COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 12 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/07151 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MPUF
S.C.P. SILVESTRI-BAUJET
c/
Monsieur [O] [U] [D]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
Monsieur [Z] [CS]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié aux parties par LRAR le :
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 décembre 2021 (R.G. 20/00012) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ANGOULEME suivant déclaration d’appel du 31 décembre 2021
APPELANTE :
S.C.P. SILVESTRI-BAUJET, pris en qualité de liquidateur de l’association COGNAC CHARENTE BASKET BALL, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 5]
représentée par Maître Patrick TRASSARD, substituant Maître Philippe ROCHEFORT de la SCP JURIEL, avocat au barreau de CHARENTE
INTIMÉS :
Monsieur [O] [U] [D], né le [Date naissance 1] 1973 à COGNAC (16100), de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
représentée par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX et assisté par Maître Denis WERQUIN, avocat au barreau de POITIERS
Monsieur [Z] [CS], né le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 6]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Dorian AUBIN, avocat au barreau de BORDEAUX et assisté par Maître Hortense DOUARD, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des l’articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 13 juin 2022 en audience publique en double rapporteur, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie PIGNON, chargé du rapport et devant Madame Elisabeth FABRY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré la Cour composée de :
Madame Nathalie PIGNON, Président,
Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,
Madame Anne Marie CHASSAGNE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
L’association Cognac Charente basket-ball a pour objet le développement des forces physiques et morales de ses adhérents par la pratique de l’éducation physique et du basket-ball.
Par jugement du 2 juillet 2018, le tribunal de grande instance d’Angoulême a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de l’association et a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 5 avril 2018.
La SCP Silvestri-Baujet a été nommée en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 24 août 2018, la mesure a été convertie en liquidation judiciaire et par décision du 23 mai 2019, le tribunal de grande instance d’Angoulême a fixé la date de cessation des paiements au 2 janvier 2017.
M. [D] a fait appel de cette décision et par arrêt du 25 juin 2020, la cour d’appel de Bordeaux a confirmé la décision de première instance.
Par actes d’huissier du 20 octobre 2020, la SCP Silvestri-Baujet ès qualités de liquidateur de l’association Cognac Charente basket-ball, a assigné les dirigeants de l’association en leur nom personnel devant le tribunal de grande instance d’Angoulême aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire au paiement de l’insuffisance d’actif soit la somme de 884 204 euros.
Par jugement contradictoire du 16 décembre 2021, le tribunal judiciaire d’Angoulême a :
– rejeté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par M. [O] [D],
– débouté l’Association Cognac Charente basket-ball de ses demandes formées à l’encontre de Messieurs [N] [W], [I] [C], [YM] [K], [H] [P], [A] [T], [MN] [V], [R] [E], [A] [F] et [B] [S] et de Mme [Y] [X],
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de I’article 700 du code de procédure civile au profit de Messieurs [N] [W], [I] [C], [YM] [K], [H] [P], [A] [T], [MN] [V], [R] [E], [A] [F] et [B] [S] et de Madame [Y] [X],
– condamné solidairement M. [O] [D] et M. [Z] [CS] à payer à la SCP Silvestri-Baujet ès qualités de liquidateur de l’association Cognac Charente basket-ball les sommes de :
1°) 50 000 euros représentant le montant de leur contribution à l’aggravation de |’insuffisance
d’actif de ladite association,
2°) 2 000 euros au titre de I’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’articIe 700 du code de procédure civile au profit de Messieurs [O] [D] et [Z] [CS],
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,
– condamné solidairement M. [O] [D] et M. [Z] [CS] aux dépens.
Par déclaration du 31 décembre 2021, la SCP Silvestri-Baujet a interjeté appel de cette décision à l’encontre des chefs qu’elle a expressément énumérés, intimant MM [D] et [CS].
Par ordonnance du 17 janvier 2022, la présidente de la chambre commerciale, considérant que l’affaire relevait d’une fixation à bref délai, l’a fixée à l’audience du 16 mai 2022 à 14h00.
Prétentions des parties
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 16 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la SCP Silvestri-Baujet demande à la cour de:
– condamner solidairement M. [O] [D], M. [Z] [CS] à payer la somme de 900 000 euros,
– condamner M. [O] [D], M. [Z] [CS] à payer chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction des dépens employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
La SCP Silvestri-Baujet fait notamment valoir que la qualité de dirigeant de MM [D] et [CS] ne fait pas l’objet de contestation ; qu’ils ont tous deux commis des fautes consistant à ne pas déclarer l’état de cessation des paiements de l’association, en la poursuite d’une activité déficitaire et en la tenue d’une comptabilité non conforme aux dispositions du code de commerce.
