République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 25/05/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/03255 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TV5I
Jugement (N° 19/01465)
rendu le 06 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Cambrai
APPELANTS
Monsieur [S] [I]
né le 08 novembre 1964 à [Localité 8])
Madame [X] [I]
née le 14 septembre 1970 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentés par Me Stéphanie Vallet, avocat au barreau de Cambrai, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [H] [G], artisan exerçant anciennement sous l’enseigne Kat Rénov
[Adresse 1]
[Localité 5]
défaillant, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 2 septembre 2021 à étude de l’huissier
La SA Leroy Merlin France
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 10]
[Localité 4]
représentée par Me Philippe Simoneau, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué à l’audience par Me Perdrieux Virginie, avocat au barreau de Lille
La SA Maaf assurances
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Me Maxime Hermary aux lieu et place de Me François Hermary, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 21 mars 2023 tenue par Jean-François Le Pouliquen, magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, président de chambre
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
Véronique Galliot, conseiller
ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 janvier 2023
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Vu le jugement du tribunal judiciaire de Cambrai du 06 mai 2021 ;
Vu la déclaration d’appel de M. [S] [I] et Mme [X] [I] reçue au greffe de la cour d’appel de Douai le 16 juin 2021 ;
Vu les conclusions de Mme [I] déposées le 31 août 2021 ;
Vu les conclusions de la société Leroy Merlin France déposées le 24 novembre 2021 ;
Vu les conclusions de la société Maaf assurances déposées le 13 octobre 2022 ;
Vu l’ordonnance de clôture du 16 janvier 2023.
EXPOSE DU LITIGE
M. et Mme [I] ont confié à la société Leroy Merlin la fourniture et la pose de carrelage au prix de 3 495,49 euros TTC.
La pose a été sous-traitée par la société Leroy Merlin à M. [H] [G] exerçant sous l’enseigne Kat Rénov.
Les travaux ont fait l’objet d’un bon de réception daté du 26 septembre 2015 signé de M. [I] et de M. [G]. Le bon de réception mentionne : « sous réserve du nettoyage et défaut éventuel ».
Un défaut de planéité a été constaté après le nettoyage.
Une dépose et une nouvelle pose a été réalisée par M. [G] lors d’une seconde intervention.
Le 20 octobre 2015, M. et Mme [I] ont refusé de signer le bon de réception.
Une expertise extra-judiciaire contradictoire a été réalisée donnant lieu à un rapport de la société Cunningham Lindsey daté du 19 février 2016.
Un bon de réception daté du 21 mars 2016 a été signé par M. [I] et M. [G]. Il mentionne « SAV problème de porte de service elle touche le sol impossible à régler elle avait été remontée au maximum ».
Une expertise extra-judiciaire non contradictoire a été réalisée à la demande de M. et Mme [I]. Elle a donné lieu à un rapport de M. [R] [W] daté du 16 octobre 2017.
Après communication du rapport à la société Leroy Merlin, M. et Mme [I] ont été convoqués par la société Cunningham Lindsay à une réunion d’expertise devant se tenir le 23 mars 2018.
Par courrier daté du 16 mai 2018, la société Instrust, représentant la société Leroy Merlin a formé une proposition d’indemnisation d’un montant de 4 466,75 euros.
Par courrier daté du 24 mai 2018 adressé à la société Leroy Merlin, M. et Mme [I] ont refusé le proposition.
Par courrier adressé le 06 juillet 2018 à la société Instrust et à la société Leroy Merlin, ils ont formé des observations relatives au préjudice subi.
Par acte signifié le 11 octobre 2019, M. et Mme [I] ont fait assigner la société Leroy Merlin devant le tribunal de grande instance de Cambrai en indemnisation.
Par actes signifiés le 15 janvier 2020, la société Leroy Merlin a fait assigner M. [G] et la société Maaf assurances en qualité d’assureur de M. [G] en garantie.
Par jugement du 06 mai 2021, le tribunal judiciaire de Cambrai a :
-déclaré admise l’intervention forcée de M. [H] [G] exerçant sous l’enseigne Kat Rénov et de la société Maaf assurances ;
-débouté M. [S] [I] et Mme [X] [I] de toutes leurs demandes ;
-débouté la société Maaf assurances de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
-condamné M. [S] [I] et Mme [I] au paiement de la somme de 2 000 euros à la société Leroy Merlin France et de la somme de 1 500 euros à la société Maaf assurances au titre des frais irrépétibles ;
-condamné M. [S] [I] et Mme [X] [I] aux dépens ;
-débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
-ordonné l’exécution provisoire de la décision.
