N° RG 20/03222 – N° Portalis DBVM-V-B7E-KSRZ
N° Minute :
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à
Me Christine GOUROUNIAN
SELARL PRAGMA JURIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 23 MAI 2023
Appel d’un Jugement (N° R.G. 19/01232) rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 21 septembre 2020, suivant déclaration d’appel du 17 Octobre 2020
APPELANT :
M. [V] [H]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Christine GOUROUNIAN, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIM ÉS :
M. [K] [E]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
non représenté
S.A.S.U. CCB [G] Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Evelyne TAULEIGNE de la SELARL PRAGMA JURIS, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente
M. Laurent Grava, conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 mars 2023, Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 4 juillet 2018, M.[C] [X] [G], exerçant sous l’enseigne Artisan charpentier de l’Isère (ACDI) et M.[V] [H], exerçant sous l’enseigne [W], ont conclu un contrat de sous-traitance avec la SAS Conception constructions bois [G] (ci-après CCB [G]) intervenant en qualité d’entreprise principale titulaire du marché charpente couverture zinguerie, suivant deux bordereaux de prix distincts valant devis signés pour un montant identique de 57 025, 80 euros pour un chantier de réfection de toiture sur un bâtiment situé à Brazzaville au Congo.
L’entreprise ACDI a émis une facture n°FA180121 le 5 juillet 2018 pour la somme de 28 512,90 euros et deux factures n°FA180123 et FA180124 d’un montant de 14 256, 45 euros le 13 août 2018.
L’entreprise [W] a émis trois factures n°180705, 180805 et 180831 le 5 juillet 2018 pour la somme de 28 512, 90 euros, le 1er août 2018 pour la somme de 14 256, 45 euros et le 31 août 2018 pour le solde restant dû de 14 256,45 euros.
Le 5 septembre 2018, l’entrepreneur principal a émis pour chacun des sous-traitants un bordereau qualitatif pour un montant de 46 658, 86 euros correspondant aux prestations accomplies, après qu’une erreur de métrage de la superfice de la toiture a été constatée, treize palettes étant restées sur place.
Le 26 mars 2019, MM. [H] et [G] ont fait assigner, la SAS CCB [G] devant le tribunal de grande instance de Grenoble pour la voir condamnée à leur payer, chacun, 14 256,45 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 janvier 2019, et capitalisation par année entière, outre 5 000 euros pour résistance abusive, et 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire, conformément aux dispositions de l’article 515 du code de procédure civile.
Par jugement du 21 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Grenoble a:
-condamné la société SAS CCB [G] à payer à M. [C] [X] [G] et M. [V] [H], chacun, la somme de 3 889, 51 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2019, date de la mise en demeure, au titre du contrat de sous-traitance conclu le 4 juillet 2018,
-ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 26 mars 2019,
-débouté M. [G] et M. [H] de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,
-dit n’y avoir lieu au prononcé d’une indemnité au titre des frais irrépétibles,
-condamné la SAS CCB [G] aux dépens, dont distraction au profit de Me Gourounian, en application de l’article 699 du code de procédure civile,
-ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration du 17 octore 2020, M.[H] a interjeté appel du jugement en ce qu’il a:
-condamné la société SAS CCB [G] lui payer la somme de 3 889, 51 euros,
-débouté M. [H] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,
-dit n’y avoir lieu au prononcé d’une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Le 23 février 2022, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la SAS CCB [G] et a désigné Maître [K] [E], en qualité de mandataire liquidateur.
Dans ses conclusions notifiées le 31 mars 2022, M.[H] demande à la cour de:
Vu les articles 1101 et suivants du code civil,
Vu le contrat de sous-traitance et le bordereau de pose du 27 juin 2018,
Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 21 septembre 2020,
-juger recevable et bien fondé l’appel régularisé par M. [V] [H] le 17 octobre 2020,
-infirmer ledit jugement,
-juger et arrêter la créance de M. [V] [H] à l’encontre de la SAS CCB [G], prise en la personne de son mandataire liquidateur, Maître [K] [E], à hauteur de :
*10 366,94 euros, solde du marché de travaux,
*5 000 euros pour résistance abusive,
*5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
*des entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Christine Gourounian, sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses demandes, M.[H] affirme que le juge a interprété les termes contractuels pourtant clairs, en affirmant que le prix arrêté au contrat était estimatif et non ferme et qu’il a inversé la charge de la preuve.
Il énonce que le prix a été ainsi contractuellement arrêté de façon ferme, pour les travaux confiés, nonobstant la réelle quantité de tuiles déposées et posées et ajoute que ce prix négocié et arrêté devait être réglé avant le démarrage des travaux.
