Droits des Artisans : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00698

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Droits des Artisans : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00698

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00698 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIAI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/12348

APPELANTS

Monsieur [T] [N]

[Adresse 4]

[Localité 6]

ET

Madame [W] [N]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentés et assistés par Me Catherine RIPOLL L’HOMME, avocat au barreau de PARIS, toque : E1079

INTIMÉ

Monsieur [E] [O]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 7] (Argentine)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté et assisté par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée le 11 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie MORLET, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Monsieur Christophe VACANDARE

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA , greffier présent lors de la mise à disposition.

***

FAITS et PROCEDURE

Monsieur [A] [S] a par acte du 2 mars 2011 promis de vendre à Monsieur [T] [N] et Monsieur [E] [O], architectes, un bien immobilier situé à [Adresse 3], pour un prix de 360.000 euros.

Monsieur [N] et Madame [W] [C], épouse [N], ont le 29 avril 2011 consenti à Monsieur [O] un prêt de 120.000 euros sans intérêts pour l’acquisition de ce bien, prêt déclaré aux services fiscaux le même jour.

L’acte authentique de vente a été signé le 9 mai 2011 entre Monsieur [S], vendeur, et les époux [N] et Monsieur [O], acquéreurs.

Le conseil des époux [N] a par lettre recommandée du 13 mai 2013 mis en demeure Monsieur [O] de leur rembourser la somme prêtée de 120.000 euros.

Monsieur [O] et les époux [N] ont finalement le 18 mai 2013 signé un protocole d’accord aux termes duquel le premier s’est engagé à rembourser la somme de 120.000 euros au jour de la signature de la revente du bien acquis [Adresse 3], à verser aux seconds une somme forfaitaire de 12.000 euros à titre de dédommagement ainsi que le montant nécessaire au remboursement d’un prêt de 1.500 euros souscrit par Madame [N].

Monsieur [N] et Monsieur [O] ont par acte du 23 mai 2014 revendu le bien de la [Adresse 3] à la SCI de NOUS pour un prix de 560.000 euros. Les époux [N] indiquent qu’à cette date, Monsieur [O] leur a remboursé la somme prêtée de 120.000 euros.

*

Arguant de difficultés pour revendre le bien faute pour Monsieur [O] d’avoir financé les travaux de rénovation ainsi qu’il s’y était engagé et d’une revente à un prix bien inférieur au prix escompté, les époux [N] ont par acte du 25 juillet 2017 assigné Monsieur [O] en indemnisation d’une perte de chance de gain sur investissement devant le tribunal de grande instance de Paris.

Monsieur [O] a devant les premiers juges soulevé l’autorité de la chose jugée attachée à la transaction du 18 mai 2013.

Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 5 septembre 2019, a :

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée,

– débouté les époux [N] de l’ensemble de leurs demandes,

– débouté Monsieur [O] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes, y compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé les dépens à la charge des époux [N].

Les époux [N] ont par acte du 26 décembre 2019 interjeté appel de ce jugement, intimant Monsieur [O] devant la Cour.

*

Les époux [N] ont signifié des conclusions n°3 le 31 août 2022, demandant à la Cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [O] ainsi que sa demande reconventionnelle,

– l’infirmer pour le surplus,

– condamner Monsieur [O] à leur verser la somme de 170.000 euros en réparation de la perte d’une chance d’un gain sur investissement,

– à titre subsidiaire, nommer tel expert qu’il plaira à la Cour, aux fins d’établir l’étendue du dommage qu’ils ont subi par les appelants,

– condamner Monsieur [O] à leur payer une somme de 12.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Monsieur [O], dans ses dernières conclusions n°3 signifiées le 20 septembre 2022, demande à la Cour de :

– constater qu’une transaction est intervenue entre les parties, laquelle a autorité de la chose jugée au principal,

– en conséquence, réformer le jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attaché au protocole d’accord régularisé entre les parties,

– en conséquence, déclarer les époux [N] irrecevables en leurs demandes, et confirmera le jugement en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes,

Réformant la décision entreprise,

– dire que l’action entreprise par les époux [N] est constitutive d’un abus de droit,

– en conséquence, statuant de nouveau de ce chef, condamner les époux [N] à lui verser une somme de 6.000 euros en indemnisation du caractère abusif de la procédure entreprise,

– condamner les époux [N] à lui verser une somme de 6.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance, avec distraction au profit de Maître Pascale FLAURAUD.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été prononcée par ordonnance du 21 septembre 2022.

