En présence de chèques falsifiés (par une aide à domicile) et présentés à l’encaissement à la banque, cette dernière a une obligation de vigilance sur la signature apposée. A l’opposé, le client a une obligation de vigilance sur ses instruments de paiement.
Contrôle des signatures
En l’espèce, s’agissant des signatures pour lesquelles il est établi qu’elles émanent de Mme [I], elles contiennent un ‘P’ majuscule dont l’inclinaison est différente de toutes celles du ‘P’ de la signature de [L] [V] et plusieurs présentent une boucle sur le dessus, totalement absente de la lettre ‘P’ de la véritable signature.
L’écriture de l’ensemble est beaucoup plus nette et ronde que celle de la véritable signature, de sorte que le rendu final de la signature imitée est également visiblement différent de l’original.
Il convient ainsi de considérer que les imitations étaient aisément décelables par un employé de banque normalement avisé, ce dont il résulte que la Société générale avait des raisons de mettre en doute la régularité des titres pour lesquels elle effectuait des encaissements au profit de Mme [G] ou de Mme [I].
Contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal dans la décision critiquée, la Société Générale n’a donc pas satisfait à son obligation de vérifier l’authenticité de la signature figurant sur les chèques dont le paiement lui était demandé.
La faute du client
La banque qui a payé fautivement des chèques falsifiés est néanmoins fondée à opposer au titulaire du compte sa propre faute si elle est en relation de cause à effet avec le dommage allégué.
Si le client ne peut être tenu pour responsable des agissements de ses deux employées, il a néanmoins commis une négligence grave en ne s’inquiétant pas pendant plusieurs années, et notamment durant toute la période concernée, du fonctionnement de son compte dont il n’a pas surveillé les mouvements, étant précisé qu’il lui appartenait de se soucier, le cas échéant, du défaut de réception régulière de ses relevés de compte en interpellant la banque à ce sujet et il n’a pas non plus surveillé ses carnets de chèques dont plusieurs formules ont été arrachées par deux de ses aides à domicile qui y ont eu accès.
Il n’est justifié d’aucune circonstance particulière qui aurait pu l’empêcher de consulter ses comptes, de vérifier les opérations effectuées sur ceux-ci, en opérant un rapprochement avec les chèques émis faisant partie de chéquiers qui étaient utilisés par ailleurs pour régler des dépenses lui incombant, tels les salaires de ses employées, ou de s’apercevoir qu’il ne recevait plus ses relevés, étant précisé que son grand âge n’en est pas une dès lors qu’il ne faisait l’objet d’aucune mesure de protection judiciaire pour la gestion de ses biens.
Il n’est nullement démontré que sa vigilance aurait été trompée par des manoeuvres de ses deux employées de maison pour lesquelles l’enquête pénale a établi qu’elles ont subtilisé des formules de chèques et qu’elles ont émis les chèques correspondant en imitant la signature de leur employeur, mais auxquelles il n’a pas été reproché d’avoir détruit, détourné ou falsifié les relevés de compte de celui-ci afin d’empêcher ou de retarder la découvert des faits.
Une surveillance de ses chéquiers, dont il se servait régulièrement, et des mouvements sur son compte ou, le cas échéant, une réaction de sa part au défaut de réception de ses relevés pour les réclamer, aurait permis d’éviter les paiements de chèques portant une signature falsifiée présentés au delà de la date des premiers relevés faisant apparaître les débits correspondant à des formules de chèques volées, ainsi que la poursuite des agissements frauduleux, étant précisé que le premier chèque débité du compte du client ouvert à la Société Générale, comportant une fausse signature, date du 15 avril 2002 et qu’il en a été tirés 18 autres sur la seule année 2002.
Répartition des responsabilités
La gravité respective des fautes commises par la Société Générale et par son client et leur rôle causal apprécié notamment au regard de la période de temps sur laquelle se sont étendus les détournements, justifie de partager la responsabilité à raison de 20% à la charge de la banque et de 80% à la charge du client.
COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
NR/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/02392 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ETIK
Jugement du 12 Novembre 2019
Tribunal de Grande Instance de SAUMUR
n° d’inscription au RG de première instance 17/00110
ARRET DU 06 JUIN 2023
APPELANT :
Monsieur [L] [V], décédé en cours de procédure
Représenté par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d’ANGERS
INTIMEES :
SOCIETE GENERALE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 10]
Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, substitué par Me Audrey PAPIN, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71190473, et Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat plaidant au barrau d’ANGERS
CAISSE DE CREDIT AGRICOLE DE L’ANJOU ET DU MAINE, représentée par son président du conseil d’administration domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
[Localité 9]
Représentée par Me Patrick BARRET substitué par Me Xavier BLANCHARD de la SELARL BARRET PATRICK & ASSOCIES, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 170003
INTERVENANTS VOLONTAIRES
Monsieur [B] [V] venant aux droits de M. [L] [V], décédé le [Date décès 13] 2020
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 15]
[Adresse 12]
[Localité 7]
Monsieur [C] [V] venant aux droits de M. [L] [V], décédé le [Date décès 13] 2020
né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 10] (75)
[Adresse 5]
[Localité 10]
Madame [X] [V] épouse [S] venant aux droits de Monsieur [L] [V], décédé le [Date décès 13] 2020
née le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 10] (75)
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentés par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d’ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 25 Octobre 2022 à 14 H 00, Mme ROBVEILLE, conseillère ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseiller
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 06 juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
[L] [V] était titulaire d’un compte de dépôts à vue ouvert dans les livres de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine et d’un compte de dépôts à vue ouvert dans les livres de la Société Générale.
Courant 2012, [L] [V] a déposé plainte à l’encontre des deux personnes qu’il a employées en qualité d’aide à domicile entre 2001 et 2012, soit Mme [Z] épouse [G] et Mme [I], pour vols de formules de chèques, contrefaçon ou falsification de chèques, usage de chèques contrefaits ou falsifiés.
Par jugement du 30 avril 2015, le tribunal correctionnel de Saumur a :
– sur l’action publique, déclaré Mme [Z] épouse [G] coupable de vol de formules de chèques, contrefaçon ou falsification de chèques et usage de chèques contrefaits ou falsifiés, commis au préjudice de [L] [V] du 4 juillet 2009 au 30 juin 2012, déclaré son époux M. [D] [G] coupable de recel habituel de biens provenant d’un délit commis du 4 juillet 2009 au 30 juin 2012 et déclaré Mme [I] coupable de vol de formules de chèques, contrefaçon ou falsification de chèques et usage de chèques contrefaits ou falsifiés, commis au préjudice de [L] [V] du 4 juillet 2009 au 30 juin 2012,
– sur l’action civile, condamné Mme [G] et M. [D] [G] à payer à [L] [V] une somme de 113.719,20 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, outre 8.000 euros en réparation de son préjudice moral et 700 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale et condamné Mme [I] à payer à [L] [V] la somme de 11.871,80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, outre 1.000 euros en réparation de son préjudice moral et 700 euros au titre de l »article 475-1 du code de procédure pénale.
Reprochant aux deux établissements bancaires un manquement à leurs obligations de dépositaires de 2002 à 2012, [L] [V] a, par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception du 5 octobre 2015, réclamé à la SA Société Générale et à la CRCAM de l’Anjou et du Maine réparation de son entier préjudice constitué du montant total des chèques émis sur cette période par ses deux aides ménagères en imitant sa signature, débités sur ses comptes, évalué à la somme de 473.906,23 euros, en vain.
Par actes d’huissier des 28 et 29 décembre 2016, [L] [V] a fait assigner la SA Société Générale et la CRCAM de l’Anjou et du Maine devant le tribunal de grande instance de Saumur, au visa des articles L. 131-38 du code monétaire et financier, 1937 et 1147 ancien du code civil, aux fins de :
– voir condamner la Société Générale à lui payer une somme de 369.081,96 euros, sauf à parfaire en fonction des copies des chèques manquants retrouvés ou à communiquer par la banque, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2015, date de la première mise en demeure,
– condamner la CRCAM de l’Anjou et du Maine à lui payer une somme de 67.786,15 euros détournée, sauf à parfaire en fonction des copies des chèques manquants retrouvés ou à communiquer par la banque, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2015, date de la première mise en demeure,
– condamner la Société Générale et la CRCAM de l’Anjou et du Maine à lui payer une somme de 8.000 euros chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– condamner solidairement la Société Générale et la CRCAM de l’Anjou et du Maine aux entiers dépens recouvrés selon l’article 699 du code de procédure civile.
