C 4
N° RG 21/02718
N° Portalis DBVM-V-B7F-K5SN
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELAS SELAS MSA [Localité 6]
Me Sophie GEYNET-BOURGEON
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 16 MAI 2023
Appel d’une décision (N° RG F 20/00322)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE
en date du 18 mai 2021
suivant déclaration d’appel du 18 juin 2021
APPELANTE :
S.A.S. VAL DROME CHARPENTES, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Jean-Louis BARTHELEMY de la SELAS SELAS MSA VALENCE, avocat au barreau de VALENCE,
INTIME :
Monsieur [L] [X]
né le 18 Juin 1964 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Sophie GEYNET-BOURGEON, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me Valérie MALLARD de la SELARL MALLARD AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 20 mars 2023,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, et Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 16 mai 2023.
Exposé du litige :
M. [X] a été embauché par la société CHARPENTES en contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er mars 2006, puis EN contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2007, en qualité de charpentier couvreur.
Le contrat de travail de M. [X] a été transféré à la SAS VAL DROME CHARPENTES dans le cadre d’une cession de fonds de commerce intervenue au 31 décembre 2019 avec effet au 1er janvier 2020.
Le 17 juin 2020, M. [X] s’est vu notifier par lettre remise en mains propres, une mise à pied conservatoire.
Par courrier du 23 juin 2020, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 juillet 2020.
Le 7 juillet 2020, M. [X] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier recommandé avec avis de réception.
Par courrier du 21 juillet 2020, M. [X] a contesté son licenciement et demandé des précisions sur son motif.
Par courrier du 31 juillet 2020, la SAS VAL DROME CHARPENTES a adressé un courrier pour préciser les faits reprochés à M. [X].
Le 23 octobre 2020, M. [X] a saisi le Conseil de prud’hommes de Valence, aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités dues au titre de la rupture de la relation de travail, un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 18 mai 2021, le Conseil de prud’hommes de Valence a :
Requalifié le licenciement pour faute grave de M. [X] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamné la SAS VAL DROME CHARPENTES à verser à M. [X] les sommes suivantes :
402,50 euros bruts à titre de paiement de la mise à pied conservatoire,
40,25 euros au titre des congés payés afférents,
3 986,66 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
396,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,
7 973,31 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire hors de cas où elle est de droit,
Débouté la SAS VAL DROME CHARPENTES de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné la SAS VAL DROME CHARPENTES aux dépens de l’instance.
La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.
La SAS VAL DROME CHARPENTES en a relevé appel par déclaration du 18 juin 2021.
Par conclusions du 10 septembre 2021, la SAS VAL DROME CHARPENTES demande de :
A titre principal,
Constater les faits dont M. [X] est l’auteur et qui sont constitutifs d’une faute grave,
Dire et juger que le licenciement de M. [X] est justifié en ce qu’il repose sur une faute grave,
Partant,
Infirmer le jugement du 18 juin 2021 en ce qu’il requalifie le licenciement pour faute grave de M. [X] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire,
Constater que les faits reprochés à M. [X] justifient le caractère réel et sérieux de son licenciement,
Partant,
Infirmer le jugement du 18 juin 2021 en ce qu’il requalifie le licenciement pour faute grave de M. [X] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
La condamner au seul paiement de l’indemnité légale de licenciement et de l’indemnité de préavis,
A titre infiniment subsidiaire,
Constater que M. [X] occupe illégalement son logement de fonction depuis la fin de son contrat de travail et qu’il bénéficie par ailleurs d’une pension de retraite militaire,
Constater que M. [X] ne fournit aucun élément probant permettant d’évaluer le préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi,
La condamner au minimum prévu par le barème des indemnités prud’homal pour licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalente à 3 mois de salaires,
Infirmer le jugement du 18 juin 2021 en ce qu’il octroie à M. [X] une indemnité pour licenciement injustifié dans la limite du plafond applicable,
En tout état de cause,
Condamner M. [X] à hauteur de 2 500 euros et aux entiers dépens au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives du 6 février 2023, M. [X] demande de :
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à augmenter le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Et statuant à nouveau, de ce seul chef,
Condamner la SAS VAL DROME CHARPENTES à lui payer 23 919,96 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la SAS VAL DROME CHARPENTES à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouter la SAS VAL DROME CHARPENTES de l’ensemble de ses demandes.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 28 février 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur le bien-fondé du licenciement:
Par courrier du 7 juillet 2020, M. [X] est licencié pour faute grave pour avoir :
Menacé le directeur de l’entreprise,
Menacé les différents salariés de l’entreprise conduisant différents membres du personnel à se plaindre auprès du directeur et à formuler le souhait de ne plus vouloir travailler avec lui en raison de son comportement,
Menacé le 19 juin 2020 de ne pas se conformer aux directives de l’entreprise à l’avenir, à savoir insubordination.