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 28 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, M. [D] demande à la cour de:
– débouter l’appelante de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la SCP Silvestri-Baujet à lui payer la somme de 3 000 euros ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [D] fait notamment valoir que l’insuffisance d’actif à la date du 31 mai 2016 était exclusivement liée à la gestion de l’ancienne direction, avant qu’il ne prenne la direction de l’association.
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 15 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, M. [CS] demande à la cour de:
– sur l’appel principal,
– juger infondé l’appel formé par la SCP Silvestri-Baujet tendant à la réformation du jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Angoulême du 16 décembre 2021 et à sa condamnation solidaire au paiement de la somme de 960 000 euros,
– rejeter l’appel de la SCP Silvestri-Baujet,
– sur l’appel incident,
– à titre principal,
– dire et juger qu’aucune faute de gestion sur le fondement de l’article L651-2 du code de commerce ne peut lui être imputée,
– en conséquence,
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Angoulême du 16 décembre 2021,
– statuant à nouveau,
– rejeter les demandes formées par la SCP Silvestri-Baujet à son encontre,
– à titre subsidiaire,
– limiter la condamnation pécuniaire à son encontre à une somme inférieure à celle prononcée par le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Angoulême du 16 décembre 2021,
– en toute hypothèse
– condamner la SCP Silvestri-Baujet à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SCP Silvestri-Baujet aux entiers dépens.
M. [CS] fait notamment valoir qu’il ne disposait pas du pouvoir de déclarer l’état de cessation des paiements, que malgré son statut de trésorier, il n’exerçait pas la plénitude des prérogatives liées à cette fonction, ayant été cantonné à un simple rôle gestionnaire de la comptabilité immédiate ; qu’il n’a intégré le conseil d’administration de l’association qu’à compter de septembre 2016 alors que le passif est constitué de litiges prud’homaux dont les procédures ont été engagées en 2015, d’un contrôle Urssaf antérieur à septembre 2016 et de la reprise du passif de la société sportive qui date de 2015.
Le dossier a été communiqué au Ministère Public, lequel, par conclusions du 13 avril 2022, a conclu à la confirmation du jugement à l’égard de M. [D], estimant qu’il est démontré un lien de causalité entre les fautes de gestion commises par lui et l’insuffisance d’actif constaté, lequel a aggravé le passif. Le Ministère Public a soutenu que sa condamnation à une interdiction de gérer n’était cependant ni opportune, ni adaptée à sa qualité de dirigeant bénévole.
Concernant M. [CS], le Ministère Public a conclu à l’infirmation du jugement soutenant que si sa qualité de dirigeant ne peut être réellement contestée, ayant été nommé trésorier de l’association, en l’état, aucune faute de gestion ne peut lui être reprochée.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2022 et le dossier a été fixé à l’audience du 16 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
Le rejet de la demande de nullité de l’assignation ne fait l’objet d’aucune discussion devant la cour, M. [D] se contentant à hauteur d’appel de conclure au débouté de l’appelante de l’ensemble de ses demandes, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce point.
Aux termes des dispositions de l’article L. 651-2 alinéa 1er du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, ‘lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée…’
Ainsi, pour être engagée, la responsabilité du dirigeant, qu’il soit de droit ou defait, nécessite que soient établies :une insuffisance d’actif, dont l’existence et le montant sont appréciés au moment où statue la juridiction saisie de l’action en responsabilité ;
l’existence d’une faute caractérisée, commise à l’occasion de la gestion de l’entreprise, ettémoignant d’une mauvaise gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif au jour de laliquidation judiciaire, et qui ne soit pas une simple négligence ;un lien de causalité entre la faute de gestion et l’insuffisance d’actif.
L’insuffisance d’actif est égale au passif antérieur déclaré admis, moins l’actif réalisé ou la valorisation certaine de l’actif. La condamnation d’un dirigeant au paiement des dettes sociales suppose qu’au jour où le juge statue, l’insuffisance d’actif soit certaine, c’est-à-dire que le montant du passif est indiscutablement supérieur à l’actif, que celui-ci ait ou non été réalisé. Le montant de la condamnation ne peut excéder celui de l’insuffisance d’actif telqu’il est constaté au jour où le juge statue. L’auteur du dommage ne peut pas réparer plus que le préjudice.
En l’espèce, il est reproché aux intimés par le mandataire liquidateur de ne pas avoir déclaré l’état de cessation des paiements de l’association, d’avoir poursuivi une activité déficitaire et d’avoir tenu une comptabilité non conforme aux dispositions du code de commerce.
