Droits des Artisans : 13 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/07477

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Droits des Artisans : 13 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/07477

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 JUIN 2023

N° RG 21/07477

N° Portalis DBV3-V-B7F-U4VB

AFFAIRE :

[F] [P]

C/

CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2021F00169

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie ARENA

Me Margaret BENITAH

TC VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [F] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Représentant : Me Smaranda RUGINA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Margaret BENITAH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.409

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

Le 9 février 2011, la SAS MGTEC, représentée par Mme [N] [P], directrice générale et M. [F] [P], président, a ouvert dans les livres de la SA Crédit Industriel et Commercial (ci-après CIC) un compte courant n°00020097801.

Par acte sous seing privé du 18 mars 2017, le CIC a consenti à la société MGTEC un prêt d’un montant de 58 312 euros destiné à financer un équipement professionnel, amortissable en 60 mensualités au taux de 0,95% l’an.

M. [P] est intervenu à l’acte de prêt pour se porter caution solidaire des engagements de la société MGTEC, dans la limite de la somme de 69 974,40 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 84 mois.

Suivant acte sous seing privé du 16 décembre 2017, M. [P] s’est également porté caution solidaire de tous les engagements de la SAS MGTEC, dans la limite d’une somme de 48 000 €, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard.

Par jugement du 7 janvier 2020, la société MGTEC a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire. Le CIC a régulièrement déclaré ses créances pour les sommes de 11 534,18 euros au titre du solde débiteur du compte courant et 31 444,98 euros au titre du solde du prêt.

Par jugement du 28 juillet 2020, la société MGTEC a été placée en liquidation judiciaire. Les créances déclarées par le CIC ont été régulièrement admises pour les montants déclarés.

Par lettre recommandée du 14 octobre 2020, le CIC a mis en demeure M. [P], en sa qualité de caution solidaire, d’avoir à payer la somme de 11 534,18 euros correspondant au solde débiteur du compte courant, et la somme de 31 444,98 euros au titre du prêt.

Par acte du 5 février 2021, le CIC a fait assigner M. [P] devant le tribunal de commerce de Versailles lequel, par jugement contradictoire du 12 novembre 2021, a :

– condamné M. [P], en sa qualité de caution de la société MGTEC à payer au CIC, les sommes suivantes :

* 11 534,18 euros à raison du solde débiteur du compte courant n° 00020097801, outre intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2020 et jusqu’à parfait paiement ;

* 31 444,98 euros à raison du prêt n° 00020097808, outre intérêts au taux de 0,95 % l’an à compter du 8 janvier 2020 et jusqu’à parfait paiement ;

* et ce, dans la limite de 48 000 euros, montant maximum de son engagement de caution ;

– ordonné la capitalisation des intérêts par année dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

– condamné M. [P] à payer au CIC la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [P] aux entiers dépens.

Par déclaration du 17 décembre 2021, M. [P] a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 22 août 2022, il demande à la cour de :

– le juger recevable et bien fondé en son appel ;

In limine litis,

– juger irrecevables les conclusions déposées par le CIC le 20 mai 2022 via RPVA ;

– juger irrecevables les conclusions d’intimé avec appel incident du CIC déposées par RPVA le 20 mai 2022 ;

En conséquence,

– juger qu’elle n’est saisie d’aucune demande par le CIC en cause d’appel ;

A titre principal,

– infirmer le jugement sauf en ce qu’il a indiqué que les condamnations étaient prononcées dans la limite de 48 000 euros, montant maximum de son cautionnement,

En conséquence, et statuant à nouveau,

– juger que le cautionnement de M. [P] du 16 décembre 2017 était disproportionné au regard de sa situation financière ;

– juger que le CIC a commis une faute en fixant un montant des engagements de caution de M. [P] manifestement disproportionnés à ses biens revenus ;

– juger que le CIC a manqué à son devoir de mise en garde des risques d’endettement à l’égard de M. [P] ;

En conséquence,

– annuler le cautionnement souscrit par M. [P] le 18 mars 2017 ;

– annuler le cautionnement souscrit par M. [P] le 16 décembre 2017 ;

– condamner le CIC au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 42 979,16 euros au profit de M. [P] pour manquement au devoir de conseil ;

A titre subsidiaire,

– débouter le CIC de ses demandes ;

– débouter le CIC de ses demandes contenues dans le cadre de ses conclusions d’intimé formant appel incident du 20 mai 2022 ;

