Redressement de l’URSSAF : 7 juillet 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03946

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Redressement de l’URSSAF : 7 juillet 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03946

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 07/07/2022

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N° de MINUTE : 22/

N° RG 21/03946 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TX42

Jugement (N°2020021428) rendu le 15 juin 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

La Société Véribat, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

ayant son siège social 23 Avenue Maurice de Vlaminck 59510 Hem

représentée et assistée par Me Emmanuel Lacheny, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Madame [S], [C] [H] épouse [G]

née le 16 mars 1952 à Lille (59000), de nationalité française

demeurant 85 rue Nationale 59185 Provin

Monsieur [X], [A] [G]

né le 22 septembre 1983 à Seclin (59113), de nationalité française

demeurant 3 rue Jean-Baptiste Lebas 59185 Provin

Madame [E], [T] [G]

née le 11 juin 1977 à Seclin (59113), de nationalité française

demeurant 12 rue Emile Dubois 59196 Salome

représentés et assistés par Me Eric Delfly, substitué à l’audience par Me Jacques-Eric Martinot, avocats au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 26 avril 2022 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 juillet 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 avril 2022

****

Le 8 juillet 2016, Mmes [S] et [E] [G] et M. [G] ont cédé 100 % de la SARL [G], spécialisée dans les travaux de terrassement, à la société Véribat venant aux droits de Monsieur [R] [I] qui avait précédemment signé, le 12 mai de la même année, un protocole d’accord avec faculté de substitution.

Dans un premier temps, la cession a été convenue pour un prix de 900 000 € sur la base d’un arrêté des comptes au 30 juin 2016.

À la suite d’un désaccord entre les parties, une sentence arbitrale, telle que prévue au protocole, a été rendue le 3 juillet 2017 qui a fixé le prix définitif à la somme de 749 832 €.

Une garantie d’actif et de passif (GAP) avait été signée le 8 juillet 2016 contenant une garantie de bilan avec un seuil de déclenchement à 5 000 € et un plafond de garantie à 180 000 €.

Cette GAP était assortie d’une garantie à première demande, à concurrence de la somme maximale de 180 000 €, consentie par Axa banque le 1er juillet 2016 et expirant le 31 décembre 2019 minuit, en échange d’une délégation partielle à hauteur de cette même somme d’un contrat d’assurance-vie souscrit par Mme [S] [G].

Par acte du 23 janvier 2018, les consorts [G] ont assigné devant le tribunal de grande instance d’Arras, pour manquement à son obligation de conseil, la SCP notariale et Me [M], Notaire à Arras et rédacteur des actes de cession.

Par jugement du 22 mai 2019, le tribunal a condamné Me [M] à leur payer la somme de 143 544 €.

Par courrier du 15 janvier 2019, le conseil du cessionnaire a mis en demeure les cédants d’avoir à lui payer la somme de 238 496,45 € au titre de la GAP, somme intégralement contestée par ces derniers par courrier du 13 février 2019.

Début 2020, Mme [G] a été informée par Axa banque que la garantie à première demande qui lui avait été signifiée le 30 décembre 2019 avait été mise en ‘uvre et que la compagnie avait libéré les fonds à hauteur de 180 000 € en date du l4 janvier 2020.

Par acte introductif d’instance délivré le 14 janvier 2020, les consorts [G] ont assigné en référé Axa banque, Véribat et Monsieur [I] pour dire que 1’appel en garantie de la société Axa était frauduleux et pour condamner la société Véribat à rembourser la somme de 180 000 €.

Par ordonnance du 2 avril 2020, le juge des référés a « au Principal, renvoyé les parties à se pourvoir et, au provisoire, débouté les consorts [G] de l’ensemble de leurs fins, demandes et prétentions à l’encontre d’Axa banque ».

Concomitamment, à la suite d’une requête des consorts [G] à laquelle le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lille a donné une suite favorable par ordonnance du 4 mars 2020, il a été procédé à la saisie-conservatoire sur le compte de la société Véribat ouvert dans les livres de la Caisse d’épargne de la somme de 180 121,72 €, correspondant aux sommes libérées par Axa banque majorées du coût de l’acte.

Saisi d’une demande de main-levée de la saisie pratiquée par acte du 28 juillet 2020, le juge de l’exécution par jugement en date du 7 juin 2021 y a fait droit.

Le 25 mars 2020, les consorts [G] ont alors assigné la société Véribat et Monsieur [R] [I] devant le tribunal de commerce de Lille Métropole pour juger au fond le litige qui les oppose.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 15 juin 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

– dit recevables Madame [S] [C] [H] épouse [G], Monsieur [X] [A] [G] et Madame [E] [T] [G] en leurs demandes ;

– dit que l’appel en garantie par la société Véribat de la société Axa banque n’est pas fondé ;

– débouté la société Véribat de tous ses moyens, fins et conclusions ;

– condamné la Société Véribat à payer à Madame [S] [C] [H] épouse [G], Monsieur [X] [A] [G] et Madame [E] [T] [G] la somme de 180 000 € au titre de la GAP perçue de manière injustifiée ;

– dit que la somme de 180 000 € est restituée à Axa banque conjointement à la levée de la saisie qui en a été faite par les Consorts [G] ;

– mis hors de cause Monsieur [R] [I] à titre personnel ;

– condamné la Société Véribat à payer à Madame [S] [C] [H] épouse [G], Monsieur [X] [A] [G] et Madame [E] [T] [G] la somme globale de 5 000 € à répartir entre eux au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution ;

– condamné la Société Véribat aux entiers frais et dépens de l’instance, taxés et liquidés à la somme de 126.72 € en ce qui concerne les frais de Greffe.

Par déclaration en date du 15 juillet 2021, la SARL Véribat a interjeté appel, reprenant dans son acte l’ensemble des chefs de la décision, en intimant uniquement Madame [S] [C] [H] épouse [G], Monsieur [X] [A] [G] et Madame [E] [T] [G].

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 14 mars 2022, la société Véribat demande à la cour, au visa des articles 1103 et 2321 du Code civil, des articles 31, 32 et 700 du Code de procédure civile, de :

– infirmer le jugement rendu le 15 juin 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole dans l’ensemble de ses dispositions critiquées, à savoir ;

– dit recevables Madame [S] [C] [H] épouse [G], Monsieur [X] [A] [G] et Madame [E] [T] [G] en leurs demandes ;

– dit que l’appel en garantie par la société Véribat de la société Axa banque n’est pas fondé ;

– débouté la société Véribat de tous ses moyens, fins et conclusions ;

– condamné la Société Véribat à payer à M Madame [S] [C] [H] épouse [G], Monsieur [X] [A] [G] et Madame [E] [T] [G] la somme de 180 000 € au titre de la GAP perçue de manière injustifiée ;

– dit que la somme de 180 000 € est restituée à Axa banque conjointement à la levée de la saisie qui en a été faite par les Consorts [G]

– condamné la Société Véribat à payer à Madame [S] [C] [H] épouse [G], Monsieur [X] [A] [G] et Madame [E] [T] [G] la somme globale de 5 000 € à répartir entre eux au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Et, vu l’effet dévolutif de l’appel, statuant de nouveau ;

– dire et juger que l’inexécution des obligations nées du contrat de garantie d’actif et de passif du 8 juillet 2016 par les consorts [G] est caractérisée concernant :

o l’exploitation par la société [G], sans autorisation administrative et sur des parcelles ne pouvant accueillir une telle activité, d’une installation de stockage de déchets inertes ;

o le passif issu du contrôle Urssaf réalisé chez la société [G] pour la période antérieure à la cession ;

o l’absence de déclaration de tous les sinistres assurés par l’assureur SMABTP et l’absence de provision dans les comptes au 31.12.2015 des franchises correspondantes ;

– condamner Madame [S] [C] [H] épouse [G], Monsieur [X] [A] [G] et Madame [E] [T] [G] à verser à la société Véribat la somme de 180 000,00 € conformément à la convention de garantie d’actif et de passif du 8 juillet 2016 ;

– condamner solidairement Madame [S] [C] [H] épouse [G], Monsieur [X] [A] [G] et Madame [E] [T] [G] à payer à la société Véribat la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du CPC outre les entiers frais et dépens de la présente instance.

Elle plaide que l’argumentaire présenté par les consorts [G] sur le fondement de l’appel frauduleux à la garantie bancaire est irrecevable, ces derniers acquiesçant à la décision des premiers juges en sollicitant la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, lesquels n’ont pas statué sur le caractère frauduleux de l’appel à la contre-garantie bancaire consentie par Axa mais uniquement sur son caractère justifié.

Elle estime qu’il convient d’examiner les obligations nées du contrat de garantie d’actif et de passif et de vérifier leur correcte exécution.

Elle fait valoir que les déclarations concernant le respect de la réglementation de l’environnement sont contraires à la réalité, à raison de l’exploitation par la société [G], sans autorisation administrative et sur des parcelles ne pouvant accueillir une telle activité, d’une installation de stockage de déchets inertes, puisque :

– sur plainte d’un exploitant, la société STB matériaux, la DRIRE, en date du 2 mai 2016, a découvert sur 2 parcelles des déchets inertes, une installation de stockage de tels déchets nécessitant une autorisation que la société [G] ne possédait pas et conduisant la DREAL à notifier à la société par courrier du 17 juin 2016 reçu le 27 juin 2016 un projet d’arrêté la mettant en demeure de régulariser la situation administrative du site ou de cesser ses activités ;

– le texte de la GAP réservait certes l’enquête réalisée, mais le projet d’arrêté n’était pas mentionné au texte de la garantie pas plus qu’il n’était joint, les déclarants dissimulant ce projet ;

– les déclarations selon laquelle une procédure de demande d’enregistrement d’une zone de stockage temporaire de déchets inertes était en cours, laissant ainsi penser que ce processus de régularisation avait été initié pour permettre la poursuite de cette exploitation d’un site de stockage des déchets inertes sur le site postérieurement à la cession, sont mensongères ;

– aucun professionnel de l’environnement n’avait été mandaté en la matière ;

– le cessionnaire a pris attache avec la DREAL lui précisant étudier la mise en place d’un enregistrement après avoir été informé de la situation le 21 juillet 2016, ce qui n’a pu avoir lieu puisque le 29 juillet 2016, la préfecture notifiait l’arrêté portant mise en demeure de régulariser la situation administrative de la société tout en suspendant ses activités jusqu’à la régularisation de la situation ;

– l’enregistrement d’une installation de stockage inerte sur les parcelles exploitées s’avérait impossible, sans changement du plan local d’urbanisme, imposant pour respecter l’arrêté notifié de déposer en date du 25 juillet 2016 un dossier de cessation d’activité ;

– les conséquences préjudiciables d’une telle dissimulation et de la cessation subséquente de l’installation de stockage de déchets inertes sur le site l’exploitation de la société [G] sont déterminantes, le coût du dépôt en décharges agréées et les coûts correspondants n’étant pas pris en compte et la société produisant le détail des frais engagés au titre de ces frais de mise en décharge qu’elle a été contrainte d’engager postérieurement à la cessation de l’exploitation du site de stockage jusqu’à l’exercice clos au 31.12.2020 ;

– en cas de paiements annuels de ces frais antérieurement à la cession des titres, le résultat annuel de la société aurait été réduit du même montant réduisant à due concurrence les capitaux propres de la société, élément pris en considération pour fixer le prix de cession des titres de la société [G].

Elle revient sur le passif issu du contrôle Urssaf réalisé chez la société [G] pour la période antérieure à la cession soulignant que :

– le contrôle de l’Urssaf a été fomenté par Mme [G], mécontente de ne pas avoir eu gain de cause dans le cadre de la procédure arbitrale, laquelle a pris en compte les éléments de l’audit social, éléments qu’elle a transmis à l’Urssaf ;

– cette vérification a entraîné un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d’assurance chômage et d’AGS, sur la période antérieure à la cession des actions de la société [G], d’un montant total en principal de 9 932 € complété des majorations de retard de 1 738 €, soit au total la somme de 11 670 € ;

– ce passif n’apparaissait pas dans les comptes antérieurs à la cession de la société [G] et doit être mis à la charge des cédants, le tribunal ayant commis une erreur lorsqu’il estime que les conséquences du contrôle Urssaf ont été déjà pris en compte par l’arbitrage puisque les motifs retenus par le contrôle Urssaf sont totalement distincts des motifs de l’arbitrage.

Elle ajoute que tous les sinistres assurés par l’assureur SMABTP n’ont pas été déclarés et toutes les franchises correspondantes n’ont pas fait l’objet de provisions dans les comptes, précisant que seuls 2 sinistres ont été déclarés alors que 4 étaient en cours lors de la cession. Plusieurs sinistres n’ont pas été provisionnés dans les comptes ou seulement partiellement.

Elle s’oppose à l’appel incident, précisant que la responsabilité à l’égard des dirigeants n’est engagée à l’égard des tiers que si la faute commise est génératrice d’un préjudice pour eux et que s’il existe un lien de causalité entre faute et préjudice, tel n’étant pas le cas, puisque la libération des fonds est certes intervenue à la levée de la saisie-vente, mais une saisie attribution a été immédiatement réalisée au titre du jugement querellé pour le montant de la garantie.

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 10 janvier 2022 portant en entête comme intimés représentés par le conseil adverse : la société Véribat et M. [I], Madame [S] [C] [H] épouse [G], Monsieur [X] [A] [G] et Madame [E] [T] [G] demandent à la cour, au visa de l’article 1103 du Code civil, de la garantie d’actif et de passif et de la garantie de la société Axa banque, de :

– confirmer en toutes ses dispositions l’arrêt querellé sauf en ce qu’il a mis hors de cause M. [R] [I] à titre personnel,

– et statuant à nouveau sur ce chef,

– condamner solidairement M. [R] [I] avec la société Véribat au paiement de la somme de 180 000 euros au titre de l’appel frauduleux de la GAP,

– condamner solidairement la société Véribat et M. [I] à payer aux consorts [G] une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– les condamner en tous les frais et dépens de l’instance et d’appel.

Ils reviennent sur l’erreur rédactionnelle du protocole exploitée par la société Véribat et sur la nouvelle procédure visant à renouveler la stratégie de diminution du prix par des astuces juridiques, en utilisant non pas la Gap mais le garant de la Gap, la société Axa Banque.

Au titre de l’existence d’un appel frauduleux du garant à première demande, ils font valoir que le paiement intervenu en exécution de la garantie à première demande ne doit pas avoir pour effet de modifier la charge probatoire de ce débat sur l’exécution ou l’inexécution du contrat de base, qui est régi par les règles de preuve du droit commun, celui invoquant la garantie de passif devant établir le bien-fondé de ses demandes.

La demande est parfaitement recevable, n’étant pas présentée contre la société Axa mais contre les bénéficiaires de la garantie, lesquels ne démontrent pas le bien-fondé de leurs demandes.

Ils soutiennent qu’il peut être démontré que pour une très faible partie, les sommes réclamées ont été déduites du prix provisoire ou ne sont étayées par aucune pièce, et pour la partie la plus importante, sont hors champs de la garantie d’actif et de passif. L’appel étant fait et la libération effectuée, au titre de la garantie à première demande, ils estiment avoir droit de solliciter la condamnation à paiement du bénéficiaire sur le fondement du caractère abusif.

Ils opposent que :

– la demande au titre du risque social a été prise en compte dans le cadre de la diminution du prix et de toute façon ne serait due que diminuée de l’impact de l’impôt sur les sociétés, le calcul des capitaux propres variant en fonction du résultat net constaté sur le compte de référence ;

– les éléments relatifs à des sinistres ne sont pas produits, l’existence même d’une créance et son lien de rattachement avec la GAP étant à ce point absents que la fraude est tout autant caractérisée ;

– s’agissant de la mobilisation au titre de l’installation de déchets inertes non autorisés, le préjudice invoqué ne s’inscrit pas au titre d’un passif non déclaré ou d’un actif comptabilisé ou non déprécié figurant dans les comptes de références, mais d’un manquement éventuel à une obligation de loyauté et d’information à l’origine, non de la dépréciation des comptes de référence, mais des comptes suivants, ce qui constitue donc un litige hors champ de la GAP, soit un litige de responsabilité contractuelle, d’autant que le cessionnaire était informé des faits, lequel n’a tout simplement pas envisagé la nécessité d’avoir recours à un stockage spécialisé.

Ils en déduisent une obligation de restitution des fonds libérés par la société Axa.

Ils sollicitent la condamnation solidaire de M. [I], rappelant le droit applicable à la faute détachable des fonctions du dirigeant et soulignant le caractère intentionnel de la mise en ‘uvre frauduleuse et dissimulée de la garantie, l’appel en garantie devant se lire comme une recherche de trésorerie par le dirigeant qu’il obtiendra par la libération du garant à l’insu des cédants en préparation d’une insolvabilité grandissante. Le seul objectif de cet appel est de nuire aux cédants et de préparer la procédure collective à venir en comblant la trésorerie, pour pouvoir ainsi partager les sommes entre les créanciers privilégiés.

***

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 avril 2022.

À l’audience du 26 avril 2022, le dossier a été mis en délibéré au 7 juillet 2022.

Par message RPVA adressé le 29 avril 2022, Me [Y] n’étant constitué devant la présente cour que pour la SARL Véribat, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l’irrecevabilité des demandes formulées par le conseil des consorts [G] à l’encontre de M. [R] [I], en l’absence d’appel provoqué régulier formulé par leurs soins à l’encontre de ce dernier et dénoncé à la cour, nul ne pouvant être condamné sans avoir été appelé à l’instance.

Aucune note dans le délai imparti n’a été régularisée par les parties.

