Droits des Artisans : 15 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/06546

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Droits des Artisans : 15 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/06546

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 15 JUIN 2023

N° 2023/

MS/KV

Rôle N° RG 20/06546 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGBE3

[S] [H]

C/

S.A.R.L. FLAT 06

Copie exécutoire délivrée

le : 15/06/23

à :

– Me Karine TOLLINCHI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

– Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 13 Mai 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F18/00728.

APPELANT

Monsieur [S] [H], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Karine TOLLINCHI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.R.L. FLAT 06, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [S] [H] a été engagé en qualité de mécanicien non cadre à compter du 8 octobre 2002 par l’entreprise [F] [G], contrat repris aux mêmes conditions par la SARL FLAT 06, le 1er avril 2012, suite à la cession du fonds de commerce.

Il percevait en dernier lieu un salaire brut moyen mensuel de 3.726,14 euros.

Le garage FLAT 06 est spécialisé dans la réparation des voitures de la marque Porsche.

La convention collective nationale applicable à la relation de travail est la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile.

La société emploie habituellement moins de 11 salariés.

Le 13 février 2015, l’employeur a notifié au salarié un avertissement pour attitude désinvolte envers les clients, dénigrement de l’entreprise, non entretien de l’atelier, mauvaises réparations.

Le 17 février 2015, un nouvel avertissement a été notifié au salarié pour retard de près d’une heure à son poste.

Par courrier recommandé du 23 février 2015, le salarié a contesté les avertissements décernés et a réclamé le paiement des heures supplémentaires accomplies et non rémunérées.

Par lettre remise en main propre le 20 mars 2015, M. [S] [H] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 30 mars 2015.

Le 27 mars 2015, la SARL FLAT 06 a mis en demeure M. [S] [H] de ramener sans délai l’ensemble des outils volés au garage, le lundi 16 février 2015 au matin.

Le 30 mars 2015, M. [S] [H] a répondu que ces outils lui appartenaient et qu’ils n’étaient pas inclus dans la vente du garage en 2012 .

Le 31 mars 2016, M. [S] [H] a lui même déposé plainte pénale en expliquant qu’il avait gracieusement mis à disposition de l’entreprise FLAT 06 son propre matériel , qu’il avait été amené à reprendre à la suite du non paiement de ses heures supplémentaires; que son employeur avait cru bon de le licencier pour vol; qu’ayant été gravement menacé à plusieurs reprises par son employeur, il avait été amené à faire retranscrire par un huissier de justice la SCP Leydet- Hyevert le 30 avril 2015 les conversations qu’il avait été contraint d’enregistrer pour se protéger et prouver sa bonne foi.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 2 avril 2015, le salarié a été licencié pour faute lourde .

Le 28 mai 2015, M. [S] [H], contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits en matière de paiement du salaire au titre des heures supplémentaires et indemnité de congés payés, a saisi la juridiction prud’homale, afin d’obtenir diverses sommes, tant en exécution qu’au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 13 mai 2020, le conseil de prud’hommes de Grasse, après avoir prononcé la radiationdel’instance, le 8 novembre 2016, et ordonné son réenrôlement, le 8 novembre 2018, a condamné la SARL FLAT 06 à payer à M. [S] [H]

-5108,48 euros au titre de 26 jours de congés payés

-500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

et a débouté M. [S] [H] de ses plus amples demandes et la SARL FLAT 06 de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts.

M. [S] [H] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 février 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 février 3023 , l’appelant demande à la cour de confirmer le jugement sur les congés payés , le réformant sur le surplus et statuant à nouveau de :

– juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse

– dire et juger que le contrat de travail doit être requalifié en contrat de 169 heures de travail

– condamner la SARL FLAT 06 à payer à M. [S] [H]:

107.204,48 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail soit deux années de salaire

-au titre de l’indemnité compensatrice de préavis : en sa qualité de cadre : 3 mois x 4 258.52 euros brut = 12 775.56 euros bruts

– au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis: 10 % de 12 775.56 euros = 1 277.56 euros bruts

– au titre du rappel de salaire sur la période de mise à pied du 20 mars au 3 avril 2015 : 4 258.52 euros brut x 14 jours /30 = 1 987.31 euros bruts

– au titre des congés payés sur la période de congés payés : 10 % de 1 987.31 euros = 198,73 euros bruts

– au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement en vertu de l’article L 1234-9 du code du travail soit 1/5ème + 2/ 15eme sur 10 ans du 8 octobre 2002, date d’entrée jusqu’au 8 octobre 2012 = 4 258.52 euros/5 = 851.71 euros x 10 ans = 8 517.10 euros et du 8 octobre 2012 au 3 avril 2015 : 2 ans et 5 mois :851.71 euros x 2 + 5/ 12ème de 851.71 euros = 2 058.30 euros brut 4 258.52 euros x 2/ 15ème = 567.81 euros x 2 = 1 135.62 euros brut 851.71 euros x 2/ 15ème x 5 mois = 567.85 euros X 5/ 12ème = 236.61 euros brut Soit : 8 517.10 euros + 2 058.30 euros + 1 135.62 euros + 236.61 euros = 11 947.63 euros bruts

– au titre des heures supplémentaires : 18 316.90 euro outre rappel heures normales 122.84 euros soit 18 439.74 euros bruts