La Société Générale et la CRCAM de l’Anjou et du Maine ont conclu à l’irrecevabilité de l’action de M. [V] comme étant prescrite et subsidiairement au fond ont conclu au rejet de toutes les demandes formées à leur encontre.
Par jugement du 12 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Saumur a :
– dit que l’action de [L] [V] est irrecevable pour les chèques détournés avant le 28 décembre 2011,
– dit que l’action de [L] [V] est recevable pour les chèques détournés entre le 28 décembre 2011 et 2012,
– débouté [L] [V] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté les parties de leurs plus amples demandes,
– condamné [L] [V] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 9 décembre 2019, [L] [V] a interjeté appel de ce jugement, attaquant chacune de ses dispositions, intimant la SA Société Générale et la CRCAM de l’Anjou et du Maine.
[L] [V] est décédé le [Date décès 13] 2020.
M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S] sont intervenus volontairement à la procédure d’appel, en qualité d’ayants droits de [L] [V] et ont repris la procédure.
M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S] venant aux droits de M. [L] [V], intervenants volontaires, la SA Société Générale et la CRCAM de l’Anjou et du Maine ont conclu.
Une ordonnance du 3 octobre 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
– le 26 mai 2021 pour M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S] venant aux droits de M. [L] [V], intervenants volontaires,
– le 12 avril 2021 pour la SA Société Générale,
– le 28 mai 2020 pour la CRCAM de l’Anjou et du Maine.
M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saumur le 12 novembre 2019 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
– débouter la CRCAM et la Société Générale de la fin de non-recevoir tirée de la prescription et dire leur action non prescrite ; les débouter de l’intégralité de leurs prétentions,
– condamner la Société Générale à leur payer une somme de 369.081,96 euros, sauf à parfaire en fonction des copies des chèques manquants retrouvés ou à communiquer par la banque, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2015, date de la première mise demeure,
– condamner la CRCAM à leur payer une somme de 67.786,15 euros détournée, sauf à parfaire en fonction des copies des chèques manquants retrouvés ou à communiquer par la banque, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2015, date de la première mise demeure,
– condamner la Société Générale et la CRCAM à leur payer une somme de 10.000 euros chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement la Société Générale et la CRCAM aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La SA Société Générale demande à la cour de :
– dire MM. [B] [V] et [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S] irrecevables en leur intervention volontaire, non fondés en leur appel, ainsi qu’en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter,
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– à titre infiniment subsidiaire, réduire sa part de responsabilité dans les plus larges proportions eu égard à la négligence fautive de M. [V],
en toute hypothèse,
– condamner MM. [B] [V] et [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S] à lui verser la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
et rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables, en tout cas non fondées,
– condamner MM. [B] [V] et [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S] aux dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La CRCAM de l’Anjou et du Maine demande à la cour de :
– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saumur du 12 novembre 2019,
– débouter [L] [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
en tout état de cause,
– déclarer l’action de [L] [V] irrecevable comme étant prescrite,
– dire et juger [L] [V] mal fondé en ses demandes,
– condamner [L] [V] au paiement d’une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner [L] [V] en tous les dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
– Sur le prétendu défaut de qualité à agir de M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S]
[L] [V] est décédé le [Date décès 13] 2020.
M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S] sont intervenus volontairement à la procédure d’appel par conclusions du 11 janvier 2021, en qualité d’ayants droits de [L] [V] et ont poursuivi la procédure d’appel contre le jugement du 12 novembre 2019.
Leur qualité à agir en tant d’ayants droits de [L] [V] est discutée par la Société Générale qui affirme qu’ils n’en justifient pas.
Il résulte néanmoins de l’attestation du notaire chargé du règlement de la succession de [L] [V] du 19 mars 2021, versée aux débats par M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S], qu’en leur qualité d’enfants de [L] [V] nés de son union avec son conjoint pré-décédé, ils sont les héritiers du défunt.
M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S] justifiant de leur qualité d’ayants droits de [L] [V], leur intervention volontaire sera déclarée recevable.
– Sur la prescription de l’action
La CRCAM de l’Anjou et du Maine et la Société Générale concluent chacune à la prescription de l’action engagée à l’origine par [L] [V] par assignation des 28 et 29 décembre 2016, pour le remboursement de tous les chèques débités du compte de [L] [V] avant le 28 décembre 2011.
