Droit des inventions : 8 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/05432

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Droit des inventions : 8 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/05432

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 08 JUIN 2023

N° RG 22/05432 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-NACR

[D] [K]

[T] [R]

S.A.S. CONSEIL, ÉTUDE ET VENTE EN AGRICULTURE DURABLE – CEVAD

c/

[F] [I]

[G] [J]

Nature de la décision : AU FOND

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 17 novembre 2022 par le Président du Tribunal de Commerce de PERIGUEUX (RG : 2022.3153) suivant déclaration d’appel du 01 décembre 2022

APPELANTS :

[D] [K]

née le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 11]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

[T] [R]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 7]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

S.A.S. CONSEIL, ÉTUDE ET VENTE EN AGRICULTURE DURABLE – CEVAD, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 10]

représentés par Maître David LARRAT de la SELARL H.L. CONSEILS, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉS :

[F] [I]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 8]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 9]

[G] [J]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 12]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 6]

représentés par Maître Marc DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel BREARD, conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Roland POTEE, Président

Mme Bérengère VALLEE, Conseiller

M. Emmanuel BREARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE

En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d’appel de Bordeaux

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La SAS conseil, étude et vente en agriculture durable (Cevad) a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Périgueux à la suite d’un changement social le 16 mai 2014.

Sous forme initiale d’une société à responsabilité limitée, elle a été transformée en société par actions simplifiées à compter du 25 mai 2022.

Selon procès verbal des décisions de l’associé unique du 4 mai 2022, M. [T] [R] a approuvé l’apport en nature fait par la société Laboratoire Cevad.

La société Laboratoire Cevad a par contrat d’apport du 5 avril 2022 fait apport à la société Cevad du droit exclusif d’exploitation sur le seul territoire de la France d’une invention brevetable.

Dès lors, la société a perdu son caractère unipersonnel, les associés de la société Cevad étant :

* M. [R], époux de Mme [E] [Y] mariés sous le régime de la communauté légale, séparés de fait et en instance de divorce,

* M. [F] [I],

* Mme [L] [C],

* Mme [D] [K], épouse de M. [W] [P], mariés sous le régime de la communauté légale, séparés de fait, en instance de divorce,

* M. [A] [R],

* M. [G] [J].

Le 1er septembre 2022, M. [I] et M. [J] ont saisi le tribunal de commerce de Périgueux d’une requête ayant pour objet la nomination d’un mandataire ad hoc.

Par ordonnance du 20 septembre 2022, le tribunal a nommé M. [V] [Z] en qualité de mandataire ad hoc de la société Cevad.

Par assignation du 5 octobre 2022, la société Cevad, Mme [K], et M. [R] a formé un référé rétractation à l’encontre de l’ordonnance rendue le 20 septembre 2022, à la requête de M. [I] et M. [J].

Par ordonnance de référé du 17 novembre 2022, le tribunal de commerce de Périgueux a :

– reçu la société Cevad, Mme [K] et M. [R] de leur demande en rétractation de l’ordonnance du 20 septembre 2022,

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

– condamné la société Cevad aux entiers dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 91, 63 euros TTC.

La société Cevad, Mme [K] et M. [R] ont relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 1er décembre 2022.

Par conclusions déposées le 10 janvier 2023, Mme [K], M. [R] demandent à la cour de :

– déclarer Mme [K] et M. [R] recevables en leur appel et bien fondés en leur demandes,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

* débouté la société Cevad, Mme [K] et M. [R] de leur demande en rétractation de l’ordonnance du 20 septembre 2022,

* débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

* condamné la société Cevad aux entiers dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 91,63 euros TTC,

Statuant à nouveau,

– rétracter l’ordonnance rendue le 20 septembre 2022 par le président près le tribunal de commerce de Périgueux à la requête de M. [I] et M. [J],

– annuler l’assemble générale du 24 octobre 2022,

– juger qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [K] et de M. [R] les frais irrépétibles qu’ils ont été contraints d’exposer en justice aux fins de défendre leurs intérêts,

En conséquent,

– condamner in solidum, M. [I] et M. [J] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum, M. [I] et M. [J] aux entiers dépens en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 3 février 2023, M. [I] et M. [J] demandent à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance dont appel,

– condamner Mme [K] solidairement avec M. [R] à payer à Mme [I] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [K] solidairement avec M. [R] à payer à M. [J] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [K] solidairement avec M. [R] aux entiers dépens.

L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 24 avril 2023 par ordonnance et avis de fixation à bref délai, avec clôture de la procédure à la date du 11 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la recevabilité de la demande de rétractation.

Il résulte de l’article 493 du code de procédure civile que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

L’article 496 du code de procédure civile prévoit que ‘S’il n’est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l’ordonnance n’émane du premier président de la cour d’appel. Le délai d’appel est de quinze jours. L’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse.

S’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance’.

L’article 497 du même code précise que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire.