– au titre du travail dissimulé et en vertu de l’article L.8223-1 du code du travail 6 mois de salaire soit 4 258.52 euros brut = 25 551, 12 euros bruts

– au titre des congés payés dus sur rappel de salaires au titre des heures supplémentaires: 1843,97 euros bruts

– condamner la SARL FLAT 06 à rectifier les bulletins de salaires de M. [S] [H] avec la qualité de cadre et niveau C et à partir du 1er avril 2012 avec la mention des heures supplémentaires jusqu’à la date de sortie et sans la période de mise à pied et avec les congés payés, et sous astreinte de 150 euros par jour de retard

– condamner la SARL FLAT 06 à la régularisation de la situation de M. [S] [H] auprès des organismes sociaux et en apporter la justification auprès de ce dernier, et sous astreinte de 500 euros par jour de retard

– débouter la SARL FLAT 06 de toutes ses demandes fins et conclusions

-condamner la SARL FLAT 06 au paiement de la somme de 5000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles exposés en première instance et la somme de 4500 euros pour les frais irrépétibles exposés en appel

– condamner la SARL FLAT 06 aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’appelant fait valoir que :

* sur l’exécution du contrat de travail

– il réalisait 169 heures mensuellles de travail au lieu des 157,69 heures rémunérées

-il avait formé réclamation pendant la période contracuelle; en effet, il a répondu aux deux avertissements qui lui ont été notifiés par lettre du 23 février 2015 par laquelle il indiquait qu’il contestait le contenu de ces deux lettres et que ces avertissements faisaient manifestement suite ‘à ses demandes réitérées de paiement de ses heures supplémentaires non payées dont le total s’élevait en janvier 2015 à environ 19 000 euros’. Il rappelait également qu’il était présent avant 8 heures le matin pour préparer l’ouverture de l’atelier et comme le confirmait son employeur dans le premier avertissement du 13 février 2015: ‘ que le salaire était de 2 900 euros par mois avec un statut cadre pour effectuer 39 heures par semaine »,

– le conseil de prud’hommes ne pouvait rejeter sa réclamation au titre des heures supplémentaires au motif que M. [S] [H] ‘ne produisait pas un décompte détaillé’,

* sur la rupture du contrat de travail

– le licenciement est injustifié et lui cause un préjudice important eu égard à son âge ( 57 ans) et à son ancienneté de plus de 12 années,

-les objets prétendument dérobés lui appartiennent il n’a donc commis aucun vol : faute d’être convoqué pour être entendu sur la plainte pénale déposée par la SARL FLAT 06, il a été contraint d’écrire au procureur de la République de Grasse le 31 mars pour lui faire part de cette situation et pour lui transmettre le procès verbal d’huissier de justice, en date du 30 Avril 2015 retranscrivant les menaces verbales de son employeur qu’il avait été contrait d’enregistrer mettant en évidence le fait que le gérant de la SARL FLAT 06 reconnaissait que le matériel prétendument volé était bien la propriété de Monsieur [H] et non celle de la SARL FLAT 06, par ailleurs un témoins Mme [R] [K] atteste avoir vu le matériel qui était entreposé à lépoque au domicile de M. [S] [H],

-les témoignages produits par l’employeur émanent de clients du garage et sont de complaisance ils rapportent des faits faux, soit ne sont pas signés ou datés ou incorrectement datés,

– il n’avait aucune intention de faire concurrence à la SARL FLAT 06 mais a simplement eu le projet bien après l’engagement de la procédure de licenciement d’acquérir un garage à Saint Laurebnt du Var après que le gérant l’ait contacté,

– la décision entrepris’ a justement débouté la SARL FLAT 06 de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts dès lors qu’aucun des griefs n’est établi.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 février 2023 , l’intimée demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société FLAT 06 au paiement de la

somme de 5.108,48 € bruts au titre de l’indemnité de congés payés et l’a déboutée de sa demande de dommageset intérêts, et, statuant à nouveau,il demande de:

-juger que l’intention de nuire de M. [S] [H] est caractérisée ;

-juger légitime et fondé le licenciement pour faute lourde notifié à M. [S] [H];

-juger que M. [S] [H] a été rémunéré de l’ensemble des heures de travail réalisées ;

-juger non fondées dans leur principe et injustifiées dans leur montant les demandes de M. [S] [H] ;

En conséquence,

-débouter M. [S] [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

-condamner à titre reconventionnel, M. [S] [H] au paiement d’une somme de 10.000 € en réparation du préjudice subi ;

-condamner M. [S] [H] à la somme de 4.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimé répond que:

* sur l’exécution du contrat de travail

-la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande,

– M. [S] [H] prétend avoir réalisé 17,33 heures supplémentaires par mois sans avoir jamais contesté le contenu de ses bulletins de paie, remis chaque mois et mentionnant expressément le nombre d’heures de travail rémunérées et en ayant attendu le 24 février 2015 pour former réclamation,

– le salarié n’a fourni aucun décompte précis comme l’a justement relevé le conseil de prud’hommes, le décompte produit pour la première fois en cause d’appel a été établi pour les besoins de la cause et ne correspond pas à la réalité ; il fait une appréciation forfaitaire du temps de travail en fonction de 39 heures et non de 35 heures de travail réalisées,

– si les horaires de travail étaient fixés par une note de service du 13 novembre 2013 mentionnant un horaire d’ouverture à 8 heures du matin cet horaire est celui de la plage horaire de l’atelier qui comptait deux salariés ayant chacun un temps contractuel de 35 heures,