MOTIVATION :

– Sur l’éventuelle fin de non-recevoir

En vertu des dispositions de l’article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 954 du même code précise que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Aux termes de développements confus, la société Véribat soutient qu’ « en acquiesçant à la position des premiers juges, lesquels n’ont pas statué sur le caractère frauduleux de l’appel à la contre-garantie bancaire consentie par AXA Banque mais sur son seul caractère justifié, les consorts [G] sont irrecevables à soutenir cette argumentation ».

Néanmoins, la cour constate, qu’elle n’est saisie, aux termes du dispositif des écritures de l’appelant, d’aucune fin de non-recevoir, visant à écarter, sans examen au fond, les demandes de l’intimé, conformément aux dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile ci-dessus rappelé.

Il n’y a pas donc lieu de répondre plus avant à cette argumentation, étant toutefois observé que le seul fait de solliciter la confirmation d’une décision dans le dispositif des écritures ne vaut pas nécessairement acquiescement aux motifs de la décision, les intimés pouvant parfaitement invoquer de nouveaux moyens ou des moyens différents de ceux ayant conduit les premiers juges à adopter la solution retenue, tout en souhaitant conserver le sens de la décision initiale.

Ce moyen est rejeté.

– Sur la mise en ‘uvre de l’appel en garantie

Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

Aux termes de l’article 1235 ancien du Code civil, tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition.

Aux termes de l’article 1315 ancien du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Aux termes de l’article 2321 ancien du Code civil, la garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.

Le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre.

Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie.

Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie.

En l’espèce, les parties se prévalent chacune d’une pièce intitulée dans leur bordereau convention de garantie d’actif et de passif, communiquée sous le numéro 3 pour la société Véribat et sous le numéro 2 pour les consorts [G], qui pourtant divergent dans leur mention.

Néanmoins, la cour ne peut que constater que la pièce n° 2 de l’intimée, intitulée de manière erronée « garantie d’actif et de passif en date du 8 juillet 2016 », n’est en réalité qu’un projet, puisqu’elle porte certes des paraphes lesquels ne peuvent toutefois être rattachés à l’identité des personnes mentionnées en exergue, mais n’est ni datée ni signée et comporte en outre des mentions laissées en blanc, notamment l’identité du bénéficiaire et de nombreuses dates des documents préparatoires ou des formalités nécessaires à l’opération.

Par contre la pièce numéro 3 de la société Véribat, dont il n’est nullement argué par les consorts [G] qu’elle ne corresponde pas à la convention définitivement arrêtée entre les parties et à leur exemplaire, présente des énonciations complètes, une date en exergue et des signatures à l’issue du document, ainsi qu’un timbre d’enregistrement avec les frais liés à cette formalité.

Appréciant souverainement la valeur des pièces probantes qui lui sont produites, la cour retient comme preuve de la seule expression de la volonté définitive des parties la pièce 3 de la société Véribat, au titre de la convention de garantie d’actif et de passif souscrite en date du 8 juillet 2016.

Cette garantie d’actif passif conclue entre les parties stipule ceci :

– 3-38 « Caractère substantiel des déclarations :

Les cédants reconnaissent que toutes les déclarations faites, toutes les garanties données par eux aux termes des présentes garanties sont considérées comme étant de l’essence même de cette convention et comme ayant été déterminante pour l’acquisition des actions de la société par le cessionnaire.

De plus, les cédants déclarent et attestent qu’aucune des déclarations et garanties contenues dans la présente ne contient une fausse information ou omet un fait susceptible de rendre les déclarations trompeuses.

Enfin, les cédants ne pourront pas se soustraire aux obligations de garanties souscrites aux présentes et à la responsabilité financière en résultant en invoquant leur méconnaissance des faits de la cause.

Le rapport d’audit a été communiqué par le cessionnaire au cédant. Tous les faits et éléments révélés par l’audit seront pris en compte dans l’établissement de la situation bilantielle au 30 juin 2016 et seront exclus de la présente Garantie et ne donneront lieu à aucune indemnisation à ce titre ».

– 4 – « Garantie de bilan :

I- en conséquence des déclarations énoncées ci-dessus :

– les cédants garantissent ce qui suit, s’engageant à couvrir et à indemniser la cessionnaire de cent pour cent (100 %) du montant de :

1) tout passif ne figurant pas dans les comptes de la société établis à la date de réalisation de la cession quelle que soit la nature de ce passif, dès lors qu’il n’aurait pas été inscrit, comptabilisé, provisionné ou qu’il aurait été insuffisamment provisionné dans les comptes, et qu’il résulte d’une décision, d’un fait ou d’un événement antérieur à la prise d’effet des présentes cessions ;

2) La différence entre la valeur globale retenue dans les comptes arrêtés au 30 juin 2016 des éléments d’actif de la société et la valeur réelle desdits éléments d’actif pour le cas où l’un ou plusieurs de ses éléments seraient surévalués à la date de prise d’effet des présentes cessions au regard d’évènements survenus antérieurement ou postérieurement à ladite date.

3) Tout préjudice subi du fait de poursuites pénales engagées à l’encontre de la société ou de ses dirigeants ;

4) Tout passif résultant d’engagements hors bilan ne figurant pas dans les comptes arrêtés au 30 juin 2016 ;

-5) Toute créance client inscrite dans les comptes arrêtés à la date de réalisation de la cession qui ne serait pas payée dans les 18 mois de la facture

6) Et d’une manière générale, des conséquences préjudiciables qui pourraient résulter pour la bénéficiaire d’inexactitudes ou d’omissions contenues dans les déclarations et garanties énoncées ci-dessus.

[‘.]

III ‘ L’indemnisation visée aux paragraphes précédents prendra la forme d’un versement de la part des cédants, au profit de la cessionnaire, à titre de réduction du prix de la cession des droits sociaux dont il s’agit à due concurrence de son montant’.

Il est convenu entre les parties que l’engagement des cédants ne pourra être mis en jeu qu’au-delà d’un seuil de déclenchement de la garantie fixé globalement à 5 000 euros pour l’ensemble de la durée de la garantie et l’ensemble des cédants.