Elles font toutes deux valoir que l’action en responsabilité engagée par [L] [V] à leur encontre concerne le débit sur ses comptes ouverts dans leurs livres, des montants des chèques émis entre 2002 et 2012 par deux de ses employées à domicile en imitant sa signature, encaissés sur leurs comptes personnels ou remis à des tiers pour régler leurs achats.
Elles indiquent que le délai de prescription applicable à cette action est de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, en application de l’article 2224 du code civil.
Elles font observer que le dommage dont se prévalent les ayants droits de [L] [V] s’est manifesté dès 2002, à la date du premier encaissement de chèque émis à l’insu de celui-ci et à chaque encaissement de chèque, jusqu’en juin 2012.
Elles soutiennent qu’entre 2002 et juin 2012, [L] [V] a nécessairement eu connaissance des faits dont il était victime, ou avait à tout le moins les moyens et les capacités d’en avoir connaissance, par la simple consultation de ses relevés de comptes qu’il ne conteste pas avoir reçus mensuellement, sur lesquels figuraient au débit les opérations litigieuses, en soulignant que durant toute cette période, bien qu’âgé, il ne bénéficiait d’aucune mesure de protection, de sorte qu’il était apte à gérer ses comptes.
Elles ajoutent qu’à tout le moins, le délai de prescription a commencé à courir à compter du 8 décembre 2010, date à laquelle [L] [V] a consenti devant notaire à une procuration générale au profit de son fils [B] [V], lui confiant les pouvoirs de disposition, de gestion et d’administration de ses biens, de nature à permettre à celui-ci de constater les agissements frauduleux commis par les deux employées de son père.
Elles relèvent à ce titre qu’il ressort de l’audition de l’une des employées concernées, réalisée dans le cadre de l’enquête pénale, qu’à compter du janvier 2011 M. [B] [V] a pris le relai de son père pour le paiement des salaires, ce dont il se déduit selon elles, qu’il administrait et gérait les affaires de son père à compter de cette date et qu’il aurait pu, par le contrôle des comptes bancaires, découvrir les opérations frauduleuses.
Elles soulignent encore que Mme [V] est décédée début [Date décès 14] 2011 et concluent que les consorts [V] ne sauraient utilement soutenir que ni [L] [V] ni son fils, qui avait procuration sur les comptes, n’ont consulté les comptes bancaires avant juin 2012.
Elles concluent que rien ne justifie de reporter le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité au mois de juin 2012, tel que soutenu par les consorts [V], qui correspondrait selon eux à la date à laquelle leur père aurait eu connaissance des opérations de débit correspondant à l’encaissement de chèques émis à son insu par des tiers ayant imité sa signature.
En réponse aux appelants, elles font observer que les consorts [V] sont défaillants à rapporter la preuve qui leur incombe que [L] [V] n’aurait pas pu avoir connaissance avant juin 2012 des agissements frauduleux dont il était victime, en relevant que celui-ci ne s’est jamais plaint de ne pas avoir reçu ses relevés de compte et que son fils n’a pas non plus signalé à compter de décembre 2010 que son père ne recevait pas ses relevés.
Elles ajoutent que les appelants n’apportent aucun élément de nature à établir que les aides à domicile l’auraient empêché de prendre connaissance de ses relevés de compte pour l’empêcher de découvrir leurs agissements, en subtilisant ceux-ci, en les faisant disparaître ou en les falsifiant.
Sur ce :
Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
S’agissant d’une action en responsabilité contractuelle, la prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’avait pas pu en avoir précédemment connaissance.
En l’espèce, le dommage allégué par les consorts [V] à raison des chèques tirés sur le compte de leur père [L] [V] entre 2002 et juin 2012 alors qu’ils avaient été émis par des employées de celui-ci qui avaient imité sa signature, consiste dans l’appauvrissement de [L] [V] à hauteur des montants de ces chèques .
Le dommage s’est donc réalisé à la date du débit aux comptes ouverts au nom de [L] [V] dans les livres de la CRCAM de l’Anjou et du Maine et de la Société Générale, du montant de chacun des chèques présentés à l’encaissement alors qu’il s’agissait de faux ordres de paiement revêtus d’une fausse signature.
Il appartient aux consorts [V] qui prétendent voir reporter le point de départ du délai de prescription à juin 2012, de démontrer que [L] [V] n’a pas pu prendre connaissance des opérations litigieuses avant cette date.
Selon les consorts [V], leur père [L] [V] aurait découvert les détournements de fonds dont il était victime sur ses deux comptes de dépôt, à l’occasion d’une vérification de ses comptes opérée en juin 2012 avec l’aide de son fils [B] [V], décidée à la suite d’une agression dont il aurait été victime par des individus qui l’auraient forcé à retirer de l’argent pour le lui soutirer.
Si aucune pièce produite confirme l’agression dont [L] [V] aurait été victime courant 2012 et qui aurait déclenché les investigations menées avec son fils en collaboration avec les banques, il est établi qu’une plainte a été déposée en juin 2012 pour le vol de formules de chèques, falsification de chèques et usage de chèques falsifiés commis par les deux employées à domicile de [L] [V].
La découverte en juin 2012 par [L] [V] des détournements de fonds par les vérifications opérées à cette date ne suffit toutefois pas à reporter le point de départ de la prescription, sauf pour ses ayants droit à démontrer que [L] [V] ne disposait pas avant cette date des éléments qui auraient pu lui permettre de prendre connaissance des chèques débités sur son compte alors qu’ils n’avaient pas été émis par lui.
La simple consultation des relevés de ses comptes entre 2002 et 2012 lui aurait permis de prendre connaissance des opérations litigieuses par leur mention au débit.
[L] [V] n’a pas expressément reconnu dans ses écritures avoir reçu durant toute cette période ses relevés de compte de la Société Générale et de la CRCAM de l’Anjou et du Maine et ses ayants-droit ne l’admettent pas plus dans leurs écritures.
Les relevés des comptes de [L] [V] correspondant à cette période ne sont produits ni par les banques concernées, ni par les appelants.
Néanmoins, alors qu’il appartient au titulaire du compte de s’inquiéter de ne recevoir aucun relevé, [L] [V], qui n’aurait reçu entre 2002 et 2012 aucun relevé de comptes qui ne sont pas des comptes de placements, mais de dépôts à vue qui étaient utilisés régulièrement, de surcroît ouverts dans deux banques différentes depuis plus de dix ans, ne justifie d’aucune réclamation quant à l’absence de réception de relevés.
Son silence conservé pendant dix ans fait présumer qu’il les a bien reçus, sauf à rapporter la preuve d’éléments permettant de douter qu’il les aient bien reçus.
Les consorts [V] n’apportent, pour combattre cette présomption, la preuve d’aucun élément de nature à démonter l’existence de circonstances de nature à expliquer que [L] [V] n’aurait reçu aucun relevé de compte de la CRCAM de l’Anjou et du Maine et de la Société Générale entre 2002 et 2012.
Il n’est ainsi justifié d’aucun changement d’adresse, ou d’aucune demande pour que les relevés de compte soient adressés à une autre adresse, ou de circonstances ayant éloigné durablement [L] [V] de la gestion de ses affaires.
S’il est justifié de problèmes de santé ayant affecté l’épouse de [L] [V] à partir de 1999 de nature à empêcher celle-ci de s’occuper des comptes du ménage, il n’en est pas justifié concernant [L] [V].
[L] [V] ne faisait l’objet d’aucune mesure de protection judiciaire pour la gestion de ses biens.
Son âge (82 ans en 2002) ne suffit pas à établir qu’il se trouvait dans l’impossibilité de consulter ses comptes et de vérifier les opérations effectuées sur ceux-ci.
Par ailleurs, les consorts [V] ne produisent aucune pièce de nature à établir que les deux employées à domicile auraient, en plus du vol de formules de chèque et de l’émission à leur profit de chèques en imitant la signature du titulaire des comptes concernés, auraient dissimulé, volé, détruit ou falsifié les relevés de compte pour empêcher ou retarder la découverte des faits par l’intéressé.
A ce titre, il convient de souligner qu’aucune des deux personnes concernées n’a été renvoyée devant le tribunal pour le vol de documents autres que des formules de chèques ou pour la falsification de relevés et que l’audition de l’une d’elles, qui est produite, ne fait nullement état de telles manoeuvres qui auraient accompagné les faits qui lui ont été imputés et qu’elle a reconnus.
Il y a lieu également de relever que les consorts [V] n’expliquent pas comment M. [B] [V] a pu établir le montant de 68 760,76 euros qu’il a déclaré aux enquêteurs lors de son audition du 5 juillet 2012 comme étant le préjudice subi par son père au titre des chèques encaissés depuis janvier 2010 correspondant à des formules ayant été arrachées dans les chéquiers de la Société Générale, sans disposer des relevés de compte, alors qu’il n’a remis aux enquêteurs à cette date que la copie de dix huit chèques émis en 2012.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, les consorts [V] ne rapportant pas la preuve que [L] [V] n’a pas pu prendre connaissance des opérations litigieuses avant juin 2012, il convient de considérer que [L] [V] a connu ou aurait dû connaître le dommage qui s’est réalisé à la date de l’encaissement par les bénéficiaires des chèques émis à son insu, par la consultation des relevés de compte correspondant qui lui permettait de constater l’existence de ses pertes financières.
Les assignations des banques ayant été délivrées les 28 et 29 décembre 2016, c’est justement que le jugement critiqué a retenu que l’action de [L] [V], reprise en appel par ses ayants-droits, était prescrite pour les chèques débités de ses comptes avant le 28 décembre 2011 et recevable pour les chèques débités de ses comptes après cette date.
Il n’a pas été contesté que, tel que l’a retenu le tribunal dans la décision critiquée, les chèques litigieux tirés sur le compte ouvert dans les livres de la CRCAM de l’Anjou et du Maine ont tous été émis avant le 28 décembre 2011.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré les demandes formées par [L] [V], aux droits duquel viennent en cause d’appel M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S], à l’encontre de la CRCAM de l’Anjou et du Maine irrecevables comme prescrites.
S’agissant des demandes formées à l’encontre de la Société Générale, il n’a pas été contesté que, tel que retenu par le tribunal, sur la période non prescrite postérieure au 28 décembre 2011, douze chèques ont été émis par Mme [G] ou par Mme [I] et débités du compte de [L] [V], dont la liste avec les numéros et montants figure dans les motifs du jugement.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré les demandes formées par [L] [V], aux droits duquel viennent en cause d’appel M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S], à l’encontre de la Société Générale, en remboursement de ces douze chèques tirés sur son compte après le 28 décembre 2011, recevables.
– Au fond, sur les demandes au titre chèques débités après le 28 décembre 2011 sur le compte de [L] [V] ouvert à Société Générale
Les consorts [V] prétendent qu’entre janvier 2002 et juin 2012, [L] [V] a été victime, sur le compte bancaire dont il était titulaire à la Société générale, de nombreux et importants détournements commis par deux employées à domicile, lesquelles, après avoir dérobé les formules, émettaient, en imitant la signature de leur employeur, des chèques qu’elles déposaient ensuite sur leur propre compte ou pour l’une d’elles sur le compte de son époux ou remettaient à des commerçants pour régler leurs dépenses.
Ils mettent en cause la responsabilité de la Société Générale, lui reprochant, alors qu’en sa qualité de dépositaire des fonds elle était tenue de ne s’en libérer que sur un ordre émanant de son client, de n’avoir pas vérifié que la signature apposée sur les titres présentés au paiement émanait bien du titulaire du compte, en soutenant que si tel avait été le cas, elle aurait dû découvrir l’existence de falsifications grossières et en tout cas apparentes pour un employé de banque normalement diligent, de la signature de [L] [V], au regard de différences existant entre les signatures figurant sur les chèques litigieux et celle de [L] [V] et aurait dû refuser de prélever la provision correspondante sur le compte de celui-ci sans s’assurer auprès de lui que les chèques avaient bien été émis par lui ou par une personne bénéficiant d’une procuration.
Ils lui reprochent également de ne pas avoir réagi en déclenchant une alerte après avoir constaté des mouvements de fonds sur les comptes de [L] [V] pour des montants supérieurs au seuil d’alerte arrêté selon les déclarations du conseiller de la Société Générale aux enquêteurs à 3 000 euros, en précisant que cela concernait au moins six chèques émis entre 2002 et 2012 et de ne pas s’être inquiétée de l’émission fréquente de chèques pour des montants non négligeables émanant d’une personne âgée de plus de 80 ans, au bénéfice de deux personnes physiques.
Ils soutiennent en outre que la banque ne saurait s’exonérer de sa responsabilité à raison d’une prétendue faute de négligence du titulaire du compte qui n’est selon eux nullement démontrée.