– un ancien commercial de l’entreprise atteste que M. [S] [H] n’a jamais réalisé d’heures supplémentaires,

– le salarié ne justifie d’aucun préjudice indépendant du retard apporté au paiement par l’employeur et causé par la mauvaise foi de ce dernier pour solliciter une condamnation indemnitaire,

-la condamnation prononcée par la décision déférée au paiement d’une indemnité de congés payés n’est pas justifiée en son quantum,

* sur la rupture du contrat de travail

– le salarié a progressivement adopté une attitude intentionnellement préjudiciable à l’entreprise qui ne s’est pas améliorée malgré les observations verbales de son dirigeant M. [Y] [M]. Cette dégradation du comportement a atteint son paroxysme en début d’année 2015, ce pourquoi elle a notifié au salarié deux avertissements,

-elle a déclenché la procédure de licenciement après la découverte des manoeuvres de son salarié: alors que les parties étaient en négociation en vue d’une éventuelle rupture conventionnelle, la société a

découvert, le 20 mars 2015, que M. [S] [H] avait pris décision d’acheter le garage Porsche Cavallaro à [Localité 8],

– le salarié a volé le matériel de l’entreprise après avoir dénigré l’activité de son employeur et a développé une activité concurrente avec le matériel de son ancien employeur; il a volontairement détourné le matériel indispensable à l’activité de l’entreprise pour obtenir une rupture négociée du contrat de travail et financer l’ouverture d’un garage concurrent,

– M. [S] [H] ne justifie pas être propriétaire du matériel qu’il a dérobé lequel ne figurait pas dans l’acte de cession du fonds de commerce repris par la SARL FLAT 06 le 1er avril 2012, et est devenue la propriété de la société,

– lors de la sommation interpellative qui lui a été décernée le 22 avril 2015 M. [S] [H] a déclaré avoir l’intention d’utiliser cet outillage à des fins professionnelles; elle a déposé une plainte pénale qui a été classée sans suite, ce qui n’a aucune incidence sur la caractérisation de la faute puisqu’aucune décision pénale n’a été rendue; il n’existe en l’espèce aucune autorité de chose jugée au pénal sur le civil,

– le procès verbal de constat d’huissier de justice en date du 30 avril 2015, produit par M. [S] [H] pour la première fois en cause d’appel, retranscrivant une prétendue conversation tenue entre le salarié l’employeur à son insu, entre des personnes non identifiées est un moyen de preuve illicite qui sera écarté,

-le licenciement est justifié par une faute lourde privative des indemnités de rupture,

– les agissements du salarié ont nui à l’image de marque de la société qui a été obligée de racheter le matériel dérobé et s’est trouvée placée dans l’impossibilité durant plusieurs semaines de réaliser ses prestations ce qui justifie l’allocation de dommages-intérêts,

– le salarié a repris une activité professionnelle; il occupe le poste de Directeur Général de la société TYPE 911 créée le 30 juin 2015, soit 2 mois après son licenciement ; il ne justifie d’aucun préjudice cconsécutif à la perte de son emploi. Il ne peut prétendre à une indemnité de licenciement supérieure à 8175,11 euros calculée en fonction d’une ancienneté de 12 ans et cinq mois et ne peut prétendre qu’à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi en application de l’article L1235-5 ( ancien)du code du travail ,

-l’indemnité de congés payés y afférents doit être fixée au plus à la somme de 2817,38 euros correspondant à 24 jours de congés payés au vu du bulletin de paie du mois de mars 2015 et non à 26 jours de congés payés somme accordés par le jugement critiqué qui sera infirmé de ce chef.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

1- Sur la demande en paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies et non rémunérées

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1 et L. 3171-3, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le juge ne peut rejeter une demande en paiement d’heures supplémentaires aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande. Il ne peut rejeter la demande du salarié au motif que celui ci ne produit pas de décompte précis sur la totalité des heures travaillées.

Le fait que le salarié n’ait pas formé de réclamation durant l’exécution du contrat de travail n’est pas de nature à le priver de son droit au paiement des heures de travail accomplies ni à exonérer l’employeur de son obligation de prouver les horaires de travail du salarié.

En l’espèce, M. [S] [H] fait valoir qu’il effectuait 39 heures par semaine en étant présent avant 8 heures le matin pour préparer l’ouverture de l’atelier . Il travaillait du lundi au jeudi de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures, le vendredi de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 17 heures soit 169 heures ( 3H par semaine x 52 :12 = 169 heures ) .

Les bulletins de salaire font état d’heures payées à hauteur de 151,67 heures.