Mme [K] et M [R] reprochent à la décision dont il est demandé la rétractation, de même qu’à celle rejetant leur demande de rétractation, d’avoir accepté une procédure dépourvue de toute prétention précise et fondée.

Néanmoins, il apparaît que la procédure en cause est notamment fondée sur absence de dépôt des comptes sociaux exigé par l’article L.232-21 du code de commerce, carence dont l’importance permet un recours à une procédure non contradictoire.

Dès lors, l’action ne peut être que déclarée recevable, comme l’a exactement retenu le premier juge.

Ce moyen sera donc rejeté.

II Sur le fond.

L’article L.232-21 du code de commerce énonce que ‘I. – Les sociétés en nom collectif dont tous les associés indéfiniment responsables sont des sociétés à responsabilité limitée ou des sociétés par actions sont tenues de déposer au greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, dans le mois suivant l’approbation des comptes annuels par l’assemblée ordinaire des associés ou dans les deux mois suivant cette approbation lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique :

1° Les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe, les rapports des commissaires aux comptes sur les comptes annuels et les comptes consolidés, éventuellement complétés de leurs observations sur les modifications apportées par l’assemblée qui leur ont été soumis ;

2° La proposition d’affectation du résultat soumis à l’assemblée et la résolution d’affectation votée ou la décision d’affectation prise.

Le rapport de gestion doit être tenu à la disposition de toute personne qui en fait la demande, selon des conditions définies par décret en Conseil d’Etat.

II. – En cas de refus d’approbation ou d’acceptation, une copie de la délibération de l’assemblée est déposée dans le même délai.

III. – Les obligations définies ci-dessus s’imposent également aux sociétés en nom collectif dont tous les associés indéfiniment responsables sont des sociétés en nom collectif ou en commandite simple dont tous les associés indéfiniment responsables sont des sociétés à responsabilité limitée ou par actions.

IV. – Pour l’application du présent article, sont assimilées aux sociétés à responsabilité limitée ou par actions les sociétés de droit étranger d’une forme juridique comparable’.

Les appelants contestent qu’il soit démontré dans la requête initiale des circonstances suffisantes à caractériser la nécessité de procéder non contradictoirement au remplacement de la direction, du fait des manoeuvres adverses et des agissements de M. [I] dans le cadre de la société objet du litige.

Ils estiment qu’il n’est pas rapporté d’erreur de gestion et que son seul objectif est d’accaparer cette direction, ce qui est survenu lors de l’assemblée générale du 24 octobre 2022.

La cour constate que l’ordonnance précitée du 20 septembre 2022 ordonne la désignation d’un mandataire ad’hoc en faisant état de malversations, d’une gestion de fait de la part d’une personne interdite de diriger et de l’impossibilité d’obtenir les comptes de la société. Cette même décision autorise donc ce mandataire à convoquer l’assemblée générale de la société en vue du remplacement de ses organes de direction.

Afin de justifier cette dernière mesure, l’ordonnance attaquée du 17 novembre 2022 relève que la désignation du mandataire ad’hoc pour révocation des organes de direction ne répond pas aux dispositions des articles 493 et 494 du code de procédure civile, mais apparaît légitime en ce que l’assemblée générale de la société objet du litige ne s’est pas tenue dans les délais légaux, donc que les comptes sociaux n’ont pas été approuvés et déposés au registre du commerce et des sociétés. Elle ajoute que cette assemblée générale d’approbation des comptes est un moment stratégique pour la société, moment privilégié où les associés peuvent prendre connaissance de la situation financière et renouveler, ou pas, leur confiance aux dirigeants.

Il ressort de ces deux décisions qu’aucun fondement légal n’est invoqué par le premier juge pour fonder l’organisation d’une assemblée générale, non pour approuver les comptes sociaux, mais révoquer les organes de direction, révocation pourtant ordonnée.

Mieux, il sera remarqué qu’il n’est justifié devant la cour par MM. [I] et [J] d’aucune pièce, en particulier à propos des difficultés importantes de fonctionnement de la société CEVAD.

La décision attaquée sera donc infirmée, l’ordonnance précitée du 20 septembre 2022 rétractée et l’assemblée générale du 24 octobre 2022 annulée.

III Sur les demandes annexes.

Aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement MM. [I] et [J], qui succombent au principal, supporteront in solidum la charge des dépens.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce, l’équité commande que MM. [I] et [J] soient condamnés, in solidum à verser à M. [R] et Mme [K], ensemble, la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Périgueux le 17 novembre 2022, sauf en ce qu’elle a déclaré la société CEVAD, Mme [K] et M. [R] recevables en leurs demandes ;

Statuant à nouveau,

RETRACTE l’ordonnance rendue le 20 septembre 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Périgueux ;

ANNULE l’assemblée générale du 24 octobre 2022 ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes supplémentaires ou contraires ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum MM. [I] et [J] à verser à Mme [K] et à M. [R], ensemble, la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum MM. [I] et [J] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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