En conséquence si le montant global des sommes dues pendant la durée de la garantie excède 5 000 euros, les sommes dues seront prises en charge dès le premier euro.

La mise en ‘uvre des garanties ici consenties ne pourra avoir pour effet d’entraîner des remboursements supérieurs pour l’ensemble des cédants à un montant global des indemnisations pour la garantie égal à 180 000 euros.

Les obligations des cédants s’appliqueront à toute réclamation de la part de la cessionnaire entrant dans l’objet de la garantie défini plus avant, dont le fait générateur est né antérieurement à la date d’effet des cessions, qui aura été notifiée aux cédants au cours d’une période commençant à courir à la date d’effet des cessions et venant à expiration :

– à l’expiration du délai de prescription majoré de 30 jours en matière fiscale, douanière, salariale (salaires’.) et de cotisations sociales ;

– en tous autres domaines jusqu’au 31 décembre 2019 inclusivement.

‘.

Les cédants devront être informés le plus rapidement possible et en tout cas dans les quinze (15) jours calendaires de la date à laquelle la société ou la cessionnaire en aura eu connaissance, de tout fait, de toute réclamation, contestation ou revendication émanant d’un tiers quelconque (notamment avis de contrôle en matière fiscale) et susceptible de donner lieu à garantie dans les termes du présent contrat, et ce par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au domicile élu et accompagnée de toutes pièces justificatives, de manière à ce qu’ils soient toujours en mesure d’intervenir au mieux de leurs intérêts.[…]

Le non-respect des délais d’information visés ci-dessus n’aura pour effet d’entraîner la déchéance des droits de la cessionnaire à indemnisation au titre des garanties conférées par les présentes que dans la mesure où il aura privé les cédants de l’exercice d’un recours ».

Si avant l’exécution de la garantie à première demande par le garant, le donneur d’ordre ne peut s’opposer au paiement que s’il démontre l’abus ou la fraude manifeste du créancier, solution d’origine prétorienne inscrite depuis l’ordonnance du 23 mars 2006, dans l’alinéa 2 de l’article 2321 du Code civil ci-dessus rappelé, la preuve du caractère manifestement frauduleux ou abusif de l’appel en garantie n’est plus à apporter, postérieurement au paiement du créancier, dans le cadre de la demande en restitution du donneur d’ordre, contrairement à ce que laisse entendre la présentation adoptée par les consorts [G] pour fonder leur demande.

Il n’est pas contesté et contestable que la société Axa banque, en sa qualité de garant, en exécution de la garantie à première demande, a versé à la société Véribat, en sa qualité de bénéficiaire, la somme de 180 000 euros, somme en définitive supportée à la demande du garant par le donneur d’ordre, lequel sollicite restitution au bénéficiaire de la garantie du montant versé par le garant qu’il estimait ne pas être dû.

Or, il a été jugé que si, après la mise en ‘uvre d’une garantie à première demande, le donneur d’ordre réclamait au bénéficiaire de celle-ci le montant versé par le garant qu’il estimait ne pas être dû, ce litige, eu égard à l’autonomie de la garantie à première demande, ne portait que sur l’exécution ou l’inexécution des obligations nées du contrat de base, de sorte qu’il incombait à chaque partie à ce contrat de prouver cette exécution ou inexécution conformément aux règles de preuve du droit commun.

Il s’en évince que le recours du donneur d’ordre, après mise en ‘uvre de la garantie de passif, entre dans le champ du droit des contrats et relève du droit commun notamment en matière de preuve, ce qui suppose démontrer que les conditions de mise en ‘uvre de ladite garantie et l’existence d’une créance soient établies pour chacun des motifs invoqués.

1) sur l’exploitation par la société [G], sans autorisation administrative et sur des parcelles ne pouvant accueillir une telle activité, d’une installation de stockage des déchets inertes :

Pour solliciter l’indemnisation des conséquences préjudiciables à hauteur de 201 747,25 euros, soit le montant des factures de mise en décharge pour les années 2016 et 2017, après avoir souligné qu’en moyenne ce poste est annuellement de 142 845 euros, ce qui aurait généré s’il avait été pris en compte avant cession, un montant des capitaux propres de la société négatif au jour de la cession selon elle, la société Véribat se prévaut d’un manquement à la réglementation environnementale applicable au stockage des matériaux inertes, d’un manquement à l’information faute d’avoir eu communication, avant cession, du projet d’arrêté mettant en demeure de régulariser la situation administrative du site ou de cesser ses activités, notifié par la DREAL le 27 juin 2016, d’une déclaration mensongère relative à l’existence d’une procédure de demande d’enregistrement d’une zone de stockage temporaire de déchets inertes en cours, sur le fondement des dispositions précitées de l’article 3-38 mais surtout des articles 3-35 et 3-34 de la convention.

Aux termes de ces deux derniers, il est stipulé que :

– article 3-35 : respect de la réglementation de l’environnement, « la société s’est conformée aux diverses réglementations applicables en matière d’environnement.

La société n’est pas soumise à des obligations lui imposant d’obtenir les autorisations pour la poursuite de ses activités actuelles notamment en matière d’émission de bruits, odeurs, déchets ou substances toxiques.

La société ne fait pas et n’a jamais fait l’objet d’enquêtes, d’injonctions, plaintes ou sanctions dans des domaines liés au respect de la législation environnementale, à l’exception de l’enquête réalisée par la Dreal relative à l’existence de déchets inertes sur certains terrains de l’exploitation.

Les travaux prescrits ont été exécutés.

Une procédure de demande d’enregistrement d’une zone de stockage temporaire de déchets inertes est en cours.

La société est titulaire des différents permis, licences, inscriptions et autorisations administratives qui sont nécessaires à l’exercice de ses activités ».