M. [S] [H] a produit :

– un décompte des heures travaillées non payées entre avril 2012 et avril 2015 pour un montant de 18 439,74 euros établi par le cabinet d’exprtise comptable Sodeco ( en pièce n° 29)

– sa lettre du 23 février 2015, ‘ je fais suite à vos deux lettres d’avertissements des 13 et 17 février 2015, dont je conteste le contenu et qui font manifestement suite à mes demandes réitérées de paiement de mes heures supplémentaires, non payées dont le total s’élève fin janvier 2015 à environ 19.000 euros, vos promeeses de régularisation sont toujours restées sans suite. J’ai été extrêmement patient depuis votre reprise de FLAT 06 en 2012 ne voulant pas vous adresser de recommandés, sachant que j’étais seul à travailler au début et de peur de détériorer nos relations employeur employé.’,

– le premier avertissement du 13 février 2015 dans lequel l’employeur mentionne : que son salaire ‘était de 2 900 euros par mois avec un statut cadre pour effectuer 39 heures par semaine’

– une note aux employés de l’atelier signée du gérant, Mr [M] en date du 13 novembre 2013 rappelant que les horaires sont du lundi au jeudi de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures, le vendredi de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 17 heures et rappelant : Ainsi il est demandé que les employés soient en poste en tenue de travail à chacun de ces horaires. Les temps d’habillage et de déshabillage ne sont pas pris en compte comme horaire de travail effectif. Il appartient donc à l’employé d’arriver en tenue de travail à l’heure prévue ou d’utiliser le vestiaire mis à sa disposition à cet effet en venant plus tôt.

Ces éléments corroborent les allégations du salarié. La note produite en cause d’appel par la SARL FLAT 06, datée du 3 mars 2015 et mentionnant un horaire de début de travail à 9 heures au lieu de 8 heures a été manifestement établie pour les besoins de la cause et sera écartée comme non probante de l’horaire de travail.

La SARL FLAT 06 n’apporte aucun justificatif des horaires de travail effectivement réalisés. Les témoignages de M. [Z], ancien commercial de l’entreprise attestant que M. [S] [H] n’a jamais réalisé d’heures supplémentaires, et de M. [J] selon lequel le garage n’était jamais ouvert avant 9 heures, ne sont pas convaincants et ne peuvent suppléer la carence de l’employeur a prouver les horaires effetivement accomplis par M. [S] [H].

La SARL FLAT 06 procède par affirmation et non par voie de démonstration en soutenant que les salariés de l’atelier se répartissaient le travail sur la plage horaire mais ne travaillaient pas tous 169 heures alors même que les documents qui émanent de l’entreprise prouvent le contraire.

Dans ces conditions la cour retient l’existence d’heures supplémentaires.

S’agissant du montant des sommes réclamées, le décompte des heures travaillées non payées produit par le salarié couvre la période courant entre avril 2012 et avril 2015 et mentionne 17,33 heures supplémentaires par semaine pour un montant de 18 439,74 euros . Il a été établi par le cabinet d’expertise comptable Sodeco ( en pièce n° 29) Il est conforme à l’horaire de travail ci-dessus décrit. Or, la SARL FLAT 06 ne justifie pas s’être acquitté du paiement des sommes réclamées par M. [S] [H].

En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sera infirmée en ce qu’elle a débouté M. [S] [H] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires et des congés payés y afférents et la cour fera droit à sa réclamation.

2- Sur le travail dissimulé

Selon l’article L. 8221-5 du code du travail :

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur:

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du

temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation .

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Compte tenu de la faible taille de l’entreprise qu’elle gère, la SARL FLAT 06 n’a pu ignorer l’ampleur de l’horaire de travail accompli par M. [S] [H] . En mentionnant sciemment sur les bulletins de paie un horaire de 151,67 heures au lieu de 169 heures, elle a manifesté son intention de dissimuler une partie des heures de travail du salarié.

En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sera infirmée en ce qu’elle déboute M. [S] [H] de sa demande en reconnaissance et en indemnisation d’un travail dissimulé.

3- Sur la demande en paiement d’une indemnité de congés payés

L’appelant conclut à la confirmation du jugement de ce chef.

La condamnation au paiement d’une indemnité correspbndant à 26 jours de congés payés est critiquée par la SARL FLAT 06 en son principe et non en son quantum.

La charge de la preuve pesant sur l’employeur, la SARL FLAT 06 ne démontre pas que M. [S] [H] a été rempli de ses droits à congés payés ainsi qu’il le démontre.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle fait droit à la demande de M. [S] [H].

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement du 2 avril 2015 est ainsi motivée :

« (…)

Monsieur,

Nous faisons suite à l’entretien préalable de licenciement du lundi 30 mars 2015, après analyse de vos explications et après avoir pris le temps de la réflexion, nous vous confirmons ne pas avoir été convaincus. Vous avez eu une conduite et commis des faits constitutifs de fautes lourdes, pour lesquels vous êtes licencié pour faute lourde par la présente lettre de licenciement, à savoir:

1) Vol de matériel

Le 16 février vous avez dérobé un nombre important d’outils et de revues techniques, nous appartenant, et spécifiques aux véhicules sur lesquels nous intervenons.

Malgré notre demande écrite de nous les restituer vous vous y refusez en nous répondant le 30/03/15 par écrit qu’ils vous appartenaient et qu’ils ne faisaient pas partie de l’inventaire de la vente du garage. En effet ces outils dérobés ne figuraient pas sur la liste de l’inventaire car il s’agissait d’une multitude de petit outils et de revues techniques qu’il aurait été impossible de lister mais qui faisaient partie intégrante du garage à ma reprise, ainsi que du matériel m’appartenant personnellement et que j’avais ramené d’Allemagne. Par ailleurs vous invoquez un appel passé à Mr [F] qui m’a bien confirmé qu’il ne vous a absolument rien confirmé dans ce sens et au contraire était outré de votre action.

En ce qui concerne ma lettre recommandée du 27 Mars, elle est arrivée si tard pour la simple et bonne raison que mon intention malgré votre comportement absolument inacceptable était de régler cette affaire de manière amiable comme vous le savez. Je vous rappelle que nous devions nous séparer à l’amiable jusqu’à ce que j’apprenne vos intentions d’ouvrir un garage concurrent, et que vous continuiez vos actes constituant des fautes lourdes à l’égard de votre employeur.

Je vous rappelle en outre la gravité de vos actes qui constituent pour nous un grave préjudice, tant pécuniaire, qu’en termes de désorganisation de l’entreprise.

Je vous rappelle également qu’une plainte a été déposée pour vol et que les dommages subis par FLAT 06 vous seront intégralement réclamés avec leurs intérêts.

1) 2) Dégradations volontaires de véhicules et réparations de véhicules relevant de la

volonté de nuire :

Vous avez procédé à des dégradations volontaires en procédant à des dommages dans les

véhicules suivants :

Porsche Cayenne immatriculé 908 BQV 06 de Madame [W] en date du 16/03/2015 :

Plusieurs pièces n’ont pas été remontées volontairement et laissées en vrac sur le plancher arrière du véhicule obligeant la cliente à revenir une seconde fois très mécontente. Ce genre de choses n’était jamais arrivé auparavant (j’entends avant votre décision de concurrencer FLAT 06 il y a plusieurs mois) ce qui prouve bien votre volonté de saboter le travail,

Porsche 911 2.2E Targa immatriculée [Immatriculation 6] de Monsieur [O] déposée dans nos ateliers le 15/12/2014 et toujours en cours à ce jour. En effet, la voiture que j’avais vendu à titre personnel à Mr [O] connaissait quelques problèmes, elle ne prenait pas bien les tours. Devant mon client vous avez dénigré la voiture et dit que le moteur était mort et qu’il fallait le refaire complètement. Mr [O] a donc souhaité refaire le moteur ce que vous avez fait. Mais après le remontage, la voiture tournait encore plus mal qu’avant et elle perdait des litres d’huile. Ce entre autre pourquoi vous avez été sanctionné d’un avertissement le 13/02/2015.

Suite à cela le moteur a été re-démonté et nous avons constaté que vous aviez mis le mauvais joint au niveau du milieu du moteur comme par hasard. Après 38 ans passé à travailler sur les moteurs PORSCHE, vous ne pourrez pas nous faire croire que ceci était lié à votre incompétence. Encore une fois vous avez déjà été sanctionné pour cette faute.

Cependant, après ce 2e démontage et remontage effectué du 23/0 2 / 2 015 au 06/03/2015 , le véhicule tourne non seulement toujours aussi mal mais il a de nombreux autres problèmes et à ce jour le client perd patience d’autant plus que nous n’avons plus d’outil ni de revue technique pour intervenir. Le client est sous antidépresseur. Encore une fois cette action prouve bien votre volonté de nuire à notre réputation et de nous attirer le plus d’ennuis possible en sabotant les véhicules de nos clients.

Ces faits intentionnels ont été commis du 23/02/2015 au 06/03/2015 et sont distincts de l’avertissement vous a été envoyé le 13/02/15.

Porsche 997 GT3RS immatriculée N1342D de SARL Classic Driver en date du 12/02/2015 :

J’ai entendu des gros bruits venant de l’atelier, et je vous ai vu violenter cette pompe à essence en tapant dessus et la secouant comme un forcené et vous m’avez juste répondu lorsque je vous ai demandé des explications concernant ce comportement violent votre réponse fut : que vous ne parveniez pas à l’extraire… Le 05/0 3 / 1 5 nous recevons un appel alarmé et de la société Classic Driver nous mettant en demeure de régler la facture du garage Service Auto Villeneuve chez qui notre client a dû déposer le véhicule en urgence suite à une importante fuite d’essence et qu’ils allaient nous poursuivre en justice compte tenu de la dangerosité de cette situation, le véhicule aurait pu prendre feux. ( [Adresse 7]). Encore là une volonté évidente de nuire à l’entreprise allant jusqu’à risquer la vie des gens.

Audi A5 Cabriolet immatriculée [Immatriculation 5] nous appartenant, en date du 20/03/2015

Vidange huile moteur réalisée en 4H et 1H pour remettre à zéro l’ordinateur de bord assis dans le véhicule portes fermées avec siège chauffant allumé. Explication je ne trouve pas comment remettre à zéro le compteur de service. J’ai dû intervenir et vous demander de passer à autre chose.

Par ailleurs, vous avez volontairement restitué des véhicules souillés, salis, dans un état déplorable, savoir :

– Véhicule Porsche Cayenne immatriculé 8K14MC de M. [U] [B] en date du 04/02/2015: rendu complètement souillé au client malgré la demande de le nettoyer avant livraison. Ceci entraînant un avoir commercial suite à la demande du client très mécontent et qui ne reviendra plus dans notre garage, à notre charge de 475,20€ en date du 17/02/2015 (Avoir n°646).

Les conséquences de ces actes volontaires se chiffrent pour notre entreprise à des sommes très importantes.