*

Les époux [N] ont le 10 octobre 2022 signifié des nouvelles conclusions, demandant à la Cour de :

– à titre principal, révoquer l’ordonnance de clôture du 21 septembre 2022 et renvoyer l’affaire devant une autre chambre de la Cour,

– à titre subsidiaire, rejeter les dernières écritures de la partie adverse du 21 septembre 2002 ainsi que sa pièce n°6.

A l’audience de plaidoiries du 11 octobre 2022, le président, constatant que les intimés avaient eu la parole en dernier avant la clôture de la mise en état du dossier, que les dernières conclusions des appelants, signifiées après la clôture, ne récapitulaient pas leurs moyens et prétentions en méconnaissance des termes de l’article 954 alinéa 4 du code de procédure civile et, enfin, que la composition de la chambre de la Cour devant statuer en l’espèce ne comprenait aucun magistrat ayant statué en première instance, a refusé de révoquer l’ordonnance de clôture et écarté les dernières écritures des époux [N] ainsi signifiées après celle-ci.

L’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 8 décembre 2022.

MOTIFS

Les relations entre les époux [N] et Monsieur [O] faisant l’objet du présent litige datant de 2011, 2012 et 2013, il convient d’appliquer les dispositions du code civil en sa version antérieure au 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations.

Sur la recevabilité des demandes des époux [N]

Les premiers juges ont estimé que le protocole d’accord conclu le 18 mai 2013 entre les parties ne pouvait être opposé par Monsieur [O] aux époux [N] alors que lui-même n’avait pas respecté l’une de ses conditions, à savoir le délai de remboursement du prêt.

Les époux [N] ne critiquent pas le jugement de ce chef, soutenant que le protocole prévoyait en effet une date butoir contraignante pour le remboursement par Monsieur [O] du prêt qu’ils lui avaient consenti, date non respectée.

Monsieur [O] reproche aux premiers juges d’avoir ainsi statué, produisant aux débats un exemplaire du protocole d’accord en cause, paraphé par Madame [N] en marge de la mention rayée du délai de remboursement du prêt, laissant apparaître que cette condition de délai avait été supprimée. Le protocole a donc selon lui autorité de la chose jugée et les époux [N] sont irrecevables en leurs demandes formulées en l’espèce.

Sur ce,

L’irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne, sans examen au fond, un défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée (article 122 du code de procédure civile).

L’autorité de la chose jugée en dernier ressort peut, en application de l’article 2052 ancien du code civil, émaner d’une transaction entre les parties, laquelle est contrat écrit par lequel, aux termes de l’article 2044 ancien du même code, celles-ci terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

La transaction ne peut cependant avoir autorité de la chose jugée que pour autant qu’elle a été respectée dans toutes ses conditions, notamment par la partie qui l’oppose.

Le protocole d’accord du 18 mai 2013 a été signé entre les époux [N], d’une part, et Monsieur [O], d’autre part, ces mêmes parties à l’instance devant les premiers juges et la Cour de céans.

Aux termes de ce protocole, Monsieur [O] « s’engage à rembourser le jour de la signature de la vente du bien acheté en indivision au [Adresse 3], qui est fixée au plus tard le 26 juillet 2013, le prêt de 120 000 euros que M. et Mme [N] lui ont consenti le 29 avril 2011, pour une durée de deux ans à taux zéro », ainsi qu’à leur verser une somme forfaitaire de 12.000 euros à titre de dédommagement et le montant nécessaire au remboursement d’un prêt de 1.500 euros souscrit par Madame [N]. Il est ajouté que « Si la vente se réalise dans les délais prévus, soit avant le 26 juillet 2013, M. et Mme [N] s’engagent à renoncer à toute réclamation ultérieure concernant cette affaire ». La mention est bien rayée dans le texte et cette modification paraphée par les trois parties.

