Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 9 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 18/01249 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NSDR
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 11 janvier 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE
N° RG 16/00009
APPELANTS :
Monsieur [J] [B] [P]
né le 31 Mars 1958 à [Localité 5] (ALGERIE)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/003789 du 04/04/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
SELARL [F] [X], ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire et de Commissaire au plan de M. [J] [P]
représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [Z] [T]
né le 20 Avril 1971 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 2]
et
Madame [Y] [E] épouse [T]
née le 30 Août 1976 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentés par Me Aziza BATAL-GROSCLAUDE, avocat au barreau de BEZIERS, substitué à l’audience par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 02 novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 novembre 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour fixée au 26 janvier 2023 prorogée au 9 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte authentique reçu par Me [A] le 5 novembre 2008, M. [Z] [T] et Mme [Y] [E] épouse [T] ont fait l’acquisition auprès de M. [V] [D] et Mme [N] [C] d’une maison d’habitation sise [Adresse 7] ; M. [D] et Mme [C] avaient eux-mêmes acquis cette maison, alors en cours de construction, auprès de M. [J] [P] et Mme [U] [M] épouse [P] par acte du 31 janvier 2005.
Au cours de l’année 2014, M. et Mme [T] ont constaté un affaissement de la toiture de l’immeuble et ont fait établir un procès-verbal de constat par Me [K] ; ils ont par ailleurs obtenu la désignation de M. [I] en qualité d’expert judiciaire, suivant ordonnance de référé du 20 novembre 2014.
L’expert a déposé son rapport le 3 avril 2015, aux termes duquel : » M. [P] a déclaré qu’il n’avait pas réceptionné les ouvrages qu’il construisait pour lui-même et qu’il n’avait pas prévu de vendre. Les éléments du dossier indiquent que la couverture de l’immeuble a été réalisée entre août 2002 et août 2004. L’examen de la charpente révèle de nombreux manquements aux règles de l’art et un affaissement s’est produit sur une zone correspondant à la couverture du séjour. Bien qu’aucune fuite n’ait été rapportée, les désordres observés sont de nature à compromettre la stabilité et la pérennité de l’ouvrage. M. [P] qui n’est pas professionnel est responsable de l’absence de conformité aux règles de l’art, qu’il pouvait ignorer. Ces manquements aux règles de l’art sont présents depuis la mise en oeuvre de la charpente mais n’étaient pas apparents pour un profane lors de la vente.
Les préjudices subis par les époux [T] sont constitués par un très faible risque de ruine de la toiture (…). Les époux [T] subiront une perte de jouissance partielle des lieux lors de l’exécution des travaux de reprise « .
Par acte du 27 novembre 2015, M. et Mme [T] ont assigné M. et Mme [P] devant le tribunal de grande instance de Carcassonne puis ont fait délivrer une assignation en intervention forcée à l’égard de la SELARL [F] [X] le 23 mars 2016, ce dernier ayant été désigné en qualité de mandataire judiciaire dans la procédure de redressement ouverte à l’égard de M. [J] [P] suivant jugement du tribunal de commerce du 22 juillet 2015.
Les deux instances ont été jointes suivant ordonnance du juge de la mise en état du 11 mai 2016.
Par jugement contradictoire du 11 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Carcassonne a :
– jugé M. [J] [P] responsable des désordres affectant la toiture de l’immeuble des époux [T] sur le fondement de la garantie décennale ;
– fixé la créance des époux [T] au passif du redressement de M. [J] [P] aux sommes suivantes :
* 8 832,80 euros au titre des travaux de reprise de la toiture,
* 600 euros au titre du préjudice de jouissance,
* 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– prononcé l’exécution provisoire du jugement ;
– condamné la SELARL [F] [X], en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [J] [P], aux entiers dépens de l’instance, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire.
Le 7 mars 2018, M. [J] [P] et Me [F] [X] en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire et commissaire au plan de M. [J] [P], ont relevé appel de ce jugement à l’encontre de M. [Z] [T] et Mme [Y] [E] épouse [T], l’acte d’appel précisant les chefs de jugement critiqués.
Par ordonnance du 9 avril 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation de l’appel formée par les époux [T] tenant à l’absence d’exécution provisoire du jugement (impossible de payer un créancier en dehors de la procédure collective).
Par ailleurs, le conseiller de la mise en état a invité les parties à conclure au fond, devant la cour, sur la question de savoir si les époux [T] pouvaient engager une instance en fixation de créance devant une autre juridiction que celle ayant ouvert la procédure collective de M. [P], avant le 7 mai 2019 pour les époux [T] et avant le 4 juin 2019 pour les appelants.
Sommation a été faite le 16 mai 2019, réitérée le 13 juin 2019, aux époux [T] d’avoir à communiquer sans délai la pièce n°15 visée à leur bordereau, soit l’ordonnance du juge-commissaire du 9 mars 2016;
Vu les dernières conclusions de M. [J] [P] et de la SARL [F] [X] en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire et commissaire au plan de M. [J] [P], remises au greffe le 3 octobre 2018 ;
Vu les dernières conclusions de M. [Z] [T] et Mme [Y] [E] épouse [T] remises au greffe le 27 septembre 2022 ;
La clôture de la procédure a été prononcée au 2 novembre 2022 ;
MOTIFS
Sur la responsabilité décennale de M. [P] pour les désordres affectant la toiture,
L’article 1792 du code civil dispose : « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».