1) 3) Insubordination :

Vous avez délibérément refusé d’obéir à nos instructions et demandes, à savoir :

Refus d’effectuer certaines réparations : les véhicules d’autre marque que la marque Porsche tel que la BMW M3 immatriculée [Immatriculation 3] en date du 27/02/2015 ,

– Refus de tenir l’atelier propre au quotidien : atelier dans un état inqualifiable, jamais rangé, jamais nettoyé, outils jamais remis à leur place en fin de journée depuis le début du mois de Février

dégradation volontaire d’outils et de matériel informatique tels qu’un ordinateur testeur

Porsche en panne (Disque dur FIS sur à un choc) que vous nous avez caché volontairement et que nous avons découvert le 23/03/15, alors que je l’avais vu fonctionner le 18/08/2015 et qu’aucun autre employé ne l’avais touché entre temps.

coup de pieds donnés à plusieurs reprises dans le matériel du garage sous excès de colère, dégradation du mûr de l’atelier carrément troué suite à vos gestes brutaux destructeurs en date du 06/02/2015 et que vous avez récidivé le 19/03/2015.

– Insultes répétées en présence des autres employés envers le gérant [Y] [M] lorsqu’il n’est pas présent dans le garage. En effet, le 18/02/2015 à 14h45 alors que vous étiez assis sans travailler notre commercial [C] [Z] vous a demandé ce que vous faisiez et vous lui avez répondu je cite : »je suis en pause syndicale, maintenant j’en fais le moins possible, j’ai plus envie de bosser, il va voir l’autre gros enculé comment ça va se passer maintenant » en parlant du gérant [Y] [M]. Puis il a ajouté : « Demain je ne viens pas je vais me mettre en arrêt maladie, je vais dire que j’ai soulevé un pneu trop lourd ».

Ce qui encore a eu de graves conséquences pour l’entreprise quant à son fonctionnement et le

respect de nos engagements auprès de nos clients,

1) 4) Dénigrement volontaire et mensonger de l’entreprise :

Vous avez volontairement calomnié et diffamé l’entreprise et ses compétences de sorte à porter

atteinte à notre réputation, à savoir :

– Auprès des clients M. [A] [D] le 20/03/2015, M. [N] [L] le 24/02/2015 et M. [O] [T] le 00/03/2015: Vous avez dénigré le garage et son gérant en leur présence, les invitant à changer de garage ou nous faire un procès par exemple. Les témoignages écrits sont

disponibles.

– Auprès d’un fournisseur M. [L] [E] de DSP automobile le 19/03/2015 : Vous lui avez dit en le voyant, je cite « Tu viens encore dans ce garage de merde ‘ »

1) 5) discrédit de la clientèle de notre entreprise par des manoeuvres déloyales et des

propos diffamatoires et calomnieux :

Auprès des clients M. [V] [I] le 19/03/2015, M. [N] [L] le 24/02/2015, et M. [O] [T] le 06/03/2015: Vous leur avez clairement expliqué que vous comptiez monter incessamment sous peu un garage concurrent à votre compte et vous leur avez donné votre numéro de téléphone pour qu’ils y viennent en rappelant encore que ces clients ne devaient plus travailler avec nous.

Je vous rappelle également que nous vous avions déjà envoyé 2 avertissements en date du 13/02/2015 et du 17/02/2015 pour des faits également intentionnels qui n’ont malheureusement eu aucun effet.

En conséquence, et au motif de l’intégralité des faits qui précèdent, et par la présente lettre de licenciement, vous êtes licencié pour faute lourde.

Les susdits faits ayant été commis dans le but clairement avoué de nuire à notre entreprise, car souhaitant vous installer en tant que garage concurrent.

L’intégralité des faits qui précédent a gravement mis en cause la bonne marche de l’entreprise. C’est pourquoi, compte tenu de leur gravité et malgré vos explications lors de notre entretien préalable, nous sommes au regret de devoir procéder à votre licenciement pour faute lourde, tout maintien dans l’entreprise n’étant pas envisageable.

Pour ces mêmes raisons, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, y compris durant la période de préavis. Votre licenciement prend donc effet à compter de la première présentation de cette lettre, sans indemnité de licenciement ni de préavis.

Vos agissements constituant une faute lourde, vous n’aurez pas non plus droit à l’indemnité de congés payés.

Nous vous rappelons que vous faites également l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire, laquelle demeure fondée.

Par conséquent la période non travaillée du 20 mars 2015 au jour de la notification des présentes ne vous sera pas réglée.

Néanmoins, nous vous informons que vous avez acquis 120 heures au titre du compte personnel de formation et que vous en conservez le bénéfice.

Toutes les sommes vous restant dues vous seront adressées par courrier, avec vos certificats de travail, solde de tout compte et attestation destinée à Pôle emploi.

Nous réservons nos droits quant à notre indemnisation relativement aux faits susdits et fondant la présente mesure de licenciement pour faute lourde, et vous indiquons avoir déposé une plainte pénale, et que nous solliciterons indemnisation de notre préjudice.

(…)»

**********

Sur le vol de matériel

Il n’est pas discuté que le 16 février 2015, M. [S] [H] a emporté de nombreux matériels et outils , comprenant des revues techniques, qui se trouvaient dans le garage exploité par la SARL FLAT 06, objets qu’il a chargé dans une camionnette pour les conserver par devers lui.

Le 22 avril 2015, la SARL FLAT 06 a mis en demeure M. [S] [H] de restituer le matériel. Elle a fait délivrer à M. [S] [H], par acte d’huissier de justice, une sommation ‘de répondre s’il était en possession des matériels outillages et classeurs techniques se trouvant dans le local commercial objet de la cession’ et ‘s’il comptait les restituer volontairement à la SARL FLAT 06’. M. [S] [H] a répondu que ‘ce matériel était en possession de la société Sonauto pour laquelle il avait travaillé pendant 25 ans, que la société avait fermé , qu’il avait récupéré les outils et les matériels techniques qui allaient être jetés’, que ‘M. [M] était informé depuis l’achat du garage de ce fait’.

La SARL FLAT 06 a alors déposé une plainte pénale qui a été classée sans suite, ce qui n’a aucune incidence sur la caractérisation de la faute de M. [S] [H] puisque seules les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité à l’égard de tous.

Alors qu’en application des règles de droit applicable à la propriété mobilière, la SARL FLAT 06 est présumée propriétaire de ces objets même s’ils ne figuraient pas dans l’acte de cession du fonds de commerce du 1er avril 2012. M. [S] [H] ne justifie pas qu’ils lui appartenaient en propre et qu’il les a donc emportés sans aucune intention frauduleuse.

Pour prouver sa bonne foi, M. [S] [H] produit un procès verbal de constat d’huissier de justice dressé par la SCP Leydet- Hyevert en date du 30 avril 2015 qui retranscrit une conversation qui aurait été tenue entre le salarié et son employeur et par laquelle ce dernier se montrerait menaçant et reconnaîtrait la propriété du matériel par M. [S] [H].

Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil et 9 du Code de procédure civile que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

En premier lieu, le procès verbal de constat d’huissier de justice produit par M. [S] [H] en cause d’appel, n’est pas un élément de preuve indispensable pour prouver la bonne foi du salarié et sa propriété sur le matériel dès lors que M. [S] [H] pouvait prouver sa propriété par d’autres moyens de preuve tels que des factures ou des témoignages.

En second lieu, ce procès verbal retranscrit une conversation qui aurait été tenue entre le salarié et son employeur sans que la date de cette conversation ne soit indiquée et sans que les personnes intéressés ne soient nommées et en conséquence identifiées.

Ce moyen de preuve sera écarté. Le grief de vol est caractérisé.

Sur les dégradations volontaires de véhicules et les réparations de véhicules relevant de la volonté de nuire

La lettre de licenciement fait grief au salarié de n’avoir pas remonté volontairement et laissé en vrac sur le plancher arrière du véhicule de Mme [W], diverses pièces.

Il est soutenu par M. [S] [H] que l’imputabilité des faits au salarié n’est pas démontrée car à la date de la rédaction de l’attestation de Mme [W], soit le 30 mars 2015, il n’était plus dans l’entreprise.

Cette argumentation est inopérante dès lors que la facture du garage est datée du 16 mars 2015 alors que la mise à pied du salarié est effective le 30 mars.

Il est encore reproché au salarié d’avoir, postérieurement à son avertissement du 23 février 2015, et après plusieurs démontages du véhicule Porsche 911 2.2E Targa de M. [O], effectué, entre le 23 février et le 6 mars 2015, un remontage défectueux du moteur.

M. [S] [H] soutient que l’imputabilité au salarié du remontage défectueux du moteur de la porsche de M. [O] n’est pas démontrée, d’autant que l’expertise automobile dont se prévaut la SARL FLAT 06 a été effectuée un an après son départ et que le sabotage évoqué dans le rapport de l’expert porte sur un véhicule Porsche 2.0 et non sur un véhicule 2.2 qui est le sien.

Aucun doute sérieux n’est permis sur l’identification du véhicule Porsche confié pour réparation par M. [O] à la SARL FLAT 06 , examiné par l’expert automobile M. [X], dont les opérations sont rapportées dans le procès verbal de constat d’huissier de la SCP Husson, Morand Fontaine, du 25 février 2016.

Selon l’attestation de M. [O] c’est bien le chef d’atetier M. [H] qui a effectué les réparations de son véhicule.

Or, l’expert, qui a effectué ses opérations en présence du gérant de la SARL FLAT 06, a mis en évidence des malfaçons, comme le défaut de montage du chapeau de bielle n°4 sans respect des préconisations du constructeur . Il conclut qu’il est ‘ inconcevable qu’un technicien qualifié pour ce type de travaux puisse réaliser ce type de réfection moteur sans savoir par avance que son fonctionnement sera compromis’.

Le grief est caractérisé.

Sur le dénigrement volontaire et mensonger de l’entreprise et le discrédit de la clientèle de l’entreprise par des manoeuvres déloyales et des propos diffamatoires et calomnieux.

M. [O] déclare : « A plusieurs reprises, j’ai pu constater et donc être la victime des agissements du mécanicien. Le temps passé à dénigrer, critiquer et être très long pour réparer mon véhicule aurait pu être employé à travailler sérieusement ».

M. [Z] atteste « En rentrant de RDV le mercredi 18/02/2015 à 14 heures 45, je me suis rendu à l’atelier, Monsieur [H] [S], le mécanicien était assis et ne travaillait pas.

Je lui ai demandé ce qu’il faisait, il m’a répondu je cite : « je suis en pause syndicale, maintenant j’en fais le moins possible, j’ai plus envie de bosser ‘…il va voir l’autre gros enculé comment ca va se passer maintenant » en parlant du gérant [Y] [M]. Puis il a ajouté, je cite: « demain je ne viens pas. Je vais me mettre en arrêt de travail, je vais dire que j’ai soulevé un pneu trop lourd».