Il rappelle que l’article 1793 du code civil n’est pas applicable aux contrats de sous-traitance.
Il allègue de la mauvaise foi de la société CCB qui a d’abord argué d’un retard d’exécution puis d’un mauvais métré, étant observé qu’elle ne prouve ni l’un ni l’autre.
Il souligne que si un défaut de métrage avait été réellement constaté, jamais la société CCB n’aurait réglé le deuxième acompte à 6 jours de la fin du chantier, surtout sans mention de l’erreur de calcul, et fait valoir que cette dernière a reconnu s’être ‘réservé une partie du toit’.
Me [E], ès qualités de liquidateur, cité à personne habilitée, n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 septembre 2022.
Relevant que M.[H] ne justifiait pas avoir procédé à une déclaration de créances auprès du liquidateur judiciaire, par arrêt du 29 novembre 2022, la cour d’appel a:
-constaté l’interruption de l’instance ;
-réservé les dépens.
M.[H] a communiqué le jour même sa déclaration de créance, effectuée le 31 mars 2022.
Une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2023.
MOTIFS
Sur la nature du marché signé entre les parties
Le contrat de sous-traitance est ainsi rédigé:
Prix
Le sous-traitant s’engage à exécuter les travaux objet du présent contrat
x pour la somme globale de 57025, 80 euros HT selon bordereau de pose en annexe
x suivant bordereau de prix et détail estimatif ci-annexés.
Le prix du présent contrat est
x ferme
‘ actualisable
‘ révisable par les formules suivantes:…
dont les valeurs de référence sont celles du DTU (charpente-couverture-zinguerie).
Le bordereau de pose établi le même jour, soit le 4 juillet 2018, énonce dans la désignation ‘cette estimation ne comprend que la pose sur site’.
En conséquence, quand bien même le prix est indiqué comme ferme, avec la mention d’une somme globale, il se réfère toutefois de manière claire à un ‘détail estimatif’. Cette notion d’estimation se retrouve au demeurant dans le bordereau de pose auquel le contrat de sous-traitance se réfère. La notion de prix ferme n’est au demeurant ici pas incompatible avec le caractère estimatif du nombre de m2 concernés.
En conséquence, la preuve n’est pas rapportée de l’existence d’un marché à forfait, le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le nombre de m2 effectivement réalisés par la société [W]
S’agissant du nombre de palettes envoyées, il est peu plausible de considérer que les deux factures adressées par la société Gard’bois ne concernent pas le même chantier, alors qu’elles ont toutes les deux été établies le même jour, soit le 27 juillet 2018, que le nom du client est le même et que les factures portent pour l’une le numéro F1805-015-E et pour l’autre le numéro F1805-015-F.
Le nombre total de tuiles envoyées s’élève à 6240+7680=13 920 tuiles.
Selon les pièces versées aux débats, un m2 nécessite 13 tuiles. Le nombre total de tuiles était donc destiné à recouvrir 1070,77 m2.
Le nombre de tuiles restantes, une palette correspondant à 260 tuiles, est de 13 palettes x260=3380 tuiles, soit 260 m2.
La couverture totale du chantier était donc en réalité de 810 m2, une erreur ayant été commise par la maîtrise d’oeuvre.
La société CCB [G] allègue que les deux sous-traitants ont en réalité chacun réalisé 280 m2 de toiture et non 340. Toutefois, la seule pièce qu’elle produit à l’appui de ses dires est un plan avec des annotations manuscrites non daté et qui est dépourvu de valeur probante puisqu’il est établi par elle-même. Aucun autre document tel par exemple qu’un courrier du maître d’oeuvre attestant des erreurs initiales de métré n’a été versé en procédure, sachant que dans le devis signé entre la société CCB et la société Smithii Congo, la couverture totale des trois bâtiments était de 829 m2.
En conséquence, la preuve n’est pas rapportée que les deux sous-traitants n’ont pas réalisé le nombre de m2 initialement prévu, le jugement sera infirmé.
En revanche, M.[H] sollicitant dans sa déclaration de créance une somme de 10 366, 94 euros au titre du solde de marchés de travaux, cette somme sera retenue.
La preuve d’une résistance abusive n’est pas rapportée.
La société CCB [G] qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a:
-condamné la société SAS CCB [G] à payer à M. [V] [H] la somme de 3 889, 51 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2019, date de la mise en demeure, au titre du contrat de sous-traitance conclu le 4 juillet 2018 ;
et statuant de nouveau ;
Fixe au passif de la société CCB [G] la somme de 10 366,94 euros correspondant à la créance de la société [W] ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société CCB [G] aux dépens d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE