Redressement de l’URSSAF : 6 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00422

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Redressement de l’URSSAF : 6 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00422

RUL/CH

[W] [E]

C/

S.A.S. ATIF ASSISTANCE TRAVAUX ET INGENIERIE FERROVIAIRE

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 06 AVRIL 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00422 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FWWN

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section Encadrement, décision attaquée en date du 03 Mai 2021, enregistrée sous le n° F 20/00148

APPELANT :

[W] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Elsa GOULLERET de la SELARL ESTEVE GOULLERET NICOLLE & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A.S. ATIF ASSISTANCE TRAVAUX ET INGENIERIE FERROVIAIRE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Charles PHILIP de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Ana LE NOUT, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [W] [E] a été embauché par la société Assistance Travaux et Ingénierie ferroviaire (ci-après société ATIF) par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 2 janvier 2017 en qualité d’ingénieur ferroviaire statut cadre, position 2, coefficient 130 de la convention collective des bureaux d’études techniques dite SYNTEC.

Le 27 août 2019, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison des manquements de l’employeur empêchant la poursuite de la relation de travail.

Par requête du 24 avril 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon afin de faire condamner l’employeur à un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, repos compensateur, prime de vacances et indemnité de déplacement et faire requalifier la prise d’acte de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le faire condamner aux conséquences indemnitaires afférentes.

Par jugement du 3 mai 2021, le conseil de prud’hommes a rejeté l’essentiel de ses demandes, sauf un rappel de congés payés et de prime de vacances, et l’a condamné à payer à la société ATIF une somme à titre d’indemnité compensatrice de préavis.

Par déclaration formée le 27 mai 2021, M. [E] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 26 janvier 2022, l’appelant demande de :

– infirmer le jugement déféré,

– condamner la société ATIF à lui régler les sommes suivantes :

* 1 553,33 euros bruts à titre de rappels d’heures supplémentaires, outre 155,33 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 6 267,77 euros bruts à titre de rappels de prime de vacances de 2017 à 2019,

* 167,70 euros bruts à titre de rappels d’indemnité de congés payés correspondant à 10 % de la rémunération annuelle brute,

* 12 475,20 euros nets à titre d’indemnités journalières de déplacement,

– juger que sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société ATIF à lui payer les sommes suivantes :

* 14 328,40 euros bruts à titre d’indemnité de préavis équivalente à trois mois de salaire, outre 1 432,84 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 2 961,87 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,

* 14 328,40 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 28 656,80 euros bruts à titre d’indemnité de travail dissimulé,

– condamner la société ATIF à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières écritures du 27 janvier 2022, la société ATIF demande de :

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– le débouter de sa demande de rappel d’heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents,

– le débouter de sa demande de versement d’une indemnité au titre d’un repos compensateur de remplacement,

– le débouter de sa demande de versement d’une indemnité au titre du travail dissimulé,

– limiter la condamnation au titre du rappel d’indemnités de congés payés à hauteur de 462 euros bruts et prononcer la compensation avec les sommes mises à sa charge,

– le débouter de sa demande au titre des indemnités journalières de déplacement,

– limiter la condamnation au titre des primes de vacances à hauteur de 1 150,80 euros bruts et prononcer la compensation avec les sommes mises à sa charge,

– juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail s’analyse en une démission,

– le débouter de l’ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire, limiter les condamnations aux montants suivants :

* à titre d’indemnité compensatrice de préavis : 12 409,02 euros bruts, outre 1 240,90 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 12 409,02 euros nets,

– le débouter de l’ensemble de ses autres demandes,

à titre reconventionnel :

– le condamner à lui verser une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 12 409,02 euros nets,

– le condamner à lui verser des dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale de son contrat de travail à hauteur de 500 euros nets,

– le condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail :

a – Sur le rappel d’heures supplémentaires :

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

M. [E] soutient que son contrat de travail du 2 janvier 2017 prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 35 heures et que s’il a bénéficié d’une clause de forfait en jours par avenant du 20 mai 2019, dans l’intervalle il a effectué de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées.

Il ajoute que deux journées ont été mentionnées en tant que congés sur ses bulletins de salaire alors que son pointage fait état de sa présence sur son lieu de travail et qu’il pouvait travailler le soir, jusqu’à 1h du matin, en supplément pour rendre les documents dans les temps.

