RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 12 JANVIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/00515 – N° Portalis DBVR-V-B7F-EXEL
Jonction par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 15 mars 2021 avec la procédure référencée N° RG 21/00520 N°Portalis DBVR-V-B7F-EXEX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire d'[Localité 15], R.G. n° 16/01706 , en date du 26 novembre 2020,
APPELANT dans la procédure 21/515 et INTIME dans la procédure 21/520
Monsieur [B] [D] [S] [E]
né le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 14], demeurant [Adresse 10]
Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Jean-Marc WATBOT, avocat au barreau d’ [Localité 15] et Me Myrtille MELLET, avocat au barreau de PARIS
INTIMES dans l’affaire 21/515 et APPELANTS dans l’affaire 21/520
Monsieur [A] [G]
né le [Date naissance 7] 1953 à [Localité 15], domicilié [Adresse 13]
Représenté par Me Laurence BOURDEAUX de la SCP BOURDEAUX-MARCHETTI, avocat au barreau d'[Localité 15]
Madame [U] [I] épouse [G]
née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 15], domicilié [Adresse 13]
Représentée par Me Laurence BOURDEAUX de la SCP BOURDEAUX-MARCHETTI, avocat au barreau d'[Localité 15]
S.A.S. S. [G],
Sise [Adresse 13]
Représentée par Me Laurence BOURDEAUX de la SCP BOURDEAUX-MARCHETTI, avocat au barreau d'[Localité 15]
INTIMÉS dans la procédure RG 21/515 et RG 21/520
Monsieur [B] [L]
domicilié [Adresse 5]
Représenté par Me Francis KIHL de la SELARL LORRAINE DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau d'[Localité 15]
Monsieur [V] [M]
né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 15], domicilié [Adresse 8]
Représenté par Me Francis KIHL de la SELARL LORRAINE DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau d’EPINAL
INTIMÉE dans la procédure RG 21/520
S.A. AXA FRANCE IARD
Prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, demeurant [Adresse 9]
Représentée par Me Nicole VILMIN de la SCP VILMIN CANONICA REMY ROLLET, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE dans la procédure RG 21/520 et RG 21/515
S.A. ALLIANZ IARD,
demeurant [Adresse 6]
Représentée par Me Jean-dylan BARRAUD de la SELARL LIME & BARRAUD, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Patricia LIME, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 01 Décembre 2022, en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, chargé du rapport,
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 12 Janvier 2023, par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Le 18 janvier 1990, M. [W] [M], décédé le [Date décès 4] 2010 et dont les héritiers sont MM. [V] [M] et [B] [L], a acquis un ancien entrepôt sis à [Adresse 11].
Le 25 août 1994, M [W] [M] a vendu à M. et Mme [B] [E] un immeuble d’habitation sis au [Adresse 10], l’acte contenait un pacte de préférence au profit des acheteurs si M. [M] vendait dans un délai de vingt ans à compter de l’achat le bâtiment en mauvais état à usage de garages sis au [Adresse 11].
Le 29 janvier 1996, M. [A] [G] et Mme [U] [I], son épouse, ont acquis un immeuble contigu à l’ancien entrepôt sis [Adresse 12] ; cet immeuble se compose de six appartements loués à des particuliers et de locaux à usage professionnel donnés à bail à la SARL S. [G] (devenue plus tard la SAS S. [G]), assurée auprès de la compagnie Axa France Iard.
Le mur séparatif des deux immeubles situés [Adresse 11] et[Adresse 12]s est mitoyen.
Le 2 mai 2006, la SARL S. [G] a établi à l’intention de M. [W] [M] un devis pour le remplacement d’une noue sur son bâtiment.
Plusieurs dégâts des eaux ont endommagé l’immeuble [G], au vu notamment des déclarations de sinistres des 4 janvier et 3 juillet 2007 et du 8 octobre 2008. Concernant ce dernier sinistre, l’assureur de la SARL S.,[G], a opposé, par courrier du 23 avril 2009, un refus de garantie au motif que les infiltrations au niveau du mur mitoyen étaient récurrentes depuis une dizaine d’années et que le sinistre n’avait pas de caractère accidentel et soudain. Une transaction sur la réparation des dégâts est toutefois intervenue le 28 mars 2011 entre la SARL S. [G] et les héritiers de M [W] [M].
Le 10 avril 2009, M. [W] [M] a vendu l’entrepôt à M [B] [E] qui a ainsi exercé le droit de préférence prévu dans l’acte de 1994. Cet acte de vente précise que le bâtiment est en état vétuste. M. [E] s’est assuré pour ce bâtiment auprès de la SA Allianz Iard.
Par courrier du 20 juin 2012, l’une des locataires des époux [G] leur a signalé un affaissement du plancher dans son appartement. Il s’est avéré que l’immeuble était atteint de mérule. L’ensemble des locataires (y compris la SARL S. [G]) ont dû quitter les lieux en raison de l’apparition de la mérule.
Le 26 juin 2012, M. [B] [E] a déclaré le sinistre à son assureur, la compagnie Allianz Iard, laquelle a refusé sa garantie par courrier du 28 août 2013 au motif que la garantie ‘dégât des eaux’ n’avait pas été souscrite.
Le 19 septembre 2012, M. [A] [G], Mme [U] [I] épouse [G] et la SARL S. [G] ont fait assigner M. [B] [E] et la compagnie Axa France Iard, assureur de la SARL S. [G], devant le juge des référés afin d’obtenir la désignation d’un expert.
Par ordonnance du 24 octobre 2012, le juge des référés a fait droit à cette demande et a désigné M. [J] [H] en qualité d’expert. A la requête de M [E], le juge des référés a étendu les opérations d’expertise à la SA Allianz Iard, son assureur, et à MM. [V] [M] et [B] [L], ses vendeurs. A cette occasion, la mission de l’expert a été complétée sur le point de savoir si le dégât des eaux du 8 octobre 2008 avait ou non pu contribuer à l’apparition de la mérule.