– ordonner une compensation entre les sommes réclamées par M. [P] au titre du manquement au devoir de conseil et les demandes du CIC à son égard ;

A titre infiniment subsidiaire,

– cantonner le montant des condamnations à la somme de 48 000 euros, montant maximum de l’engagement de caution de M. [P] ;

– juger que les 48 000 euros comprennent également tous les intérêts ;

– accorder des délais de paiement à M. [P] d’une durée de 24 mois ;

En tout état de cause,

– condamner le CIC au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le CIC, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 11 octobre 2022, demande à la cour de :

– juger M. [P] mal fondé en son appel ;

– juger le CIC bien fondé en son appel incident ;

– condamner M. [P] à payer au CIC les sommes suivantes :

* 11 534,18 euros à raison du solde débiteur du compte courant n° 00020097801, outre intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2020 et jusqu’à parfait paiement, dans la limite de la somme de 48000 euros ;

* 31 444,98 euros à raison du prêt n° 00020097808, outre intérêts au taux de 0,95 % l’an à compter du 8 janvier 2020 et jusqu’à parfait paiement, dans la limite de 69 974,40 euros ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts par année dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [P] à payer au CIC la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens de première instance ;

Y ajoutant,

– condamner M. [P] à payer au CIC la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [P] aux entiers dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer recevable l’appel formé par M. [P].

1 – sur la recevabilité des conclusions de l’intimé, et la régularité de son appel incident

M. [P] soutient, sur le fondement de l’article 954 du code de procédure civile, que les premières ‘conclusions d’intimé avec appel incident’, signifiées par le CIC le 20 mai 2022 sont ‘irrecevables’ au motif que ce dernier n’a pas sollicité l’infirmation du jugement quant à la condamnation prononcée par le tribunal : ‘dans la limite de 48 000 euros montant maximum de l’engagement de caution’. Il demande en outre à la cour de constater qu’elle n’est saisie d’aucune demande incidente du CIC.

Le CIC soutient qu’il a bien notifié, dans les délais requis, des conclusions d’appel incident au terme desquelles il sollicite que la cour le juge bien fondé en son appel incident.

Il résulte de l’article 909 du code de procédure civile que l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

L’article 914 du même code dispose que les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à (…) déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910.

Il résulte enfin des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant, fût-il incident, ne demande, dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

En application des dispositions précitées, la cour ne peut statuer sur la recevabilité des conclusions de l’intimé, observant toutefois qu’elles ont bien été notifiées dans les délais requis, de sorte que M. [P] est irrecevable en sa demande.

La cour constate cependant que ces conclusions, y compris les dernières du 11 octobre 2022, ne comportent aucune prétention tendant à l’infirmation ou à la réformation du jugement attaqué, de sorte qu’elles ne saisissent pas régulièrement la cour d’un appel incident quant à la condamnation ‘dans la limite de 48 000 euros, montant maximum de l’engagement de caution’. Si la cour devait confirmer les condamnations principales, elle ne pourrait donc que confirmer également la condamnation dans la limite de 48 000 euros, montant maximum de l’engagement de caution.

En conséquence, la demande formée par M. [P] quant à la recevabilité des conclusions du CIC du 20 mai 2022 est irrecevable, la cour constatant en outre qu’elle n’est saisie d’aucune demande incidente du CIC.

2 – sur la proportionnalité de l’engagement de caution

M. [P] fait valoir qu’il résulte de la fiche patrimoniale produite par le CIC, établie lors du second contrat de cautionnement en décembre 2017, qu’il percevait un salaire annuel de 48 000 euros, et qu’il était déjà engagé, au titre de trois précédents cautionnements, pour un montant total de 246 610 euros, de sorte que son endettement, plus de cinq fois supérieur au montant de son revenu, était manifestement disproportionné. Il ajoute, dans le paragraphe relatif à la proportionnalité, que son patrimoine immobilier ‘n’était pas de nature à exonérer la banque de son devoir de mise en garde’.

Le CIC se fonde sur la même fiche patrimoniale et relève que M. [P] disposait d’un patrimoine immobilier d’une valeur de 655 642 euros, de sorte que le cautionnement souscrit en décembre 2017 n’était pas manifestement disproportionné.

Il résulte des dispositions des articles L 332-1 et L 343-4 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable pour les contrats conclus antérieurement au 1er janvier 2022, qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Ces dispositions s’appliquent que la caution, personne physique, soit ou non avertie, la preuve de la disproportion incombant à la caution.