Au titre des éléments qu’il lui appartient d’apporter, M. [E] produit un tableau sur la période de janvier à décembre 2017 fixant à 58 le nombre d’heures supplémentaires non majorées, ni récupérées, ni réglées, soit un rappel d’un montant de 1 553,33 euros, outre 155,33 euros à titre de congés payés afférents. (pièce n° 4)

La cour considère que ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Sur ce point, la société ATIF oppose que :

– le bénéfice d’une convention de forfait en jours en application des dispositions collectives ne constitue aucunement un droit,

– le décompte produit contrevient aux dispositions de l’article L.3121-29 du code du travail prévoyant que les heures supplémentaires se décomptent par semaine,

– seules les heures supplémentaires demandées par l’employeur ou effectuées avec son accord donnent lieu à majoration,

– le salarié doit apporter des éléments démontrant qu’il se tenait à la disposition de son employeur, se conformait à ses directives et ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles,

– le décompte du salarié ne permet pas d’établir la réalité des heures supplémentaires qu’il revendique dès lors qu’il ne précise pas s’il tient compte de ses temps de déplacements professionnels, lesquels ne constituent pas du temps de travail effectif et qu’il est établi sur la base de ses seuls pointages,

– le salarié a ajouté pour les besoins de la cause des références horaires sur certaines feuilles de pointage (avril à juin 2017), lesquelles ne figurent pas sur celles transmises à sa direction (pièce n° 11a),

– les rapports mensuels d’activité des années 2017, 2018 et 2019 ne font pas apparaître la réalisation d’heures supplémentaires (pièces n° 11a et 11b),

– le salarié n’a jamais alerté son employeur sur la réalisation d’heures supplémentaires à l’occasion de l’envoi de ses rapports mensuels d’activité,

– lors de ses entretiens individuels annuels de 2017 et 2018, le salarié n’évoque pas avoir réalisé des heures supplémentaires alors qu’il avait l’occasion de s’exprimer (pièces n° 13, 14a et 14b),

– trois salariés attestent que le salarié n’a jamais fait part, au cours de la relation contractuelle, d’heures supplémentaires qu’il aurait réalisées (pièces n° 23 à 25).

Néanmoins, étant relevé que le fait que trois salariés attestent que M. [E] n’a jamais évoqué avec eux la question des heures supplémentaires auxquelles il prétend n’est pas de nature à établir que ces heures n’ont pas été effectuées, et peu important que le décompte produit soit mensuel et non hebdomadaire dès lors qu’il est suffisamment précis pour permettre d’y répondre utilement, il ressort des écritures des parties et des pièces produites que le bulletin de paye du salarié est accompagné d’un rapport mensuel d’activité, établi par le salarié lui-même, sur la base duquel les éventuelles heures supplémentaires effectuées étaient payées.

Ces rapports mensuels sont les seuls documents sur la base desquels M. [E] fonde sa demande, hormis son décompte.

Or aucun horaire de travail ne figure sur les documents originaux transmis par le salarié à son employeur, de sorte qu’ils n’établissent pas la réalité des heures supplémentaires alléguées.

Par ailleurs les mentions manuscrites ajoutées par le salarié, dans des conditions et à une date indéterminées, sur les rapports mensuels d’activités qu’il produit induit qu’ils ne correspondent plus aux documents originaux sur la base desquels les payes ont été établies, ce qui les prive de toute valeur probante.

Il en est de même des courriers électroniques produits qui, s’il établissent une amplitude horaire parfois importante, ne déterminent pas un temps de travail effectif, l’horaire tardif de certains messages envoyés n’étant pas suffisant pour déduire la réalité des heures supplémentaires alléguées.

En conséquence, en l’absence d’élément objectif de nature à corroborer le décompte produit par le salarié, il y a lieu de considérer que la créance alléguée au titre des heures supplémentaires prétendument effectuées en 2017 n’est pas établie par les éléments qu’il verse aux débats, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande à ce titre, y compris en ce qui concerne les dommages-intérêts pour travail dissimulé fondés sur le non paiement des heures supplémentaires alléguées.

b – Sur le rappel de congés payés :

Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé qu’il a acquis, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congés payés.

Au visa de la convention collective applicable prévoyant que l’indemnité compensatrice de congés payés est calculée selon la règle du 1/10ème de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence (article L 3141-24 du code du travail), M. [E] soutient que :

– pour 2017, il a perçu 39 000 euros de salaires bruts mais seulement 3 749,50 euros au titre des congés payés afférents, soit un différentiel de 150,50 euros,

– pour 2018, il a perçu 39 900 euros de salaires bruts mais seulement 3 836 euros au titre des congés payés afférents, soit un différentiel de 154 euros,

– pour 2019, il a perçu 40 800 euros de salaires bruts mais seulement 3 922,50 euros au titre des congés payés afférents, soit un différentiel de 157,50 euros, outre 167,70 euros en cours d’acquisition.

