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Noms de domaine : 1 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00417

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Noms de domaine : 1 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00417

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 JUIN 2023

N° RG 20/00417 – N° Portalis DBV3-V-B7E-TYAT

AFFAIRE :

[B] [M]

C/

S.A.S. SALF INVESTIGATIONS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Janvier 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Section : AD

N° RG : 18/00121

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Yoann SIBILLE

Me Pascal VANNIER de la SELARL INTER-BARREAUX LEPORT & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [B] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Yoann SIBILLE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 664

APPELANT

****************

S.A.S. SALF INVESTIGATIONS

N° SIRET : 799 765 185

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Pascal VANNIER de la SELARL INTER-BARREAUX LEPORT & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 283

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Mars 2023, Madame Régine CAPRA, Présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Salf Investigations, créée le 10 janvier 2014, qui avait pour activité la réalisation d’enquêtes liées à des recherches privées, dont M. [T] [Y], qui en était le président, détenait 60% des actions et M. [B] [M] 40% des actions, a conclu avec ce dernier un contrat de travail à durée indéterminée aux termes duquel elle l’engageait à compter du 1er avril 2014 en qualité d’agent de recherches privées, statut employé, niveau III, coefficient 190, moyennant un salaire mensuel brut fixe et une prime mensuelle variable correspondant à un pourcentage sur le chiffre d’affaires. Le salaire mensuel brut fixe de M. [M] s’élevait en dernier lieu à 1 577,95 euros pour 35 heures de travail par semaine.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

La société Salf Investigations et M. [B] [M] ont conclu le 3 juin 2016 une convention de rupture conventionnelle du contrat de travail qui a été homologuée par l’inspecteur du Travail le 22 juin 2016.

Un différend est né entre la société Salf Investigations et M. [M] courant juin 2017.

M. [M] et la société Salf Investigations ont déposé chacun à l’INPI le 26 juin 2017 la même marque semi-figurative correspondant au logo de Salf Investigations créé par la société La Petite Boîte pour la société Salf Investigations en mars 2014.

La société a reproché à M. [M], par mail du 30 juin 2017, de s’être introduit dans ses locaux le 2 juin 2017, alors qu’il n’est plus salarié de l’entreprise, et d’y avoir dérobé des documents, à savoir les classeurs de comptabilité et les dossiers clients avec l’intégralité des enquêtes, ainsi que divers matériels, notamment un ordinateur portable, deux téléphones portables, un appareil photo et 4 balises géotraceurs avec leurs codes, et de s’être introduit dans la boîte mail Orange de l’entreprise et d’en avoir modifié les codes. Elle a également déposé plainte pour ces faits au commissariat de police de [Localité 6] le 27 juin 2017.

M. [M] a créé la société dénommée ‘[B] [J] [Z] [M]’, dont il est le président et l’associé unique, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 7 août 2017, utilisant comme nom commercial ‘Salf Investigations’.

Par acte du 25 janvier 2018, la société Salf Investigations a assigné la société [B] [J] [Z] [M] et M. [B] [M] devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins notamment qu’il leur soit ordonné, sous astreinte, de procéder à un changement de dénomination sociale et de nom commercial et de cesser toute activité commerciale sous le nom ‘Salf Investigations’ ou ‘Salf-Investigations’ et toute exploitation du nom de domaine salf-investigations et qu’il leur soit fait interdiction de reproduire ou d’utiliser, que ce soit en tout ou partie, les textes et les photographies figurant sur le site de la demanderesse.

Par acte du 12 mars 2018, M. [M] a assigné la société Salf Investigations devant le tribunal de grande instance de Nanterre en nullité de l’enregistrement de la marque ‘Salf Investigations’ déposée par celle-ci.

Par acte du 28 mai 2018, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins d’obtenir la condamnation de la société Salf Investigations à lui payer diverses sommes.

Par jugement du 21 novembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a sursis à statuer sur les demandes de la société Salf Investigations jusqu’à la publication de la décision du tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement du 31 janvier 2020, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes et de la procédure, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :

– dit et jugé que le positionnement de M. [M] dans la grille de classification des emplois de la convention collective applicable correspond bien au niveau de connaissances et de capacités attendues pour le poste qu’il occupait au sein de la société Salf Investigations ;

– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu à modifier sa classification ;

– débouté M. [M] de sa demande de rappel de salaire au titre de sa demande de reclassification conventionnelle ;

– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu de considérer qu’il y avait existence d’une relation de travail constituant un contrat de travail entre les parties du 4 juin 2016 au 10 juillet 2017 ;

– débouté M. [M] de sa demande de rappels de salaires et de dommages et intérêts pour travail dissimulé pour la même période précitée ;

– débouté M. [M] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société Salf Investigations de ses demandes reconventionnelles ;

– dit que les dépens seront laissés à la charge de chacune des parties.

M. [M] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 13 février 2020 et cette instance a été enregistrée au répertoire général du greffe sous le numéro 20/00417.

Il a interjeté appel de cette décision par nouvelle déclaration au greffe du 13 mai 2020 et cette instance a été enregistrée au répertoire général du greffe sous le numéro 20/00979.

Ces deux instances ont été jointes sous le numéro 20/00417 par ordonnance du juge de la mise en état du 28 mai 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 13 mai 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [M] demande à la cour de :

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

*a dit et jugé que son positionnement de M. [M] dans la grille de classification des emplois de la convention collective applicable correspond bien au niveau de connaissances et de capacités attendues pour le poste qu’il occupait au sein de la société Salf Investigations ;

*a dit et jugé qu’il n’y a pas lieu à modifier sa classification ;

*l’a débouté de sa demande de rappel de salaires au titre de sa demande de reclassification conventionnelle ;

*a dit et jugé qu’il n’y a pas lieu de considérer qu’il y avait existence d’une relation de travail constituant un contrat de travail entre les parties du 4 juin 2016 au 10 juillet 2017 ;

*l’a débouté de sa demande de rappels de salaires et de dommages et intérêts pour travail dissimulé pour la même période précitée ;

*l’a débouté de sa demande d’article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

– dire et juger que la société Salf Investigations n’a pas appliqué la bonne qualification conventionnelle,

En conséquence,

– condamner la société Salf Investigations à lui payer la somme de 54.055,51 euros à titre de rappel de salaire sur la période allant du 1er avril 2014 au 3 juin 2016 ainsi que la somme de 5.405,55 euros de congés payés afférents,

– reconnaître l’existence d’une relation de travail salariée entre la société Salf Investigations et lui sur la période allant du 4 juin 2016 au 10 juillet 2017,

En conséquence,

– Condamner la société Salf Investigations à lui payer la somme de 20.909,22 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– Condamner la société Salf Investigations à lui payer la somme de 48.786,92 euros à titre de rappel de salaire sur la période allant du 4 juin 2016 au 10 juillet 2017 ainsi que la somme de 4.878,69 euros de congés payés afférents,

– Condamner la société Salf Investigations à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 17 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Salf Investigations demande à la cour de :

– Confirmer le jugement entrepris ;

– Dire et juger irrecevable la demande d’annulation de la rupture conventionnelle homologuée le 22 juin 2016 ;

– Dire et juger irrecevable la demande de modification de la classification de M. [M] ;

– Dire et juger à titre infiniment subsidiaire que les fonctions exercées par M. [M] correspondent à la classification d’employé niveau 3 coefficient 190 ;

– Dire et juger que les parties n’étaient pas liées par un contrat durant la période allant du 23 juin 2016 au 10 juillet 2017 ;

– Débouter en conséquence M. [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner M. [M] à lui payer 20 000 euros de dommages-intérêts au titre du caractère abusif de la procédure ;

– Condamner M. [M] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire distribuée à la 21ème chambre le 25 novembre 2020, a été redistribuée à la 11ème chambre le 5 janvier 2022 et l’audience collégiale demandée programmée au 14 septembre 2022. Cette affaire a été déprogrammée en raison de modifications intervenues dans l’organisation du service et après redistribution de l’affaire à la 15ème chambre le 17 janvier 2023, un nouveau programme a été adressé aux parties le 18 janvier 2023.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 15 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les fins de non recevoir opposées par la société Salf Investigations à M. [M]

