Droits des Artisans : 16 mai 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/04960

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Droits des Artisans : 16 mai 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/04960

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 16 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/04960 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PDOJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 JUILLET 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS

N° RG 2020000454

APPELANT :

Monsieur [V] [T]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 6] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Pierre Edouard MOULIN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEE :

SA BANQUE CIC SUD OUEST, banque régie par les articles L.511-1 et suivants du code monétaire et financier prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicolas RENAULT, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 14 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 MARS 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévue au 25 avril 2023, prorogé au 9 mai 2023 et au 16 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère faisant fonction de président en remplacement du Président de chambre régulièrement empêché, et par Mme Audrey VALERO, Greffière.

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

Le 22 mars 2017, la banque CIC Sud-Ouest a consenti à la S.A.S. Allo Taxi un contrat de crédit d’un montant de 85’000 euros au taux effectif global de 3,78 % remboursable en 84 mensualités de 1 113 euros chacune.

Le même jour, M. [V] [T], gérant de la société, s’est porté caution solidaire des engagements de la société pour un montant de 51’000 euros.

La société Allo Taxi a été placée en redressement judiciaire le 14 novembre 2018, et la banque CIC Sud-Ouest a déclaré le 27 novembre 2018 une créance à titre chirographaire d’un montant de 73’465,16 euros.

Le 29 novembre 2018, la banque CIC Sud-Ouest a mis vainement en demeure M. [T] de lui régler la somme de 51’000 euros au titre de son engagement de caution.

La société Allo Taxi a ensuite été placée en liquidation judiciaire selon jugement du 31 juillet 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 août 2019, la banque CIC Sud-Ouest a mis en demeure M. [T] de lui régler la somme de 36’105,23 euros au titre de son engagement de caution (correspondant à 50 % de la somme due par la société Allo Taxi, le reste étant garanti par la Banque Publique d’Investissement – BPI).

Par exploit d’huissier en date du 13 janvier 2020, la banque CIC Sud-Ouest a fait assigner M. [T] devant le tribunal de commerce de Béziers qui, par jugement en date du 5 juillet 2021, a :

– Débouté M. [T] de son argumentation au titre de la disproportion manifeste de son engagement de caution’;

– Débouté M. [T] de sa demande indemnitaire formée contre la banque CIC Sud-Ouest au titre du devoir de mise en garde’;

– Dit que la déchéance du terme encouru par la société Allo Taxi et opposable à M. [T]’;

– Dit que la banque CIC Sud-Ouest a failli à son obligation d’information au titre des articles L 313-22 du code monétaire et financier, L 333-1, L 343-5, L 333-2 et L 343-6 du code de la consommation’;

– Dit que la banque est déchue du droit d’exiger le paiement des pénalités, en ce l’indemnité de remboursement anticipée, et les intérêts de retard échus depuis la date du premier incident, soit le 5 décembre 2018 ;

– Condamné M. [T] à payer à la banque CIC Sud-Ouest la somme de 36’105,23 euros, déduction faite de l’indemnité pour remboursement anticipée de 1 693,72 euros et majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 août 2019 et ce jusqu’à complet paiement ;

– Débouté M. [T] de sa demande au titre des délais de paiement ;

– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;

– Condamné M. [T] à payer à la banque CIC Sud-Ouest la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

– Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injuste ou mal fondées.

Le 2 août 2021, M. [T] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Il demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 26 septembre 2022, de’:

– Juger recevable et bienfondé l’appel interjeté par M. [T],

Y faisant droit,

Au principal,

– Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Béziers en ce qu’il’«’déboute M. [T] de son argumentation au titre de la disproportion manifeste de son engagement de caution ».