L’article 1792-1 du code civil complète : » Est réputé constructeur de l’ouvrage :
1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ;
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ;
3° Toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage « .
Le tribunal a retenu que la toiture était un ouvrage et était l’objet des désordres. Elle avait été achevée entre août 2002 et août 2004 et même si la date précise d’achèvement demeure inconnue, il est acquis qu’elle était achevée avant la vente consentie par M. [P] aux époux [D] le 31 janvier 2005, date à laquelle doit être fixée la réception de l’ouvrage.
D’une part, la garantie décennale est étendue au vendeur non professionnel d’un immeuble ainsi celui qui construit pour son compte personnel tout ou partie d’un immeuble, et en l’espèce, M. [P] a lui-même a réalisé la toiture, ce qui lui confère une compétence en matière de construction non contestée, il doit donc être considéré comme constructeur.
D’autre part, s’il n’est pas contesté que selon l’acte de vente du 31 janvier 2005 Monsieur [P] a vendu aux époux [D] un immeuble inachevé soit une maison d’habitation » en cours de construction « , toutefois le clos et le couvert de cet immeuble étaient achevés et réalisés par lui-même, et ainsi la vente concernait un élément essentiel du gros oeuvre et notamment la charpente et la couverture, ouvrages pour lesquels la garantie décennale de l’article 1792-1 2° est applicable.
Par ailleurs, M. [P] étant autoconstructeur, il n’a pas été procédé à une réception des travaux, mais par contre l’expert constate qu’au moment de la réalisation de l’état parasitaire soit au 17 janvier 2015, » l’immeuble apparaît couvert « . L’achat de marchandises en 2002 indiquent simplement que la toiture allait être construite postérieurement à cette date, et l’existence d’un mandat de vente du 24 août 2004 pour un immeuble mis hors d’eau et hors d’air ne donne aucune description précise de l’achèvement de la toiture, compte tenu de ce contexte, il sera retenu l’analyse du tribunal qui fixe la réception à la date de vente du bien aux époux [D] soit le 31 janvier 2005, l’action en garantie n’est donc pas prescrite compte tenu de l’assignation en référé délivrée le 30 septembre 2014.
Enfin l’expert précise en page 10 du rapport : » Bien qu’aucune fuite n’ait été rapportée, les désordres observés sont de nature à compromettre la stabilité et la pérennité de l’ouvrage » et » que les désordres sont présents depuis le montage de la charpente mais n’étaient pas apparents pour un profane « . Il s’agit bien de désordres provenant de fautes lors de la conception et de l’exécution de la charpentes imputables exclusivement à M. [P] qui ne peut s’exonérer les plans de pose qui lui avaient été soumis par le vendeur de la charpente.
Il convient de relever que l’expert a déterminé très précisément la zone de désordres de la toiture, notamment à la liaison entre le pied de la fiche et de la contre fiche et l’entrait. Cet affaissement ne concerne que la partie supérieure de la charpente puisque les faux plafonds suspendus sous l’entrait ne portent pas de traces de désordres. Par contre, des défauts de conception ou de mise en ‘uvre généralisés sont présents » et en l’absence de fuites » l’ouvrage incriminé participe au clos et au couvert et ne donne pas toutes les garanties de stabilité « . Mme [T] n’a pas constaté de fuites, il est en place d’après M. [P] depuis plus de dix ans et ne s’est pas ruiné à ce jour. »
Il s’agit donc d’un dommage actuel qui est réparable sur le fondement de la responsabilité puisqu’il revêt une gravité décennale dans le délai décennal alors que l’expert constate bien un affaissement de la partie supérieure de la charpente correspondant à la couverture du séjour. Ainsi les désordres touchent une partie essentielle de l’immeuble ; la toiture et commencent a apparaître de manière évidente et leur évolution portera atteinte de manière inéluctable à la stabilité de l’ensemble, ils présentent bien un caractère décennal.
Le jugement de première instance sera confirmé de ce chef.
Sur les préjudices,
L’expert constate que l’affaissement ne concerne à l’heure actuelle qu’une partie de la toiture, les malfaçons et manquements aux règles de l’art qui en sont à l’origine sont quant à elles généralisées à l’ensemble de la toiture, de sorte que l’atteinte à la solidité et à la pérennité de l’ouvrage est établie pour son ensemble. En outre, l’expert précise qu’il sera difficile de trouver un artisan acceptant d’effectuer une partie partielle en risquant toutefois de prendre une responsabilité sur l’ensemble de l’ouvrage.
Il convient de privilégier la reprise des travaux conformément aux règles de l’art évaluée et validée par l’expert à la somme de 8 832,80 euros TTC selon devis de la SARL Bati Languedoc et de fixer à cette somme la créance des époux [T] au redressement judiciaire de Monsieur [J] [P] ainsi que le préjudice de jouissance à la somme de 600 euros.
Sur les dépens et l’article 700 code de procédure civile,
Il sera fixé la créance des époux [T] au passif du redressement judiciaire de M. [J] [P] à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement du 11 janvier 2018 en toutes ses dispositions ;
Fixe la créance de M. [Z] [T] et Mme [Y] [E] épouse [T] au passif du redressement judiciaire de M. [J] [P] à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
La greffière, Le président,