Sécurité des Systèmes : 3 juin 2010 Cour d’appel de Paris RG n° 08/09516

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Sécurité des Systèmes : 3 juin 2010 Cour d’appel de Paris RG n° 08/09516
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 03 Juin 2010

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 08/09516

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2008 par le conseil de prud’hommes de CRETEIL – section encadrement – RG n° 07/01564

APPELANT ET INTIME (DA n° du 22 juillet 2008)

Monsieur [M] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Alexandre MAILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R 71

INTIMEE ET APPELANTE (DA n° du 22 juillet 2008)

S.A. NIDEK

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Guy MARTINET, avocat au barreau de PARIS, toque : R169

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Mars 2010, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Thierry PERROT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle BRONGNIART, Président

Monsieur Thierry PERROT, Conseiller

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par M. Thierry PERROT, Conseiller, ayant participé au délibéré, par suite d’un empêchement du Président, et par Mme Danièle PAVARD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR ,

M. [R] était engagé par la SA NIDEK sous contrat à durée indéterminée en date du 23 juillet et à effet du 26 août 1996, en qualité de Responsable Assurance-Qualité, cadre, coefficient 350 de la Convention Collective Import-Export, moyennant un salaire mensuel brut de 19 230,77 F (2 931,71 €), outre 13ème mois, soit une rémunération brute annuelle de 250 000 F (38 112,25 €), puis de 21 538,47 F (3 283,52 €) par mois, soit 280 000 F (42 685,72 €) par an, à compter du mois suivant la notification officielle par l’AFAQ pour la norme ISO 9002 à [Localité 5] et CRETEIL.

Il était par ailleurs stipulé, en annexe 1 à son contrat de travail, une clause de non-concurrence, ayant fait interdiction au salarié, pendant un an à compter de la cessation, pour quelque cause que ce soit, de son contrat, et sur l’entier territoire français, d’entrer au service d’une entreprise fabriquant ou vendant des produits pouvant concurrencer ceux de la SA NIDEK, comme de s’intéresser, directement ou indirectement, ou sous quelque forme que ce soit, à une entreprise de cet ordre.

M. [R] était élu délégué du personnel en juin 2002, et siégeait, à partir de novembre 2004, en qualité de Délégué Unique, au Comité d’Entreprise de la SA NIDEK, dont il devenait le Secrétaire Général.

A réception par la SA NIDEK, le 7 mai 2007, d’une lettre anonyme dont l’auteur accusait M. [R] d’actes de zoophilie, qu’il menaçait de dénoncer auprès d’une association de défense des animaux en la mettant directement en cause, en l’absence de réaction de sa part, l’employeur entreprenait de faire procéder à diverses investigations et à l’établissement de procès-verbaux de constats d’huissier, afin de vérifier l’éventuelle véracité de telles accusations, étant alors apparues avérées.

Le salarié, après avoir été dispensé, suivant courrier du 23 mai 2007, remis en mains propres le même jour, de toute activité, dont il était rémunéré, était ensuite convoqué, par LRAR du 1er juin 2007, -lui ayant par ailleurs notifié sa mise à pied conservatoire-, à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 12 juin 2007, puis licencié, par LRAR du 10 juillet 2007, pour faute grave.

Il saisissait le conseil de prud’hommes de CRETEIL, ayant, par jugement du 17 juin 2008 :

– dit et jugé le licenciement de M. [R] non fondé sur une faute grave mais justifié par une cause réelle et sérieuse ;

– condamné la SA NIDEK au paiement de :

* 12 150,00 €, à titre d’indemnité de préavis ;

* 12 133,00 €, à titre d’indemnité de licenciement ;

* 5 800,00 €, à titre de rappel de salaires (mise à pied) ;

* 580,00 €, au titre des congés payés y afférents ;

* 24 000,00 €, au titre du non-respect de l’obligation de non-concurrence ;

* 2 400,00 €, au titre des congés payés y afférents ;

* 1 000,00 €, au titre de l’article 700 du CPC ;

– débouté M. [R] de l’intégralité de ses autres demandes ;

– condamné la SA NIDEK aux entiers dépens.

