONDAMNE la société AVIAPARTNER [Localité 6] aux dépens d’appel,
CONDAMNE la société AVIAPARTNER [Localité 6] à payer à Madame [I] [R] la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
DEBOUTE la société AVIAPARTNER [Localité 6] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président