Le rapport d’expertise a été déposé le 22 mars 2016.
Par actes d’huissier délivrés le 8 juillet 2016, M. [A] [G], Mme [U] [I] épouse [G] et la SARL S. [G] ont fait assigner M. [B] [E], la SA Axa France Iard, M [V] [M] et M [B] [L] devant le tribunal de grande instance d'[Localité 15] .
Par acte d’huissier délivré le [Date décès 4] 2016, M [B] [E] a fait assigner la SA Allianz Iard devant le tribunal de grande instance d'[Localité 15] .
La jonction entre les deux instances a été prononcée le 12 décembre 2016.
M. [A] [G], Mme [U] [I] épouse [G] et la SARL S. [G] ont demandé au tribunal, au visa des articles 1386, subsidiairement 1382 et 1383, très subsidiairement 681 et encore plus subsidiairement 1384 alinéa 1er du code civil, de déclarer M. [B] [E] responsable des dommages qui leur ont été causés, de condamner M. [B] [E] à payer aux époux [G] la somme totale de 649 446,11 euros, à la SARL S. [G] la somme globale de 230 276,35 euros, d’ordonner, sous astreinte, l’exécution par M. [E] des travaux suivants : le décrépissage, le traitement de la mérule, le contreventement et la pose d’un enduit traditionnel sur son mur devenu parement extérieur. Subsidiairement, ils ont sollicité une nouvelle expertise sur la seule estimation des dommages. Très subsidiairement, ils ont sollicité la condamnation de la société Axa à payer à la SARL S. [G] la somme de 45 863,50 euros HT (se réservant de solliciter ultérieurement le remboursement des frais de ré-emménagement).
M. [E] a conclu au rejet des demandes et, subsidiairement, il a sollicité la garantie de ses vendeurs, MM. [L] et [M], et de son assureur la compagnie Allianz.
MM. [V] [M] et [B] [L] ont conclu au rejet des demandes formées contre eux.
La compagnie Allianz Iard a conclu au rejet des demandes de M. [E] et, subsidiairement, à la garantie des époux [G], de la SARL S. [G] et de MM. [M] et [L].
Enfin, la société Axa France Iard a conclu au rejet des demandes formées contre elle.
Par jugement rendu le 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire d'[Localité 15] a :
– dit que M. [A] [G] et son épouse, Mme [U] [I], d’une part, et M. [B] [E], d’autre part, doivent réparer par moitié les conséquences dommageables de l’apparition de mérule dans l’immeuble appartenant aux époux [G], sis [Adresse 12],
– fixé ainsi qu’il suit le préjudice de M. [A] [G] et Mme [U] [I] :
* Frais conservatoires appartements : 10 118,40 euros TTC
* Frais éradication mérule : 32 095 euros HT
* Travaux de réfection des appartements : 150 000 euros TTC
* Perte de loyers appartements de juin 2012 à juin 2019 : 146 295 euros
* Perte de loyers professionnels de juin 2012 à juin 2019 : 208 313,06 euros HT
* Perte de loyer pendant l’année des travaux : 31 139 euros
– fixé ainsi qu’il suit le préjudice de la SARL S. [G] :
* Frais de déménagement : 39 753 euros HT
* Frais de retour dans les locaux : 27 276 euros HT
* Frais de main d’oeuvre : 9 600 euros HT
* Perte d’exploitation : 22 000 euros HT
– débouté M. [A] [G] et Mme [U] [I] et la SARL S. [G] de toutes leurs autres demandes indemnitaires,
– débouté M. [B] [E] de sa demande de garantie à l’égard de MM. [V] [M] et [B] [L],
– débouté M. [B] [E] de ses demandes à l’encontre de la compagnie Allianz Iard,
– débouté la SARL S.[G] de ses demandes à l’encontre de la compagnie Axa France,
– débouté M. [A] [G] et Mme [U] [I], la SARL S. [G] et M. [B] [E] de leurs demandes au titre des frais de défense,
– débouté la compagnie Allianz Iard de sa demande au titre des frais de défense,
– condamné M. [B] [E] à payer à MM. [V] [M] et [B]
[L] la somme de 1 000 euros au titre de leurs frais de défense,
– condamné la SARL S.[G] à payer à la compagnie Axa France la somme de 800 euros au titre de ses frais de défense,
– condamné la SARL S. [G] aux dépens de la mise en cause de la compagnie Axa France,
– condamné M. [B] [E] aux dépens de la mise en cause de la compagnie Allianz,
– condamné par moitié M. [A] [G] et Mme [U] [I] d’une part et M. [B] [E] d’autre part aux dépens, lesquels comprendront les dépens de la procédure de référé et le coût de l’expertise.
Par déclaration faite le 1er mars 2021 , M. [B] [E] a interjeté appel de ce jugement.
Par déclaration faite le 2 mars 2021, les époux [G] et la SARL S. [G] ont également interjeté appel de ce jugement.
Les deux procédures d’appel ont été jointes.