M. et Mme [I] ont formé appel de cette décision.
Aux termes de leurs conclusions susvisées, ils demandent à la cour d’appel de :
-dire bien appelé, mal jugé
-en conséquence,
-infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Cambrai le 06 Mai 2021 en ce qu’il les a :
-déboutés de l’ensemble de leurs demandes ;
-condamnés au paiement de la somme de 2 000 euros à la SA Leroy Merlin France et de la somme de 1 500 euros à la SA Maaf assurances au titre des frais irrépétibles ;
-condamnés aux dépens
statuant à nouveau,
-dire et juger que la nature des désordres sont (sic) de nature décennale ;
-dire que la société Leroy Merlin est responsable des désordres à l’égard de Monsieur et Madame [I] sur le fondement de l’article 1792 du code civil
-condamner la société Leroy Merlin à verser Monsieur et Madame [I] la somme de 8 334,70 euros au titre des coûts de reprise des désordres.
-condamner la société Leroy Merlin à verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance de Monsieur et Madame [I]
-condamner la société Leroy Merlin à verser la somme de 5 000 euros au titre de préjudice moral de Monsieur et Madame [I].
-condamner la société Laura Merlin à verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 ainsi que l’entièreté des dépens dont les frais d’expertises.
-ordonner l’exécution provisoire.
Aux termes de ses conclusions susvisées, la société Leroy Merlin demande à la cour d’appel de :
-à titre principal
-confirmer le jugement en ce qu’il a :
-déclaré admise l’intervention forcée de Monsieur [H] [G] exerçant sous l’enseigne Kat Rénov et la SA Maaf Assurances,
-débouté Monsieur [S] [I] et Madame [X] [I] de toutes leurs demandes,
-condamné Monsieur [S] [I] et Madame [X] [I] au paiement de la somme de 2 000 euros à la société Leroy Merlin France et de la somme de 1 500 euros à la SA Maaf Assurances au titre des frais irrépétibles,
-condamné Monsieur [S] [I] et Madame [X] [I] aux dépens,
-par conséquent
-débouter Monsieur et Madame [I] de leur appel et de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions
-y ajoutant
-condamner Monsieur [S] [I] et Madame [X] [I] au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Leroy Merlin France ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance d’appel
-subsidiairement, si la Cour devait infirmer, en tout ou partie, le jugement et entrer en voie de condamnation à l’égard de la société Leroy Merlin
-condamner Monsieur [H] [G] exerçant sous l’enseigne Kat Rénov et la Maaf, assureur de Monsieur [H] [G] exerçant sous l’enseigne Kat Rénov, de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, tant en principal que frais et accessoires,
-déclarer que Monsieur et Madame [I] ne justifient ni de l’existence de leurs prétendus préjudices, ni de l’étendue de ceux-ci,
-en conséquence
-débouter Monsieur et Madame [I] de leurs demandes en indemnisation,
-condamner Monsieur [H] [G] exerçant sous l’enseigne Kat Rénov et la Maaf, assureur de Monsieur [H] [G] exerçant sous l’enseigne Kat Rénov à payer à la société Leroy Merlin la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance d’appel.
Aux termes de ses conclusions susvisées, la société Maaf assurances demande à la cour d’appel de :
-dire et juger l’appel de Monsieur et Madame [I] recevable, mais mal-fondé ;
-confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance du tribunal judiciaire de Cambrai du 6 mai 2021 ;
-constater que les appelants ne justifient nullement des conditions de la garantie décennale, en application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ;
-débouter la société Leroy Merlin de tout appel en garantie à l’encontre de Maaf Assurances ;
-condamner les époux [I] à verser auprès de Maaf Assurances une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en cause d’appel ;
-les condamner à la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-à titre subsidiaire, si la cour devait infirmer partiellement le jugement de première instance, débouter les époux [I] de tous préjudices de jouissance et constater la franchise contractuelle de 1 200 euros ;
-condamner les appelants aux dépens de première instance et d’appel.
M. [G] n’a pas comparu.
Par acte du 02 septembre 2021, M. et Mme [I] ont fait signifier la déclaration d’appel et leurs conclusions d’appelant à M. [G].