M. [R] puis la SA NIDEK ont, l’un et l’autre, régulièrement interjeté appel de cette décision.

M. [R] entend voir :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

‘condamné la SA NIDEK au paiement de :

* 12 150,00 €, à titre d’indemnité de préavis ;

* 12 133,00 €, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 5 800,00 €, à titre de rappel de salaires (mise à pied) ;

* 580,00 €, au titre des congés payés y afférents ;

* 24 000,00 €, au titre du non-respect de l’obligation de non-concurrence ;

* 2 400,00 €, au titre des congés payés y afférents ;

* 1 000,00 €, au titre de l’article 700 du CPC ;

‘condamné la SA NIDEK aux entiers dépens ;

Et, pour le surplus :

– infirmer le jugement ;

En conséquence :

– condamner la SA NIDEK à payer :

* 96 000,00 €, à titre de dommages-intérêts, en vertu de l’article L 1235-3 du code du travail ;

* 20 000,00 €, à titre de dommages-intérêts, pour discrimination salariale ;

* 10 000,00 €, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral ;

En tout état de cause :

– condamner la SA NIDEK à payer la somme de 6 000,00 €, au titre de l’article 700 du CPC, ainsi que les entiers dépens.

La SA NIDEK demande à la Cour de :

– la recevoir en son appel partiel ;

– le déclarer recevable et y faisant droit :

1. Sur le motif du licenciement :

– constater qu’elle apporte valablement la preuve de l’utilisation par M. [R], sur le lieu et pendant les heures de travail, de l’ordinateur mis à sa disposition par son employeur pour l’accomplissement de son travail, au détriment de l’exercice de ses fonctions et de la société ;

– dire que ces griefs constituent un motif réel et sérieux de licenciement ;

En conséquence :

– confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu le caractère réel et sérieux du licenciement prononcé ;

2. Sur la faute grave :

– juger que les proportions abusives dans lesquelles M. [R] a fait un usage privé des moyens de communication confiés par la SA NIDEK au salarié à des fins purement professionnelles, ainsi que les atteintes ainsi apportées tant au bon fonctionnement de l’entreprise qu’à son image, et enfin les risques de mise en cause de la responsabilité de son employeur auxquels M. [R] a exposé ce dernier, de manière irresponsable et sans égard à sa fonction de Responsable Assurance-Qualité de la société, autorisait légitimement la SA NIDEK à sanctionner son salarié en le licenciant pour faute grave ;

En conséquence :

– infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas admis la faute grave et a alloué à M. [R] les indemnités de rupture prévues en cas de licenciement pour motif réel et sérieux;

– débouter M. [R] de ses demandes tendant au paiement :

* d’une indemnité compensatrice de préavis ;

* d’une indemnité conventionnelle de licenciement ;

* d’un rappel de salaire de mise à pied et de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents ;

3. Sur la clause de non-concurrence :

– constater que M. [R] ne démontre pas avoir fait en sorte de se conformer à la clause de non-concurrence figurant à son contrat de travail, alors même que, dûment conseillé, il a rapidement pu être informé de la nullité de ladite clause ;

– dire qu’il n’excipe d’aucun préjudice spécifique qui justifierait l’allocation de dommages-intérêts ;

En conséquence :

– infirmer le jugement en ce qu’il a accordé à M. [R] une indemnité d’un montant de 24 000,00 €, outre une indemnité compensatrice de congés payés y afférents ;

– débouter M. [R], à titre principal, de sa demande d’indemnisation de ce chef;

– fixer, tout au plus, et à titre subsidiaire, au montant symbolique d’un euro l’indemnité susceptible de lui être attribuée en application du principe selon lequel l’existence d’une clause de non-concurrence rendue nulle par l’effet de la jurisprudence cause un dommage ;

4. Sur les indemnités réclamées pour discrimination salariale et pour préjudice moral :

– juger que M. [R] n’a subi ni discrimination salariale, de quelque manière que ce soit, ni aucun préjudice moral, à quelque titre que ce soit ;

En conséquence :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [R] de ses demandes d’indemnisation pour discrimination salariale et préjudice moral ;

5. En conséquence :

– condamner M. [R] à restituer la somme de 33 449,00 €, que la SA NIDEK a été contrainte de lui verser en exécution de la décision de première instance, en raison du caractère exécutoire de droit par provision de celle-ci dans la limite de neuf mois de salaire ;

– condamner M. [R] au paiement de la somme de 3 500,00 €, par application de l’article 700 du CPC ;

– condamner M. [R] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux conclusions écrites, visées le 19 mars 2010, et réitérées oralement à l’audience.