– article 3-34 : respect de la réglementation en vigueur : « la société s’est conformée à l’ensemble des réglementations qui lui sont applicables au titre de ses activités, tant en France qu’à l’étranger. Elle ne fait l’objet d’aucun action, procédure ou réclamation devant les tribunaux ou instances administratives de la part des administrations ou autorités compétentes.

La société n’a pas reçu à ce jour notification d’une injonction de faire ou d’une infraction, même contestée, susceptible d’avoir pour conséquence de lui interdire tout ou partie de ses activités, de restreindre cet exercice ou de déprécier ses actifs.

La société n’a pas commis d’irrégularité au regard de la réglementation de la concurrence et des prix qu’elle soit nationale ou communautaire.

La société, à la connaissance des cédants, n’a jamais fait l’objet d’enquêtes, d’injonctions, plaintes ou sanctions, à cet égard les cédants n’ont pas connaissance d’évènements qui seraient susceptibles d’en provoquer ».

Au vu de ces dispositions et de l’article 4 suivant lequel « en conséquence des déclarations énoncées ci-dessus :

– les cédants garantissent ce qui suit, s’engageant à couvrir et à indemniser la cessionnaire de cent pour cent (100 %) du montant de : […]

6) Et d’une manière générale, des conséquences préjudiciables qui pourraient résulter pour la bénéficiaire d’inexactitudes ou d’omissions contenues dans les déclarations et garanties énoncées ci-dessus », il en résulte que contrairement à ce qu’affirment les consorts [G], le litige n’est « pas hors champ de la Gap, [comme] s’inscriv[ant] dans le cadre de la responsabilité contractuelle ou éventuellement des manquements dolosifs et rien d’autre ».

Des pièces du dossier, on peut retenir que :

– un diagnostic de pollution des sols, daté de mars 2016, demandé préalablement à la cession par Mme [G] et réalisé par la société Airele, mentionne la présence de zones de stockage de déchets inertes, la pollution des sols et la nécessité de porter à la connaissance des prochains acquéreurs et occupants dans le cas d’une vente ou location du terrain le rapport, la société Véribat ne contestant pas en avoir eu connaissance ;

– le protocole d’accord du 12 mai 2016, signé entre M. [I], lequel se substituera la société Véribat dont il est associé avec son épouse, et les consorts [G], envisage au titre de conditions suspensives de l’opération « le surfaçage par le Cédant, par l’apport de terre végétale sur une épaisseur de 10 cm, de la partie des terrains de l’entreprise sur laquelle une pollution a été constatée suivant le rapport Airelle ci-annexé (annexe 7) et dont le cessionnaire a pris connaissance préalablement aux présentes, ou la provision dans les comptes de la société du montant de ces travaux » ;

– cette condition suspensive est rappelée en page 4 de l’acte de cession en date du 8 juillet 2016 entre les consorts [G] et la société Véribat, cédants et cessionnaire constatant même que « les engagements incombant aux parties ont été respectés » ;

– suite à une plainte de la société STB Matériaux, une inspection a été réalisée par la DREAL donnant lieu à un rapport adressé à Mme [G] le 24 mai 2016, qui caractérisait l’existence d’un site de stockage de déchets inertes sur deux parcelles, le fait qu’une telle installation relève du régime de l’enregistrement au titre de la nomenclature des installations classées, l’absence d’autorisation détenue par la société [G] pour ce stockage, et la proposition envisagée par Mme la préfète de mettre en demeure l’exploitant en application de l’article L512-7 du code de l’environnement, soit de régulariser la situation administrative du site dans un délai de 3 mois via le dépôt d’un dossier de demande d’enregistrement conforme aux dispositions des articles R 512- 46-1 et suivants du code de l’environnement, l’activité étant suspendue jusqu’à ce que l’inspection ait statué sur la demande d’enregistrement et sur l’exécution des mesures compensatoires prévues (élimination des déchets non admissibles en installation de stockage de déchets inertes), soit de cesser ses activités et en procédant à la remise en état prévue à l’article L 512-7 du code de l’environnement.

– dans ces écritures, après avoir rappelé le rapport de la société Airele, la société Véribat indique que « la Dreal adressait par courrier daté du 24 mai 2016 son rapport d’inspection du 2 mai précédent. Aucun autre document ne concernant cette problématique de l’installation de stockage de déchets inertes ne sera remis par les cédants avant la signature de l’acte définitif de cession de titres le 8 juillet 2016 ».

– cette question environnementale n’a pas été abordée dans le rapport d’audit réalisé par ECC ni devant l’arbitre nommé dans le cadre de la procédure de fixation du prix définitif.

De l’ensemble de ces éléments, il se déduit que l’existence même d’une procédure pour non-respect de la réglementation environnementale, concernant précisément l’absence d’autorisation de stockage des déchets inertes, a été expressément réservée dans le cadre des déclarations de la Gap, dans l’alinéa 3 de l’article 3-35.

Par ailleurs, il ne saurait être tiré aucun argument pour tenter d’accréditer un défaut d’information du fait que le terme générique « enquête » ait été employé.

En effet, il résulte des différents actes et faits ci-dessus détaillés que la société Véribat connaissait les préconisations de l’inspecteur, lequel détaille précisément la proposition de mise en demeure avec les différentes alternatives de remédiation.

Elle était en outre informée du choix même des consorts [G] quant à la solution envisagée, à savoir l’élimination des déchets et la cessation de ce stockage, puisqu’il était question uniquement de demander « une autorisation d’enregistrement d’une zone de stockage temporaire de déchets inertes » (souligné par la cour).

Ce fait est d’ailleurs attesté par l’évolution même de la rédaction de la clause 3-35, entre la pièce 2 des consorts [G], s’agissant du projet de convention de GAP, selon lequel : « la société s’est conformée aux diverses réglementations applicables en matière d’environnement.

La société n’est pas soumise à des obligations lui imposant d’obtenir les autorisations pour la poursuite de ses activités actuelles notamment en matière d’émission de bruits, odeurs, déchets ou substances toxiques.

La société ne fait pas et n’a jamais fait l’objet d’enquêtes, d’injonctions, plaintes ou sanctions dans des domaines liés au respect de la législation environnementale, à l’exception de l’enquête réalisée par la Dreal relative à l’existence de déchets inertes sur certains terrains de l’exploitation

La société est titulaire des différents permis, licences, inscriptions et autorisations administratives qui sont nécessaires à l’exercice de ses activités », et celui définitivement adopté et rappelé en exergue des présents développements dans le cadre de la convention de garantie d’actif passif souscrite par les parties (pièce 3 de l’appelant).

Ainsi, la société Véribat se trouvait informée de l’absence d’autorisation de stockage de déchets inertes et de la cessation envisagée de cette activité, ce que corrobore d’ailleurs le fait que cette question n’ait pas été soumise à l’arbitre dans le cadre de la sentence arbitrale relative au prix définitif, alors même que le cessionnaire était entré dans les lieux depuis de nombreux mois et soutient que le poste lié aux frais de décharges, sur 5 ans, aurait généré s’il avait été pris en compte avant cession, un montant des capitaux propres négatifs au jour de la cession, élément susceptible, à le supposer établi, de minorer le prix.

Aucune disposition n’imposait une transmission dans un certain délai de la notification du projet d’arrêté au bénéficiaire ni l’annexion de ce projet d’arrêté à la convention de GAP, dès lors qu’au vu des éléments ci-dessus rappelés la société Véribat était parfaitement informée de cette question environnementale, réservée par les consorts [G] dans le cadre des déclarations de l’article 3-35.

Quant à la mention relative à l’existence d’une procédure de demande d’enregistrement d’une zone de stockage temporaire de déchets inertes en cours, il n’est pas justifié qu’une telle procédure ait été initiée par les consorts [G] avant la cession.

Néanmoins, il ne peut qu’être constaté qu’au regard des travaux effectués, visant à éliminer les déchets et à appliquer un surfaçage, dont les cédants et cessionnaires ont constaté qu’ils étaient respectés dans l’acte de cession, cette demande d’autorisation temporaire n’était plus nécessaire pour des faits trouvant leur naissance avant la cession.

Il revenait au cessionnaire pour sa propre exploitation, à partir de la cession, d’envisager de demander une telle autorisation temporaire, à supposer qu’elle soit possible, ce qu’elle n’était pas au vu du classement en zone naturelle au plan local d’urbanisme de ces parcelles.

Le fait qu’une telle procédure d’enregistrement n’ait pas été initiée ou qu’il ait été faussement indiqué qu’une telle procédure était en cours n’a pas fait perdre à la société Véribat la possibilité d’obtenir l’autorisation litigieuse, laquelle ne pouvait être délivrée au regard du plan local d’urbanisme, élément que la société, informée de l’absence d’autorisation et de la situation même des parcelles par les rapports Airele et de la DREAL, était en mesure de connaître en consultant la réglementation relative à l’occupation des sols.

Cette déclaration fausse n’est donc pas de nature à avoir eu des conséquences préjudiciables pour le cessionnaire.

Contrairement à ce que laisse entendre la société Véribat, en se prévalant des dispositions de l’article 3-34 de la convention de garantie d’actif/passif, il n’existe aucune interdiction, restriction d’activité à raison d’un non-respect de la réglementation, puisque ce n’est pas l’activité de la société [G] elle-même qui se trouve encadrée par la décision litigieuse, mais uniquement les conditions d’exploitation de l’activité de la société [G].

La société Véribat ne peut donc exciper d’un quelconque manquement aux déclarations contenues dans la convention d’actif/passif en matière de réglementation environnementale ou administrative à l’origine de conséquences préjudiciables, susceptible de justifier la mise en ‘uvre de la garantie.

2) sur le passif issu du contrôle social pour la période antérieure à la cession :

Le contrôle Urssaf, réalisé à la demande de Mme [G], dans le cadre de cette cession, sur les années 2014 à 2016 couvertes par la garantie d’actif et de passif, a, après vérification, donné lieu à une lettre d’observations en date du 27 octobre 2017, qui conclut à un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d’assurance dommage et d’Ags d’un montant total de 9 932 euros.

La société Véribat justifie avoir dénoncé ce passif, conformément aux stipulations de la convention de garantie d’actif et de passif, aux cédants et avoir honoré les sommes à la suite de la mise en demeure délivrée.

Cependant, les consorts [G] estiment l’appel de la GAP de ce chef frauduleux, le cessionnaire ayant d’ores et déjà obtenu sur la base d’un risque social une diminution du prix de cession et ne pouvant plus, lorsque le risque se révèle même très faible, en exiger la garantie.

En effet, et comme l’ont justement rappelé les premiers juges, un audit a été diligenté, dans le cadre de cette cession de fonds de commerce par le cabinet ECC Expertise comptable et conseil, en vue d’expertiser la situation générale de l’entreprise, ses comptes et effectuer un bilan social, ledit audit ayant conclu à un risque de redressement Urssaf à hauteur de 108 292 euros, à l’origine de la saisine de l’arbitre, lequel dans le cadre de sa sentence arbitrale du 3 juillet 2017, a réduit le prix de cession provisoire de 900 000 euros à 749 832 euros.

Si la société Véribat glose sur les raisons ayant conduit les consorts [G] à déclencher un tel contrôle et sur le fait que le contrôle porte sur des points distincts, soulignant en outre qu’il existe une confusion entre le principe de la fixation du prix tenant compte des éléments de bilan et d’audit soumis à l’arbitre avec un passif social résultant d’un contrôle Urssaf intervenu postérieurement à la cession, il n’en demeure pas moins que le risque social, relaté par le cabinet ECC et pris en compte pour la fixation définitive du prix, tout comme le contrôle Urssaf, quand bien même il aurait été déclenché postérieurement à la cession, concerne bien le bilan social de la société pour les mêmes années, à savoir les années 2014 à 2016.