La société ATIF admet que pour des considérations techniques liées aux nombreux congés payés pris par anticipation par M. [E] (33 au total), elle était redevable de la somme totale de 462 euros bruts au titre des congés payés afférents pour les années 2017 à 2019, somme au paiement de laquelle elle a été condamnée par le jugement déféré sans faire appel de ce chef.

S’agissant du rappel supplémentaire d’indemnité de congés payés à hauteur de 167,70 euros au titre des congés payés en cours d’acquisition, elle conclut au rejet de la demande dans la mesure où le bulletin de salaire de juillet 2019 fait apparaître un solde négatif de 2,83 jours et en août 2019, mois du départ du salarié, un solde à 0 résultant du fait que les 7 jours acquis ont été pris (pièce n° 9).

Il ressort effectivement des pièces produites que le solde de congés acquis par le salarié en 2019 était négatif en juillet puis égal à 0 en août. Il s’en déduit que M. [E] n’est pas fondé à réclamer le paiement d’un solde de congés payés au titre des congés payés en cours d’acquisition, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

c – Sur le rappel de primes de vacances :

Au visa de la convention collective applicable prévoyant une prime de vacances au moins égale à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés constatés au 31 mai, M. [E] soutient que cette prime ne lui a jamais été versée et ajoute que les primes ou gratifications versées en cours d’année peuvent être considérées comme des primes de vacances à condition qu’elle soit au moins égale aux 10% prévus et qu’une partie soit versée dans la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.

Il sollicite en conséquence la somme de 6 267,77 euros bruts, déduction faite de la somme de 1 150,80 euros bruts allouée par les premiers juges.

La société ATIF admet à cet égard que dans la mesure où les primes versées à M. [E] en 2017 (3 556,20 euros) et 2018 (6 012,14 euros – pièce n° 9) ne l’ont pas été entre le 1er mai et le 31 octobre de l’année comme l’exigent les dispositions conventionnelles, elle doit au salarié un rappel de prime de vacances basé sur l’avis d’interprétation des partenaires sociaux de la branche et s’établissant comme suit :

– au titre de l’année 2017 : 374,95 euros bruts,

– au titre de l’année 2018 : 383,60 euros bruts,

– au titre de l’année 2019 : 392,25 euros bruts,

soit un total de 1 150,80 euros bruts, montant à compenser avec les sommes mises à la charge du salarié au titre de la non-exécution de son préavis et de l’exécution déloyale de son contrat de travail au titre des articles 1347 et suivants du code civil.

En l’absence d’élément permettant à la cour de déterminer par quel mode de calcul le salarié aboutit aux sommes demandées, alors même que sur son décompte figurent à ce titre les sommes calculées par l’employeur ci-dessus évoquées (pièce n° 4), et étant en tout état de cause rappelé que les indemnités de congés payés en cours d’acquisition en 2019 par ailleurs rejetées ne peuvent figurer dans l’assiette de calcul, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a alloué à M. [E] la somme de 1 150,80 euros à ce titre.

d – Sur le rappel de paiement de l’indemnité journalière au titre des déplacements :

Au visa de la convention collective applicable, M. [E] soutient que :

– un accord particulier a été conclu afin qu’il bénéficie d’une indemnité journalière de 85 euros (pièce n° 11),

– le forfait province a été validé par compte rendu de réunion n° 4 du CSE du 18 janvier 2019, soit un forfait journalier de 85 euros et un repas du midi de 15,60 euros (point 5 – pièce n° 6),

– son contrat de travail prévoit qu’en cas d’affectation sur une mission de moyenne ou longue durée, il aura droit lors de ses déplacements au remboursement de ses frais de repas et de logement sous forme d’indemnité journalière de 85 euros,

– à compter de juillet 2017, ces dispositions ont été unilatéralement supprimées par l’employeur.