SUR CE,

– Sur le licenciement :

Considérant, aux termes de la lettre de licenciement, fixant les limites du litige, que la rupture de son contrat de travail est en substance essentiellement imputable à l’utilisation abusive par M. [R], à des fins personnelles, pendant ses heures de travail, et de manière quasi-continue, de l’ordinateur portable mis à sa disposition par la SA NIDEK, et moyennant l’inscription par ses soins du numéro de téléphone portable dont l’avait par ailleurs doté son employeur, sur des sites Internet n’ayant aucun rapport avec son activité professionnelle, et dont le caractère pornographique est indéniable, au point que son accès à Internet depuis son poste de travail, ayant occupé jusqu’à 13 % de la bande passante contre une moyenne d’1,2 % par salarié, se traduisait en outre par une indisponibilité découlant du temps passé sur de tels sites, ayant nui à l’exercice de son activité professionnelle, la qualité de son travail ayant d’ailleurs ainsi sensiblement baissé depuis plusieurs mois ;

Considérant qu’il incombe à l’employeur, invoquant de ces chefs une faute grave, et se prétendant par suite exonéré de ses obligations en termes d’indemnité, tant compensatrice de préavis que de licenciement, d’en apporter la preuve ;

* Sur la légalité de l’obtention et, partant, la recevabilité, ainsi que la valeur probante des moyens de preuve des faits reprochés :

Considérant que le salarié argue de nullité les procès-verbaux de constat dressés les 21 et 22 mai 2007, par Me [H], Huissier de Justice à PARIS, puis le 23 mai 2007, par Me [E], Huissier de Justice à CRETEIL, ainsi que leurs annexes ;

Que, pour autant, il est dûment établi que la SA NIDEK, ayant reçu, le 7 mai 2007, une lettre anonyme dont l’auteur accusait M. [R] d’actes de zoophilie, qu’il menaçait de dénoncer auprès d’une association de défense des animaux en la mettant directement en cause, en l’absence de réaction de sa part, l’employeur entreprenait légitimement de faire procéder à diverses investigations et à l’établissement de procès-verbaux de constats d’huissier, aux fins de vérifier l’éventuelle véracité de telles accusations ;

Que ce courrier fournissait également des adresses de sites pornographiques sur lesquels il était affirmé que le salarié figurait sous le pseudonyme ‘Rexx 75’, et faisait encore apparaître une fenêtre de page web, contenant une ‘description’ de ‘Rexx 75′, outre l’indication d’un numéro de téléphone portable, non sans souligner que les actes rapportés étaient susceptibles de poursuites pénales ;

Que, partant, l’employeur était assurément fondé à aussitôt se livrer, dès réception d’un tel courrier, à diverses vérifications, lui ayant notamment permis de se convaincre, ensemble, de l’existence du ‘Groupement de Réflexion et d’Action Animal Libération’ (GRAAL), association régulièrement déclarée ayant pour objet de combattre les pratiques zoophiles, en saisissant notamment la justice pénale des faits dont elle est amenée à avoir connaissance, de l’appartenance à la société du numéro de téléphone mentionné, correspondant à celui du mobile remis à M. [R] à titre professionnel, et de la réalité de l’incrimination par le code pénal de l’exercice public ou non de sévices graves ou de nature sexuelle, ou de la commission d’un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, ainsi que des peines encourues ;

Qu’en cet état, la SA NIDEK est à tout le moins en droit de prétendre n’avoir pu rester indifférente aux faits ainsi dénoncés, tant il est vrai qu’ils étaient effectivement susceptibles de faire planer de réelles menaces sur l’entreprise ;