Par conclusions déposées le 23 septembre 2022, M. [B] [E] demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions, à l’exception de la mise hors de cause d’Axa, le jugement rendu le 26 novembre 2020 et, statuant à nouveau de :
– déclarer M. [G] seul responsable de ce sinistre et le condamner à en assumer toutes les conséquences dommageables,
– déclarer l’appel interjeté par les époux [G] et la SAS [G] recevable mais mal fondé,
– En conséquence débouter purement et simplement les époux [G] et la SAS [G] de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
– rejeter toutes demandes d’indemnisation formées par les époux [G] et la SAS [G] à son encontre,
– à titre subsidiaire et pour l’hypothèse où une part, même infime, de préjudice serait mise à sa charge :
1. Dire qu’il sera relevé par MM. [L] et [M], ès qualités d’héritiers de M. [W] [M], de toute condamnation prononcée contre lui,
Fixer au maximum le montant des réparations aux postes suivants :
– Pour les époux [G] :
* Eradication (selon rapport p 59) : 34.884 €TTC
* Réfection (selon rapport p 61) : 139.008 €TTC
* Travaux de prévention époux [G] (selon rapport p 63) : 38.545 €TTC
* Perte de loyer (tout au plus limité à un an cf. infra) : 20.160 €TTC,
– Pour la SARL [G] (selon rapport p 65) : 76.629 € HT,
2. Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de ses demandes à l’encontre de la Compagnie Allianz,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné aux dépens de la mise en cause de la Compagnie Allianz,
Dire que la garantie de la Compagnie Allianz est acquise en application de la police d’assurance n°44706420,
En conséquence,
Condamner la Compagnie Allianz à le garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en principal, intérêts et frais et à payer directement tous bénéficiaires desdites condamnations en ses lieu et place,
– à titre très subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour jugerait que la garantie de la Compagnie Allianz n’est pas acquise :
Dire que la compagnie Allianz en sa qualité de mandant civilement responsable, devra répondre des fautes de son agent général,
Dire que la compagnie Allianz a failli à son obligation de conseil et d’information dont elle était débitrice envers lui et qu’elle a dès lors engagé sa responsabilité envers lui,
En conséquence,
Condamner, sur le fondement du défaut de conseil et d’information, la Compagnie Allianz à le garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en principal, intérêts et frais et à payer directement tous bénéficiaires desdites condamnations en ses lieu et place,
– En tout état de cause,
Dire que la police d’assurance n°44706420 comporte une garantie « défense de vos intérêts civils », en application de laquelle la Compagnie Allianz doit lui prodiguer une assistance technique et juridique et prendre en charge les frais et honoraires occasionnés par la défense de ses intérêts lorsque sa responsabilité est engagée,
En conséquence,
Condamner la compagnie Allianz à lui payer la somme de 115 766,60 euros au titre des frais exposés par lui, à la date du 20 septembre 2022, à parfaire,
Condamner la compagnie Allianz au paiement de la somme de 40 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice personnel subi par lui,
Pour l’hypothèse où l’intégralité des frais irrépétibles de Monsieur [E] ne serait pas mise à la charge de la compagnie d’assurance Allianz,
Condamner in solidum les époux [G], la SAS [G], M. [M] et M. [L] au paiement d’une somme de 50.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner tout autre que lui aux entiers dépens avec autorisation de recouvrement direct au profit de son avocat.
Par conclusions déposées le 7 octobre 2022, les époux [G] et la SAS [G] demandent à la cour de :
– Constater qu’aucune responsabilité ne peut être retenue à l’encontre de M. [A] [G],
– Dire et juger qu’un défaut d’entretien fautif est imputable à M. [E] et que sa responsabilité est pleine et entière,
– Dire et juger la SAS S. [G] recevable et bien fondée en son appel principal et son appel incident,
– Infirmer le jugement rendu le 26 novembre 2020 en ce qu’il a dit que les époux [G] d’une part, et M. [B] [E] d’autre part, doivent réparer par moitié les conséquences dommageables de l’apparition de mérule dans l’immeuble appartenant aux époux [G] sis [Adresse 12],
– Dire M. [B] [E] tenu de réparer toutes les conséquences dommageables de l’apparition de mérule dans l’immeuble sis [Adresse 12] et d’indemniser l’entier préjudice des époux [G] et de la SAS S. [G],
– Infirmer le jugement rendu le 26 novembre 2020 en ce qu’il a fixé à 150 000 euros le préjudice des époux [G] lié à la réfection des appartements,
– Fixer à 263 333, 38 euros TTC, outre 44 447,27 euros de frais complémentaires, le préjudice des époux [G] lié à la réfection des appartements,
– Dire et juger que les travaux de réfection et frais complémentaires fixés seront actualisés et revalorisés par application du dernier indice BT connu à la date de la décision de la cour (dernier indice connu juillet 2022 = 127.7) sur la base de l’indice BT février 2015 (104.5),
– Actualiser et fixer à 307 112,93 euros les pertes de loyers des époux [G], arrêtées au 30.09.2022,
– Condamner M. [B] [E] à payer aux époux [G] la somme totale de 748 245,98 euros, hors revalorisation des travaux selon l’indice BT,
– Infirmer le jugement rendu le 26 novembre 2020 s’agissant du préjudice de la SAS S. [G],
– Fixer à 230 276, 35 euros le préjudice de la SAS S. [G].
– Condamner M. [B] [E] à payer à la SAS S. [G] la somme globale de 230 276,35 euros.
– Ordonner, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la décision à intervenir, l’exécution par M. [E] des travaux suivants : le décrépissage, le traitement de la mérule, le contreventement et la pose d’un enduit traditionnel sur son mur devenu parement extérieur,
– Subsidiairement, ordonner une nouvelle expertise sur la seule estimation des dommages,
– Très subsidiairement, condamner Axa France IARD à payer au titre de l’indemnisation des frais supplémentaires consécutifs au déménagement, la somme de 45 863,50 HT à la SAS S. [G], augmentée des intérêts légaux à compter du 3 août 2012,
– Donner acte à la SAS S. [G] de ce qu’elle se réserve le droit de solliciter ultérieurement l’indemnisation par Axa France IARD de son déménagement en retour dans la limite du plafond de garantie,
– Dire et juger la SA Allianz IARD mal fondée en son appel incident, et la débouter de sa demande en garantie à l’encontre des consorts [G],
– Condamner M. [B] [E] à payer aux époux [G] la somme de 30 000 euros sur le fondement de l’Article 700 du Code de Procédure Civile,
– Subsidiairement, condamner Axa France Iard à payer à la SAS S. [G] la somme de 20 000 Euros sur le fondement de l’Article 700 du Code de Procédure Civile,
– Condamner M. [E] aux entiers dépens de l’instance qui comprendront les frais d’expertise ainsi que les frais des constats d’huissiers,
– Confirmer pour le surplus le jugement du 26 novembre 2020.