Vu l’article L.332-1 du code de la consommation ;

– Dire et juger que la fiche de renseignement caution, prétendument remplie par M. [T], comporte une anomalie apparente et qu’il appartenait, en conséquence, à la banque CIC Sud-Ouest d’investiguer sur la situation financière réelle de M. [T], au jour de son engagement de caution ;

– Dire et juger que les revenus de M. [T], au jour de son engagement de caution, se limitaient à la somme annuelle de 35’025 euros dont il convient de déduire 10 440 euros de charges annuelles incompressibles ;

– Dire et juger que les 24 585 euros de revenus disponibles annuels de M. [T] ne lui permettaient pas d’affronter un engagement de caution de 51 000 euros ;

– Dire et juger que la banque CIC Sud-Ouest ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement conclu par M. [T] dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ;

– Rejeter les entières demandes, fins et conclusions de la banque CIC Sud-Ouest ;

Subsidiairement,

– Réformer le Jugement rendu par le tribunal de commerce de Béziers en ce qu’il’«’Déboute M. [T] de sa demande indemnitaire au titre du devoir de mise en garde’» ;

Vu l’article 1231-1 du Code civil,

– Dire et juger qu’il existait, lors de la souscription du cautionnement, un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résultait de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur ;

– Dire et juger que M. [T] n’était pas une caution avertie et que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement ;

– Dire et juger que la Banque a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de M. [T] ;

– Condamner la banque CIC Sud-Ouest au paiement de 40 000 euros de dommages et intérêts au profit de M. [T] ;

– Ordonner la compensation des créances réciproques ;

Très subsidiairement,

– Réformer le Jugement rendu par le tribunal de commerce de Béziers en ce qu’il’«’dit que la déchéance du terme encourue par la société Allo Taxi est opposable à M. [T]’» ;.

Vu l’article 1305-5 du Code civil,

Vu l’article 2292 du Code civil

Vu l’article L.643-1 du Code de commerce,

– Dire et juger que la déchéance du terme encourue par la société Allo Taxi est inopposable à M. [T] ;

– Dire et juger que la déchéance du terme résultant de la liquidation judiciaire du débiteur principal n’avait d’effet qu’à l’égard de celui-ci et était sans incidence sur la situation de M. [T] ;

– Rejeter la demande en paiement présentée par la banque CIC Sud-Ouest ;

A titre infiniment subsidiairement,

– Juger irrecevable et à tout le moins infondé l’appel incident interjeté par la banque CIC Sud-Ouest ;

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la déchéance des intérêts et pénalités ;

En tout état de cause,

– Condamner la banque CIC Sud-Ouest au paiement de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 CPC ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de son appel, il fait valoir pour l’essentiel que :

– La fiche patrimoniale de caution comporte une anomalie apparente dans la mesure où M. [T] a mentionné en avril 2017 (date de la fiche) les revenus qu’il avait perçu deux ans plus tôt (en 2015, sur son avis d’impôt 2016)’;

– En réalité, en 2017, lors de son engagement de caution, il n’avait perçu qu’une somme de 35’025 euros comme le mentionne son avis d’impôt 2018′;

– La banque s’est donc satisfaite en 2017 d’une mention des revenus perçus deux ans plus tôt, ce qui aurait dû l’induire à vérifier les revenus au moment de la souscription de l’engagement de caution de M. [T]’;

– La chambre commerciale de la Cour de cassation considère en effet qu’une anomalie apparente consiste dans une déclaration de patrimoine trop ancienne (com., 3 mai 2016, n° 14-25.820)’;

– La disproportion de l’engagement de caution de M. [T] est ainsi manifeste (35’025 euros de revenus déclarés pour un engagement de caution de 51’000 euros)’;

– La banque CIC Sud-Ouest a imposé à M. [T] la création d’une S.A.S. pour l’acquisition d’une licence de taxi disposant d’un agrément CPAM, alors que l’agrément CPAM est strictement attaché à la personne de taxiteur, ce qui interdit à toute société de pouvoir en bénéficier’;

– Or la banque ne pouvait pas l’ignorer, et elle a en conséquence manqué à son obligation de conseil en finançant une opération vouée à l’échec et l’origine’;

– Il ne peut nullement être considéré comme étant une caution avertie, pour être seulement artisan taxi depuis 2011 et il ignorait absolument qu’une société ne pouvait se voir délivrer un agrément CPAM’;

– La déchéance du terme prononcée par la banque à l’encontre de la société Allo Taxi du seul fait de la liquidation judiciaire est inopposable à la caution par application des dispositions de l’article L. 643-1 du code de commerce’;

– Or, les clauses du contrat de prêt de la banque CIC Sud-Ouest ne permettent pas l’opposabilité de la déchéance du terme à la caution.

Dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 26 décembre 2022, la banque CIC Sud-Ouest demande à la cour de’:

– Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

‘ Débouté M. [T] de son argumentation au titre de la disproportion manifeste de son engagement de caution’;

‘ Débouté M. [T] de sa demande indemnitaire formée contre la banque CIC Sud-Ouest au titre du devoir de mise en garde

‘ Dit que la déchéance du terme encourue par la société allô taxi et opposable à M. [T],

‘ Condamné M. [T] à payer à la banque CIC Sud-Ouest les sommes dues au titre de l’engagement de caution,

‘ Débouté M. [T] de sa demande au titre des délais de paiement

‘ Condamné M. [T] à payer à la banque CIC Sud-Ouest la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

‘ Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injuste ou mal fondée,

– Déclarer la banque CIC Sud-Ouest recevable et bien fondée en son appel incident ;

– Infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :

‘ Dit que la banque CIC Sud-Ouest est déchue du droit d’exiger le paiement des pénalités, en ce l’indemnité de remboursement anticipée, et les intérêts de retard échus depuis la date du premier incident soit le 5 décembre 2018,

Statuant à nouveau,

– Condamner M. [T], en sa qualité de caution solidaire de la société Allo Taxi, au paiement de la somme de 36 105,23 euros majorée des intérêts contractuels à compter du 21 août 2019 et ce jusqu’à complet paiement ;

– Débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner M. [T] à payer la somme de 5’000 euros à la banque CIC Sud-Ouest en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner M. [T] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle fait valoir pour l’essentiel que :

– L’avis d’impôt 2016 portant sur les revenus 2015 de M. [T] était le dernier avis d’imposition disponible à la date de l’engagement de caution, de sorte qu’en l’absence de toute anomalie apparente, la Banque n’était pas tenue de procéder à des vérifications’;

– Il n’existe pas non plus de disproportion manifeste au regard des revenus actuels de M. [T], puisque ce dernier s’abstient de justifier de sa situation’de revenus présente ;

– M. [T] était une caution avertie au moment de son engagement, puisqu’il exerçait l’activité d’artisan taxi depuis plusieurs années, et qu’il a sollicité la banque afin que sa société souscrive un emprunt pour acheter une autre licence de taxi’;

– Il bénéficiait depuis plusieurs années d’un agrément de la CPAM, et était seul à même de connaître l’opération qu’il envisageait de réaliser, et si son expert-comptable l’a mal conseillé comme il le soutient, la banque est totalement étrangère à ce défaut de conseil’;

– Contrairement à ce que soutient M. [T], l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire justifie la déchéance du terme et le contrat prévoit l’opposabilité de cette déchéance à la caution et l’exigibilité des sommes’;

– Contrairement à ce que soutient M. [T] et à ce qu’a retenu le tribunal, elle a parfaitement respecté son obligation d’information annuelle de la caution, ce dont elle justifie’;

– Elle a également’rappelé à M. [T] son engagement de caution dès qu’elle a été informée de l’ouverture de la procédure collective de la société Allo Taxi.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 14 février 2023.

MOTIFS de la DÉCISION

Sur la demande principale

– 1. Sur le caractère manifestement disproportionné de l’engagement de M. [T]

Selon l’article L. 332-1 du code de la consommation applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu’elle s’engage, dans l’impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus.

