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26/05/2023
ARRÊT N°243/2023
N° RG 21/04694 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OPRU
FCC/AR
Décision déférée du 28 Octobre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 19/00918)
DJEMMAL
S.A.S. M.B ASSURANCES
C/
[X] [R]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le 26 05 2023
à Me Pascal GORRIAS
Me Olivier D’ARDALHON DE MIRAMON
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT SIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.S. M.B ASSURANCES
Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Pascal GORRIAS de la SCP BOYER & GORRIAS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
Monsieur [X] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4] / FRANCE
Représenté par Me Olivier D’ARDALHON DE MIRAMON de la SELARL AUXILIUM, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS MB assurances sise à [Localité 5] (31) exerce une activité de courtage en assurance ; elle est spécialisée dans les produits d’assurance dans le domaine de la santé, de la prévoyance et de la retraite.
Le 19 septembre 2014, M. [X] [R] a conclu avec la SAS MB assurances un contrat de mandataire intermédiaire d’assurance à durée indéterminée, pour exercer dans son département de résidence et les départements limitrophes.
La SAS MB assurances et M. [R] ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2017 en qualité de responsable commercial et développement, statut cadre, classe G. Ce contrat de travail contenait une clause de non-concurrence.
La convention collective nationale des entreprises de courtage d’assurances et de réassurances est applicable.
La SAS MB assurances a soumis à M. [R] un avenant pour un poste de commercial en classe E, que le salarié a refusé de signer en l’état.
M. [R] bénéficiait d’un ordinateur portable professionnel ; il était convenu qu’il remette cet ordinateur à la société en vue d’une mise à jour, le 22 février 2019, avant ses congés, remise qu’il a effectuée.
Par mail du 25 février 2019, la SAS MB assurances a indiqué à M. [R] que, dans la nuit du 21 au 22 février 2019, des données confidentielles avaient été copiées depuis l’ordinateur portable du salarié et avaient disparu ; par mail du même jour, M. [R] a nié avoir effectué la moindre intervention sur l’ordinateur.
La SAS MB assurances a alors mandaté un huissier de justice qui a dressé un procès-verbal de constat des 1er, 7 mars et 18 mars 2019 ; le 1er mars 2019, l’huissier s’est rendu dans les locaux de l’entreprise où il a constaté que M. [B], expert en informatique inscrit près la cour d’appel de Toulouse, emportait l’ordinateur portable de M. [R] pour l’analyser ; le 7 mars 2019, l’huissier a constaté que M. [B] lui rapportait l’ordinateur à l’étude ; M. [B] a rédigé une note technique du 17 mars 2019, que l’huissier a annexée à son rapport le 18 mars 2019.
Par deux LRAR du 15 mars 2019, la SAS MB assurances a convoqué M. [R] à un entretien préalable à un éventuel licenciement du 28 mars 2019, et a prononcé une mise à pied conservatoire.
Par ordonnance du 21 mars 2021 rendue sur requête de la SAS MB assurances du 20 mars 2019, le président du tribunal judiciaire de Toulouse a autorisé la SAS MB assurances à mandater un huissier pour saisir et consulter toutes les données informatiques au domicile de M. [R]. L’huissier a dressé un procès-verbal de constat des 29 mars et 9 avril 2019 ; le 29 mars 2019, il s’est rendu au domicile de M. [R] à [Localité 4] en présence d’un serrurier, de M. [B], de Mme [H], investigatrice numérique, et d’un OPJ de la brigade de gendarmerie de [Localité 6] ; les ordinateurs, disques durs, clefs USB, CDROM, DVD, téléphones et tablettes trouvés ont été examinés ; M. [B] a emporté un disque dur externe Western Digital pour l’analyser ; M. [B] a rédigé une note technique du 7 avril 2019, que l’huissier a annexée à son rapport le 9 avril 2019.
M. [R] a été placé en arrêt maladie à compter du 1er avril 2019.
Par LRAR du 2 avril 2019, la SAS MB assurances a licencié M. [R] pour faute grave. La relation de travail a pris fin le même jour.
La SAS MB assurances a versé à M. [R] des sommes au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence.
Le 14 novembre 2019, la SARL [R] [K] assurances (GFI assurances) ayant pour activité ‘agents et courtiers d’assurances’ et pour pour co-gérants M. [R] et M. [K], sise à [Localité 3] (32), a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés. Le 10 juin 2020, la SAS MB assurances a engagé contre la SARL GFI assurances une action en référé devant le tribunal de commerce d’Auch pour concurrence déloyale ; par ordonnance de référé du 8 septembre 2020, le tribunal de commerce a déclaré irrecevables les demandes de la SAS MB assurances ; par arrêt du 6 septembre 2021, la cour d’appel d’Agen a infirmé l’ordonnance et interdit à la SARLU groupe [K] assurances anciennement dénommée SARL GFI assurances d’exercer toute activité de courtage en violation des clauses de non-concurrence de MM. [R] et [K], sous astreinte, et condamné cette société à payer à la SAS MB assurances des provisions de 8.000 € et 5.000 € à valoir sur les dommages et intérêts pour préjudice financier et pour préjudice moral.