Par conclusions déposées le 2 août 2021, MM. [M] et [L] demandent à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
– débouté M. [B] [E] de sa demande de garantie à leur égard,
– débouté M. [B] [E] de sa demande de condamnation à leur encontre au titre des frais de défense et des dépens,
– condamné M. [B] [E] à leur payer la somme de 1 000 € au titre des frais de défense,
– condamné par moitié les époux [G] d’une part et M. [B] [E] d’autre part aux dépens, lesquels comprendront les dépens de la procédure de référé et le coût de l’expertise,
Y ajoutant, ils demandent à la cour de condamner les appelants à leur payer une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procdure Civile à hauteur d’appel, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de leur avocat.
Par conclusions déposées le 4 juillet 2022, la société Allianz Iard demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, notamment en ce qu’il l’a mise hors de cause et de :
– de débouter M. [E] et toute partie à l’instance de toute prétention à son encontre,
– de dire qu’en l’absence de souscription de la garantie ‘dégât des eaux’, le contrat souscrit par M. [E] ne peut recevoir en aucune façon application,
– dire qu’au vu des exclusions particulières et générales prévues au contrat d’assurance, la garantie d’assurance ne peut en aucune manière être mobilisée,
– dire qu’elle n’a commis aucun manquement, aucune faute dans ses obligations contractuelles,
– dire qu’il n’en résulterait de toute manière aucune perte de chance, compte-tenu des exclusions de garantie opposables,
– sur appel incident, au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, condamner les époux [G], la SAS [G], MM. [M] et [L] à la relever de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en principal, intérêts et frais,
– condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions déposées le 21 juin 2022, la société Axa France IARD demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes de la SAS Poiroit formées à son encontre et, y ajoutant, de condamner cette société à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les responsabilités encourues du fait de l’apparition de la mérule
L’expert judiciaire, M. [H], a soigneusement analysé les lieux litigieux pour déterminer la cause des désordres.
Il estime ‘qu’en fait, il n’y a qu’un désordre : la présence de mérule’ (p. 53).
Pour se développer, ce champignon doit bénéficier de la conjonction de deux facteurs :
– une température comprise entre 10 et 25°,
– la présence de bois présentant un taux d’humidité compris entre 25 et 35%. C’est donc l’humidité élevée et persistante dans le bois présent dans les bâtiments qui est le facteur déclenchant.
L’expert relève que ‘l’humidité qui a affecté le bois [de la propriété [G]] a été apportée au travers du mur séparatif [G]/[E]. Or ce mur, qui aurait dû n’être qu’un mur séparatif intérieur, est devenu exposé aux intempéries, en particulier la pluie, et pire même par des écoulements anarchiques au travers du chéneau qui le surmonte, et alors que ce chéneau recueillait les eaux de la toiture en shed du bâtiment [E]’ (p. 57).
Il ajoute que :
– ‘contrairement aux affirmations de M. [E], il est indéniable que ce mur séparatif a été affecté de son côté par des écoulements non négligeables en partie haute et sur une longue période. L’un de ces écoulements est particulièrement marqué depuis la toiture (…) justement au droit d’un trou du chéneau’ (p. 58) ;
– ‘ la cause de la présence de mérule derrière le mur séparatif [G]/[E], côté [G], était identifiée aux infiltrations en provenance de la
tête du mur, ou latéralement par les trous dans le toit du bâtiment du mur [E], il apparaît que c’est bien l’absence d’entretien de ce bâtiment et de la noue qui est à l’origine du sinistre subi par M. [G]. En fait, le mur séparatif n’était pas enduit, mais cette situation ne prêtait pas à conséquence tant que le bâtiment était couvert. Dès lors que la couverture a été affectée elle-même de désordres, tout comme la tête de mur (chéneau), il appartenait au propriétaire de cette unité foncière soit de remédier à ses ouvrages de zinguerie, soit de protéger le mur, cette dernière solution étant inévitablement nécessaire en cas de démolition du bâtiment.
Si le bâtiment en ruine était propriété exclusive de M. [E], le mur
séparatif est mitoyen, ce statut qui n’était initialement pas évident, a été
démontré et confirmé au cours de mes opérations. De ce fait, il apparaît que le chéneau avait une double fonction : recueillir les eaux du pan de toiture du bâtiment [E], mais aussi de protéger le mur (…).
Par ailleurs, il a été démontré que le propriétaire précédent, M. [W] [M] et M. [G] avaient depuis plusieurs années connaissance du mauvais état de ce chéneau, au point que M. [G]a établi en mai 2006 un devis, à l’adresse de M. [M] pour refaire ce chéneau. Aucune suite n’a été donnée à ce devis, que ce soit par M. [W] [M] ou par M. [G] qui avait donc une bonne connaissance de son insuffisance, et donc des risques que celle-ci était susceptible de provoquer, a minima des infiltrations, et d’autant plus qu’il a déclaré un tel désordre à sa compagnie à plusieurs reprises (janvier 2007, juillet
2007, octobre 2008) mais ni l’un ni l’autre n’a réagi’ (p. 62).
Il ressort clairement des constatations et analyses de l’expert judiciaire que l’apparition de la mérule en 2012, qui est à l’origine des dommages, a été causée par la négligence des deux propriétaires voisins, qui ont laissé l’humidité dégrader et imprégner le mur mitoyen qui séparait leurs propriétés respectives.
La faute de négligence de M. [E], qui ne s’est pas préoccupé du bon écoulement des eaux pluviales de son toit en shed, eaux qui n’étaient plus entièrement canalisées par la noue, tant celle-ci était dégradée, équivaut à celle des époux [G] qui étaient informés depuis de nombreuses années de ce défaut d’étanchéité (en mai 2006 déjà, M. [G] avait établi à l’attention de son voisin un devis de réfection du chéneau défectueux) sans qu’aucune mesure ne soit prise pour y remédier, alors pourtant que M. [G] est artisan couvreur et qu’il était donc particulièrement averti quant aux risques encourus.
En négligeant de protéger leur mur mitoyen des infiltrations d’eaux pluviales, M. [E] et les époux [G] ont permis à l’humidité de s’installer dans le bâti et de favoriser l’émergence et le développement de la mérule. La concomitance de la faute des deux voisins découle également des dispositions de l’article 655 du code civil qui met à la charge des propriétaire indivis la réparation du mur mitoyen proportionnellement au droit de chacun : en l’espèce, M. [E] et les époux [G] devaient effectuer ensemble les travaux d’imperméabilisation de la tête du mur litigieux, sans que l’un puisse se prévaloir de la négligence de l’autre, puisqu’il appartenait aux deux parties d’agir de concert.
Certes, les époux [G] se prévalent de l’ignorance dans laquelle ils étaient du caractère mitoyen du mur séparatif. Toutefois, nul ne peut se prévaloir de sa propre ignorance, alors que celle-ci n’était pas invincible.
Enfin, M. [E] ne peut soutenir qu’il n’aurait commis aucune faute de négligence au motif qu’il ignorait les infiltrations qui affectaient son hangar, alors que les stigmates de ces infiltrations étaient évidents, comme le rappelle l’expert judiciaire : ‘le mur séparatif a été affecté de son côté [côté [E]] par des écoulements non négligeables en partie haute et sur une longue période. L’un de ces écoulements est particulièrement marqué depuis la toiture (…) justement au droit d’un trou du chéneau’. Les clichés photographiques insérés au rapport d’expertise (p. 58) sont particulièrement éloquents quant à la visibilité des coulures qui marquent le mur séparatif sur toute sa hauteur et qui, par leur importance, témoignent de la gravité des désordres.
Aussi la responsabilité de M. [E] est-elle engagée, comme celle des époux [G], sur le fondement de l’article 1383 du code civil, devenu l’article 1241 du code civil.
Par conséquent, au vu de ces éléments, c’est à juste titre que le tribunal a déclaré également responsables M. [E] (à hauteur de 50%) et les époux [G] (à hauteur de 50%). Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur la garantie de MM. [M] et [L]
M. [B] [E], qui a acquis l’immeuble litigieux le 10 avril 2009, reproche à son vendeur, [W] [M] (et par voie de conséquence à ses héritiers), d’avoir été au courant des infiltrations d’eaux pluviales affectant le bâtiment qu’il lui a vendu, et de ne rien avoir fait pour y remédier ou pour l’informer du problème, alors même que le dernier dégât des eaux (en 2008) a débouché sur une transaction entre M. [M] et M. [G] en 2011, un an avant le sinistre qui fait l’objet de cette procédure.
Il est incontestable que [W] [M] n’a pas entretenu le bâtiment litigieux et que les infiltrations causées par le mauvais état de la noue existaient déjà lorsqu’il était propriétaire des lieux.
Toutefois, comme cela a été indiqué au paragraphe précédent, M. [B] [E] connaissait parfaitement l’état de vétusté du bâtiment litigieux qu’il a acquis en 2009, tant cet état était manifeste. D’autre part, il ressort de l’expertise judiciaire que la mérule est apparue en 2012. Ce n’est donc pas l’abstention de [W] [M] dans l’entretien du bâtiment qui a causé l’apparition de la mérule (il n’était plus propriétaire des lieux depuis trois ans lorsque ce champignon est apparu) mais l’abstention de M. [B] [E].
Si M. [B] [E] avait agi comme un propriétaire normalement diligent, soucieux de préserver son bien et celui de ses voisins, il se serait inquiété des coulures apparentes sur le mur mitoyen, de son côté, et aurait mis en oeuvre les moyens nécessaires pour en connaître les causes et y mettre un terme.
Or, M. [E] ne justifie pas avoir effectué la moindre réparation de 2009 à 2012, période pendant laquelle l’état de l’immeuble n’a pu que continuer de se dégrader et les infiltrations se poursuivre jusqu’à permettre l’apparition et le développement de la mérule en 2012.
Par conséquent, c’est à juste titre que le tribunal a débouté M. [E] de sa demande de garantie formée à l’encontre des héritiers de [W] [M], MM. [V] [M] et [B] [L]. Le jugement déféré sera confirmé à cet égard.
Sur la garantie de la compagnie Allianz Iard
Lorsqu’il a acquis l’immeuble litigieux en avril 2009, M. [E] a souscrit une assurance pour cet immeuble auprès de la compagnie AGF, aujourd’hui devenue la compagnie Allianz Iard, avec une garantie ‘dommage aux biens’ et une garantie ‘responsabilité civile’. M. [E] estime que la compagnie Allianz Iard doit le garantir sur le fondement de la garantie ‘responsabilité civile propriétaire d’immeuble’, qu’en outre cet assureur a engagé sa responsabilité sur le fondement d’un manquement à son obligation d’information et de conseil et qu’enfin il doit lui rembourser ses frais de procès.