Moyens des parties,
La SAS VAL DROME CHARPENTES fait valoir qu’elle a été alertée par différents salariés du comportement intimidant de M. [X] sur les chantiers, le directeur de l’entreprise, M. [R], lui ayant adressé différentes observations orales le 2 juin 2020 quant à l’exécution du contrat de travail.
M. [X] a en réponse menacé le directeur verbalement de ne pas exécuter à l’avenir les directives qui n’iraient pas dans son sens, appuyant celles-ci d’une tentative d’intimidation physique.
La SAS VAL DROME CHARPENTES fait valoir qu’afin de mener une enquête interne permettant d’identifier les faits fautifs pour retenir une sanction la plus adaptée possible, tout en préservant les autres salariés de l’entreprise du comportement de M. [X], elle l’a mis à pied à titre conservatoire par un courrier du 17 juin 2020 remis en mains propres.
Elle soutient que les griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement sont parfaitement démontrés par les diverses attestations et pièces produites et que le salarié n’a pas contesté les faits lors de l’entretien préalable qui s’est tenu le 3 juillet 2020.
Aucun élément produit par le salarié ne permet de démontrer que le véritable motif de son licenciement serait sa plainte déposée le 18 février 2019 à l’encontre de la société VAL DROME CHARPENTES pour manquements aux règles en matière de santé et de sécurité au travail. A ce jour, aucune procédure pénale n’a été diligentée par le parquet et aucun contrôle sur place de l’inspection du travail n’a eu lieu depuis sa création. De plus, le salarié ayant fait l’objet de plusieurs avertissements par le passé,
M. [X] fait valoir pour sa part que sa mise à pied pour faute grave (lettre remise en main propre du 17 juin 2020) n’est pas concomitante à l’engagement de la procédure de licenciement et que la procédure de licenciement n’a été engagée que six jours plus tard par sa convocation à un entretien préalable. Compte tenu de ce délai, la mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire.
Il soutient que les griefs invoqués à son encontre dans la lettre de licenciement (menaces envers le directeur, différents salariés de l’entreprise, et menaces de ne pas respecter les directives de l’employeur) sont infondés, et que la SAS VAL DROME CHARPENTES n’en fait pas la démonstration. L’attestation de M. [R], associé et directeur de la SAS VAL DROME CHARPENTES, devra être déclarée irrecevable, dès lors qu’elle ne satisfait pas au principe de la loyauté de la preuve.
Le salarié allègue que la véritable cause du licenciement étant de l’empêcher de faire valoir les manquements de la SAS VAL DROME CHARPENTES à ses obligations de santé et de sécurité au travail.
Sur ce,
Il est de principe que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé au sein de l’entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.
Il est de principe que la procédure doit être lancée dans un délai restreint sauf à faire perdre le caractère de gravité des faits.
Selon les dispositions des article L. 1332-2 et suivants du code du travail, l’employeur peut prononcer une mise à pied conservatoire dans l’attente de prononcer une sanction disciplinaire si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité telle, qu’ils justifient sa mise à l’écart immédiate de l’entreprise. Cette mesure doit être suivie immédiatement de l’ouverture de la procédure disciplinaire et interrompt la prescription des faits fautifs. Seul le licenciement fondé sur une faute grave ou lourde dispense l’employeur de payer au salarié concerné le salaire afférent à cette période au cours de laquelle le salarié est dispensé d’exécution de son travail.