Des pièces produites aux débats, il ressort que l’actif disponible doit être évalué à la somme de 36.625,70 euros correspondant à la réalisation du matériel mobilier et du matériel d’exploitation, aux comptes clients recouvrés, au solde du compte bancaire et des intérêts.
Le passif définitif, tel qu’établi par le juge-commissaire, et publié au BODACC s’établit au total à la somme de 993.573,29 euros.
L’insuffisance d’actif est en conséquence caractérisée.
La date de cessation des paiements de l’Association Cognac Charente Basket Ball a été fixée par jugement du tribunal de grande instance d’Angoulême à la date du 2 janvier 2017.
Le 10 juillet 2014, avait été créée la SAS Cognac Charente Basket Ball, détenue à 51% par l’association Cognac Charente Basket Ball, 35 % par l’association SPORTISSIME, et 14% par la SARL H3CA.
Cette société, qui devait assurer la gestion des équipes 1 et 2 dans le cadre d’une convention signée avec l’association, avait pour directeur général, aux termes de l’assemblée générale de la société du 20 janvier 2015, la société MANAVA, dont le représentant légal était M. [O] [D].
Les conséquences notamment fiscales et sociales de cette création ont conduit la société à connaître des difficultés financières, la société présentant au 30 juin 2015 un résultat net comptable négatif de – 158.782,76 euros.
La société MAVANA, représentée par Monsieur [O] [D], a démissionné de ses fonctions de directrice générale avec effet au 27 juillet 2015, et parallèlement, la société a mis fin à la convention la liant à l’association, entrainant la reprise par cette dernière des droits sportifs de l’équipe première.
De ce fait, les dispositions de l’article 307 des Règlements Généraux de la Fédération Française de Basketball (devenu l’article 308), prévoyant : ‘lors de la cessation de la convention liant une association support à une société sportive, la reprise de la gestion des droits sportifs confiés à la société par l’association support implique obligatoirement et automatiquement la reprise à son compte des contrats en cours d’exécution et du passif de cette structure à la date de la cessation’, l’association a repris à son compte les contrats en cours d’exécution et le passif de la société.
M. [D] qui assumait les fonctions de directeur général de la SAS jusqu’en juillet 2015 n’ignorait donc ni la situation financière de la société, ni l’obligation pour l’association de reprendre son passif ainsi que les contrats en cours, de sorte qu’il était parfaitement informé des difficultés de l’association, dès avant sa prise de fonctions en qualité de président de l’association.
Au 31 mai 2105, l’association présentait un exercice déficitaire faisant apparaître une perte de 202.144 euros.
Il résulte en outre du procès verbal de l’assemblée générale ordinaire de l’association du 9 décembre 2015, à laquelle M. [D] assistait, que le rapport de gestion communiqué lors de cette assemblée générale faisait état de difficultés financières entrainant d’une part la nécessité de négocier un plan de financement avec le crédit agricole et la Société Générale et d’autre part le refus du commissaire aux comptes de certifier les comptes en l’état.
De ce qui précède, il résulte que M. [D], président par intérim de l’association dans le courant du mois de juin 2016 à la suite de la démission de l’ancien président, puis président à compter du 22 septembre 2016, n’ignorait pas la situation financière très obérée de l’association.
S’il ne peut être reproché à M. [D] d’avoir été à l’origine de ce déficit, ni d’y avoir contribué, en revanche, il est constant qu’il savait, lors de sa prise de fonctions de président en juin 2016 que la situation financière de l’association était déjà gravement obérée.
Par ailleurs, le conseil de prud’hommes d’Angoulême a, par jugement du 2 juin 2016 notifié le 8 juin 2016, condamné l’association à verser à M.[G] [J] la somme totale de 26.460 euros, et par jugement du 9 juin 2016 notifié le 21 juin 2016, l’a condamnée à verser la somme de 110.917,37 euros à M. [DV] [M], ce sous le bénéfice de l’exécution provisoire.
Lors de l’assemblée générale du 11 juillet 2016, M. [D] a expliqué que le déficit de l’association était explicable par la dette de la SAS CCBB, et a indiqué que l’association avait fait appel de la décision concernant M. [DV].
L’expert-comptable de l’association, la société PWC, a, le 24 janvier 2017, adressé un courrier à M. [D] mentionnant notamment : ‘Vous venez de recevoir la plaquette des comptes définitifs établis au 31 mai 2016.
Ces derniers font apparaître un déficit comptable de 527.939 euros avec des capitaux propres négatifs de 759.342 euros.