La charge de la preuve du caractère disproportionné de l’engagement appartient à la caution qui l’invoque. Le créancier est quant à lui en droit de se fier aux informations qui lui ont été fournies dans la fiche de renseignements, sans avoir en l’absence d’anomalies apparentes l’affectant, à en vérifier l’exactitude et la caution n’est pas admise à établir, devant le juge, que sa situation était, en réalité, moins favorable que celle qu’elle avait déclarée à la banque.

M. [T] a rempli au moment de la souscription du prêt par la société Allo Taxi dont il était le président et l’associé unique une fiche patrimoniale de caution mentionnant :

– Au titre de ses revenus, des BIC annuels d’un montant de 92’886 euros’;

– Au titre de ses charges, le paiement d’une pension alimentaire de 200 euros par mois.

La banque justifie de l’avis d’imposition 2016 de M. [T] par lequel ce dernier a déclaré ces revenus qu’il avait perçus au cours de l’année 2015.

Or, comme jugé de manière exacte et pertinente par les premiers juges, l’avis d’impôt 2016 était au moment de l’engagement de caution le dernier avis d’imposition disponible concernant M. [T] et le seul document concernant sa situation financière exacte, de sorte que ce dernier ne saurait prétendre que ces revenus étaient trop anciens et que la banque aurait dû rechercher, en avril 2017, la réalité de sa situation financière au moment de l’engagement.

Il n’en résulte ainsi aucune anomalie apparente au moment de l’engagement de caution de M. [T].

Le moyen sera ainsi rejeté et le jugement confirmé.

– 2. Sur le manquement de la caisse d’épargne à son devoir de mise en garde :

M. [T] soutient que le financement accordé à la société Allo Taxi était dès l’origine voué à l’échec dans la mesure où une société ne pouvait bénéficier d’un agrément de la CPAM, ce que ne pouvait selon lui ignorer la banque.

La caution non avertie bénéficie du devoir de mise en garde obligeant le banquier à l’alerter des risques d’endettement encourus par elle à raison de ses capacités financières mais également des risques d’endettement encourus par le crédité lui-même lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

En présence d’une caution avertie, la banque n’est tenue à ce devoir de mise en garde qu’à la condition qu’elle ait détenu des informations sur les revenus de cette caution, son patrimoine et ses capacités de remboursement raisonnablement prévisibles en l’état du succès escompté de l’opération financée ou de la société cautionnée, que la caution aurait elle-même ignorées.

Le caractère averti d’une caution ne peut être déduit des seules fonctions de dirigeant et associé de la société débitrice principale. Cette qualité s’apprécie non seulement au regard de son âge et de son expérience des affaires, mais aussi de la complexité de l’opération envisagée et de son implication personnelle dans l’affaire.

La preuve du caractère averti incombe à la banque.

En cas de crédit excessif, la banque engage sa responsabilité contractuelle à l’égard d’une caution non avertie pour ne pas l’avoir mise en garde du risque d’endettement qu’elle encourt du fait de son engagement, ou si l’opération financée était manifestement inadaptée aux capacités financières de l’emprunteur.

En l’espèce, comme rappelé à bon droit par l’établissement bancaire et retenu par les premiers juges, il convient de constater que M. [T] était artisan taxi depuis 2011 et qu’il bénéficiait depuis 2015 d’un agrément de la CPAM, de sorte qu’il pouvait parfaitement apprécier la pertinence du financement de sa société Allo Taxi créée pour permettre l’acquisition d’une nouvelle licence de taxi adossée notamment à un nouvel agrément de la CPAM.

Il était en outre par son expérience passée le mieux à même de connaître la réglementation relative aux agréments de la CPAM, alors de surcroît qu’il est défaillant à rapporter la preuve que la banque aurait exigé de lui la constitution d’une société pour l’obtention de son financement.

Il en résulte que M. [T] était une caution avertie au moment de son engagement de sorte qu’il ne peut reprocher à la banque un manquement à son devoir de mise en garde.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur le moyen tiré de ce que la déchéance du terme serait inopposable à la caution

Il est de principe que la déchéance du terme est inopposable à la caution, sauf clause contraire dans l’acte de cautionnement.