La police d’assurance liant M. [E] à la compagnie Allianz Iard stipule sous le titre ‘Votre responsabilité civile propriétaire d’immeuble’ :
‘Nous garantissons les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant vous incomber en raison des dommages corporels, matériels et des pertes pécuniaires consécutives causés à autrui y compris à vos locataires ou autres occupants du fait de :
– l’immeuble assuré, de son contenu, de ses cours, jardins, terrains, arbres et plantations ainsi que de tous autres installations ou aménagements immobiliers intérieurs et extérieurs ».
M. [E] se prévaut de cette stipulation pour demander la garantie de son assureur. Toutefois, la police d’assurance prévoit des exclusions générales de garanties, parmi lesquelles figure le défaut d’entretien :
‘Votre contrat ne garantit pas :
– les dommages résultant d’un défaut d’entretien et de réparations vous incombant, caractérisés et connus de vous, sauf cas de force majeure…’.
En l’occurrence, il est constant que la mérule est apparue et s’est développée parce qu’elle a bénéficié de l’humidité imprégnant le mur mitoyen séparatif et que cette humidité est le résultat d’un défaut d’entretien caractérisé, imputable avant avril 2009 à [W] [M], puis d’avril 2009 à 2012 à M. [E] lui-même, étant précisé que celui-ci n’a jamais contesté ne pas avoir réalisé les moindres travaux d’entretien ou de réparation alors même que les infiltrations d’eaux pluviales étaient apparentes et qu’il ne pouvait les ignorer (comme démontré supra). Dès lors, cette exclusion de garantie s’applique et prive M. [E] de la garantie qu’il revendique.
A titre subsidiaire, M. [E] invoque la responsabilité de la société Allianz Iard pour défaut d’information et de conseil pour le cas où la cour retiendrait cumulativement la qualification de dégât des eaux et l’absence de souscription de la garantie y afférente. Or, le rejet de la demande de garantie formée par M. [E] n’est pas fondée, à hauteur d’appel, sur le défaut de garantie ‘dégât des eaux’ (les préjudices dont s’agit ont été causés par la mérule et non par un dégât des eaux, tel que le contrat d’assurance le définit en sa page 11) mais sur l’application de la clause d’exclusion générale précitée tenant au défaut d’entretien. Dès lors, cette demande subsidiaire est sans fondement et ne peut qu’être rejetée.
Enfin, M. [E] sollicite la pris en charge par son assureur de l’ensemble des frais qu’il a exposés pour défendre ses intérêts en justice en se fondant sur la stipulation de la police qui est rédigée comme suit :
‘Nous garantissons la défense de vos intérêts civils lorsque votre responsabilité civile de propriétaire d’immeuble telle que définie ci-avant est mise en cause : nous dirigeons à cet effet le procès qui vous est intenté, exerçons les voies de recours et prenons en charge les frais et honoraires correspondants’.
En l’espèce, la société Allianz Iard n’a pas pris la direction du procès dans l’intérêt de M. [E] puisqu’elle lui conteste toute garantie contractuelle au motif que s’applique une clause d’exclusion générale. L’application de cette clause d’exclusion prive M. [E] de toutes garanties, y compris la garantie liée à la prise ne charge de ses frais de procès.
Par conséquent, M. [E] sera débouté de toutes ses demandes formées à l’encontre de la société Allianz Iard et le jugement déféré sera confirmé à cet égard.
Sur l’indemnisation des préjudices des époux [G] et de la SAS [G]
L’expert judiciaire a soigneusement inventorié les préjudices subis par les époux [G] et par la SAS S. [G] et a analysé rigoureusement les justificatifs qui permettent de les chiffrer. Cette phase de son travail a fait l’objet d’un débat contradictoire devant lui à travers les dires déposés et les réponses qu’il y a apportées. Il convient donc de retenir comme base de fixation des préjudices les évaluations faites par l’expert judiciaire,M. [H], sans qu’il apparaisse nécessaire d’ordonner une nouvelle expertise.
1°/ Les préjudices des époux [G] :
L’expert a retenu pour les travaux de prévention, une somme de 38 545 euros TTC qui se décompose comme suit en valeur HT :
– démolitions dans les logements : 6 580 euros,
– étaiement du plafond de l’atelier : 12 780 euros,
– mise en sécurité : 506 euros,
– confinement et traitement : 1 325 euros,
– échafaudage (main d’oeuvre) : 3 240 euros,
– étaiement : 1 580 euros,
– éradication : 6 110 euros.
Le tribunal a retenu les sommes de 10 118,40 euros TTC au titre des ‘frais conservatoires appartements’ et de 32 095 euros HT au titre des ‘frais d’éradication de la mérule’. Les époux [G] concluent à la confirmation de ces évaluations, tandis que M. [E] demande à la cour de valider l’évaluation faite par l’expert à la somme de 38 545 euros TTC. Au vu des pièces produites, et notamment le devis Aubriat du 4 mars 2015 portant sur le traitement des murs contre la mérule, les estimations faites par le tribunal seront confirmées.
Concernant les travaux de réfection des lieux, l’expert les a évalués à la somme de 139 008 euros TTC.
Les époux [G] sollicitent la fixation du coût des travaux de réfection aux sommes de 263 333,38 euros (valeur 2013), outre 44 447,27 euros (valeur 2013) de frais complémen-taire, chiffrages effectués par la bureau d’études SPEI qu’ils sont sollicité à cette fin. Cette évaluation a été rejetée par l’expert qui s’en est expliqué : ce chiffrage n’est pas étayé par des plans ou schémas des ouvrages pris en compte, il comporte des ouvrages qui ne sont pas justifiés, etc… L’expert relève ‘l’incohérence des chiffres’ et la disproportion du temps de travail retenu (3 semaine à 2 hommes) dans ce chiffrage.
Les époux [G] n’apportent pas de réponses convaincantes à ces critiques sévères portées par l’expert à l’encontre de leur chiffrage. L’évaluation de l’expert (139 008 euros) doit donc être retenue, mais réévaluée, afin de tenir compte de l’inflation intervenue depuis qu’il a déposé son rapport en 2016. L’indemnisation de ce chef de préjudice sera donc fixée à 175 000 euros TTC (le jugement déféré, qui avait retenu une indemnité de 150 000 euros sera réformé sur ce point).
Concernant les pertes de loyers, il convient de rappeler que les époux [G] donnaient les lieux en location à des particuliers pour la partie habitation (5 logements : 4 T2 et 1 T3) et à la SARL S. [G] (devenu la SAS S. [G]) en ce qui concerne l’atelier.
Il n’y a pas lieu de limiter à une année seulement le préjudice causé par la perte de loyers, comme le demande M. [E]. En effet, les époux [G] ne sont pas les seuls responsables de la durée de la procédure, M. [E] y ayant lui-même contribué, ainsi que l’a rappelé le tribunal dans son jugement. En outre, il ne peut être reproché aux époux [G] de ne pas avoir effectué les onéreuses remises en état des lieux tant qu’ils ne bénéficiaient pas des indemnisations qui font l’objet de ce litige. Dès lors, c’est à juste titre que les époux [G] ont chiffré leur manque à gagner locatif en le calculant jusqu’au 30 septembre 2022.
S’agissant du loyer du local professionnel, M. [E] soutient que les époux [G] n’ont subi aucune perte car la société [G] a déménagé dans des locaux qui sont la propriété d’une SCI familiale. Toutefois, si le sinistre n’avait pas eu lieu, la société [G] aurait pu rester dans l’atelier de la [Adresse 10] et la SCI aurait pu disposer de ses locaux, par exemple en les louant à un tiers, de sorte que la perte de loyer est dans tous les cas acquise. Dès lors, il y a eu de chiffrer le préjudice des pertes locatives ‘brutes’ aux sommes suivantes :
– appartements : 214 065 euros,
– local professionnel : 93 047,93 euros HT.
M. [E] estime que les estimations faites par les époux [G] de leurs préjudices ‘dépassent la mesure et n’ont qu’un but d’enrichissement sans cause’ à son détriment. Retenir le montant brut des loyers pour calculer le préjudice locatif effectif serait en effet abusif, car tout bailleur supporte des charges générées par la location consentie (réparation et entretien du bâti et changements des équipements relevant réglementairement de la responsabilité du bailleur), charges devenues inexistantes pendant la période d’inoccupation des lieux. Pour respecter le principe de la réparation intégrale (qui implique aussi de ne pas indemniser au-delà du préjudice effectif), il convient d’appliquer un taux de réfaction de 25% sur les loyers des appartements et de 10% sur les loyers professionnels (les équipements industriels ‘meublant’ l’atelier ne relevant pas de la charge du bailleur) :
– appartements : 214 065 euros x 0,75 = 160 548,75 euros,
– local professionnel : 93 047,93 euros HT x 0,90 = 83 743,13 euros HT,
le jugement déféré sera réformé à cet égard.
Enfin, les époux [G] sollicite l’indemnisation d’un préjudice moral à hauteur de 30 000 euros en arguant des nombreux tracas que leur ont causés l’apparition de la mérule et toutes ses conséquences dans la gestion de leurs biens. Toutefois, leur responsabilité a été établie dans l’apparition de cette mérule et ils ne peuvent donc se prévaloir du préjudice moral causé par une situation à laquelle ils ont eux-mêmes contribué. Leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral sera donc rejetée et la décision du tribunal confirmée sur ce point.
2°/ Les préjudices de la SAS S. [G] :
La SAS S. [G] sollicite :
– au titre des frais de déménagement (éradication et remplacement des rayonnages inclus) la somme de 58 207,35 euros HT,
– au titre du retour dans les locaux de la [Adresse 10] la somme de 27 276 euros HT,
– au titre de la perte d’exploitation la somme de 38 023 euros HT,
– la somme de 6 770 euros HT au titre des frais d’expertise comptable pour chiffrer les dommages subis,
– la somme de 100 000 euros au titre de sa perte de chance en termes d’investissement et de développement, au motif que lorsque le sinistre est survenu elle avait en projet la construction de vastes bâtiments pour accompagner sa croissance, projet qui a dû être ajourné en raison de ce litige.
L’expert a analysé ces chefs de préjudice et a estimé excessive leur évaluation par la SAS S. [G] (imputations erronées, décomptes de temps excessifs, absence de devis, etc… p. 64 et 65 du rapport). Il a effectué sa propre évaluation, qui sera retenue par la cour compte-tenu de l’impartialité qui a prévalu à sa réalisation :
– déménagement : 39 753 euros HT,
– ré-emménagement : 27 276 euros HT,
– coût de main d’oeuvre : 9 600 euros HT.
L’expert n’a pas retenu de perte d’exploitation. La société S. [G] produit une note de son expert-comptable chiffrant à 119 ‘jours homme’ la perte liée au déménagement/ réaménagement de l’atelier pliage, ce qui paraît excessif, comme est excessive la valorisation de la perte de marge en découlant. Au vu des données chiffrées produites, la perte d’exploitation sera fixée à 20 000 euros HT.
Pour chiffrer ses préjudices, la société S. [G] a mandaté son cabinet d’expertise-comptable. Elle a fait le choix de cette assistance technique et ne peut demander que ce coût qui n’était pas indispensable soit répercuté sur les personnes responsables. Elle sera donc déboutée de ce chef de demande.
Quant à ‘la perte de chance en termes d’investissement et de développement’, il s’agit d’un préjudice purement hypothétique qui n’est pas indemnisable.
Au total, la fixation des indemnisations des chefs préjudice de la société S. [G] faite par le tribunal sera confirmée à l’exception du chef de préjudice ‘perte d’exploitation’, ramené de 22 000 euros à 20 000 euros.
Enfin, la société S. [G] sollicite, mais ‘très subsidiairement’, la condamnation de la société Axa France Iard à lui payer au titre de ses frais de déménagement la somme de 45 863,50 euros HT et elle précise qu’elle se réserve le droit de solliciter ultérieurement le remboursement des frais de ré-emménagement. Or, il a été fait droit à sa demande de remboursement de ses frais de déménagement et ré-emménagement (seul le quantum sollicité a été revu à la baisse, ce qui vaudrait aussi pour la société Axa si elle en était déclarée débitrice), de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner ce chef de demande qui n’est formé qu’à titre ‘très subsidiaire’. Au surplus, c’est à juste titre que le tribunal a relevé que la société S. [G] ne justifiait pas avoir engagé ces frais (assimilés à des ‘frais supplémentaires’ par la police d’assurance) avec l’accord de son assureur, alors que cet accord est la condition de l’indemnisation. Le jugement déféré sera donc confirmé sur le rejet de la demande de la société S. [G] formée à l’encontre de la société Axa France Iard.
3°/ L’exécution de travaux par M. [E] :
Les époux [G] et la société S. [G] demandent à la cour d’ordonner, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l’exécution par M. [E] des travaux suivants : le décrépissage, le traitement de la mérule, le contreventement et la pose d’un enduit traditionnel sur son mur devenu parement extérieur.
M. [E] réplique que la pose d’une couvertine en mai 2014 sur le pignon du mur mitoyen a permis de stopper les infiltrations et a mis un terme au développement du champignon.
Il convient de prendre acte de la pose d’une couvertine sur le mur mitoyen par M. [E].
Concernant les travaux de ‘traitement’ de la mérule, ils ont déjà été pris en compte supra à hauteur de 32 095 euros HT (le jugement déféré étant confirmé de ce chef).
En revanche, concernant la protection de la surface du mur mitoyen désormais exposé aux intempéries côté [E], l’expert explique en page 61 de son rapport que l’enduit qui a été posé en partie haute sert plus ‘à masquer l’état du mur’ qu’à protéger l’ouvrage et il préconise des travaux de protection qu’il évalue à 6 222 euros HT. M. [E] ne justifie pas, ni même ne prétend, avoir réalisé ces travaux préconisés par l’expert. Les époux [G] sont donc fondés à demander sa condamnation à les réaliser, étant précisé que le coût en résultant devra être partagé par moitié entre eux sur le fondement de l’article 655 du code civil. Les époux [G] sollicitent le prononcé d’une astreinte. Mais ces travaux sont à effectuer dans l’intérêt des deux parties et la mauvaise foi de M. [E] ne saurait être présumée. L’astreinte n’apparaît donc pas justifiée.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
M. [E] échouant dans ses appels en garantie formés contre la société Allianz Iard et contre MM. [M] et [L], il sera condamné aux dépens afférents à ces appels en garantie (aussi bien de première instance que d’appel) et il sera condamné à leur payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 500 euros au profit de la société Allianz Iard et la somme globale de 800 euros au profit de MM. [M] et [L] (en sus de celle de 1 000 euros déjà allouée par le tribunal).
La société S. [G] échouant dans sa demande à l’encontre de la société Axa France Iard, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel afférents à cette mise en cause et elle sera condamnée à payer à cette compagnie d’assurance la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de celle de 800 euros déjà allouée par le tribunal.
La condamnation par le tribunal des époux [G] et la société S. [G] d’une part ainsi que de M. [E] d’autre part à tous les autres dépens par moitié sera confirmée. Tous les autres dépens exposés à hauteur d’appel seront également mis à leur charge selon cette même répartition par moitié.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,
Fixe le préjudice des époux [G] :
– au titre des travaux de réfection des appartements à la somme de 175 000 (cent soixante quinze mille euros),
– au titre de leur préjudice locatif aux sommes de 160 548,75 € (cent soixante mille cinq cent quarante huit euros et soixante quinze centimes) pour les loyers des appartements et de 83 743,13 € (quatre vingt trois mille sept cent quarante trois euros et treize centimes) HT pour le loyer du local professionnel,
Fixe le préjudice de la société S. [G] au titre du préjudice d’exploitation subi à 20 000 € (vingt mille euros) HT,
Ordonne à M. [E] d’effectuer (dans le délai de six mois), conformément aux préconisations de l’expert (p. 61 de son rapport), les travaux de protection de la totalité de la surface du mur mitoyen, de son côté, afin de le protéger des intempéries, ces travaux devant être réalisés à frais partagés par moitié avec les époux [G],
Condamne M. [E] aux dépens de première instance afférents à la mise en cause de MM. [M] et [L], et autorise la Selarl Lorraine Défense et Conseil, avocats, à faire application de l’article 699 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [E], les époux [G] et la SAS S. [G] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [E] à payer la somme de 500 euros au profit de la société Allianz Iard et la somme globale de 800 € (huit cents euros) au profit de MM. [M] et [L] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS S. [G] à payer à la société Axa France Iard la somme de 500 € (cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [E] aux dépens d’appel afférents à la mise en cause de la société Allianz Iard et de MM. [M] et [L] et autorise la Selarl Lorraine Défense et Conseil, avocats, à faire application de l’article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS S. [G] à payer les dépens d’appel afférents à la mise en cause de la société Axa France Iard,
CONDAMNE d’une part M. [E] à hauteur de 50%, d’autre part les époux [G] et la SAS S. [G] à hauteur de 50% à payer tous les autres dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en vingt pages.