La rayure de la mention relative à la condition de la réalisation de la vente avant le 26 juillet 2013 n’a pas d’effet sur la mention de cette date plus haut, également évoquée au titre de la date la plus tardive à laquelle la vente du bien est prévue, et qui, ce faisant, marque également la date la plus tardive à laquelle le remboursement de son prêt par Monsieur [O] devait intervenir.

Ainsi que l’ont retenu les premiers juges, Monsieur [O] est mal venu de se prévaloir à son profit d’un protocole que lui-même n’a pas respecté, n’ayant remboursé aux époux [N] le prêt objet de cet accord que le 23 mai 2014, à l’occasion de la vente du bien de la [Adresse 3], près de 10 mois après la date prévue à cette fin par les parties.

La Cour observe par ailleurs que si l’objet principal du protocole d’accord conclu entre les époux [N] et Monsieur [O] était le remboursement par le second du prêt consenti par les premiers, l’objet de la procédure engagée devant les premiers juges, dont appel, est distinct, les époux [N] ne présentant aucune réclamation au titre du prêt, mais faisant valoir une faute de Monsieur [O] à leur égard résultant de sa défaillance à prendre en charge les travaux du bien acquis [Adresse 3] qui leur aurait causé un préjudice dont ils demandent la réparation.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée du protocole du 18 mai 2013, soulevée par Monsieur [O], et, en conséquence, retenu la recevabilité des demandes indemnitaires des époux [N].

Sur les demandes indemnitaires des époux [N]

Les premiers juges ont constaté que ni le prêt de 120.000 euros accordé par les époux [N] à Monsieur [O] ni sa contrepartie due par ce dernier n’avaient fait l’objet d’un écrit et que l’absence de financement par Monsieur [O] des travaux sur le bien acquis, l’absence même de ces travaux et l’état réel du bien au moment de sa revente n’étaient pas plus établis, de sorte que les époux [N] ne démontraient ni la faute de Monsieur [O], ni la réalité de leur préjudice. Ils ont en conséquence débouté les intéressés des demandes indemnitaires présentées contre Monsieur [O].

Les époux [N] reprochent aux premiers juges d’avoir ainsi statué alors que l’engagement de Monsieur [O] de prendre en charge les travaux de rénovation du bien acquis [Adresse 3] en contrepartie de leur prêt (consenti à un taux de 0% et non un taux usuraire), engagement résultant d’écrits émanant de sa propre main, d’une part, et l’interruption desdits travaux (de son propre fait et non du fait de l’absence des autorisations administratives) au stade de la démolition, d’autre part, ne sont pas contestables. Ils critiquent l’attestation de Monsieur [L] [F] [P] du 4 août 2022 dont se prévaut Monsieur [O] et rappellent que l’établissement d’un certificat faisant état de faits inexacts et l’usage d’un tel certificat constituent des délits pénaux. Les époux [N] affirment avoir, du fait de la faute de Monsieur [O], subi un préjudice résultant d’une perte de chance de vendre ledit bien à un meilleur prix. Ils affirment que le bien a été vendu à hauteur de 560.000 euros alors que le bien rénové aurait pu être vendu pour 1.207.000 euros et sollicitent l’indemnisation de cette perte de chance à hauteur de 170.000 euros.

Monsieur [O] conteste avoir commis la faute contractuelle qui lui est reprochée, soutenant qu’il n’a jamais été question qu’il finance seul les travaux de transformation du bien en contrepartie du prêt, sauf à retenir le taux usuraire assortissant celui-ci. Il s’appuie sur l’attestation de Monsieur [L] [F] [P] du 4 août 2022 pour affirmer que les travaux ont démarré mais ont dû être interrompus en raison de l’absence d’autorisations. Il fait également valoir l’absence de lien de causalité entre cette faute alléguée et le prétendu préjudice des époux [N], éventuel, ajoutant qu’aucune perte de chance n’est démontrée.

Sur ce,

Il résulte des articles 1134 et 1147 anciens du code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, doivent être exécutées de bonne foi et se résolvent en dommages et intérêts à raison de l’inexécution ou de la mauvaise exécution par le débiteur de son obligation.