Or, contrairement à ce que soutient la Banque et à ce qui a été jugé par les premiers juges, l’acte de cautionnement attaché au contrat de prêt ne contient aucune clause contraire au principe ci-dessus énoncé, puisqu’il stipule simplement que M. [T] s’engage à rembourser au prêteur les sommes dues si la société Allo Taxi n’y satisfait pas elle-même.

Il doit être constaté que les mentions contenues dans l’acte de prêt relatives à la caution n’ont pas été reprises dans l’acte de caution, étant en outre rappelé que les dispositions de l’article L.643-1 du code de commerce sont uniquement applicables au débiteur principal.

Toutefois, il convient de constater qu’au jour où la cour statue, et ainsi qu’il résulte du tableau d’amortissement du prêt souscrit le 22 mars 2017 par la société Allo Taxi, pour un montant de 85’000 euros et pour une durée de 84 mois, le total des sommes échues au titre du prêt est de 80’660,31 euros (93’524,26 – 12’863,95), et que selon les décomptes de la banque, la société Allo Taxi avait réglé avant la liquidation judiciaire de la société Allo Taxi 19 échéances pour un montant total de 20’059,10 euros.

Le montant des échéances échues au titre du prêt est donc au jour où la cour statue de 60’601,21 euros (80’660,31 – 20’059,10).

M. [T] est en conséquence redevable de 50 % de cette somme compte tenu de la garantie de la Banque publique d’investissement (BPI), soit 30’300,60 euros.

Le jugement sera dès lors réformé de ce chef.

Sur l’obligation d’information de la caution par la banque

Selon les dispositions des articles 2302 et 2303 du code civil, le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information’; il est également tenu d’informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée.

Il appartient au créancier professionnel de justifier de l’accomplissement des formalités légalement prévues, et la seule production de la copie de lettres d’information ne suffit pas à justifier de leur envoi.

La banque CIC Sud-Ouest justifie de l’envoi de sa lettre d’information annuelle à M. [T] en date du 19 février 2018.

Toutefois, la Banque est défaillante à rapporter la preuve de son obligation d’information à compter du mois de décembre 2018, date du premier incident de paiement de la société Allo Taxi non régularisé, qui ne saurait nullement avoir pu être satisfaite par les actes de la présente procédure, ni par le courrier du 20 août 2019 par lequel la banque a mis en demeure M. [T] de lui régler la somme de 36’105,23 euros au titre de son engagement de caution.

La banque CIC Sud-Ouest sera en conséquence déchue des intérêts et des pénalités depuis le 1er janvier 2019 soit, selon le tableau d’amortissement du prêt et le décompte fournis par la banque, la somme de 1 657,39 euros (1177,82 + 945,22 + 708,03 + 466,17 + 17,54 / 2).

Dès lors, M. [T] sera condamné à payer à la banque CIC Sud-Ouest la somme de 28’643,21 euros.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 août 2019, date de la réception de la mise en demeure.

Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

M. [T] qui succombe dans ses demandes en cause d’appel sera condamné aux dépens, ainsi qu’à payer à la banque CIC Sud-Ouest la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Réforme le jugement du tribunal de commerce de Béziers en date du 5 juillet 2021 mais seulement en ce qu’il a’:

– Dit que la déchéance du terme encouru par la société allô taxi et opposable à M. [T]’;

– Condamné M. [T] à payer à la banque CIC Sud-Ouest la somme de 36’105,23 euros, déduction faite de l’indemnité pour remboursement anticipée de 1 693,72 euros et majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 août 2019 et ce jusqu’à complet paiement,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne M. [V] [T] à payer à la banque CIC Sud-Ouest la somme de 28’643,21 euros,

Dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 août 2019,

Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,

Condamne M. [V] [T] aux dépens de l’instance d’appel, ainsi qu’à payer à la banque CIC Sud-Ouest la somme de 2’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

le greffier, la conseillère faisant fonction de président,

 


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