Entre-temps, le 12 juin 2019, M. [R] a saisi le conseil des prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement des salaires pendant la mise à pied conservatoire, de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour préjudice moral, de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure et de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence.
Reconventionnellement, la SAS MB assurances a demandé le remboursement des sommes payées au titre de la clause de non-concurrence et le paiement de dommages et intérêts pour détournement et captation de clientèle et de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Par jugement du 28 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– fixé le salaire brut moyen de référence à 3.961,53 €,
– jugé le licenciement de M. [R] dénué de cause réelle et sérieuse,
– annulé la mise à pied conservatoire,
– condamné la SAS MB assurances à payer à M. [R] les sommes suivantes :
* 3.565,37 € à titre de rappel de salaires pendant la mise à pied conservatoire, outre 356,53 € pour congés payés y afférents,
* 11.884,59 € au titre de l’indemnité de préavis, outre 1.188,45 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 3.961,53 € au titre de l’indemnité de licenciement,
* 11.666,65 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1.000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* 3.961,53 € de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,
* 5.066 € de dommages et intérêts pour illicéité de la clause de non-concurrence,
* 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté le surplus des demandes des parties,
– ordonné l’exécution provisoire de droit,
– condamné la SAS MB assurances aux entiers dépens.
La SAS MB assurances a relevé appel de ce jugement le 25 novembre 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 1er août 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS MB Assurances demande à la cour de :
– infirmer le jugement sur les chefs de jugement critiqués relatifs à la fixation du salaire moyen, au licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, à la mise à pied conservatoire, et aux condamnations au titre de la mise à pied conservatoire, de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudice moral, des dommages et intérêts pour irrégularité de procédure, des dommages et intérêts pour illicéité de la clause de non-concurrence, de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
et statuant à nouveau :
A titre principal :
Sur la rupture du contrat de travail :
– juger que le licenciement de M. [R] régulier et fondé sur une faute grave,
– débouter M. [R] de l’ensemble des demandes formées au titre de la rupture du contrat,
– juger que M. [R] a violé la clause de non concurrence insérée dans son contrat de travail,
– rejeter en conséquence la demande de prononcer de nullité ou d’illicéité de la clause de non concurrence,
– juger parfaitement licite la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail de M. [R],
– débouter M. [R] de l’ensemble des demandes formées au titre de la clause de non concurrence,
Sur les demandes reconventionnelles formées par la SAS MB assurances :
constatant la violation grave, délibéré et réitérée de la clause de non concurrence,
– condamner M. [R] au paiement des sommes suivantes :
* 7.652,14 € correspondant à la contrepartie de la clause de non concurrence payée par l’employeur,
* 18.000 € au titre du détournement et de la captation de la clientèle de la SAS MB assurances,
* 15.000 € au titre du préjudice moral de la SAS MB assurances,
Sur la requalification en contrat de travail du contrat de mandataire d’intermédiaire d’assurance :
– juger la demande de requalification prescrite,
– juger que la preuve du lien de subordination n’est pas rapportée, de même l’existence d’un prétendu contrat de travail,
– débouter M. [R] de l’ensemble des demandes formées au titre de cette requalification,
– en conséquence, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande de requalification de contrat de travail pour la période antérieure au 1er février 2017,
Sur le harcèlement moral :
– juger que la SAS MB assurances n’a commis aucun fait de harcèlement moral,
– juger que M. [R] n’apporte aucun élément de preuve à ce titre,
– débouter M. [R] de l’ensemble des demandes formées au titre du prétendu harcèlement moral, tant sur la nullité du licenciement que sur les demandes indemnitaires,
– en conséquence, confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes formées à ce titre par M. [R],
A titre subsidiaire :
– fixer le salaire brut mensuel moyen de référence à la somme de 3.333 €,
– ramener à de plus justes proportions le quantum des condamnations prononcées,
En toute hypothèse :
– débouter purement et simplement M. [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– débouter M. [R] de son appel incident,
– condamner M. [R], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au paiement des sommes de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, et 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
– condamner M. [R] à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [R] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement de M. [R] dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, pour défaut de preuve et surabondamment au motif que la mesure qui a été entreprise a été décidée avant même la convocation du salarié à l’entretien préalable,
– confirmer en conséquence les condamnations prononcées à l’encontre de la SAS MB assurances qui ont fait l’objet de l’exécution provisoire de droit ainsi que celles qui n’ont pas encore été exécutées en raison de l’appel,
– condamner la SAS MB assurances à payer à M. [R] les sommes suivantes :
* 3.565,37 € à titre de rappel de salaires pendant la mise à pied conservatoire, outre 356,53 € pour congés payés y afférents,
* 11.884,59 € au titre de l’indemnité de préavis, outre 1.188,45 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 3.961,53 € au titre de l’indemnité de licenciement,
* 11.666,65 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1.000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* 3.961,53 € de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,
* 5.066 € de dommages et intérêts pour illicéité de la clause de non-concurrence,
* 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuant à nouveau sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et réparation du préjudice moral outre les frais irrépétibles devant la cour, y ajouter la condamnation de la SAS MB assurances à payer à M. [R] les sommes supplémentaires suivantes :
* 2.198,70 € au titre du plafond des barèmes dus pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse d’un salarié comptant 2 ans d’ancienneté, a minima,
* 9.000 € au titre du préjudice moral,
* 4.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel devant la cour,
– réformer le jugement en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande visant à voir reconnaître le harcèlement moral à son encontre, et la requalification en contrat de travail de la relation ayant existé en sa qualité de mandataire,
– condamner la SAS MB assurances à payer à ce titre à M. [R] les sommes supplémentaires suivantes à ce titre :
* 1.980 € de rappel d’indemnité de licenciement tenant compte de l’ancienneté depuis le début de la relation de travail,
* 39.610 € de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,
– condamner la SAS MB assurances en tous les dépens.
MOTIFS
A titre préliminaire, la cour relève que, dans les motifs de ses conclusions, M. [R] demande la requalification du contrat de mandataire d’assurance du 19 septembre 2014 en contrat de travail et que son ancienneté de salarié remonte à cette date, mais que, dans le dispositif, il se borne à demander l’infirmation du jugement en ce qu’il n’a pas ordonné la requalification, sans demander à la cour de statuer à nouveau et d’ordonner cette requalification et de fixer l’ancienneté, de sorte que la cour n’aura à examiner ces questions que dans l’hypothèse où elle jugerait le licenciement nul ou non fondé sur une faute grave ou une cause réelle et sérieuse et allouerait des indemnités de rupture.
1 – Sur le licenciement :
Dans sa lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l’employeur a licencié le salarié pour faute grave. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.
Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Aux termes de l’article L 1152-2, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L 1152-3 dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces textes est nulle.
En application de l’article L 1154-1, il appartient au salarié qui se prétend victime d’agissements répétés de harcèlement moral de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La lettre de licenciement était rédigée comme suit :
‘La société MB Assurances a constaté la disparition de son système de stockage et de partage de fichiers dans le cloud Google Drive de près de 2000 fichiers sensibles et confidentiels dans la nuit du 21 au 22 février 2019.
Compte tenu du nombre restreint de personnes pouvant avoir accès à ces fichiers partagés, nous vous avons interrogé, par mail du 25 février 2019, sur cette disparition de données indispensables pour le bon fonctionnement de l’entreprise.
Par mail en réponse du même jour, vous vous nous répondiez :
‘Je n’ai pas utilisé le PC depuis que j’effectue les rendez-vous.
Je n’utilise que ma tablette.
Je n’ai effectué aucune intervention ni manipulation du pc et ne vois malheureusement pas comment vous aider.
De quels fichiers il s’agit ‘ Deux mille c’est énorme…’
Votre ordinateur portable se trouvant dans les locaux de la société MB Assurances pour une mise à jour pendant vos congés, il a été décidé de faire pratiquer une expertise du disque dur sous constat d’huissier afin de confirmer ou infirmer vos dires, et déterminer le sort éventuel des fichiers.
La copie du disque de votre ordinateur portable a été réalisée sous contrôle d’huissier les 1er et 7 mars 2019 et l’expert a effectué en suivant des analyses.
Lors d’un entretien téléphonique du 14 mars 2019 et dans l’attente des conclusions définitives, l’expert nous a fait savoir que des manipulations avaient été effectuées dans la nuit du 21 au 22 février 2019 depuis l’ordinateur mis à votre disposition et que des fichiers ont été déplacés depuis Google Drive vers un disque dur externe relié à l’ordinateur portable.
Ces premiers éléments ont confirmé nos soupçons.
A ce jour, nous restons encore privés des données qui ont été supprimées du serveur, d’une part, et nous craignons légitimement que celles-ci soient exploitées et divulguées au profit ou par des entreprises concurrentes, d’autre part.
Compte tenu de la gravité des faits, nous vous avons notifié une mise à pied, le 14 mars 2019, et convoqué à un entretien préalable, le 28 mars dernier.
Lors de l’entretien nous vous avons exposé les conclusions de l’expert informatique, M. [U] [B], selon rapport du 18 mars 2018 (sic).
L’Expert relève notamment :
‘Si nous regardons dans la liste des fichiers effacés que m’a remis la société MB Solutions, nous trouvons des fichiers qui se trouvaient dans les répertoires parcourus.
Si l’on regarde l’interface administration de Google : (…)
Nous avons de nombreuses alertes de ce type où nous voyons que le système indique que X éléments ont été placés dans la corbeille.
Nous avons fait des tests sur le drive pour qu’un fichier soit déclaré par le système Google Drive “éléments dans la corbeille”; il faut couper-coller le fichier ou le répertoire.
Ce qui signifie que, dans la nuit entre le 21 et le 22 février 2019, tous les fichiers et les répertoires ont été coupés-collés vers un autre lecteur.
Nous n’avons pas trouvé la présence de tous les fichiers éliminés en dehors de l’emplacement du drive. Ils n’ont donc pas été copiés sur le disque local puis éliminés dans la poubelle.
Conclusion :
Nous avons analysé le disque dur du portable qui nous a été confié, l’ensemble des éléments peut être résumé de la manière suivante :
1-Pour se connecter à l’ordinateur, l’utilisateur doit entrer un mot de passe (mot de passe de session Windows).
2- Dans les horaires étudiés, l’utilisateur était actif sur cet ordinateur.
3- Un disque dur de la marque Western Digital a été introduit dans la plage horaire.
4- Nous trouvons la création d’un répertoire et d’un fichier PDF correspondant à un répertoire professionnel (présent sur le drive répertoire ZEN et fichier OFFRE ZEN.pdf) sur ce disque F.
5- Un certain nombre de répertoires qui ont disparu ont été parcourus et consultés par
l’utilisateur durant la période.
6- Nous n’avons pas trouvé la présence de tous les fichiers éliminés en dehors de l’emplacement du drive. Ils n’ont donc pas été copiés sur le disque local puis éliminés dans la poubelle.
7- Grâce aux traces et nos tests sur la console Google Drive, nous pouvons dire que ces suppressions sont consécutives à un ou plusieurs couper-coller du Drive (G 🙂 vers un support externe’.
Après cet exposé, vous avez persisté à nier toute intervention sur l’ordinateur portable et toute extrait des données de notre serveur partagé.
Vous avez prétendu que l’ordinateur était bien branché sur le secteur mais que ce n’est pas vous qui aviez effectué la manipulation en cause.
Dans la mesure où l’ouverture de l’ordinateur est protégée par un code secret et où les opérations très précises ont été analysées avec certitude par l’expert informatique, nous n’avons pas été convaincus par vos affirmations.
La soustraction frauduleuse de données et fichiers de l’employeur, le risque de divulgation à des tiers de données et fichiers sensibles et confidentiels de l’entreprise, et d’exploitation notamment à des fins de concurrence directe ou indirecte, et la perte consécutive pour l’entreprise de données et fichiers sensibles et confidentiels constituent des faits d’une particulière gravité et un manquement grave à vos obligations contractuelles.
Les données très sensibles et indispensables au bon fonctionnement de la société ont disparu de notre serveur et n’ont toujours pas été récupérées à ce jour.
Je vous rappelle que votre contrat de travail prévoit notamment:
‘Article 6 : Exclusivité
Compte tenu de la nature de ses fonctions et des intérêts légitimes de la société, le salarié s’interdit, pendant toute la durée de son contrat de travail, d’exercer une activité professionnelle parallèle susceptible de concurrencer la société ou de lui porter un préjudice particulier.
Article 7 : Non concurrence
Compte tenu de la nature des fonctions du salarié il s’interdit, en cas de démission, licenciement ou rupture conventionnelle :
1- d’entrer au service d’une société concurrente,
2- de s’intéresser directement ou indirectement à toute activité, fabrication, ou commerce, susceptible de porter concurrence à l’activité de la société,
3- d’exercer directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte
d’une entreprise, une activité professionnelle le plaçant en concurrence avec la société.
Le présent engagement prend effet à l’issue de la période d’essai.
Cette interdiction s’appliquera pendant deux années à compter du jour de la rupture du contrat ou à la cessation effective du travail, si le préavis n’est pas effectué.
Elle sera limitée au secteur d’activité du salarié et aux territoires suivants : départements inclus dans la région.
En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, il sera versé au salarié, après son départ effectif de la société, une indemnité également (sic) à 20 % de la moyenne mensuelle du salaire perçu par lui au cours des 6 derniers mois de présence effective dans la société, pendant la durée de la clause.
La société se réserve le droit de renoncer à l’exécution de la présente clause, sous réserve d’informer le salarié au plus tard au jour de la notification de la rupture du contrat par l’employeur, ou au plus tard, lors de l’acceptation par celui-ci de la demande de démission du salarié. Elle sera alors dispensée du versement de la contrepartie financière.
Article 12 : Matériels mis à disposition du salaire
L’ensemble des objets, documents, programmes ou instructions que la société sera amenée à confier au salarié pour l’accomplissement de ses fonctions, demeurera la propriété exclusive de la société et devra lui être restitué à tout moment à sa première demande.
Un ordinateur portable et un téléphone mobile seront mis à la disposition du salarié dans le cadre d’un usage strictement professionnel’.
Votre comportement est en outre contraire à l’obligation de loyauté inhérente à votre contrat de travail…’
M. [R] demande à la fois la confirmation du jugement en ce qu’il a estimé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 11.666,65 €, et l’infirmation du jugement en ce qu’il n’a pas retenu le harcèlement moral, et, statuant à nouveau, l’allocation de dommages et intérêts pour licenciement nul de 39.610 €, sans préciser s’il fait une demande à titre principal et une demande à titre subsidiaire. Il convient donc de statuer sur la nullité du licenciement puis, le cas échéant, sur le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement.
Sur la nullité du licenciement :
Le conseil de prud’hommes n’a pas statué sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement.
Dans ses conclusions, M. [R] indique que ‘le changement intempestif et inexpliqué du contrat de travail en même temps que se fomentait contre lui une machination avec les moyens utilisés sont autant d’atteinte portées à la santé du salarié, à sa dignité et son avenir professionnel qui peuvent parfaitement s’assimiler à un entreprise de harcèlement moral’ (sic).
En réalité, M. [R] fait référence :
– à l’avenant que lui a soumis la SAS MB assurances pour un poste de commercial en classe E, qu’il considère comme une rétrogradation, cet avenant mentionnant que, pour des raisons personnelles, M. [R] renonçait à son poste de responsable commercial et développement pour exercer les fonctions de commercial ; par mail du 4 mars 2019, M. [R] a indiqué qu’il n’avait pas renoncé à son poste de responsable commercial et développement pour des raisons personnelles et souhaitait que l’avenant ne mentionne pas de raisons particulières, et que son statut G soit maintenu ;
– au procès-verbal de constat d’huissier des 1er, 7 mars et 18 mars 2019 retraçant les diligences d’analyse de son ordinateur portable professionnel, et à la requête du 20 mars 2019 aux fins de mandater un huissier pour saisir et consulter toutes les données informatiques au domicile de M. [R], ce qui a donné lieu à une ordonnance d’autorisation du président du tribunal judiciaire de Toulouse du 21 mars 2019 et au procès-verbal de constat d’huissier des 29 mars et 9 avril 2019.
Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer un harcèlement moral. Néanmoins :
– M. [R] n’a pas signé l’avenant tel que rédigé par l’employeur et il n’est versé aucun avenant modifié et signé par les deux parties ;
– les démarches engagées par la SAS MB assurances aux fins d’obtenir des constats d’huissier étaient légales et régulières et elles avaient pour objet d’établir des preuves d’une faute grave dans le cadre du licenciement engagé.
Le harcèlement moral sera donc écarté.
Sur la faute grave :
Dans sa note technique du 17 mars 2019, M. [B] qui a examiné l’ordinateur portable professionnel de M. [R] indique les éléments suivants :
– tous les salariés de la SAS MB assurances travaillent sur un lecteur réseau commun géré par Google via une offre Google drive avec le même compte et le même mot de passe ;
– le 21 février 2019 à 20h44, l’utilisateur de l’ordinateur s’est connecté depuis cet ordinateur avec son mot de passe pour ouvrir sa session utilisateur puis a accédé au Google Drive ; il a alors inséré sur le périphérique USB ‘F’ de l’ordinateur, un disque dur externe Western Digital ;
– l’utilisateur a créé sur ce disque dur un répertoire ‘photos mariage’ et un répertoire ‘zen’ ;
– l’utilisateur a ‘coupé-collé’ des fichiers se trouvant sur Google Drive, ces fichiers ont disparu de Google Drive et ont été copiés sur le disque dur externe ‘F’.