1. sur les obligations de Monsieur [O]

La SARL EUROBAT a le 3 août 2010 adressé non seulement à Monsieur [O] mais également aux époux [N] son devis descriptif pour des travaux de division en deux locaux d’un bien situé [Adresse 3] à [Localité 10] et leur réhabilitation, prévus pour un prix de 50.000 euros HT, soit 52.250 euros TTC. Le devis produit aux débats par les époux [N] porte la signature, pour acceptation, de Monsieur [O] et de Monsieur [N]. Ainsi, et à ce stade, avant même l’acquisition définitive du bien, ce contrat de travaux ne laisse pas entendre que Monsieur [O] se présentait comme seul maître d’ouvrage de l’opération de rénovation de l’immeuble qui serait acquis quelques mois plus tard, par acte du 2 mars 2011.

Le prêt de 120.000 euros consenti par les époux [N] à Monsieur [O], dont chacune des parties admet l’existence, n’a fait l’objet d’aucun acte écrit précisant ses conditions. Monsieur [O] a le 29 juillet 2011 déclaré ce prêt aux services fiscaux, mentionnant son taux de 0% sans signaler aucune condition ni contrepartie assortissant ce prêt.

Par courrier du 7 juillet 2012 adressé aux époux [N], Monsieur [O] évoque les autorisations tardives de travaux par la copropriété, rappelle leur avoir apporté « l’affaire » (avoir trouvé le bien de la [Adresse 3] « bien en dessous du prix du marché »), leur signale la complication de sa « capacité d’autofinancement », évoque sa volonté initiale de financer les travaux, leur propose de vendre « le petit deux pièces avec ou sans travaux », ce qui lui permettrait, avec sa part dans cette vente, de rembourser le prêt de 120.000 euros qu’ils leur ont consenti, et ajoute : « Nous pourrons alors financer les travaux du local sur rue et lors de sa vente, partager notre plus value comme prévu (50% pour chacun) ». Les termes de ce courriers ne portent aucun engagement de Monsieur [O] d’effectuer à ses seuls frais les travaux de rénovation du bien acquis [Adresse 3]. Il fait au contraire état d’un financement commun avec les époux [N].

Aux termes du protocole d’accord signé le 18 mai 2013 par les époux [N] et Monsieur [O], ce dernier s’engage non seulement à rembourser le prêt de 120.000 euros des premiers et le montant nécessaire au remboursement d’un prêt de 1.500 euros souscrit par Madame [N] pour le financement d’impôts, mais également à verser à ses co-contractants « la somme forfaitaire de 12 000 euros à titre de dédommagement pour n’avoir pu financer les travaux de réfection du bien ». Acceptant de régler cette indemnité, Monsieur [O] a ainsi reconnu qu’il était tenu de participer au financement des travaux sur le bien acquis [Adresse 3], mais qu’il n’a pu respecter cet engagement. Il n’a cependant pas admis, contrairement aux affirmations en ce sens des époux [N], qu’il devait seul financer les travaux en cause.

Les premiers juges ont ainsi à juste titre retenu que l’existence d’une contrepartie au prêt accordé par les époux [N] à Monsieur [O] n’était pas établie. En outre, s’il apparaît que Monsieur [O] s’était engagé à participer au financement des travaux du bien acquis [Adresse 3], l’étendue de ce financement n’était pas définie, ainsi que l’ont justement observé les magistrats.

2. sur la faute de Monsieur [O]

Le devis du 3 août 2010 de la société EUROBAT précité prévoyait la division du local commercial acquis en deux lots, l’un devant devenir un appartement de deux pièces (ayant son entrée côté cour) et l’autre un « souplex » (avec une entrée sur rue), constitué d’une grande pièce « réhaussée » et d’une cuisine en rez-de-chaussée, et d’une salle de bains, d’une « chambre » et d’un « coin couchage » au sous-sol.

Les consorts [N]/[O] ont acquis le local situé [Adresse 3] à [Localité 10] par acte du 9 mai 2011.