En outre, lorsque la caution, lors de son engagement, a déclaré des éléments sur sa situation financière au créancier, celui-ci, en l’absence d’anomalies apparentes, peut se fonder sur ces seules déclarations de la caution dont il n’a pas à vérifier l’exactitude. Cette dernière n’est pas alors admise à établir devant le juge que sa situation financière était en réalité moins favorable sauf si le créancier professionnel a eu connaissance de l’existence d’autres charges pesant sur la caution.

En l’espèce, M. [P] est marié sous le régime de la communauté légale, avec un enfant à charge, de sorte qu’il convient de prendre en considération – pour l’appréciation de la proportionnalité de l’engagement de caution – les revenus de M. [P], les biens propres de ce dernier, mais également les biens de communauté ainsi que les revenus de son épouse.

Le CIC produit aux débats une fiche patrimoniale signée par M. [P] le 16 décembre 2017, aux termes de laquelle ce dernier :

– perçoit un salaire mensuel de 4 000 euros,

– est propriétaire, avec son épouse, de sa résidence principale située à [Localité 4] (78), d’une valeur de 400 000 euros, avec un passif de 62 358 euros, soit un actif net de 337 642 euros,

– est propriétaire, en propre, d’un appartement situé à [Localité 5] (74) d’une valeur nette de 198000 euros,

– est propriétaire, en propre, d’un appartement situé à [Localité 6] (85) d’une valeur nette de 120 000 euros,

– est engagé, au titre de trois cautionnements antérieurs dont les dates de souscription ne sont toutefois pas mentionnées ( montant total de 198 610 euros, dont 69 974 euros au titre du cautionnement de mars 2017).

Il n’est pas justifié de la situation financière de M. [P] lors du premier engagement de caution en mars 2017, mais M. [P] n’invoque aucune différence avec celle résultant de la fiche patrimoniale de décembre 2017 (sauf à tenir compte, en mars 2017, d’un passif supplémentaire au titre des échéances du prêt immobilier, à hauteur de 6 146,28 euros).

Au regard de ces éléments, et même si l’on ignore les revenus de l’épouse de M. [P], il apparaît que les revenus du couple sont, a minima, de 48 000 euros par an.

En mars 2017, lors du premier engagement de caution à hauteur de 69 974 euros, M. [P] disposait d’un patrimoine immobilier de (331 496 euros + 198 000 euros + 120 000 euros = 649 496 euros). Il était engagé à hauteur de 128 936 euros (deux cautionnements antérieurs). A cette date, M. [P] disposait donc d’un patrimoine net de 520 560 euros, outre ses revenus de 48 000 euros, de sorte que son premier engagement de caution à hauteur de 69 974 euros n’était pas disproportionné.

En décembre 2017, au moment de la souscription du second cautionnement, ses revenus étaient identiques, son patrimoine immobilier était légèrement supérieur, soit 655 642 euros, et les cautionnements déjà souscrits s’élevaient à la somme de 198 610 euros, en ce compris celui de mars 2017, soit un patrimoine net de 457 032 euros, de sorte que son nouvel engagement, à hauteur de 48 000 euros, cumulé avec les précédents, n’était pas non plus disproportionné.

En l’absence de disproportion de l’engagement de caution au moment où il est conclu, il est inopérant de rechercher si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée.

Le moyen soulevé par M. [P], tiré de la disproportion de ses engagements de caution, sera donc écarté. Celui-ci sera en outre débouté de ses demandes de nullité des cautionnements fondées sur cette même disproportion qui n’est, en tout état de cause, pas sanctionnée par la nullité du cautionnement.

Le quantum des demandes n’étant pas contesté, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [P] à payer au CIC les sommes suivantes :

* 31 444,98 euros à raison du prêt, outre intérêts au taux de 0,95 % l’an à compter du 8 janvier 2020 ;

* 11 534,18 euros à raison du solde débiteur du compte courant, outre intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2020.

Ainsi qu’il a été vu plus avant, la cour n’est saisie d’aucun appel incident quant à la condamnation ‘dans la limite de 48 000 euros, montant maximum de l’engagement de caution’, de sorte qu’elle ne peut que confirmer le jugement sur ce point également.

Enfin, le jugement est confirmé en ses dispositions sur la capitalisation des intérêts.