Il sollicite en conséquence un rappel à hauteur de 12 475,20 euros sur la période de juillet 2017 jusqu’à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

L’employeur oppose que :

– le salarié n’explique pas son mode de calcul,

– contrairement à ce qu’il affirme, il a bien bénéficié du forfait journalier de grand déplacement (85 euros) tous les mois, à l’exception des mois de juillet et août 2017 lors desquels M. [E] a présenté des notes de frais de déplacements quotidiens, contraignant la société à lui verser un remboursement au « réel » (pièce n° 9),

– l’article 2 de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles prévoit que l’indemnité de grand déplacement n’est pas cumulable avec des remboursements de frais réels comme cela a été expliqué au salarié (pièces n° 18, 20, 21a et 21b),

– l’indemnité lui a été versée alors même qu’il admet dans ses écritures qu’il rentrait à son domicile de manière quotidienne, exposant de fait l’employeur à un risque de redressement URSSAF,

et justifie à cet égard d’un tableau récapitulatif des indemnités de grands déplacements et remboursement de frais dont a bénéfice M. [E] pendant toute la relation contractuelle (pièce n° 22).

Au-delà du fait que lorsqu’il affirme dans ses écritures que dans son courrier électronique du 5 septembre 2017 son supérieur hiérarchique, M. [O], reconnaît refuser d’appliquer le contrat de travail prétextant qu’il fallait impérativement qu’il présente ses frais aller-retour en train, le salarié dénature le sens de cet échange, et étant observé que celui-ci admet dans ses écritures que tout en résidant à [Localité 4] (28) il effectuait des déplacements quotidiens à [Localité 5] (93) mais qu’il regagnait chaque jour son domicile, il ressort des pièces produites, en particulier des bulletins de paye, que le salarié a en réalité bénéficié d’une indemnité journalière de grand déplacement et de frais de repas selon les montants validés par le CSE et ce durant la totalité de la relation de travail.

Par ailleurs, il est démontré que le salarié ne peut cumuler lesdites indemnités forfaitaire et un remboursement en frais réel.

Il s’en déduit que M. [E] n’est pas fondé à réclamer le paiement d’une indemnité qu’il a déjà perçue, le jugement déféré étant confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

II – Sur la qualification de la prise d’acte :

La prise d’acte par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, ou d’une démission dans le cas contraire.

La charge de la preuve incombe au salarié.

En l’espèce, le 27 août 2019 M. [E] a notifié sa prise d’acte en raison des manquements graves de la société ATIF à ses obligations, notamment en matière de rémunération.

A ce titre, il indique que :

– en application de la convention collective applicable, il aurait dû bénéficier d’une convention de forfait en jours,

– des heures supplémentaires ne lui ont pas été réglées et par voie de conséquence des repos compensateurs n’ont pas été pris,

– il n’a pas été réglé de l’intégralité de ses congés payés,

– aucune prime de vacances ne lui a été versée contrairement aux stipulations de la convention collective,

– la convention collective prévoit qu’un ordre de mission doit être établi mais qu’il n’en a jamais eu connaissance,

– l’indemnité journalière contractuelle de 85 euros lui a été supprimée à compter de juillet 2017,

– dans le compte rendu du CSE du 18 janvier 2019 figure la possibilité de ventiler la journée de solidarité sur l’année alors que le 29 mars suivant le même CSE a imposé de travailler pour la journée de solidarité mais un courrier électronique du 29 mai 019 est venu changer de position.

La société ATIF oppose à cet égard que :

– la caractérisation d’un ou plusieurs manquements ne suffit pas à entraîner la requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse si ce(s) manquement(s) n’est pas d’une gravité telle qu’il(s) rend(ent) impossible la poursuite du contrat de travail,

– le grief fondé sur un rappel d’heures supplémentaires sur la période de janvier à décembre 2017 ne saurait s’assimiler à un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail dès lors que la relation de travail s’est poursuivie pendant plus de deux années avant que M. [E] formule cette demande pour la première fois lors de l’envoi de son courrier de prise d’acte de la rupture,

– l’indemnité au titre des repos compensateurs n’est pas due, pas plus que l’indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos au regard du seuil du contingent annuel des heures supplémentaires,

– en l’absence d’intention frauduleuse de l’employeur, aucune indemnité pour travail dissimulé n’est due et même si tel était le cas, cela ne saurait s’assimiler à un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail dès lors que le salarié n’a jamais abordé le sujet au cours de la relation de travail et que son courrier de prise d’acte de la rupture de son contrat de travail est également taisant sur le sujet,

– le rappel de congés payés, partiellement reconnu par l’employeur, est lié au chiffrage erroné par le logiciel du fait de la prise de congés payés par anticipation et non à une quelconque mauvaise foi de sa part et son montant (462 euros) au titre des trois dernières années de la relation contractuelle est loin d’un manquement grave aux obligations de l’employeur en matière de rémunération empêchant la poursuite du contrat de travail dès lors que M. [E] n’a jamais abordé le sujet au cours de la relation de travail ni présenté un quelconque chiffrage à son employeur,

– le rappel de primes de vacances au titre des années 2017 à 2019 admis par l’employeur à hauteur de 1 150,80 euros bruts ne saurait s’assimiler à un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail dès lors que M. [E] n’a jamais abordé le sujet au cours de la relation de travail, ni présenté un quelconque chiffrage à son employeur, avant sa prise d’acte,

– le rappel d’indemnité journalière au titre des déplacements est infondé puisque le salarié a été rempli de ses droits et en tout état de cause ne saurait s’assimiler à un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail dès lors que M. [E] n’a plus abordé le sujet à l’issue de son échange de courriers électroniques du 5 septembre 2017, ni présenté un quelconque chiffrage à son employeur, avant sa prise d’acte,

– le véritable motif de la rupture du contrat de travail est de s’exonérer de son préavis de 3 mois car insatisfait de son travail au sein de la société et n’ayant pas apprécié le recadrage de sa hiérarchie du 28 juin 2019 (pièce n° 19), il a cherché et trouvé une nouvelle activité professionnelle dès le 23 août 2019 en qualité de directeur de travaux publics, soit quelques jours avant sa prise d’acte du 27 suivant. (pièce n° 5)

Néanmoins, étant rappelé :

– d’une part que le bénéfice d’une convention de forfait en jours ne constitue pas un droit mais une faculté à laquelle l’employeur est libre de recourir ou pas, ce d’autant que la modalité « standard » de décompte du temps de travail des ETAM et cadres est, selon la convention collective, de 1 610 heures sur 12 mois consécutifs,

– d’autre part que le grief fondé sur le non paiement d’heures supplémentaires, et par voie de conséquence la non prise des repos compensateurs, n’est pas fondé, pas plus que le prétendu non paiement de l’indemnité journalière contractuelle de déplacement,

et peu important qu’il n’ait pas eu connaissance de l’établissement d’ordres de mission tel que prévu par la convention collective (point 40, 1° a), s’agissant d’un outil de gestion propre à l’entreprise qui n’emporte aucune conséquence sur le salarié dès lors que celui-ci bénéficie des indemnités afférentes à ladite mission, ce qui est le cas de M. [E],

le grief fondé sur le prétendu revirement de la société concernant la journée de solidarité ne ressort pas des pièces produites (le compte-rendu du CSE du 29 mars 2019 ne l’évoque pas et le courrier électronique du 29 mai 2019 n’est pas produit) de sorte qu’il n’est pas fondé, et au surplus ne serait pas d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

S’agissant des griefs fondés sur le non paiement de l’intégralité des congés payés et des primes de vacances en violation des stipulations conventionnelles, il ressort des développements qui précèdent qu’ils sont en partie fondés et qu’ils concernent la relation de travail dans son ensemble (462 euros au titre des congés payés pour 2017, 2019 et 2018 et 374,95 euros bruts en 2017, 383,60 euros bruts en 2018 et 392,25 euros bruts en 2019 au titre de la prime de vacances).

Le défaut de paiement du salaire ou d’un accessoire du salaire, même pour un faible montant, constitue un manquement grave de l’employeur aux obligations qu’il tire du contrat de travail, le paiement régulier et complet du salaire constituant son obligation principale.

Dès lors que l’employeur a méconnu cette obligation, et peu important que le salarié ait trouvé un nouvel emploi, de toute évidence occupé à compter du 23 août 2019 dans la mesure où l’allégation de falsification de son compte FACEBOOK n’est aucunement démontrée, avant d’effectuer cette prise d’acte, la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail est justifiée et doit donc produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date de la lettre de prise d’acte, soit au 27 août 2019, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.

Il s’en déduit :

– d’une part que la demande de la société ATIF au titre du préavis sera rejetée,

– d’autre part que le salarié est fondé à réclamer les conséquences indemnitaires afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite à ce titre, sans exposer le détail de ses calculs, les sommes suivantes :

– 14 328,40 euros à titre d’indemnité de préavis équivalente à trois mois de salaire, outre 1 432,84 euros au titre des congés payés afférents,

– 2 961,87 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 14 328,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société ATIF oppose que :

– le salaire mensuel moyen du salarié s’établit à 4 136,34 euros bruts,

– l’indemnité compensatrice de préavis doit en conséquence se limiter à 12 409,02 euros bruts, outre 1 240,90 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– en l’absence de preuve d’un quelconque préjudice et dès lors que le salarié a quitté son emploi afin de poursuivre une autre carrière professionnelle commencée avant même d’avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devront être limités à 3 mois de salaire, soit la somme de 12 409,02 euros.

Compte tenu de la situation du salarié, des circonstances de la rupture et sur la base d’un salaire mensuel brut moyen s’établissant à 4 136,34 euros (moyenne la plus favorable calculée sur 12 mois), il sera alloué à M. [E] les sommes suivantes :

– 12 409,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 240,90 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 2 961,87 euros à titre d’indemnité de licenciement tel qu’expressément demandé,

– 12 409,02 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

III – Sur la demande de la société ATIF au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et de la violation de sa clause relative au cumul d’activités :

Considérant :

– d’une part que le silence gardé par M. [E], durant l’exécution de son contrat de travail et les demandes formulées en préparation de son départ caractérisent le caractère déloyal de sa démarche,

– d’autre part qu’il a violé sa clause contractuelle relative au cumul d’activités (article 4),

la société ATIF sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il lui a alloué la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.

Le salarié ne formule aucune observation sur cette demande, se bornant à alléguer, au titre de la rupture, que l’affirmation selon laquelle il aurait retrouvé un emploi dès le 23 août 2019 résulterait d’une falsification de son profil FACEBOOK puisque ce profil serait accessible depuis ses anciens appareils professionnels (pièce n° 22) et qu’ils ont eu accès à son profil le 9 octobre 2019, soit postérieurement à son départ.

Nonobstant le fait que les éléments produits par le salarié n’établissent pas la falsification alléguée, omettant à cet égard de produire son nouveau contrat de travail, seul élément objectif de nature à dater son embauche dans son nouvel emploi, et que « le silence gardé par M. [E] durant l’exécution de son contrat de travail et les demandes formulées en préparation de son départ » ne caractérisent pas une quelconque déloyauté de sa part, la cour considère néanmoins que le salarié a manqué à son obligation contractuelle de loyauté et de non cumul d’activité sans information et vérification préalable de son employeur.

Il ne peut toutefois y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l’espèce, la société ATIF n’apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d’un préjudice résultant de ce manquement. La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

IV – Sur les demandes accessoires :

– Sur la compensation :

Seule la société ATIF étant condamnée au paiement de sommes, sa demande au titre de la compensation est sans objet et sera rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

– Sur les intérêts au taux légal :

Le jugement déféré a précisé que conformément aux dispositions des articles

1231-6 et 1231 -7 du code civil, les condamnations prononcées emporteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la requête par l’employeur pour toutes les créances de nature salariale, soit le 5 mai 2020, et à compter du prononcé du jugement pour toutes les autres sommes.

La cour relève toutefois que les deux parties sollicitent l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions, de sorte que leur demande sera accueillie s’agissant des intérêts au taux légal.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points sauf en ce qu’il a alloué à M. [E] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

La société ATIF succombant au principal, elle supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 3 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de DIJON sauf en ce qu’il a :

– rejeté les demandes de M. [W] [E] à titre de rappel d’heures supplémentaires, de dommages-intérêts pour travail dissimulé, de rappel d’indemnité de congés payés en cours d’acquisition,

– condamné la société Assistance Travaux et Ingénierie ferroviaire à payer à M. [E] les sommes suivantes :

* 1 150,80 euros à titre de rappel de prime de vacances,

* 462 euros à titre de rappel de congés payés,

– rejeté la demande de la société Assistance Travaux et Ingénierie ferroviaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

DIT que la prise d’acte par M. [W] [E] de la rupture de son contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet au 27 août 2019,

CONDAMNE la société Assistance Travaux et Ingénierie ferroviaire à payer à M. [W] [E] les sommes suivantes :

– 12 409,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 240,90 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 2 961,87 euros à titre d’indemnité de licenciement tel qu’expressément demandé,

– 12 409,02 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

REJETTE les demandes de la société Assistance Travaux et Ingénierie ferroviaire à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation de la clause de non cumul d’activité et au titre de la compensation,

REJETTE les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Assistance Travaux et Ingénierie ferroviaire aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION

 


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