Dans sa note technique du 7 avril 2019, M. [B] indique que, parmi les éléments numériques se trouvant au domicile de M. [R], il n’a retrouvé aucun des fichiers disparus ; il affirme que le disque dur externe Western Digital retrouvé au domicile n’est pas celui qui a été utilisé pour copier les fichiers disparus.
M. [R] affirme que :
– ‘le rapport de l’expert n’est absolument pas contradictoire et n’est donc juridiquement pas opposable au salarié’ et il n’a pas valeur de preuve ;
– un disque dur externe étant nécessairement ‘un fichier personnel’ (sic), l’employeur ne pouvait y avoir accès de manière légale ce qui rend le mode de preuve irrecevable ;
– la SAS MB assurances n’a pas déposé plainte contre M. [R] pour vol ;
– la SAS MB assurances n’établit pas la disparition d’environ 2.000 fichiers ;
– les conclusions de l’expert sont incompréhensibles car il dit tantôt que les fichiers ne sont pas supprimés tantôt qu’ils l’ont été, et il ne peut pas lister les fichiers s’ils ont été supprimés ;
– M. [R] n’avait pas accès aux ‘secrets de fabrication de l’entreprise’ (sic) et notamment au fichier clients dont l’accès était exclusivement réservé à M. [E], le président, dans un fichier indépendant de Google Drive ;
– ce n’est pas M. [R] qui s’est connecté à son ordinateur dans la nuit du 21 au 22 février 2019 ; l’expert indique toujours un ‘utilisateur’ et non M. [R] ; n’importe qui pouvait prendre la main sur son ordinateur, y compris l’employeur, puisqu’il existait un unique mot de passe ; d’ailleurs l’employeur a communiqué le mot de passe à l’expert puisque celui-ci a pu se connecter ;
– le disque dur externe n’a pas été retrouvé au domicile de M. [R].
Sur ce, la cour observe que :
– même s’il ne s’agit pas de rapports d’expertise judiciaire, les notes techniques annexées aux deux constats d’huissier peuvent aujourd’hui être discutées par les parties et ne sont pas dépourvues de toute valeur probante ;
– la recherche à domicile a été autorisée par un juge et en toute hypothèse le disque dur n’a pas été retrouvé de sorte que l’employeur n’y a pas eu accès et qu’il ne peut être utilement soutenu que la preuve liée à l’accès à un disque dur externe serait irrecevable ;
– le licenciement était fondé sur la copie sur un disque dur externe de fichiers se trouvant sur Google Drive puis leur suppression de Google Drive, et non sur une infraction pénale établie de vol ;
– la matérialité de la disparition de fichiers est établie par la première note de M. [B], et la liste des fichiers disparus figure dans le premier constat d’huissier, sur 73 pages ;
– cette note est claire, exempte de propos contradictoires : M. [B] indique que les fichiers n’ont pas été copiés sur le disque local puis éliminés dans la corbeille, mais ont été directement copiés sur un disque dur externe ; même si les fichiers ont été supprimés, une trace de l’opération de coupage et les noms des fichiers restent dans l’ordinateur ;
– les noms des fichiers disparus montrent qu’ils ne contenaient pas simplement des données générales et ‘publiques’ comme l’affirme M. [R], mais aussi des données personnelles de l’entreprise notamment des données de clients (bordereaux clients, demandes d’adhésion, tarifs etc) ;
– la disparition des fichiers a eu lieu alors que M. [R] était encore en possession de son ordinateur, juste avant qu’il ne le restitue pour mise à jour ; lors du second procès-verbal d’huissier, M. [R] a indiqué que, dans la nuit du 21 au 22 février 2019, l’ordinateur se trouvait bien à son domicile, qu’il avait travaillé sur son ordinateur le 21 février 2019 jusqu’à 20h30 puis avait quitté son domicile vers 21h30 en laissant son ordinateur, personne ne se trouvant au domicile et aucune effraction n’ayant eu lieu ; dans la mesure où un périphérique extérieur sur lequel les fichiers ont été copiés a été inséré dans l’ordinateur, forcément l’opération de couper-coller a été effectuée par un utilisateur travaillant physiquement sur l’ordinateur, et non à distance ; il était nécessaire, préalablement à la connexion à Google Drive, d’ouvrir la session de l’ordinateur avec le mot de passe utilisateur de M. [R], ce qui a été fait ; l’expert qui a utilisé des logiciels spécifiques d’investigation numérique a pu se connecter à l’ordinateur sans que l’employeur n’ait à lui communiquer le mot de passe utilisateur de M. [R] ; ainsi, seul M. [R] lui-même a pu procéder au copier-couper dans la nuit du 21 au 22 février 2019 ;
– le fait que le disque dur externe ayant reçu les copies n’ait pas été retrouvé au domicile de M. [R] ne signifie pas qu’aucune copie n’a été faite, puisque la trace de cette copie figure sur l’ordinateur portable ; d’ailleurs, dans le procès-verbal de constat des 29 mars et 9 avril 2019, M. [R] a reconnu qu’il avait bien sur son ordinateur portable une photo de mariage qu’il avait copiée-coupée, même s’il affirmait que la copie avait eu lieu sur une clef USB et non sur un disque dur externe, tandis que sa compagne Mme [D] évoquait une copie sur un disque dur externe Western Digital.