2 – sur la demande reconventionnelle formée par M. [P] au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde

M. [P] forme une demande reconventionnelle à l’encontre de la banque en paiement d’une indemnité de 42 979,16 euros au titre du manquement de cette dernière à son devoir de mise en garde. Il soutient, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, qu’il a la qualité de caution non avertie dès lors qu’il est un simple artisan et non pas un professionnel de la finance. Il ajoute que son propre ‘ risque d’endettement’ est caractérisé, rappelant qu’il est cinq fois supérieur à son revenu annuel. M. [P] ne répond pas sur la recevabilité de sa demande.

Le CIC soutient, sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile, que cette demande est irrecevable en ce qu’elle excède celle formulée dans les premières conclusions de M. [P], à hauteur de 10 000 euros seulement. Il soutient, à titre subsidiaire, que M. [P] ne rapporte pas la preuve d’un risque anormal d’endettement le concernant.

* sur la recevabilité de la prétention émise par M. [P]

Il résulte de l’article 910-4 du code de procédure civile qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Dans ses premières conclusions d’appelant notifiées le 16 mars 2022, M. [P] sollicitait la condamnation du CIC au paiement d’une somme de 10 000 euros ‘à titre de dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil’. Dans ses dernières conclusions, la prétention émise par M. [P] est identique, à savoir paiement de dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil, seul le quantum de cette prétention étant différent, à savoir désormais la somme de 42 979,16 euros. Il apparaît ainsi que la prétention visant au paiement de dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil a bien été présentée dès les premières conclusions de l’appelant, peu important que le quantum de cette prétention ait augmenté, de sorte que la prétention émise est recevable.

* sur le bien fondé de la demande formée par M. [P] au titre du manquement de la banque au devoir de mise en garde

Le banquier dispensateur de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur. La charge de la preuve d’un manquement de la banque à ce titre incombe à la caution qui l’invoque. A l’égard de la caution avertie, le banquier n’est tenu d’un tel devoir que s’il avait sur les revenus de l’emprunteur, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de l’opération cautionnée, des informations que la caution ignorait.

Le CIC observe uniquement que M. [P] invoque le statut de caution non avertie, sans soutenir qu’il serait au contraire une caution avertie. Contrairement à ce qu’a pu estimer le tribunal, le seul fait que M. [P] soit président de la société MGTEC depuis sa création en 2011, alors qu’il n’est justifié d’aucune compétence de ce dernier en matière comptable ou financière, ne permet pas de retenir qu’il avait la qualité de caution avertie.

M. [P] n’invoque pas l’inadaptation du prêt aux capacités financières de la société, soutenant uniquement que son endettement personnel, plus de cinq fois supérieur à son revenu annuel, nécessitait une mise en garde de la banque. Il a toutefois été démontré que les cautionnements litigieux étaient adaptés aux capacités financières de M. [P], au regard notamment de son patrimoine immobilier, de sorte que la banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde. Le tribunal ayant omis, dans le dispositif de son jugement, de débouter M. [P] de sa demande indemnitaire au titre du manquement au devoir de mise en garde, la cour ajoute ce chef de dispositif au présent arrêt.

3 – sur la demande de délais de paiement

M. [P] sollicite des délais de paiement sur 24 mois, faisant valoir qu’il rencontre des difficultés financières depuis la liquidation de sa société. Il soutient se trouver au chômage et ne disposer d’aucun revenu, indiquant toutefois qu’il paie les études de ses enfants.

Le CIC s’oppose à cette demande au motif que M. [P] ne justifie pas de sa situation financière actuelle.

Il résulte de l’article 1343-5 du code civil que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, M. [P] qui invoque une situation financière difficile et l’absence de revenus n’apporte aucun élément permettant d’en justifier, alors qu’il précise régler les études de ses enfants, de sorte que la cour n’est pas en mesure de lui accorder les délais qu’il sollicite.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Déclare recevable l’appel formé par M. [F] [P],

Dit que la demande formée par M. [F] [P] quant à la recevabilité des conclusions notifiées par le Crédit industriel et commercial le 20 mai 2022 est elle-même irrecevable,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 12 novembre 2021 en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Déboute M. [F] [P] de ses demandes d’annulation des cautionnements, et de sa demande indemnitaire au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde,

Condamne M. [F] [P] à payer au Crédit industriel et commercial la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] [P] aux dépens de la procédure d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,

 


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