Les travaux de rénovation et réaménagement n’ont pas pu démarrer immédiatement, et en tous cas pas le 18 juillet 2011 (pour se terminer le 31 octobre 2011) ainsi que le prévoyait le devis du 3 août 2010 de la société EUROBAT précité. A cette époque, aucune autorisation administrative, notamment pour un changement de destination d’un local commercial en logement d’habitation, n’avait été obtenue, sans que cela ne puisse être reproché à Monsieur [O]. Ce point est confirmé par Monsieur [L] [F] [P], artisan du bâtiment et gérant de la société EUROBAT, dans son attestation du 4 août 2022. Il y fait état de son devis du 3 août 2010 (qui porte bien cette seule date sans qu’il ne soit établi qu’il ait été signé plus tard, au cours de l’été 2011, comme l’affirment les époux [N]) puis expose que les travaux de démolition ont démarré sans pouvoir être poursuivis, faute d’autorisations. Aucun élément du dossier ne met en lumière le caractère erroné et faux de ces déclarations, pourtant allégué par les époux [N].

Monsieur [O] a dès le 4 novembre 2011 donné deux mandats à la société Guy HOQUET de vendre les biens (un local commercial sur rue et un appartement sur cour), laissant apparaître que la vente a été prévue avant même que les autorisations de la copropriété et de la mairie pour les travaux ne soient accordées.

Les plans dressés sous l’en-tête « [O] architectural Workshop & Andrea [N] Architecte DFAUR », datés du 18 février 2011, révèlent qu’étaient alors en fait prévus un appartement donnant sur cour et un local commercial (correspondant au « souplex » évoqué dans le devis de la société EUROBAT).

Ce n’est que le 11 juin 2012, plus d’un an après l’acquisition du bien par les consorts [N]/[O], que les copropriétaires de l’immeuble, réunis en assemblée générale ordinaire, ont accepté l’ensemble des demandes de travaux présentées par Madame [N] (division, appropriation d’un WC commun et d’une portion de cour, remplacement d’une tabatière, changement de façade).

Une déclaration préalable de travaux a bien été déposée en mairie le 30 janvier 2013 pour les travaux d’aménagement du bien acquis [Adresse 3] et les services municipaux de [Localité 9] ont le même jour indiqué que le projet déclaré était autorisé à défaut de réponse de l’administration dans le mois de cette déclaration et ajouté que « les travaux pourront alors être exécutés après affichage sur le terrain du présent récépissé et d’un panneau décrivant le projet (‘) ». Le maire de [Localité 9], par arrêté du 4 février 2013, a précisé qu’il n’avait pas été fait opposition à l’exécution des travaux déclarés pour le changement de destination du local commercial du rez-de-chaussée sur cour en habitation.

Les époux [N] rappellent justement que la déclaration préalable et l’autorisation n’étaient requises que pour la partie du local commercial destinée à être transformée en logement (partie donnant sur la cour) et non pour le local commercial demeurant tel (donnant sur rue).

Mais ils ne peuvent imputer le retard pris par les travaux à Monsieur [O] faute de financement, alors même que les autorisations de la copropriété n’ont été données que plus d’un an après l’acquisition du bien, celles de la mairie près de deux ans après cette acquisition, postérieurement à la décision de remettre en vente le bien, et alors en outre qu’il n’a pu être démontré que Monsieur [O] était seul obligé au financement de ces travaux.

Il n’est donc pas établi que la perte de chance pour les époux [N] de revendre le bien en cause à un prix supérieur au prix auquel il a effectivement été vendu le 23 mai 2014, de 560.000 euros, puisse être imputée à Monsieur [O].

3. sur la réalité du préjudice allégué

Le local acquis par les consorts [N]/[O] pour la somme de 360.000 euros au mois de mai 2011 a été revendu à la SCI de NOUS selon acte définitif du 23 mai 2014 pour un prix de 560.000 euros, avec une plus-value de 200.000 euros.

Il n’était pas justifié, devant les premiers juges, de l’état réel du bien lors de cette revente.

Devant la Cour, Madame [I] [X], co-gérante de la SCI de NOUS qui a acquis le bien, indique dans une attestation du 19 février 2022 avoir acquis le local du [Adresse 3] après que des travaux de démolition ont été effectués, mais sans que des travaux d’aménagement et de rénovation aient été réalisés.