Que, dès lors, l’employeur décidait à bon droit, pour vérifier la réalité des faits allégués, de recourir aux services d’un tiers, la SA RISK & CO, aux fins de procéder à la vérification des informations contenues en la lettre anonyme ;

Qu’il s’est alors avéré, aux termes d’un rapport établi par cette société RISK & CO, que cette dernière a décrit le comportement de M. [R], constaté sur les sites identifiés et visités grâce au pseudonyme ‘Rexx 75′ fourni par la lettre anonyme, confirmé les risques encourus par la SA NIDEK s’agissant de l’association GRAAL, que l’auteur de cette dernière se réservait d’alerter, et relevé les connexions lisibles sur les sites consultés, pendant ses heures de travail, par le salarié ;

Que l’employeur avait ensuite recours au ministère de deux huissiers de justice, aux fins de constater officiellement tous éventuels agissements de M. [R] en ce sens ;

Qu’il était ainsi établi, aux termes d’un premier procès-verbal de constat dressé le 21 mai 2007 par Me [H], Huissier de Justice à PARIS, que le pseudonyme ‘Rexx 75’ était retrouvé sur les pages de différents sites à caractère pornographique, accompagné du numéro du téléphone portable confié au salarié par la société, que l’intéressé se trouvait en ligne, sur l’un de ces sites, à 12 h 13, puis, sur un autre, à 17 h 15, et que les mêmes coordonnées téléphoniques précédemment relevées sur les sites dont s’agit étaient celles portées sur le site Internet de la SA NIDEK, et attribuées au Responsable Assurance-Qualité ;  

Que Me [H] dressait un second constat, le 22 mai 2007, dont il résultait que la personne utilisant le pseudonyme ‘Rexxcumdog’ était ce jour-là en ligne, à 16 h 55, sur la page d’un site ;

Que l’employeur fait encore valoir qu’il mandatait par la suite Me [E], Huissier de Justice à CRETEIL, aux fins de se transporter au siège de l’entreprise, où celui-ci, agissant en présence de M. [Z], Directeur Général de la SA NIDEK, de M. [Y], Directeur Administratif, Financier et du Personnel de la société, de Me [H], Huissier de Justice, en qualité d’observateur, de Mme [K], de la SA RISK & CO, de M. [V], Expert en Informatique de la Société ATLANTIC INTELLIGENCE, de M. [J], Directeur de la Division Ophtalmologie de la SA NIDEK, en tant que Délégué du Personnel, M. [R] était invité à remettre à l’huissier instrumentaire son ordinateur professionnel, ainsi que la carte SIM de son téléphone mobile professionnel ;

Que la SA NIDEK sollicitait alors non moins régulièrement qu’il fût procédé, en la présence de M. [R], à l’ouverture de l’ordinateur mis à sa disposition pour les besoins de l’exercice son activité professionnelle, puis à l’analyse des fichiers qu’il contenait, en demandant au salarié d’opérer un tri entre ses fichiers personnels et professionnels, afin que seuls ces derniers soient analysés ;

Qu’il est précisément rendu compte, en ce procès-verbal de constat, des opérations alors effectuées, ayant ainsi consisté en la copie du disque dur et sa mise sous scellés par l’huissier, la copie après sauvegarde et éradication des fichiers personnels de M. [R], le contrôle du disque dur en présence de l’huissier, avec double copie, la confiscation et mise sous scellés de la puce du téléphone, avec constat par l’huissier sur le serveur de la SA NIDEK afin de lister les logs en liaison avec l’adresse mail de M. [R], outre dans l’analyse du serveur de la société ;

Que le salarié, dont il est dûment établi l’absence de toute contestation ou observation formulée devant quiconque en présence de l’huissier ayant diligenté ses opérations ce 23 mai 2007, ne saurait être admis à venir depuis lors, et encore à présent, remettre en cause la réalité ni la validité des diligences ainsi effectuées, non plus que des opérations alors accomplies ;

