REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 6
ARRET DU 10 FEVRIER 2023
(n° /2023, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/13249 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCLRM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL RG n° 19/05660
APPELANT
Monsieur [M] [B]
[Adresse 1]
[Localité 5]
né le 30 Septembre 1976 à PARIS (75020)
Représenté par Me Julien TAMPÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0320
INTIMES
Monsieur [Z] [N]
[Adresse 6]
[Localité 4]
né le 20 Janvier 1992 à MARIGNANE (13700)
Représenté et assisté par Me David RICHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2168
Monsieur [G] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
né le 26 Février 1992 à [Localité 7] ([Localité 7])
Représenté et assisté par Me David RICHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2168
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président
Mme Valérie GEORGET, Conseillère
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame [X] [E] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu au 03 février 2023 puis prorogé au 10 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Selon devis du 31 mai 2018, accepté le 5 juin 2018, M. [N] et M. [I] ont confié à M. [B], artisan, exerçant sous l’enseigne Technifermeture, la réalisation de travaux de rénovation d’un appartement situé à [Localité 8] pour un montant de 21 260 euros HT.
M. [N] et M. [I] ont versé à M. [B] la somme totale de 10 000 euros.
Les travaux n’ont pas été achevés et M. [N] et M. [I] ont demandé à M. [B] le remboursement d’une partie de la somme versée.
N’ayant pas obtenu le remboursement, ils ont, par acte d’huissier du 18 juillet 2019, assigné M. [B] devant le tribunal de grande instance de Créteil en paiement de diverses sommes.
Par jugement en date du 8 juin 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a statué en ces termes:
Condamne M. [B] à payer à M. [N] et M. [I] la somme de 9 800 euros, se décomposant comme suit :
– 5 000 euros au titre des acomptes versés,
– 4 000 euros au titre d’une perte de chance,
– 800 euros au titre d’un préjudice résultant de la mauvaise foi.
Condamne M. [B] au paiement des entiers dépens de l’instance,
Condamne M. [B] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration en date du 21 septembre 2020, M. [B] a interjeté appel du jugement.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 21décembre 2020, M. [B] demande à la cour de :
Infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
Débouter M. [N] et M. [I] de l’ensemble de leurs demandes,
Condamner M. [N] et M. [I] à verser, chacun, à M. [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 18 février 2021, M. [N] et M. [I] demandent à la cour de :
À titre principal
Déclarer M. [B] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes et l’en débouter,
Confirmer la décision entreprise à l’exception du montant alloué à M. [Z] [N] et M. [I],
Condamner M. [B] à payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts à M. [N] et M. [I],
Condamner M. [B] à payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure et aux entiers dépens de la présente instance.
À titre incident
Déclarer M. [N] et M. [I] recevables et bien fondés en leur appel incident,
Infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :
– condamné M. [B] à payer la somme de 4 000 euros au titre d’une perte de chance,
– condamné M. [B] à payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
Condamner M. [B] à payer :
– la somme de 5 080 euros au titre d’une perte de chance,
– la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,
– la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente instance.
En tout état de cause
Rejeter toutes les autres demandes de M. [B] y compris celles au titre des articles 699 et 700 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 13 octobre 2022.
MOTIFS
Sur les demandes en paiement de M. [N] et M. [I]
Moyens des parties
M. [N] et M. [I] soutiennent que l’avancement des travaux n’a pas été conforme aux engagements contractuels, que M. [B] a abandonné le chantier, qu’il s’était engagé à rembourser une partie des sommes pour les travaux non exécutés, ce qu’il n’a pas fait, malgré un protocole d’accord entre les parties, et qu’ils ont subi un préjudice puisque la mise en location de leur logement a du être reportée de quatre mois.
En réplique, M. [B] fait valoir que les travaux devaient durer 45 jours mais que les maîtres de l’ouvrage ont constamment changé leurs plans, qu’ils ont décidé d’interrompre les travaux, que l’arrêt du chantier, qui est quasiment achevé, est de leur seule responsabilité et que le protocole d’accord, entaché d’un vice de forme, est nul.
Réponse de la cour
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l’article 1217 du code civil, ‘La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.’