L’ampleur du déficit de cet exercice trouve son explication dans les faits suivants :
– La perte d’expoliation de l’exercice est de 164.798 euros (sur l’exercice précédent, il s’élevait à -197.856 euros)
– Les provisions pour risques et charges ont été dotées pour un montant de 296.000 euros ce qui porte à 341.000 euros le montant de ces provisions comptabilisées sur les comptes au 31 mai 2016…’
Quand bien même, comme le soutient M. [D], le conseil de l’association se montrait optitmiste sur l’issue de la procédure d’appel diligentée à l’encontre des deux décisions du conseil de prud’hommes d’Angoulême, il était tenu, en sa qualité de dirigeant de constater que la situation financière de l’association nécessitait que le bilan soit déposé.
Contrairement à ce qu’affirme M. [D] dans ses écritures, il était donc informé dès janvier 2017 de la situation financière catastrophique de l’association. Malgrè cet état de cessation des paiements avéré, il n’a procédé à la déclaration de cessation des paiements que le 1er juin 2018, un an et demi plus tard.
Ce premier grief est établi à son encontre.
En revanche, c’est à juste titre sur ce point que M. [CS], ancien joueur du club, trésorier bénévole de l’association depuis le 16 septembre 2016, fait observer qu’il ne disposait pas du pouvoir de procéder à la déclaration de cessation des paiements, et aucune faute sur ce point ne peut lui être imputée.
S’agissant de la poursuite d’une activité déficitaire, il est démontré que M. [D], alors qu’il était informé de la situation comptable de l’association dès janvier 2017, a sciemment minoré auprès des membres de l’association la réalité de ses difficultés financières, notamment lors de l’assemblée générale du 11 juillet 2016, alors qu’il connaissait l’ampleur du déficit de la SAS auquel l’association était tenue de faire face et ne pouvait ignorer que la condamnation au profi de M. [M] était assortie de l’exécution provisoire.
Par ailleurs, bien qu’alerté par l’expert-comptable de la situation catastrophique de l’association dans son courrier du 24 janvier 2017, M. [D] n’a pris aucune disposition pour apurer le passif, mais au contraire a, certes sur les conseils de l’avocat de l’association, omis de provisionner une somme suffisante pour faire face aux litiges prudhomaux.
La poursuite d’une activité déficitaire est donc également établie à son encontre.
M. [CS] n’a été nommé trésorier qu’en septembre 2016, soit postérieurement aux jugements du conseil de prud’hommes d’Angoulême ayant condamné l’association à verser des sommes importantes à deux salariés, et il n’est ni démontré ni allégué qu’il ait été informé lors de sa prise de fonctions de l’ampleur de ces condamnations, pas plus que de l’importance du passif de la SAS devant être repris par l’association.
En outre, il verse aux débats plusieurs attestations de membres de l’association, également rentrés au conseil d’administration en septembre 2016, qui soulignent que seules des informations générales sur la situation du club leur avaient été communiquées, M. [D] et le conseil de l’association leur donnant des informations rassurantes, notamment sur les litiges prudhomaux et sur un redressement URSSAF de 95.000 euros, à l’encontre duquel un recours avait été formé.
M. [F] précise en outre dans son attestation : ‘…Le rôle défini par le CA pour M. [CS] était de gérer la trésorerie du quotidien ainsi que le paiement des factures, paiement des joueurs… Je voudrais insister sur le fait que le bilan et les arrêtés divers n’étaient pas clôturés lors de notre arrivée dans ce CA. Nous étions au courant que le club avait quelques difficultés, minimisées par M. [D] ( président ) et l’avocat Me [L]…’.
M. [V] confirme dans son attestation : ‘M [CS] comme la plupart d’entre nous n’avions aucune connaissance des faits ou des modes de gestion antérieurs ni de la situation générale du club. En ce qui concerne M. [CS], j’ai la conviction que dans sa fonction de trésorier, il avait un rôle de gestionnaires de l’activité courante du club et plus particulièrement de la comptabilmité de la saison ‘courante’. Pour moi, il gérait uniquement le budget annuel sans avoir connaissance de l’historique des années précédentes à notre arrivée au sein du conseil d’administration…’
M. [W], également admistrateur à compter de septembre 2016 indique pour sa part : ‘..Pendant ces deux années (jusqu’au dépôt de bilan), la partie comptable était gérée par PWC (cabinet comptable) et les informations données par Mme [D], M. [CS] n’avait accès qu’à la gestion de la trésorerie de la saison en cours. M. Et Mme [D] ont bloqué tous les accès aux informations comptables, et restaient très évasifs lorsque nous posions des questions… Les premiers à donner l’alerte, lorsque les dossiers URSSAF et Prud’hommes ont évolué défavorablement (début avril 2018), sont M. [CS] et moi-même, nous avons pris aussitôt rendez-vous avec le commissaire aux comptes, M. [KK], ce qui a provoqié une colère noire de M. [D], ainsi que la cessation des paiements réelle…’.
De ces éléments, dont la crédibilité est notamment confirmée par les e-mails échangés entre M. [CS], M. ou Mme [D], et M. [KK], expert-compatble, il ressort que le rôle de M. [CS] était cantonné à la gestion courante de l’association, M. [D] et son épouse gardant la mainmise sur les comptes sociaux, auxquels M. [CS] n’a eu accès que très tardivement, ce qui l’a conduit à enclencher le processus aboutissant au dépôt de bilan de l’association.
La certification des comptes de l’association par le commissaire aux comptes, M. [UA] [KK], pour l’exercice clos au 31 mai 2016, les assurances de M. [D] et du conseil de l’association, le soutien des banques et des collectivités locales et l’absence de tout pouvoir réel sur la gestion des comptes ont pu laisser croire à M. [CS] que la situation de l’association lui permettait de continuer son activité.
M. [D], seul en mesure d’appréhender l’ampleur des difficultés financières, puisque seul à être en possession de l’ensemble des informations relatives à la situation financière passée de l’association, a, de façon fautive, sciemment poursuivi l’activité déficitaire, allant même jusqu’à tarder à réunir l’assemblée générale devant approuver les comptes, et ce malgré les demandes insistantes du commissaire aux comptes.
Le second grief formulé à son encontre de poursuite d’une activité déficitaire est donc également établi.
En revanche, compte tenu des éléments ci-dessus énoncé, de l’arrivée tardive de M. [CS], bénévole, au sein du conseil d’administration, de son éviction de toute décision stratégique, et de sa méconnaissance, du fait de M. [D], de l’ampleur du déficit déjà constitué, il convient, en infirmation de la décision entreprise, de dire qu’aucune faute à ce titre susceptible d’entraîner sa condamnation pour insuffisance d’actif n’est démontrée.
S’agissant de la tenue d’une comptabilité non conforme, la cour relève que les comptes annuels de l’exercice clos au 31 mai 2016 ont été certifiés par le commissaire aux comptes le 1er février 2017, mais qu’à cette date, M. [D] n’ignorait pas la nécessité, notamment, de passer les provisions pour les litiges prudhomaux, dont il connaissait l’issue, ce qui a abouti au refus de certification des comptes arrêtés au 31 mai 2017, au motif que l’association n’avait pas provisionné ses litiges perdus au conseil de prud’hommes et devait la somme de 131.000 euros.
La tenue d’une compatbilité non conforme, également imputable à M. [D], seul détenteur des informations ayant permis de passer les opérations comptables, est démontrée à son encontre.
Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, à savoir l’ignorance par M. [CS] de la situation financière excate de l’association, ce grief ne peut être retenu à son égard, de sorte qu’il convient, en infirmation de la décision entreprise, de mettre hors de cause M. [CS].
A l’inverse, la gravité des manquements de M. [D], et son obstination à ne pas tenir compte des condamnations prononcées à l’encontre de l’association pour un montant total supérieur à 130.000 euros justifie que sa condamnation soit portée à la somme 100.000 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qui concerne le quantum de la condamnation.
Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de M. [D] .
Il est équitable d’allouer à la SCP Silvestri Baujet la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, que M. [D] sera condamné à lui payer.
L’équité ne commande pas, en revanche, qu’une condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile soit prononcée au profit de M. [CS].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur le principe de la condamnation de M. [O] [D] au titre de sa contribution à l’aggravation de l’insuffisance d’actif de l’association Cognac Charente Basket Ball, et en ce qu’il l’a condamné au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Statuant à nouveau des chefs réformés :
Condamne M. [O] [D] à payer à la SCP Silvestri Baujet ès-qualité de liquidateur de l’Association Cognac Charente Basket Ball la somme de 100.000 euros représentant le montant de leur contribution à l’aggravation de l’insuffisance d’actif de ladite association,
Met hors de cause M. [Z] [CS] et déboute la SCP Silvestri Baujet ès-qualité de toutes ses demandes à son encontre ;
Condamne M. [O] [D] à payer à la SCP Silvestri Baujet ès-qualité la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [Z] [CS] ;
Condamne M. [O] [D] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.