Enfin, dans son arrêt de référé du 6 septembre 2021, condamnant la SARLU groupe [K] à des provisions au titre de la concurrence déloyale, la cour d’appel d’Agen s’est notamment appuyée sur le procès-verbal d’huissier des 1er, 7 et 18 mars 2019, et la note technique de M. [B].
La cour estime donc que la SAS MB assurances fait la preuve de ce que M. [R] a copié à son profit et supprimé de Google Drive des fichiers personnels de l’entreprise, ce qui constitue une faute grave.
En outre, M. [R] affirme que le licenciement est à la fois sans cause réelle et sérieuse et irrégulier car l’employeur a décidé de le licencier ‘avant même la convocation à l’entretien préalable’ ainsi qu’il ressort de la lettre de mise à pied conservatoire. Toutefois, cette lettre se bornait à notifier une mise à pied conservatoire ‘dans l’attente de la procédure de licenciement pour faute grave que nous allons engager à votre encontre’, cette mise à pied s’appliquant ‘pendant tout le déroulement de la procédure et jusqu’à la notification de la décision que nous prendrons à son issue’ : elle n’évoquait pas une décision d’ores et déjà prise de licencier.
Infirmant le jugement, la cour juge donc que le licenciement reposait bien sur une faute grave et qu’il n’était pas irrégulier, et déboutera M. [R] de ses demandes liées à la rupture (salaire pendant la mise à pied conservatoire, indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement).
Enfin, le conseil de prud’hommes a alloué à M. [R] des dommages et intérêts de 1.000 € pour préjudice moral en raison de ‘la fouille au domicile’. En cause d’appel, dans le dispositif de ses conclusions, M. [R] demande à la fois la confirmation du jugement de ce chef, et qu’il y soit ajouté des dommages et intérêts supplémentaires de 9.000 €. Il est toutefois muet dans les motifs de ses conclusions, tant sur la faute de l’employeur que sur son propre préjudice. Les opérations à domicile ayant été autorisées par ordonnance sur requête, elles ne peuvent être jugées comme constitutives d’une faute ; le salarié sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé de ce chef.
2 – Sur la clause de non-concurrence :
L’article 7 du contrat de travail de M. [R] stipulait :
‘Compte tenu de la nature des fonctions du salarié il s’interdit, en cas de démission, licenciement ou rupture conventionnelle :
1- d’entrer au service d’une société concurrente
2- de s’intéresser directement ou indirectement à toute activité, fabrication, ou commerce, susceptible de porter concurrence à l’activité de la société
3- d’exercer directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’une entreprise, une activité professionnelle le plaçant en concurrence avec la société.
Le présent engagement prend effet à l’issue de la période d’essai.
Cette interdiction s’appliquera pendant deux années à compter du jour de la rupture du contrat ou à la cessation effective du travail si le préavis n’est pas effectué.
Elle sera limitée au secteur d’activité du salarié et aux territoires suivants : départements inclus dans la région.
En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, il sera versé au salarié, après son départ effectif de la société, une indemnité également à 20 % de la moyenne mensuelle du salaire perçu par lui au cours des 6 derniers mois de présence effective dans la société, pendant la durée de la clause.
La société se réserve le droit de renoncer à l’exécution de la présente clause, sous réserve d’informer le salarié au plus tard au jour de la notification de la rupture du contrat par l’employeur, ou au plus tard, lors de l’acceptation par celui-ci de la demande de démission du salarié. Elle sera alors dispensée du versement de la contrepartie financière.’
M. [R] estime que la clause de non-concurrence est nulle car les activités prohibées qu’elle vise sont trop générales et interdisent toute possibilité de travailler ; il ajoute qu’en toute hypothèse, il est libéré de la clause car l’employeur s’est affranchi du paiement de la contrepartie financière ; il demande la confirmation du jugement qui lui a alloué des dommages et intérêts de 5.066 € pour illicéité de la clause de non-concurrence.
La SAS MB assurances affirme que la clause de non-concurrence est valide et que M. [R] a violé cette clause en constituant avec M. [K] la société concurrente GFI Assurances, en démarchant la clientèle de la SAS MB assurances et en se faisant embaucher par la société Actif Assur assurance et patrimoine ayant la même activité que la SAS MB assurances ; elle précise qu’elle a commencé à verser la contrepartie financière de la clause de non-concurrence puis a cessé lorsqu’elle a eu connaissance de la violation de la clause par M. [R]. Elle demande le remboursement des sommes payées qu’elle chiffre à 7.652,14 €, des dommages et intérêts au titre du préjudice économique de 30.000 € et des dommages et intérêts pour préjudice moral de 15.000 €.
Sur ce, la cour observe que, dans les motifs de ses conclusions, la SAS MB assurances soutient que l’action en nullité de la clause de non-concurrence formée par M. [R] est irrecevable car celui-ci a violé la clause, mais que la société ne soulève pas de fin de non-recevoir dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour.
La clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail était bien limitée dans le temps (2 ans) et dans l’espace (secteur d’activité du salarié et départements inclus dans la région). M. [R] ne conteste pas qu’elle était conforme aux intérêts de l’entreprise et que sa contrepartie n’était pas dérisoire. La clause était limitée aux activités concurrentes avec la SAS MB assurances de sorte que l’interdiction ne concernait que le courtage en assurance santé, prévoyance et retraite, et que M. [R] pouvait travailler en dehors du secteur géographique dans tous domaines de courtage, ou bien dans le secteur géographique dans les domaines excluant la santé, la prévoyance et la retraite ; elle était donc licite.
La SAS MB assurances a commencé à régler la contrepartie financière mensuelle due, de mai 2019 (et non pas avril 2019 comme elle le soutient, la somme versée en avril concernant une indemnité compensatrice de congés payés) à mars 2020, et a cessé de le faire en avril 2020 en alléguant une violation de la clause de non-concurrence par M. [R].
La cour déboutera donc M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour nullité ou illicéité de la clause de non-concurrence.
S’agissant de la violation de la clause de non-concurrence par M. [R], la SAS MB assurances justifie des éléments suivants :
– le 4 octobre 2019, rédaction des statuts de la SARL [R] [K] assurances (GFI assurances) ayant pour activité ‘agents et courtiers d’assurances’ et pour pour co-gérants M. [R] et M. [K], sise à [Localité 3] (32), ayant débuté son activité au 13 novembre 2019 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 14 novembre 2019 ; M. [R] ne conteste pas que cette société commercialisait les mêmes produits que la SAS MB assurances et qu’elle était implantée dans la région prohibée ;
– embauche de M. [R] par la SARL Actif Assur assurances et patrimoine à [Localité 7], à une date inconnue, cette société commercialisant des produits d’assurance santé et prévoyance.
Ainsi, M. [R] a effectivement violé son obligation de non-concurrence à compter du mois de novembre 2019, de sorte qu’il doit rembourser à la SAS MB assurances les sommes réglées de novembre 2019 à mars 2020 soit 3.215,20 € nets – la SAS MB assurances réclamant une somme nette et non pas brute.
S’agissant du préjudice économique invoqué par la SAS MB assurances, celle-ci se plaint de ce que M. [R] a détourné des clients au profit de sa société GFI Assurances puis au profit de son nouvel employeur. Toutefois, la SAS MB assurances qui a également agi directement à l’encontre de la société GFI Assurances devant le tribunal de commerce ne peut se voir indemniser deux fois de son préjudice lié à la captation de clientèle ; d’ailleurs, elle ne produit aucune pièce de nature à justifier de son préjudice économique. Elle sera donc déboutée de sa demande.
Elle ne justifie pas davantage de son préjudice moral et sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
3 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Le salarié qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses frais irrépétibles, et ceux exposés par la SAS MB assurances soit 800 €.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Dit que le licenciement de M. [X] [R] n’était pas nul et qu’il était fondé sur une faute grave,
Déboute M. [X] [R] de ses demandes liées au licenciement (rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire, indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement nul, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour irrégularité de procédure, dommages et intérêts pour préjudice moral),
Déboute M. [X] [R] de sa demande de nullité de la clause de non-concurrence et de sa demande de dommages et intérêts de ce chef,
Condamne M. [X] [R] à payer à la SAS MB assurances la somme de 3.215,20 € nets en remboursement des sommes versées par elle au titre de la clause de non-concurrence,
Déboute la SAS MB assurances de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice économique et pour préjudice moral,
Condamne M. [X] [R] à payer à la SAS MB assurances la somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [X] [R] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [X] [R] aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Brisset.