Monsieur [V] déclare : « (‘) je vous atteste par la présente avoir amené mon véhicule le 19 mars 2015 dans votre atelier à [Localité 4].

Lors de mon passage, votre mécanicien Monsieur [S] [H] m’a abordé et m’a signifié qu’il allait avoir un garage à [Localité 8]. Il m’a donné ses coordonnées me prétextant que je serai mieux chez lui. J’ai trouvé sa démarche très étonnante.(‘) »

M.[A] témoigne:

« (‘) j’ai été reçu par le chef d’atelier qui m’a déclaré que la voiture Alfa Romeo achetée à FLAT 06 était en piteux état, le train avant et arrière devait être remplacé car l’usure du pont arrière en particulier nécessitait son changement.

Cette visite a eu lieu le 20 mars 2015 à 14h30.

Le chef mécanicien [S] [H] m’a suggéré de faire un procès au garage.

De plus, il m’a dit que concernant le contrôle technique, le gérant avait l’habitude de les acheter.

J’ai été très surpris de l’attitude de ce Monsieur envers son employeur qu’il critiquait ouvertement (‘) »

Ces attestations émanant de clients de la SARL FLAT 06, ne sont pas critiquées de manière opérante par l’appelant qui se contente d’en dénier la portée et la valeur probante au seul motif qu’elles émanent de témoins qui sont clients du garage et sont donc en lien avec l’employeur.

D’ailleurs M. [E] [L], artisan qui s’est rendu au garage le 19 mars 2015 pour effectuer une intervention sur un véhicule, atteste qu’à sa grande surptise, M. [H] lui a tenu les propos suivants: ‘ Tiens, tu viens toujours dans ce garage de merde.’. La cour observe que M. [L] s’il a daté son attestation du 11 décembre 1976 a commis une erreur matérielle en inscrivant sa date de naissance, ce qui n’a pas pour effet d’ôter à son témoignage toute valeur probante.

Il se déduit de ces motifs que, même si le grief d’insubordination, non étayé par des pièces, n’est pas prouvé et ne sera donc pas retenu, la majeure partie des griefs visés dans la lettre de licenciement est établie.

M. [S] [H] soutient encore que le véritable motif du licenciement réside dans la volonté de la SARL FLAT 06 de se débarasser d’un salarié trop âgé pour embaucher un plus jeune que lui.

L’exigence d’une cause exacte signifie que le juge ne doit pas seulement vérifier que les faits allégués par l’employeur comme cause de licenciement existent, il doit également rechercher si d’autres faits évoqués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement.

En l’espèce, en présence de faits objectifs matériellement vérifiables et vérifiés par la cour, ceux-ci constituent la seule et véritable cause du licenciement.

La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d’un fait ou d’un ensemble

de faits imputable au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis. Elle suppose, en outre, l’intention de nuire du salarié.

L’employeur qui invoque la faute lourde pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l’espèce, la SARL FLAT 06 démontre une partie des griefs reprochés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Ces griefs font suite à la notification de sanctions disciplinaires non contestées.

Ils rendaient impossibile le maintien du salarié dans l’entreprise en raison de leur nature et de leur nombre et des repsonsabilités du salarié.

Ces griefs révèlent une volonté délibérée de M. [H] de porter préjudice à son employeur en dénigrant ce dernier et en entravant le bon fonctionnement du garage.

Il se déduit de ces motifs que le licenciement est bien fondé pour faute lourde. La décision entreprise sera en conséquence confirmée.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

L’article L. 8223-1 du code du travail dispose : En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Il sera alloué au salarié la somme de 22 356,84 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, par infirmation du jugement déféré.

Sur les autres demandes

1-Sur la demande reconventionnelle de l’employeur

La SARL FLAT 06 fait valoir sans contradiction opérante que les agissements fautifs de M. [S] [H] lui ont causé un important préjudice puisqu’ils ont nui à l’image de marque de la société laquelle a été obligée de racheter le matériel dérobé et s’est trouvée placée dans l’impossibilité durant plusieurs semaines de réaliser ses prestations, ce qui justifie l’allocation de dommages-intérêts.

Le jugement entrepris sera infirmé et M. [S] [H] sera condamné à payer à la SARL FLAT 06 la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts.

4-Sur la remise de documents

La cour ordonne à la SARL FLAT 06 de remettre à M. [S] [H] un bulletin de salaire conforme à la présente décision.

Il n’est pas nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Les plus amples réclamations de M. [S] [H] dont le fondement juridique n’est pas indiqué et qui ne sont pas susceptibles de lui conférer un droit seront rejetées.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens par elle exposés.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Infirme partiellement le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL FLAT 06 à payer à M. [S] [H] :

– 18.439,74 euros à titre de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires,

– 1.843,97 euros au titre des congés payés y afférents,

– 22 356,84 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

Condamne M. [S] [H] à payer à la SARL FLAT 06 en réparation du préjudice découlant de sa faute lourde :

– 8.000 euros à titre de dommages-intérêts,

Ordonne à la SARL FLAT 06 de remettre à M. [S] [H] un bulletin de salaire rectifié conforme au présent arrêt,

Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Confirme pour le surplus le jugement et y ajoutant,

Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens par elle exposés en cause d’appel,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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