Par demande de note en délibéré du 11 mai 2023, la cour d’appel a invité la société Leroy Merlin France a faire valoir ses observations sur la recevabilité de ses demandes à l’encontre de M. [G].
Par note en délibéré reçue le 12 mai 2023, la société Leroy Merlin a communiqué l’acte de signification de ses conclusions à M. [G] du 24 novembre 2021.
EXPOSE DES MOTIFS
I) Sur les demandes de M. et Mme [I] à l’encontre de la société Leroy Merlin
Bien que M. et Mme [I] citent dans leurs conclusions les dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil, les demandes de M. et Mme [I] sont expressément formées sur le fondement de l’article 1792 du code civil.
Aux termes des dispositions de l’article 1792 du code civil : « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère. »
En l’espèce, les travaux confiés à la société Leroy Merlin ont constitué en la fourniture et la pose de carrelage dans la cuisine de la maison de M. et Mme [I] au prix de 3 495,49 euros TTC. Les travaux comportaient la réalisation d’une chape de 27 m² et de 8 cm d’épaisseur.
Les travaux de fourniture et de pose du carrelage confiés à la société Leroy Merlin ne sont pas constitutifs d’un ouvrage, le carrelage n’étant pas incorporé à l’immeuble et les travaux n’étant pas d’une importance telle qu’ils puissent être qualifiés d’ouvrage pour ce motif. De plus, le carrelage ne constituant pas un élément d’équipement destiné à fonctionner, les dispositions de l’article 1792 du code civil ne seraient pas applicables même dans l’hypothèse où les désordres affectant le carrelage rendraient l’immeuble d’habitation dans son ensemble impropre à sa destination.
En outre, les désordres invoqués par M. et Mme [I] existaient et étaient apparents à la réception des travaux puisqu’ils avaient entraîné le refus de la signature du bordereaux de livraison le 20 octobre 2015 et ont été invoqués dans le cadre de l’expertise extra-judiciaire ayant donné lieu au dépôt du rapport daté du 19 février 2016. La difficulté de fonctionnement de la porte de service est mentionnée dans le bon de réception signé le 21 mars 2016.
En conséquence, les dispositions de l’article 1792 du code civil ne sont pas applicables.
En toute hypothèse, les désordres mentionnés dans le rapport d’expertise extra-judiciaire daté du 16 octobre 2017 (difficulté d’ouverture de la porte de service donnant sur le jardin, défaut de planéité dépassant le seuil de tolérance du DTU, défaut d’alignement des joints dépassant le seuil de tolérance, désaffleurs entre carreaux dépassant le seuil de tolérance, carreaux sonnant creux, carreaux ébréchés éclats sur carreaux), ne rendent pas le carrelage impropre à sa destination et ne rendent pas l’habitation dans son ensemble impropre à sa destination.
Il convient en conséquence de débouter M. et Mme [I] de leurs demandes formées à l’encontre de la société Leroy Merlin.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
II) Sur la demande de garantie formée par la société Leroy Merlin à l’encontre de M. [G] et de la société Maaf assurances
M. et Mme [I] ayant été déboutés de leur demande, la demande de garantie est sans objet.
III) Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Maaf assurances
La société Maaf n’apporte pas la preuve d’une faute de M. et Mme [I] dans l’exercice de leur droit de former un recours.
Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
IV) Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera confirmé de ce chef sauf en ce qu’il a condamné M. et Mme [I] à payer à la société Maaf assurances la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme [I] n’ont pas fait assigner la société Maaf assurances devant le tribunal judiciaire et n’ont formé aucune demande à son encontre. La société Maaf assurances a formé sa demande uniquement à l’encontre de M. et Mme [I]. Elle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant à l’appel, M. et Mme [I] seront condamnés aux dépens d’appel et à payer à la société Leroy Merlin la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les autres parties seront déboutées de leur demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
-CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a condamné M. et Mme [I] à payer la somme de 1 500 euros à la société Maaf assurances sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant ;
-DÉBOUTE la société Maaf assurances de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
-CONDAMNE M. [S] [I] et Mme [X] [I] à payer à la société Leroy Merlin France la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;
-DÉBOUTE la société Maaf assurances de ses demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
-DÉBOUTE M. et Mme [I] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-CONDAMNE M. et Mme [I] aux dépens d’appel.
Le greffier
Anaïs Millescamps
Le président
Catherine Courteille