Si Madame [Y] [U], directrice de l’agence [U] IMMOBILIER, atteste le 18 février 2022 que le bien de 98,25 m² « aurait pu être vendu, une fois remis en état, autour de 12.000 €/m² en 2012 [soit environ 1.179.000 euros], au vu de la qualité du projet de restructuration joint et de sa situation dans le micro-marché de [Localité 8], quartier qui jouit d’une forte attractivité », cette évaluation reste incertaine, supposant que des travaux de 50.000 euros HT, soit 52.250 euros TTC, tels que prévus au devis de la société EUROBAT, déjà cité, auraient pu générer une plus-value de plus de 800.000 euros, ce qui reste discutable.

Les premiers juges ont en conséquence justement retenu que la preuve du préjudice allégué par les époux [N] n’était pas rapportée.

***

Il apparaît au terme de ces développements que les époux [N] ne démontrent ni la réalité de l’obligation de Monsieur [O] de financer seul les travaux de rénovation, transformation et aménagement du bien de la [Adresse 3] acquis avec lui au mois de mai 2011, ni de l’imputabilité à Monsieur [O] de l’abandon des travaux et de la remise en vente de ce bien sans travaux, ni même d’un préjudice certain découlant pour les époux [N] de la revente du bien au mois de mai 2014.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [N] des demandes indemnitaires formulées contre Monsieur [O].

Sur les demandes de Monsieur [O]

Les premiers juges ont rappelé que la mauvaise appréciation d’une partie de ses droits ne caractérisait pas un abus et que le retard de Monsieur [O] pour rembourser le prêt accordé par les époux [N] était avéré. Ils ont donc débouté le premier de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Les époux [N] ne critiquent pas le jugement de ce chef.

Monsieur [O] fait état du caractère abusif de la procédure engagée contre lui par les époux [N] et d’un « harcèlement judiciaire » et estime qu’ils doivent être sanctionnés à raison de cet abus par l’allocation à son profit de la somme de 6.000 euros.

Sur ce,

Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (article 1240 du code de procédure civile).

Ainsi que l’ont rappelé les premiers juges, l’appréciation erronée que peut porter une partie sur ses droits n’est pas en soit constitutive d’une faute, d’une part, et il s’avère en outre que Monsieur [O] ne peut contester avoir remboursé le prêt de 120.000 euros accordé par les époux [N] avec retard, laissant apparaître que certaines affirmations de ces derniers sont justifiées. Monsieur [O] inscrit le présent litige dans un contexte plus large et fait état d’autres instances, qui ne concernent pas les mêmes parties (l’opposant à Madame [B] [C] et son beau-fils, Monsieur [N], ou encore à Monsieur [G] [C] et Madame [J] [K], épouse [C]’) et qui ne caractérisent donc pas un abus de droit des époux [N].

Il est en outre et en tout état de cause rappelé que les dommages et intérêts n’ont jamais un caractère punitif, mais viennent réparer un dommage qui doit être démontré. Or Monsieur [O] ne démontre la réalité d’aucun préjudice du fait de la présente instance, distinct de celui causé par la nécessité de présenter sa défense en justice, qui est examinée sur un autre fondement.

Les premiers juges ont en conséquence à bon droit débouté Monsieur [O] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et le jugement sera confirmé à ce titre.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens de première instance, laissés à la charge des époux [N], et l’absence de toute indemnisation de frais irrépétibles.

Ajoutant au jugement, la Cour condamnera les époux [N], qui succombent en leur recours, aux dépens d’appel avec distraction au profit du conseil de Monsieur [O] qui l’a réclamée, conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Tenus aux dépens, les époux [N] seront également condamnés à payer à Monsieur [O] la somme équitable de 2.500 euros en indemnisation des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 5 septembre 2019 (RG n°17/12348),

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [T] [N] et Madame [W] [C], épouse [N], aux dépens d’appel, avec distraction au profit de Maître Pascal FLAURAUD,

CONDAMNE Monsieur [T] [N] et Madame [W] [C], épouse [N], à payer la somme de 2.500 euros à Monsieur [E] [O] en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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