Que les éléments ainsi recueillis étaient ensuite confiés à la SA RISK & CO, ayant déposé, le 7 juin 2007, un rapport de ses opérations, rendant compte de l’historique des connexions recensées par journée de travail, et relatant la présence sur le disque dur, après expurgation des fichiers personnels, de fichiers n’ayant manifestement revêtu aucun caractère professionnel ;

Que ce rapport était figurait au demeurant au nombre des pièces annexées à son procès-verbal par Me [E], ayant alors précisément relevé : ‘Cette analyse montre clairement que, pendant les heures de bureau, M. [R] utilise de façon quasi-continue et exclusive la connexion Internet mise à

sa disposition, à des fins personnelles. L’analyse des enregistrements du firewall révèle que, sur une période donnée, 13 % de l’activité Internet de la société est imputable à la machine identifiée comme appartenant à M. [M] [R]’ ;

Considérant, il est vrai, qu’il y a tout au plus lieu de s’étonner que Me [E] ait été à même d’annexer à son procès-verbal en date du 23 mai 2007, un rapport délivré par la SA RISK & CO le 7 juin 2007, sans qu’il en résulte pour autant aucune nullité de l’ensemble des constatations et autres investigations ainsi diligentées, n’étant pas utilement remises en cause par cette seule anomalie, pouvant trouver une suffisante explication dans cette simple circonstance que l’huissier ait omis de mentionner que son procès-verbal de constat était en date des 23 mai et 7 juin 2007, et non pas seulement du 23 mai 2007, et alors en tout état de cause, que les faits reprochés à M. [R] résultent en leur intégralité de l’ensemble des opérations régulièrement menées par l’employeur ou sur sa requête, étant pour le surplus insusceptibles d’encourir la moindre critique sur le plan de la procédure ayant en l’espèce été régulièrement suivie, y compris pour avoir accès à l’ordinateur remis par l’entreprise au salarié à des fins professionnelles, dès l’instant qu’il était expurgé par ses soins, dès avant toutes investigations sur cet appareil, des fichiers ayant selon celui-ci revêtu un caractère personnel, en sorte qu’en l’absence en la cause de tout motif de nullité d’aucune des diligences, opérations, investigations et constatations ayant ainsi été effectuées tant par la SA RISK & CO que par le ministère d’huissiers de justice, les divers moyens pris par M. [R] de leur nullité ne pourront qu’être en leur ensemble écartés ;

Que la validité des éléments de preuve ainsi apportés par la SA NIDEK n’est donc pas sérieusement contestable, s’agissant tant des procès-verbaux de constat dressés par Me [H] puis Me [E], que des rapports établis par la SA RISK & CO, dont le seul fait que ces derniers ne soient par ailleurs pas signés reste inopérant quant à faire naître un doute sur leur véracité ou leur authenticité, tant il apparaît qu’ils ont néanmoins été rédigés, sur le papier à en-tête de la société, par M. [V], Consultant du pôle sécurité des systèmes d’information, et dûment communiqués à l’employeur, puis annexés par Me [E] à son procès-verbal, que de l’absence de recours par l’employeur à une procédure sur requête au visa de l’article 145 du CPC, ayant certes été loisible à la SA NIDEK sans toutefois s’être en rien imposé à elle ;

Qu’il n’existe dès lors pas davantage en la cause le moindre élément susceptible de militer en faveur du bien fondé des seules allégations, non étayées, du salarié, quant à l’existence de manipulations ou autres stratagèmes par lui imputés à la SA NIDEK, ou d’une quelconque déloyauté de la procédure suivie à son encontre, ne pouvant pas plus utilement se déduire du seul constat de l’absence de dépôt par la société de toute plainte pénale ;

Que M. [R] n’est pas autrement fondé, au vu du rappel exhaustif ci-dessus effectué

de la nature et du déroulement des investigations opérées par l’employeur ou, sur sa requête, par un tiers, la SA RISK & CO, voire par le ministère d’huissiers de justice non moins régulièrement mandatés par ses soins, à arguer de l’existence d’atteintes portées à sa vie privée, voire de sa mise sous surveillance, quand il résulte suffisamment de ce qui précède qu’il n’en a jamais rien été ;

Considérant qu’il suit nécessairement de là qu’aucune des pièces dont, en leur ensemble, se prévaut ainsi l’employeur pour apporter la preuve lui incombant des faits par lui invoqués au soutien du licenciement pour faute grave de M. [R] n’a lieu d’être écartée des débats ;

* Au fond :

Considérant qu’il s’évince ainsi, ensemble, des deux procès-verbaux de constat dressés par Me [H], puis de celui établi par Me [E], outre des analyses réalisées par la SA RISK & CO, qu’il est formellement et définitivement établi que M. [R] se connectait à des sites Internet non professionnels durant ses heures de travail, en utilisant par-là même à des fins personnelles le matériel informatique et la connexion mis à sa disposition en vue de l’accomplissement de sa seule mission professionnelle, au point d’avoir consacré à ces activités de nature privée une part très importante de son temps de travail, jusqu’à avoir mobilisé 13 % de l’activité Internet de l’entreprise, sur une période d’une semaine, contre 1,2 % en moyenne pour les autres salariés, quand il est de surcroît non moins sûrement établi que la nature et l’objet de ces connexions intéressait des sites ayant revêtu un caractère pornographique, voire zoophile, témoignant ainsi et d’autant plus sûrement du caractère abusif du détournement opéré par l’intéressé des moyens confiés par son employeur, car dans des proportions très excessives et totalement anormales ;

Que, la matérialité et l’imputabilité des faits reprochés à M. [R] étant ainsi ensemble établies, au terme d’investigations régulièrement diligentées et n’encourant donc aucune critique fondée, qu’il y a lieu, pour en apprécier le degré de gravité, d’avoir égard, outre à leur nature intrinsèque, aux circonstances et à la durée de leur commission, sur le lieu et pendant les heures de travail, à la qualité de cadre du salarié, que ses fonctions de Responsable Assurance-Qualité rendaient, par définition, garant de l’image de marque de la SA NIDEK, en lui imposant d’avoir une attitude irréprochable ;

Que, sur ce point, et par-delà la nature et les circonstances de la perpétration des faits imputés à l’intéressé, il apparaît de surcroît que ceux-ci avaient nécessairement, en eux-mêmes,

un impact sur l’exercice de ses fonctions, tant il est acquis aux débats que l’intéressé ne pouvait plus présenter, dans un tel contexte, compte tenu des activités personnelles auxquelles il se livrait ainsi habituellement et le plus clair de son temps de travail, la disponibilité intellectuelle requise pour assurer un exercice normal de son activité professionnelle ;

Qu’il est au surplus démontré que ce manque de disponibilité s’était en l’occurrence traduit par la lenteur observée quant à l’avancement de sa mission ayant consisté à la mise en place du système qualité en conformité avec la norme ISO 9001 et 13 485 au sein de la SA NIDEK, telle que mise en exergue dans un rapport de synthèse établi le 12 avril 2007 à la suite d’un audit pratiqué les 13 et 14 septembre 2006 par une Société CEISO ;

Que, par ailleurs, un audit réalisé les 27 et 28 septembre 2006 par le TÜV, dont les résultats étaient officiellement communiqués par une note du 5 septembre 2007, relatif au statut des non-conformités constatées lors de l’audit de septembre 2006, rend encore et en tant que de besoin amplement compte de l’insuffisance de la qualité du travail effectué par M. [R] ;

Qu’il est ainsi irréfutablement établi que la dégradation du travail de M. [R] par ailleurs constatée par la SA NIDEK n’est imputable qu’à son manque de disponibilité, en raison des agissements auxquels il se livrait sur son temps de travail ;

Que, bien plus, ses abus caractérisés dans l’utilisation très excessive à des fins personnelles du matériel informatique mis à sa disposition par son employeur pour les besoins de l’exercice de son activité professionnelle sont formellement démontrés, au vu du nombre de ‘hits’ consacrés par l’intéressé à des sites à vocation personnelle, comparés à ceux se rattachant à l’activité professionnelle, puisque, aussi bien, il est ainsi démontré, à titre d’exemple, au vu du rapport de M. [V], que, le 7 mai 2007, la proportion était de 95 % en faveur des premiers, et encore, de 84,7 % sur l’entière période du 7 au 23 mai 2007 ;

Qu’il est ainsi avéré que l’utilisation par M. [R] de l’ordinateur mis à sa disposition par l’entreprise aux seules fins de l’exercice de son activité professionnelle excédait notablement les limites admissibles de l’usage étant certes néanmoins habituellement toléré de cet outil à des fins personnelles, compte tenu de la durée manifestement excessive des connexions, et, de surcroît de leur objet, s’étant en effet agi de sites pornographiques ;

Qu’il est encore démontré qu’il résultait de ces connexions, et de la mise en ligne par le salarié du numéro de son téléphone mobile professionnel sur de tels sites, un risque tangible d’atteinte à l’image de la SA NIDEK, puisque, aussi bien, ce numéro n’était autre que celui ayant permis de contacter M. [R], en sa qualité de Responsable Assurance-Qualité de la société ;

Qu’il est ainsi patent que M. [R] ne saurait être admis à soutenir n’avoir fait des biens de la SA NIDEK qu’un usage privé raisonnable ou normal, entrant dans les prévisions des seuils de tolérance habituellement retenus quant au recours par les salariés, sur leur temps de travail, à l’utilisation ponctuelle d’Internet à des fins personnelles privées, tandis que l’intéressé ne peut plus utilement conclure à l’inexistence de tout préjudice subi par la SA NIDEK, ni davantage valablement arguer de l’absence de constat par son employeur de tout manquement ou insuffisance dans l’exécution de son travail, quand les éléments de la cause témoignent en leur ensemble objectivement du contraire ;

Considérant qu’il y a donc lieu d’infirmer la décision déférée pour, statuant à nouveau, dire le licenciement de M. [R] valablement prononcé pour faute grave, ayant, comme telle, rendu impossible toute poursuite de la relation contractuelle, y compris pendant la durée, même limitée, du préavis, en déboutant par suite l’intéressé de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, tant indemnitaires, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que salariales, en termes d’indemnités compensatrice de préavis et conventionnelle de licenciement, ainsi que de rappel de salaire au titre de sa mise à pied conservatoire et de congés payés y afférents ;

– Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination salariale :

Considérant, faute pour M [R] d’apporter aucun élément de fait objectif et tangible laissant supposer l’existence par lui alléguée d’une discrimination salariale, voire en raison de l’absence d’entretien d’évaluation annuel en 2007, quand cette dernière trouve une suffisante explication dans la révélation à l’employeur, -à l’époque de la tenue d’un tel entretien-, des faits litigieux, puis dans les nécessaires investigations ayant suivi, que le salarié s’est vu exactement débouter de ses prétentions indemnitaires émises à ce titre, le jugement étant dès lors confirmé de ce chef ;

– Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral :

Considérant, si tant est qu’un licenciement, même fondé sur une cause réelle et sérieuse, voire valablement prononcé pour faute grave, puisse néanmoins ouvrir droit à l’indemnisation du préjudice subi par le salarié ensuite de toutes éventuelles circonstances brutales ou vexatoires ayant autrement présidé à la rupture de son contrat de travail, qu’il n’est en la cause aucun élément ni commencement de preuve de la réalité de telles circonstances, en sorte que la décision déférée mérite également confirmation pour avoir non moins justement débouté l’intéressé de sa demande de dommages-intérêts présentée de cet autre chef ;

– Sur la clause de non-concurrence :

Considérant qu’il est constant que le contrat de travail de M [R] comportait, en son annexe 1, en faisant partie intégrante, une clause de non-concurrence dénuée de toute contrepartie financière, et se trouvant, pour ce motif, assurément entachée de nullité, en raison de laquelle le salarié, pour s’y être néanmoins conformé, et faute pour l’employeur d’établir qu’il l’eût méconnue, est dès lors et par principe fondé à solliciter l’allocation, sinon d’une contrepartie financière, étant précisément en l’espèce inexistante, du moins de dommages-intérêts, dont le quantum sera toutefois plus exactement arbitré, au regard, ensemble, de la durée d’un an de l’interdiction de non-concurrence édictée en cette clause sur l’entier territoire national en faisant défense à M. [R] d’entrer au service d’une entreprise fabriquant ou vendant des articles pouvant concurrencer ceux de la SA NIDEK, comme de s’intéresser, directement ou indirectement, ou sous quelque forme que ce soit, à toute entreprise de cet ordre, et du montant du salaire mensuel brut de l’intéressé s’étant établi à une valeur moyenne de 4 050 €, à la somme de 7 500,00 €, au lieu de celle de 24 000,00 € allouée à ce titre, et hors toute incidence sur congés payés, eu égard, s’agissant de dommages-intérêts, au caractère par essence indemnitaire, et non salarial, de la somme de 7 500,00 € ainsi octroyée, n’en produisant par suite pas moins intérêts à compter de la décision déférée, statuant dès lors à nouveau après infirmation de cette dernière de ce chef;  

– Sur le remboursement des sommes versées au titre de l’exécution provisoire :

Considérant, nonobstant l’infirmation partielle du jugement, et notamment du chef des condamnations prononcées à son encontre au profit du salarié, en termes d’indemnités, tant compensatrice de préavis que conventionnelle de licenciement, ainsi que de rappel de salaire de mise à pied et congés payés y afférents, outre sur le quantum des sommes allouées au regard de la nullité de la clause de non-concurrence, qu’il n’y a pas lieu d’ordonner expressément le remboursement par M. [R] à la SA NIDEK de partie des sommes par elle ainsi versées au titre de l’exécution provisoire attachée à la décision déférée, tant cette restitution lui est d’ores et déjà de plein droit acquise, par le seul effet de l’infirmation de la décision de première instance, et avec intérêts moratoires courant eux-mêmes de plein droit depuis le présent arrêt ;

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Considérant, M. [R] succombant en l’ensemble des fins de sa voie de recours, sauf dans le principe, sinon toutefois dans le quantum, de sa demande de dommages-intérêts du chef de la nullité de la clause de non-concurrence, et restant donc ainsi prospérer, fût-ce dans cette seule limite, en partie de son action, quand la SA NIDEK est dès lors et pour le surplus très largement fondée en son propre appel, qu’il y a lieu de confirmer la décision querellée quant au sort des dépens et frais irrépétibles de première instance, sauf, y ajoutant, à faire à présent masse des dépens d’appel pour être supportés entre les parties à hauteur des 4/5èmes par M [R] et d’1/5ème par la SA NIDEK, et sans que l’équité commande davantage que la situation économique respective des parties de faire devant la Cour une nouvelle application de l’article 700 du CPC au profit de l’une quelconque d’entre elles ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirmant partiellement la décision déférée,

Et, statuant à nouveau,

Dit le licenciement de M [R] valablement prononcé pour faute grave ;

Déboute M. [R], de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions, tant indemnitaires, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que salariales, en termes d’indemnités compensatrice de préavis et conventionnelle de licenciement, ainsi que de rappel de salaire au titre de sa mise à pied conservatoire et de congés payés y afférents ;

Condamne la SA NIDEK à payer à M. [R] la somme de 7 500,00 €, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice né du respect de la clause de non-concurrence stipulée en son contrat de travail et entachée de nullité en l’absence de contrepartie financière, ladite somme avec intérêts de plein droit au taux légal à compter du jugement entrepris ;

Confirme la décision quant au surplus de ses dispositions non contraires aux présentes ;

Dit n’y avoir lieu d’ordonner le remboursement par M. [R] à la SA NIDEK de partie des sommes par elles versées au titre de l’exécution provisoire, tant cette restitution lui est d’ores et déjà acquise de plein droit, par l’effet et dans les limites de l’infirmation de la décision de première instance, et avec intérêts moratoires courant eux-mêmes de plein droit depuis le présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu à nouvelle application de l’article 700 du CPC au profit de l’une quelconque des parties ;

Déboute les parties de toutes demandes, fins ou prétentions plus amples ou contraires, infondées ;

Fait masse des dépens d’appel, pour être supportés à hauteur des 4/5èmes par M. [R] et d’1/5ème par la SA NIDEK.

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT EMPECHE,

 


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