En l’espèce, il est constant que M. [X] a été mis à pied à titre conservatoire par courrier remis en mains propres le mercredi 17 juin 2020 et qu’il n’a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement que par courrier du mardi 23 juin 2020 et licencié le 7 juillet 2020.
La SAS VAL DROME CHARPENTES ne conclut ni ne s’explique sur le délai de 6 jours existant entre la mise à pied à titre conservatoire et le déclenchement de la procédure de licenciement.
La seule attestation de M. [R], directeur de la SAS VAL DROME CHARPENTES et également prétendue victime d’un des faits reprochés à M. [X], qui indique que « après concertation avec mes associés, nous avons décidé de lui remettre le 17 juin une mise à pied à titre conservatoire afin de pouvoir mener l’enquête pour déterminer quelle sanction était la plus adaptée et protéger les autres salariés », et « la mise à pied afin de mener l’enquête » évoquée par M. [O], associé et Président de la société, ne suffit pas à démontrer qu’une telle enquête a été effectivement réalisée. D’autant que dans une autre attestation, M. [O] indique cette fois de manière contradictoire que M. [X] a été mis à pied « afin de pouvoir déterminer quelle était la sanction la plus adaptée ».
Ce délai non restreint et non justifié fait par conséquent perdre au licenciement de M. [X] son caractère de gravité.
Il est de principe que si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, conformément aux dispositions de l’article L. 1232-1 du code du travail.
En l’espèce, M. [X] justifie pour sa part qu’il a dénoncé des manquements de la part de son employeur à l’obligation de sécurité à l’Inspection du travail en février 2019, et qu’après enquête de cette administration et infractions relevées, l’Inspection du travail a transmis ses conclusions aux autorités judiciaires (courrier du 23 avril 2019 intitulé suite plainte du 18 février 2019 et courrier du 11 septembre 2019).
S’agissant du grief relatif à l’existence de menaces de la part de M. [X] envers les salariés de l’entreprise, la SAS VAL DROME CHARPENTES, suite à la demande de précision de motifs de M. [X] du 21 juillet 2020, a précisé dans son courrier du 7 juillet 2020 que « différents membres du personnel se sont plaints au cours du mois de mai et juin de son comportement auprès du directeur et ont manifesté leur inconfort à devoir travailler avec lui. Certains ont formulé le souhait de ne plus travailler avec lui. Sur demande des salariés concernés, l’anonymat a été conservé afin de les prévenir contre toute forme de représailles ».
La SAS VAL DROME CHARPENTES affirme que M. [X] faisait peser continuellement sur les chantiers en raison de menaces et d’intimidation physique, une atmosphère anxiogène de nature à intimider les salariés. Elle verse aux débats au soutien de ce grief :
L’attestation de M. [E], ancien gérant de la société [E] CHARPENTES qui a embauché le salarié et qui témoigne que, lorsqu’il était en activité, il avait beaucoup de problèmes avec M. [X] notamment de comportement ; qu’il s’est montré souvent menaçant et intimidant à l’égard des autres salariés de l’entreprise et qu’il a dû déposer une main courante à la gendarmerie de [Localité 4] le 11 mai 2019 pour acter une tentative d’intimidation à son encontre. Il précise que l’Inspection du travail et la médecine du travail étaient au courant des agissements du salarié qui en plus le harcelait de courriers lui reprochant tout et n’importe quoi. Il explique que M. [X] n’hésitait pas à dénigrer l’entreprise devant les clients ou tout autre personne se trouvant sur le chantier.
La main courante du 11 mai 2019 déposée par M. [E] à l’encontre de M. [X] dans laquelle il indique qu’un litige professionnel existait depuis plusieurs mois avec cet employé qui faisait des photos de chantiers et de toutes les activités et, qui depuis quelques temps, avait un regard insistant et provocateur envers lui et des propos déplacés, précisant qu’il s’était approché front contre front pour le provoquer et qu’il le menaçait de le mettre au pénal et aux prud’hommes à qui voulait l’entendre et nuisait à l’image de l’entreprise.
L’attestation de M. [P], formateur, qui témoigne que lors d’une formation en avril 2019, M. [X] prenait des photos sans son consentement de lui-même et des documents de l’APAVE.
Le courrier du 19 juillet 2019 de M. [E] à l’Inspection du travail, faisant part de ses inquiétudes face au comportement de M. [X], certains salariés lui ayant rapporté ses propos sur fond de violence, de jalousie, de menaces qui perturbaient l’équipe de la société et des ouvriers, celui-ci n’hésitant pas à faire part de ses griefs, de ses intentions malveillantes à leur égard, ceux-ci craignant ses réactions. Il précisait que la médecine du travail de [Localité 4] était elle aussi informée de ce qui se passait dans l’entreprise en vue d’assurer la protection du personnel.
L’attestation de M. [R] qui explique que M. [X] créait une atmosphère intimidante sur les chantiers en son absence et que différents salariés s’étaient régulièrement plaints notamment en mai et en juin, M. [X] les menaçait verbalement sur leur façon de travailler, les intimidait physiquement de manière régulière et les prenait fréquemment en photo pendant leur travail, ce qui les empêchait de bien réaliser leur mission. Il précise que « Les salariés concernés n’ont pas souhaité témoigner par peur de représailles. En effet, M. [X] occupe sans titre le logement de fonction située au sein de l’entreprise à ce jour malgré le licenciement. ».
Le témoignage de M. [O], gérant de la SAS VAL DROME CHARPENTES, qui atteste avoir eu une discussion privée avec le salarié à la demande de M. [R], « afin de tenter de comprendre les intentions de cet employé de l’apaiser dans la mesure du possible. Il s’est avéré que, certain de son intime et parfaite vision sur le bon fonctionnement et la gestion d’une entreprise et de son personnel, il ne tolérait pas de directives qui pourraient ressembler de près ou de loin à celle de ses ex employeurs. Le caractère affirmé de M. [X] (et sa force physique mise en avant dans ses discussions) ne laisse pas de doute sur son besoin de conflit et ses capacités d’influence psychologique sur ses collègues de travail. Cet employé étant devenu très difficilement contrôlable à sa hiérarchie, ses tentatives d’intimidation sur ses collègues de travail devenant inquiétante’ ».
Il doit être noté qu’aucune attestation des salariés potentiellement concernés par l’attitude menaçante de M. [X] ni de tiers ne vient relayer la parole des dirigeants de l’entreprise, directement impliqués dans le présent litige et donc sujets à caution.
Au surplus, M. [X] produit aux débats, les attestations d’un ancien salarié et d’un stagiaire qui ne font plus partie de l’entreprise et qui affirment s’être bien entendus avec M. [X] et n’avoir jamais assisté ni subi des scènes d’intimidation, des actes de violence ou autre agressivité de sa part, le qualifiant de gentil, serviable et sensible à la sécurité au travail.
Ce grief n’est pas établi.
S’agissant du grief d’insubordination, la SAS VAL DROME CHARPENTES a précisé dans son courrier du 7 juillet 2020 que M. [X] avait « déclaré le 16 juin 2020 en présence de M. [O], président, ainsi que de M. [R], Directeur, ne pas vouloir se conformer à l’avenir aux directives qui lui seraient adressées ».
M. [R] atteste : « j’ai fait des observations verbales à M. [X] sur la réalisation de son travail et l’ambiance qu’il créait sur les chantiers. Je lui ai alors donné de nouvelles directives pour les autres chantiers. Celui-ci m’a alors dit qu’il travaillerait comme il veut sur le chantier, que je n’avais aucun ordre à lui donner. Il s’est montré menaçant en me disant qu’il hésiterait pas à employer la manière forte. »
M. [O] atteste pour sa part avoir eu une discussion privée avec M. [X] à la demande de M. [R], « afin de tenter de comprendre les intentions de cet employé de l’apaiser et dans la mesure du possible. Il s’est avéré que, certains de son intime et parfaite vision sur le bon fonctionnement et la gestion d’une entreprise et de son personnel, il ne tolérait pas de directives qui pourraient ressembler de près ou de loin à celle de ses ex employeurs. Le caractère affirmé de M. [X] (et sa force physique mise en avant dans ses discussions) ne laisse pas de doute sur son besoin de conflit et ses capacités d’influence psychologique sur ses collègues de travail. Cet employé étant devenu très difficilement contrôlable à sa hiérarchie, ses tentatives d’intimidation sur ses collègues de travail devenant inquiétantes ».
Toutefois faute d’éléments objectifs extérieurs aux représentants légaux de l’entreprise corroborant les actes d’insubordination reprochés du 2 juin 2020 de la part de M. [X], ce grief n’est pas établi.
S’agissant du grief des menaces envers le Directeur de l’entreprise, la SAS VAL DROME CHARPENTES ne donne aucune date dans le courrier du 7 juillet 2020. Elle précise néanmoins, suite à la demande de précision de motifs de M. [X] du 21 juillet 2020, que les faits se seraient produits le 2 juin 2020 lorsque M. [R] lui a formulé des remarques quant à l’exécution de son travail, M. [X] ayant affirmé « mettre en ‘uvre tous les moyens de rétorsion à sa disposition en cas de réitération par M. [X] de nouvelles directives qui n’iraient pas dans son sens ».
Seul M. [R] atteste que le 2 juin 2020 , après lui avoir fait des observations verbales sur son comportement’ « Il (M. [X] ) s’est montré menaçant en me disant qu’il hésiterait pas à employer la manière forte. »
Son fils, M. [R] [C], non présent lors de cet entretien, ne fait que relater les propos dont M. [R] (père) dit avoir été la victime ainsi que le comportement « agressif et menaçant » de M. [X], et attester de son ressenti et notamment de « son extrême crainte ».
De la même façon, M. [J], artisan voisin de la SAS VAL DROME CHARPENTES, indique avoir eu connaissance des tensions existant et que la SAS VAL DROME CHARPENTES craignait ses éventuelles réactions, sans avoir toutefois été témoin directement de menaces.
Enfin, le témoignage de M. [S] ancien salarié de la société cessionnaire qui fait état de tensions de M. [X] avec son ancien gérant est inopérant s’agissant de la démonstration de la réalité des menaces de M. [X] à l’encontre de M. [R] le 2 juin 2020.
Le seul témoignage de la victime prétendue, M. [R], par ailleurs, représentant de la société est ainsi insuffisante à démontrer la réalité de ce grief.
Faute de griefs établis à l’encontre de M. [X], il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient également de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SAS VAL DROME CHARPENTES à payer à M. [X] les sommes suivantes :
402,50 euros bruts à titre de paiement de la mise à pied conservatoire,
40,25 euros au titre des congés payés afférents,
3 986,66 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
396,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,
7 973,31 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
En application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprose, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixéx par ce texte.
Or, M. [X] qui disposait d’une ancienneté au service de son employeur de plus de 14 années, peut par application des dispositions précitées, prétendre à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 et 12 mois de salaire.
M. [X] justifie avoir été inscrit à Pôle Emploi jusqu’en mai 2022 et avoir suivi une formation « couverture » du 28 septembre 2020 au 17 septembre 2021 à hauteur de 30 heures par semaine pour retrouver un emploi. Il a obtenu la qualification de « couvreur zingueur » et a retrouvé un emploi d’ouvrier professionnel fin mai 2022.
Il convient de condamner la SAS VAL DROME CHARPENTES à lui verser la somme de 23 919,96 € à M. [X] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par infirmation sur le quantum de la décision déférée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
Requalifié le licenciement pour faute grave de M. [X] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamné la SAS VAL DROME CHARPENTES à verser à M. [X] les sommes suivantes :
402,50 euros bruts à titre de paiement de la mise à pied conservatoire,
40,25 euros au titre des congés payés afférents,
3 986,66 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
396,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,
7 973,31 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire hors de cas où elle est de droit,
Débouté la SAS VAL DROME CHARPENTES de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné la SAS VAL DROME CHARPENTES aux dépens de l’instance.
L’INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,
CONDAMNE la SAS VAL DROME CHARPENTES à verser à M. [X] la somme de 23 919,96 € à M. [X] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS VAL DROME CHARPENTES à payer la somme de 2 000 € à M. [X] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
CONDAMNE la SAS VAL DROME CHARPENTES aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,