Aux termes des prétentions qu’il a soutenues oralement à l’audience du bureau de jugement, M. [M] a demandé au conseil de prud’hommes de :

– dire et juger que la société Salf Investigations n’a pas appliqué la bonne qualification conventionnelle ;

– condamner la société Salf Investigations à lui payer un rappel de salaire sur la période du 1er avril 2014 au 3 juin 2016 de 54 055,51 euros ainsi que 5 405,55 euros au titre des congés payés afférents ;

– reconnaître l’existence d’une relation de travail, salariée entre la société Salf Investigations et lui sur la période allant du 4 juin 2016 au 10 juillet 2017 ;

– condamner la société Salf Investigations à lui payer :

*une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de 20 909,22 euros,

*un rappel de salaire sur la période du 4 juin 2016 au 10 juillet 2017 de 48 786,92 euros ainsi que 4 878,69 euros au titre des congés payés afférents.

La cour, comme le conseil de prud’hommes avant elle, n’est saisie d’aucune demande de nullité de la rupture conventionnelle homologuée le 22 juin 2016. La demande de la société Salf Investigations tendant à ce que ladite demande soit déclarée irrecevable est en conséquence sans objet.

La demande de M. [M] de modification de sa classification ayant été soumise aux premiers juges ne constitue pas une demande nouvelle en cause d’appel.

Il n’est pas contesté que la requête par laquelle M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes le 28 mai 2018 comportait seulement une demande de rappel de salaire de 1 979,25 euros pour la période du 1er avril 2014 au 3 juin 2016 ‘sur la base de la qualification mentionnée sur le bulletin de salaire’, et une demande de rappel de salaire de 18 935,40 euros pour la période de juillet 2016 à juillet 2017, somme correspondant à 12 fois le dernier salaire mensuel brut perçu avant la rupture conventionnelle du contrat de travail.

Si cette demande de reclassification n’ayant pas été présentée dans la requête initiale, constitue une prétention nouvelle présentée en cours d’instance devant le conseil de prud’hommes, elle n’a pour objet que de majorer le montant des rappels de salaires antérieurement sollicités pour les deux périodes considérées et se rattache ainsi aux prétentions originaires par un lien suffisant au sens de l’article 70 du code de procédure civile pour être jugée recevable. Il convient en conséquence de rejeter la fin de non-recevoir opposée par la société Salf Investigations à cette demande.

Sur le bien-fondé de la demande de reclassification concernant la période du 1er avril 2014 au 23 juin 2016

Conformément aux dispositions de l’article L. 1237-13 du code du travail, la convention de rupture conventionnelle signée par les parties n’a pu mettre fin au contrat de travail avant le 23 juin 2016, soit le lendemain de la décision d’homologation prise par l’inspecteur du travail, et non le 3 juin 2016, date de la signature de cette convention, comme le retient M. [M]. C’est donc à juste titre que, sur la base de cette rupture conventionnelle, la société Salf Investigations a arrêté au 23 juin 2016 le dernier salaire dû à M. [M] dans le cadre du contrat de travail ainsi rompu et mentionné cette même date dans les documents de fin de contrat délivrés à l’intéressé.

M. [M] classé employé niveau III, coefficient 190 revendique pour la période considérée la qualification de cadre, niveau VIII, coefficient 390.

La classification d’un salarié s’apprécie au regard des fonctions réellement exercées par lui. La charge de la preuve des fonctions réellement exercées pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle qui lui a été attribuée contractuellement.

Selon la classification des emplois de la convention collective nationale des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire, la classification s’établit à l’aide d’un système d’évaluation des postes qui repose sur des critères multiples et indépendants. Pour chaque poste, le niveau de classification et le coefficient correspondant sont déterminés par référence à cinq critères dits ‘critères de classification’, qui sont :

– connaissances requises (7 degrés possibles) ;

– technicité, complexité, polyvalence (10 degrés possibles) ;

– autonomie, initiative (9 degrés possibles) ;

– gestion d’une équipe et conseils (9 degrés possibles) ;

– communication, contacts, échanges (7 degrés possibles).

L’application de ces critères conduit à l’attribution d’un certain nombre de points pour chaque poste.

Le total des points établis pour chaque poste selon les 5 critères de classification permet, sur la base d’un tableau de correspondance, d’attribuer un coefficient au poste.

La classification cadre, niveau VIII, coefficient 390, revendiquée par M. [M], requiert l’attribution de 555 points au minimum.

M. [M] revendique l’attribution de 575 points selon le décompte suivant :

– connaissances requises : degré 7 (le degré maximum), soit 150 points, quand la société Salf Investigations lui reconnaît le degré 5, soit 90 points ;

– technicité, complexité, polyvalence : degré 9, soit 125 points, quand la société Salf Investigations lui reconnaît le degré 4, soit 40 points ;

– autonomie, initiative : degré de capacité 9 (le degré maximum), soit 170 points, quand la société Salf Investigations lui reconnaît le degré 5, soit 65 points ;

– gestion d’une équipe et conseils : degré 5 soit 70 points, quand la société Salf Investigations lui reconnaît le degré 1, soit 10 points ;

– communication, contacts, échanges : degré 4, soit 60 points, ce que la société Salf Investigations reconnaît correspondre aux fonctions occupées.

Le critère ‘connaissances requises’, permet d’évaluer le niveau de connaissances générales et spécifiques nécessaires pour occuper le poste de travail concerné.

Le critère ‘technicité/complexité : polyvalence’, concerne la compétence spécifique requise pour exercer l’emploi dans son contexte opérationnel. Il s’agit d’une échelle basée sur le temps d’adaptation spécifique à l’emploi concerné.

La technicité est définie comme le caractère de ce qui appartient à un domaine particulier, spécialisé de l’activité ou de la connaissance (ensemble des procédés d’un métier).

La complexité est définie comme le caractère de ce qui est difficile, de ce qui supporte plusieurs contraintes différentes. Un poste complexe comprend un grand nombre d’activités qui supposent réflexion et combinaison de moyens en vue d’obtenir un résultat déterminé. La polyvalence s’apprécie dans le cadre de ce critère.

A l’appui de sa revendication du degré 7 dans l’échelle des connaissances requises, M. [M] fait valoir que contrairement à ce qu’affirme la société Salf Investigations, celle-ci n’a pas une activité généraliste, mais est spécialisée dans le domaine des enquêtes pénales, de sorte que le poste qu’il occupait nécessitait des connaissances approfondies et spécialisées ; qu’il nécessitait notamment une maîtrise parfaite des techniques de renseignement et d’interrogatoire des suspects ainsi que des connaissances approfondies en procédure pénale ; qu’au regard de son expérience, il peut aisément être considéré comme un expert dans son domaine ; qu’il maîtrise totalement le déroulement d’une enquête, de la prise de contact avec le client jusqu’à la rédaction d’un rapport d’expertise, ainsi que toutes les formalités administratives afférentes ; qu’il a fidélisé la clientèle de particuliers et de diverses sociétés.

Le degré 7 dans l’échelle des connaissances requises, revendiqué par M. [M], qui est le degré maximum, est celui d’une expertise ou administration supérieure correspondant à une ‘maîtrise complète de concepts, principes et pratiques acquis après une formation et une expérience approfondie dans un domaine hautement spécialisé ou dans l’administration des affaires’. Il concerne deux types de postes :

– des postes de généralistes, dirigeants des entreprises ou des centres de profit importants et nécessitant un bon niveau de connaissance dans les divers domaines (technique, commercial, financier, ressources humaines, etc.) ;

– des postes de spécialistes, qui doivent être tenus par des experts reconnus, dans un domaine de connaissance suffisamment vaste et théorique.

M. [M] ne rapporte pas la preuve que le poste d’agent de recherches privées qu’il a occupé au sein de l’entreprise du 1er avril 2014 au 23 juin 2016 concernait l’un ou l’autre de ces deux types de postes, étant précisé en outre que les pièces qu’il produit se rapportent pour la plupart d’entre elles à une période postérieure.

Il est constant que M. [M] exerçait les fonctions d’agent de recherches privées. Il n’est pas contesté qu’il exerçait cette activité professionnelle depuis de nombreuses années et qu’il disposait d’une solide expérience, recevait les clients, effectuait les enquêtes qui lui étaient confiées et rédigeait à l’issue de celles-ci les rapports d’enquête destinés aux clients. S’il affirme que la société Salf Investigations était spécialisée dans le domaine des enquêtes pénales et que son poste nécessitait des connaissances approfondies en matière de procédure pénale et une maîtrise des techniques d’interrogatoires des suspects, il ne le démontre pas. Aucun élément ne permet d’établir qu’au cours de la période du 1er avril 2014 au 23 juin 2016 la société n’avait pas une activité consistant à effectuer toutes investigations à caractère économique, industriel, commercial ou familial. Les services de police ne sous-traitent pas à des agents de recherches privées les investigations dont ils ont la charge et, dans le mail du 19 avril 2017 (soit postérieur à la période considérée) produit, M. [L], enquêteur au 3ème district de police judiciaire de [Localité 5], se borne à demander à M. [M], suite à leur conversation téléphonique, de lui communiquer les informations dont il dispose et le rapport qu’il va établir dans le cadre de l’enquête privée effectuée par celui-ci à la demande d’un client.

Les fonctions d’agent de recherches privées que M. [M] exerçait requéraient au plus un niveau de connaissances de degré 5 (90 points), à savoir la connaissance approfondie d’un domaine technique ou spécialisé impliquant le savoir et l’assimilation de savoirs, de pratiques et d’usages complexes. Les dispositions conventionnelles précisent concernant les postes de degré 5 : ‘A ce niveau, les postes requérant des connaissances de principe et théorie seront confiés à des titulaires ayant suivi un cycle d’enseignement supérieur long (écoles d’ingénieurs, écoles de commerce, DESS, etc.), confirmé si nécessaire par quelques années de pratique. On y trouvera aussi des titulaires ayant acquis leurs connaissances théoriques et conceptuelles au cours de nombreuses années de vie professionnelle.’

A défaut de pouvoir prétendre au regard du critère des connaissances requises aux 150 points attribués aux seules fonctions requérant un niveau de connaissances de degré 7, M. [M] ne peut atteindre, indépendamment du nombre de points correspondant aux degrés qu’il revendique dans les quatre autres critères, les 555 points correspondant au nombre minimal de points nécessaire pour se voir reconnaître la classification cadre, niveau VIII, coefficient 390.

La cour constate au surplus, à propos du critère ‘technicité-complexité-polyvalence’, que M. [M] revendique le degré 9 (125 points) sur une échelle de 1 à 10, lequel est défini comme suit : ‘Travaux exigeant une spécialisation en vue de l’exécution de tâches comportant des difficultés techniques ou une recherche d’optimisation nécessitant une adaptation de 1 à 6 mois. Dans un secteur déterminé de l’entreprise, prise en compte d’objectifs à court ou moyen terme avec mise en oeuvre et intervention de solutions nouvelles dans le cadre de situations qui mettent en jeu des données nombreuses et complexes concernant plusieurs secteurs de l’entreprise.’, tandis que le degré 8 (100 points) est défini comme suit :’Travaux exigeant une spécialisation en vue de l’exécution de tâches comportant des difficultés techniques ou une recherche d’optimisation nécessitant une adaptation de 1 à 6 mois. Dans un secteur déterminé de l’entreprise, prise en compte d’objectifs à court ou moyen terme avec mise en oeuvre et intervention de solutions nouvelles’, et que le degré 10 ‘s’applique à des collaborateurs de haut niveau qui sont amenés à exploiter les informations présentant de grandes difficultés de traitement, nécessitant une période d’adaptation supérieure à 1 an.’..

A l’appui de sa revendication du degré 9, sur une échelle de 1 à 10 dans l’échelle ‘technicité-complexité-polyvalence, M. [M] fait valoir que son poste exigeait de maîtriser les techniques de photographie et d’infiltration qui nécessitent l’utilisation d’équipement spécialisé non accessible au détective privé de base et qu’il a élaboré une méthode de travail permettant d’étudier le comportement des individus, ce qui lui permet notamment de détecter les mensonges, qu’il dispose d’une totale maîtrise lorsqu’il s’agit de décrypter et d’analyser le comportement des individus grâce à des techniques d’observation et d’analyse comportementale très complexes.

La photographie constitue une technique communément utilisée par les agents de recherches privées. M. [M] ne justifie pas avoir procédé à une ou plusieurs infiltrations, avoir eu mission de mettre en place des outils technologiques spécifiques ou avoir élaboré des solutions nouvelles, étant précisé que la société Salf Investigations avait recours à des prestataires extérieurs, comme M. [I] ou M. [D], pour les moyens de surveillances exigeant l’utilisation de techniques particulières. Enfin, si le salarié affirme qu’il dispose d’une totale maîtrise lorsqu’il s’agit de décrypter et d’analyser le comportement des individus grâce à des techniques d’observation et d’analyse comportementale très complexes et qu’il peut détecter les mensonges, il n’en justifie pas.

A défaut de pouvoir prétendre au regard du critère des connaissances requises aux 150 points attribués aux seules fonctions requérant un niveau de connaissances de degré 7 et, au surplus, aux 125 points attribués aux seules fonctions requérant un niveau de technicité et de complexité, en ce inclus la polyvalence, de degré 9, M. [M] ne pouvait atteindre, indépendamment du nombre de points correspondant aux degrés qu’il revendique dans les autres critères, les 555 points correspondant au nombre minimal de points nécessaire pour se voir reconnaître la classification cadre, niveau VIII, coefficient 390.

Il convient en conséquence, sans qu’il soit besoin d’examiner les trois autres critères, dont seuls deux sont d’ailleurs contestés, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de classification cadre, niveau VIII, coefficient 390 et l’a débouté de sa demande de rappel de salaire en ce qu’elle portait sur la période du 1er avril 2014 au 23 juin 2017.

Sur l’existence d’un contrat de travail après la rupture conventionnelle

La rupture du contrat de travail ne pouvant intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation de la convention de rupture conventionnelle, celle-ci est donc intervenue le 23 juin 2016, comme l’a retenu l’employeur et non le 3 juin 2016, date de la signature de cette convention, comme le retient M. [M]. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’il n’y avait pas lieu de considérer qu’il y avait existence d’une relation de travail constituant un contrat de travail entre les parties du 4 juin 2016 au 23 juin 2016.

M. [M] soutient qu’il n’a signé la convention de rupture conventionnelle que dans le but de soulager financièrement la société Salf Investigations le temps que celle-ci rétablisse l’équilibre de ses comptes, que le président de la société Salf Investigations s’était engagé à le réembaucher dès que les comptes de l’entreprise seraient stabilisés, que postérieurement à la rupture conventionnelle du contrat de travail, il a continué à travailler pour le compte de la société Salf Investigations dans les mêmes conditions qu’auparavant et que c’est uniquement lorsqu’il a appris que la société Salf Investigations n’avait pas l’intention de le réembaucher qu’il a créé une société afin de ne pas se retrouver sans activité professionnelle.

La société Salf Investigations conteste que M. [M] ait travaillé pour son compte dans le cadre d’un contrat de travail postérieurement à la rupture conventionnelle.

Il est constant que le contrat de travail conclu par la société Salf Investigations avec M. [M] le 1er avril 2014 a été rompu par l’effet de la rupture conventionnelle.

En l’absence de contrat de travail apparent pour la période du 24 juin 2016 au 10 juillet 2017, il incombe au salarié qui se prévaut d’un contrat de travail de rapporter la preuve de son existence.

L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans laquelle s’est exercée l’activité. Elle suppose que l’activité soit exercée dans le cadre d’un lien de subordination.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

Pour caractériser suffisamment l’existence du lien de subordination, le juge doit constater que l’employeur a adressé au salarié des directives sur les modalités d’exécution du travail et qu’il disposait du pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation.

Il est produit aux débats :

– un échange de mail entre M. [M] et M. [Y] le 4 juillet 2016, dont il ressort que M. [M] est en vacances à Palma, qu’il consacre ce jour une heure au travail, qu’il va établir un devis pour Mme [S] et demande à M. [Y] ce qu’il en pense et s’il peut obtenir pour lui des informations sur la personne que celle-ci vise dans sa demande d’enquête ;

– un mail de M. [Y] du 16 septembre 2016, se bornant à transférer à M. [M] une invitation à une réunion BNI à la demande de Maître [O] ;

– un mail adressé par M. [M] à M. [Y] le 26 septembre 2016 lui demandant son avis sur le mail qui pourrait être envoyé au nom de ce dernier au client Photobox à propos d’un devis ;

– un mail adressé par M. [Y] à M. [M] le 28 octobre 2016 lui transmettant des informations qu’il a recherchées pour lui sur le couple [V] ;

– une attestation du client Boutros qui indique qu’il a été reçu le 6 janvier 2017 par M. [Y] et M. [M], associés, mais qu’il n’a été que très rarement en contact avec M. [Y], que c’est M. [M] qui a mené quasi-entièrement l’enquête et a rédigé le rapport d’intervention le 22 mars 2017 ;

– un mail accompagné d’un rapport et d’une photographie adressés le 23 mars 2017 par M. [Y] ;

– un mail de M. [M] du 9 juin 2017 adressant un avoir au client Photobox ;

– des mails adressés par M. [M] à des clients de la société Salf Investigations signés ‘[B] [M], Détective associé, Directeur des Opérations’ ;

– des documents établis sur papier à en-tête de la société Salf Investigations : devis, demandes de provision sur honoraires, notes d’honoraires, factures ;

– la photocopie de chèques établis par des clients à l’ordre de la société Salf Investigations ;

– des contrats de mission sur papier à en-tête de la société Salf Investigations, portant la signature du client, la signature de M. [M] et le tampon de la société Salf Investigations ;

– des rapports d’enquête établis par M. [M] sur papier à en-tête de la société Salf Investigations dans lesquels il précise élire domicile au siège de celle-ci qu’il ‘représente en tant qu’associé avec son président’, M. [T] [Y] ;

– un mandat de mission établi le 4 juillet 2017 par ‘[T] [Y] et [B] [M], dirigeant at associé de l’agence de recherches privées Salf Investigations SAS’, signé par M. [M], confiant à M. [W] des surveillances et filatures.

Si, après la rupture conventionnelle de son contrat de travail, M. [M], associé à 40% dans la société, a bien effectué très régulièrement des prestations pour le compte de la société Salf Investigations, en mettant en avant sa qualité d’associé, il ne produit aucun élément établissant que la société Salf Investigations ou son président lui ont adressé des directives sur les modalités d’exécution du travail et disposaient du pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation.

Il ne démontre pas dès lors avoir exercé son activité dans le cadre d’un lien de subordination.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’il n’y avait pas lieu de considérer qu’il y avait existence d’une relation de travail constituant un contrat de travail entre les parties du 24 juin 2016 au 10 juillet 2017 et a débouté M. [M] de sa demande de rappel de salaire pour cette période ainsi que de sa demande corrélative d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive.

La société Salf Investigations se borne à solliciter des dommages-intérêts sans préciser en quoi M. [M] aurait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice et ne justifie pas au surplus du préjudice dont elle demande réparation. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

M. [M] succombant à l’instance sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et débouté de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera condamné à payer à la société Salf Investigations la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Rambouillet en date du 31 janvier 2020, sauf en ce qu’il a dit qu’il n’y avait pas lieu de considérer qu’il y avait existence d’une relation de travail constituant un contrat de travail entre les parties du 4 juin 2016 au 23 juin 2016 ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que le contrat de travail liant M. [M] à la société Salf Investigations a été rompu le 23 juin 2016 ;

Y ajoutant :

Condamne M. [M] à payer à la société Salf Investigations la somme de 3 000 euros pour les frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel,

Déboute M. [M] de sa demande d’indemnité pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Condamne M. [M] aux dépens d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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