Or, au vu des stipulations de la GAP, à l’article 3-38 in fine, suivant lesquelles « Le rapport d’audit a été communiqué par le cessionnaire au cédant. Tous les faits et éléments révélés par l’audit seront pris en compte dans l’établissement de la situation bilantielle au 30 juin 2016 et seront exclus de la présente Garantie et ne donneront lieu à aucune indemnisation à ce titre », l’opposition des cédants à la prise en compte de ce passif et le rejet par le tribunal d’une quelconque demande de ce chef par le cessionnaire sont justifiées.

Ce passif ne peut faire l’objet d’une mise en jeu et d’un appel de la garantie par la société Véribat.

3) sur les sinistres liés à la garantie décennale :

Aux termes des stipulations de la convention, il est prévu :

– article 3-15 Provisions : « Toutes les provisions relevant d’une bonne gestion comptable et financière ont été constatées dans les écritures comptables et, notamment, toutes les provisions nécessaires ont été faites pour toute imposition directe ou indirecte grevant ou pouvant grever la société pour la période se terminant le 31 décembre 2015, ainsi que toutes les provisions liées au chiffre d’affaires réalisé, aux salaires versés ou dus » ;

. – à l’article 3-22 Assurances, notamment que « la société n’a contrevenu à aucune disposition de ses polices d’assurance et a effectué, dans les délais requis, toutes les diligences nécessaires pour être indemnisée dans les meilleures conditions au titre des sinistres déjà survenus ou susceptibles de survenir…. la société n’a subi aucun sinistre de nature à entraver ou perturber ses activités habituelles ou susceptibles d’entraîner une augmentation des primes d’assurance » ;

– à l’article 23-23 Litiges que « la société n’est partie soit en défense, soit en demande, à aucun procès contentieux, litige, ni à aucun arbitrage ou à aucune autre procédure, à l’exception de celle visée en annexe 3-23 des présentes. À la connaissance des cédants, aucune procédure, aucune action, aucune réclamation, ou aucune investigation de quelque nature que ce soit, n’est susceptible d’être entamée par la société ou à l’encontre de cette dernière ou de ses dirigeants. De même aucun acte d’un mandataire social ou d’un salarié n’est susceptible d’engager la responsabilité ».

La société Véribat, qui par courrier du 15 janvier 2019 adressé aux garants a révélé subir un certain nombre de sinistres, non provisionnés ou de manière insuffisante pour un montant de 16 379,20 euros, mentionne désormais avoir été contrainte de verser à l’assureur des franchises ou des compléments de franchises pour un montant de 15 300, 95 euros, justifiant l’appel de la garantie de ce chef.

Il est versé aux débats, outre la convention et son annexe 3-23 mentionnant des sinistres et des montants, une feuille sans en tête mais reprenant la même typographie que l’annexe d’une liste de sinistres et de montants, un extrait, non certifié, du grand livre des comptes arrêté au 31 décembre 2015 pour le compte « autres provisions pour risques », et un tableau intitulé « État des franchises non provisionnées ou partiellement au 31 décembre 2015 », ledit tableau étant repris dans le corps des écritures de la société Véribat.

Les pièces produites sont insuffisantes à établir la réalité de ces sinistres, les montants en litige et les franchises appliquées par l’assureur. Aucune attestation de l’assureur et de l’expert-comptable n’est produite, ce qui ne permet pas de s’assurer de la réalité des quantums énoncés et du paiement des sommes mentionnées.

Ainsi, sans qu’il soit même nécessaire de s’interroger plus avant, la société Véribat ne prouvant pas avoir supporté un passif non pris en compte, l’appel de la garantie de ce chef, au vu des pièces versées, et ce même en cause d’appel, alors que les premiers juges avaient déjà souligné l’indigence des pièces produites au soutien de cette demande, ne se justifiait pas,

En conséquence, par une juste appréhension des faits de la cause et du droit applicable, les premiers juges ont estimé que l’appel de la garantie de la société Axa Banque par la société Véribat n’était pas justifiée et condamné cette dernière à restituer aux consorts [G] la somme de 180 000 euros.

Aucune critique n’est élevée contre le chef de la décision ayant dit que la somme de 180 000 euros est restituée à la société Axa Banque conjointement à la levée de la saisie qui en a été faite par les consorts [G].

– Sur l’appel incident des consorts [G]

En vertu des dispositions de l’article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l’article 31 du Code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Les consorts [G] sollicitent l’infirmation de la décision de première instance les ayant déboutés de leur demande de condamnation solidaire de M. [I] avec la société Véribat à leur payer la somme de 180 000 euros sur le fondement de la responsabilité du dirigeant pour faute détachable de ses fonctions, formant appel incident de ce chef.

Cependant, la société Véribat n’a pas intimé à la présente procédure d’appel M. [I] et aucun appel provoqué régulier n’a été formé à l’encontre de ce dernier par les consorts [G], et n’a encore moins été dénoncé par remise au greffe.

M. [I], qui n’est ni appelant, ni représenté par le conseil de la société Véribat, et faussement indiqué comme tel dans l’entête des écritures des consorts [G], n’est ni présent, ni appelé à la présente procédure d’appel, rendant irrecevable l’appel incident et l’ensemble des demandes formées à son encontre, nul ne pouvant être jugé sans avoir été régulièrement appelé.

Les moyens développés par la société Véribat sur la demande de condamnation de M. [I] et la demande de confirmation du chef du jugement concernant ce dernier sont sans objet, ledit chef n’ayant pas été déféré à la cour.

– Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la société Véribat succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont confirmés.

Les sens de la présente décision commande de condamner la société Véribat à payer aux consorts [G] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 15 juin 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉCLARE irrecevables l’appel incident et les demandes formées par Mme [S] [H] épouse [G], M. [A] [G] et Mme [E] [G] contre M. [R] [I], pris en son nom personnel,

CONDAMNE la société Véribat à payer à Mme [S] [H] épouse [G], M. [A] [G] et Mme [E] [G] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Véribat de sa demande d’indemnité procédurale ;

CONDAMNE la société Véribat aux dépens d’appel.

Le greffierLe président

Marlène ToccoLaurent Bedouet

 


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