Selon l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
En l’espèce, il résulte du devis en date du 31 mai 2018, accepté le 5 juin 2018, que les travaux devaient être réalisés dans un délai de 45 jours.
Le 23 juillet 2018, M. [N] a réglé par chèque à M. [B] un acompte de 5 000 euros.
Le 3 septembre 2018, M. [B] a établi une facture sur laquelle il est mentionné qu’un acompte de 5 000 euros a été versé le 16 août 2018 et que la prestation doit être exécutée pour ‘presque fin octobre’.
Le 8 octobre 2018, M. [N] et M. [I] ont versé la somme de 5 000 euros à M. [B].
Il résulte des éléments versés aux débats et des échanges entre les parties que les travaux ont été interrompus par les maîtres de l’ouvrage en raison du non respect par M. [B] du délai d’exécution prévu au devis. (pièces n° 4 et 17 de M. [N] et M. [I] et pièce n°5 de M. [B]).
M. [B] soutient, sans en apporter la preuve, que ce retard aurait pour origine le changement des plans par les maîtres de l’ouvrage.
De même, il fait valoir que le chantier était quasiment achevé lorsque les relations avec les maîtres de l’ouvrage se sont interrompues sans produire la moindre pièce pour en justifier.
La cour constate qu’un protocole d’accord a été envisagé entre les parties dans lequel il est admis que le chantier s’est arrêté avant la fin des travaux en raison du non respect des délais convenus, M. [B] s’engageant à rembourser la somme de 6 000 euros en contrepartie des travaux non réalisés et un échéancier de remboursement étant mis en place (pièce n°17 de M. [N] et M. [I]).
Si ce protocole n’a pas été signé par M. [B], il a manifesté son accord sur les termes de celui-ci à deux reprises, par courriels du 2 et 14 mai 2019, indiquant même dans ce dernier ‘ci-joint le protocole signé ainsi que la date du premier versement.'(pièces n° 18 et 19 de M. [N] et M. [I])
Il n’est pas démontré, comme l’affirme M. [B], que des menaces ou des voies de fait auraient été exercées contre lui, étant observé que la demande de nullité du protocole, non formulée dans le dispositif de ses conclusions, est sans objet dès lors qu’aucune partie ne réclame son application.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. [B] a perçu la somme de 10 000 euros alors qu’il n’a réalisé qu’une partie des travaux prévus, ceux correspondant aux opérations de démolition (pièce n°7 de M. [N] et M. [I]).
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a été condamné, conformément à la demande des maîtres de l’ouvrage, à leur payer la somme de 5 000 euros en remboursement des travaux non réalisés.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [B] à payer à M. [N] et M. [I] la somme de 4 000 euros au titre de la perte de chance de percevoir des loyers pendant 4 mois, de novembre 2018 à février 2019, au vu des justificatifs produits (pièces n° 11 et 12), étant observé que cette indemnisation ne peut correspondre au montant total des loyers, la réparation d’une perte de chance devant être mesurée à la chance perdue et ne pouvant être égale à l’ avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a accordé à M. [N] et M. [I] la somme de 800 euros au titre ‘d’un préjudice résultant de la mauvaise foi’, aucun préjudice distinct de ceux déjà indemnisés n’étant démontré.
La demande de dommages et intérêts d’un montant de 1000 euros formée en cause d’appel par M. [N] et M. [I] sera rejetée dès lors qu’il n’est pas démontré que l’appel de M. [B] est abusif ni de préjudice en lien avec une faute de celui-ci lors de l’exercice de l’action.
Sur les frais du procès
Le jugement sera confirmé sur la condamnation aux dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En cause d’appel, M. [B] sera condamné aux dépens et à payer la somme de 2 000 euros à M. [N] et M. [I] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement, sauf en ce qu’il :
Condamne M. [B] à payer la somme de 800 euros à M. [N] et M. [I];
Statuant à nouveau de ce chef,
Rejette la demande de M. [N] et M. [I] au titre d’un préjudice résultant de la mauvaise foi,
Y ajoutant,
Rejette la demande de M. [N] et M. [I] de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne M. [B] aux dépens,
Condamne M. [B] à payer la somme de 2 000 euros à M. [N] et M. [I] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de M. [B] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La Conseillère faisant fonction de Président,