Ils font valoir que jusqu’en 2012, [L] [V] n’avait aucune raison de procéder à l’analyse mensuelle de ses comptes, à supposer même qu’il les ait reçus.
La société Générale rappelle que les demandes formées au titre de chèques émis avant le 28 décembre 2011 étant prescrites, seuls 12 chèques émis postérieurement à cette date pour un montant total de 15 398,94 euros sont susceptibles de donner lieu à engagement de sa responsabilité.
Elle prétend néanmoins que la demande formée à son encontre n’est pas fondée, en soutenant qu’aucune faute ne peut lui être reprochée en l’absence selon elle d’anomalies apparentes de la signature portée sur les chèques litigieux, décelable par un employé normalement diligent.
Elle ajoute qu’il ne peut pas lui être fait reproche de ne pas avoir émis d’alerte dès lors que le compte débité demeurait créditeur et que les opérations litigieuses, d’apparence régulière, n’étaient pas inhabituelles mais bien au contraire régulières.
Elle soutient en outre que [L] [V] a fait preuve d’une négligence fautive en manquant de vigilance dans la conservation de ses chéquiers et en ne procédant à aucun contrôle de ses comptes bancaires pendant plusieurs années, alors qu’une réaction de sa part aurait permis à la banque de ne pas payer les chèques portant une signature falsifiée.
Elle conclut que la faute du titulaire du compte est à l’origine exclusive de son préjudice.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que si sa responsabilité devait être retenue, ce ne pourrait être que pour une part infime, compte tenu de la faute de [L] [V] ayant joué un rôle prépondérant dans la réalisation de son préjudice.
Sur ce :
A titre liminaire, il convient de rappeler que seuls 12 chèques débités du compte de [L] [V] postérieurement au 28 décembre 2011 pour un montant total de 15 398,94 euros sont concernés dès lors que les demandes au titre de chèques encaissés avant cette date sont prescrites.
En sa qualité de dépositaire des fonds qui lui sont confiés par son client, le banquier a l’obligation, en vertu de l’article 1937 du Code civil, de ne restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée.
En cas de présentation au paiement de chèques revêtus dès l’origine d’une fausse signature, constituant un faux ordre de paiement comme n’émanant pas du titulaire du compte, le banquier est, sauf faute démontrée du client, responsable s’il se dessaisit des fonds déposés sur présentation d’un document n’ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque.
Il ne peut se borner à démontrer qu’il n’a commis aucune faute pour être libéré de son obligation de restitution.
En revanche, si l’établissement du faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d’une faute du titulaire du compte, ou de l’un de ses préposés, le banquier n’est tenu envers lui que s’il a lui-même commis une négligence et ce seulement pour la part de responsabilité en découlant.
En l’espèce, il convient de rappeler que Mme [G] et Mme [I] ont été condamnées pénalement pour avoir, du 4 juillet 2009 au 30 juin 2012, volé des formules de chèques, contrefait ou falsifié des chèques et fait un usage de chèques contrefaits ou falsifiés, au préjudice de [L] [V].
L’enquête pénale a permis d’établir que Mme [G] et Mme [I] avaient imité la signature de [L] [V] sur les chèques concernés par la période de prévention.
S’agissant des douze chèques tirés sur le compte de la Société Générale après le 28 décembre 2011 pour un montant global de 15 398,94 euros, il n’est pas contesté qu’il n’ont pas été signés par [L] [V] mais par Mme [G] qui les a déposés sur son propre compte ou, pour l’un d’eux, sur le compte de son époux, ou bien par Mme [I] qui les a déposés sur son propre compte.
Dès lors que les chèques étaient des faux dès l’origine en ce qu’ils ne comportaient pas la signature de leur titulaire, la Société Générale, banque tirée, dépositaire des fonds de son client, qui s’est dessaisie des fonds correspondant au montant des douze chèques litigieux, n’est pas libérée à l’égard de son client, sauf si elle prouve que l’établissement du faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d’une faute du titulaire du compte, ou de l’un de ses préposés et qu’elle n’a elle-même commis aucune faute.
La Société Générale était tenue de vérifier que la signature figurant sur les chèques était conforme au spécimen déposé par celui-ci et de refuser le paiement sollicité au vu d’une signature non conforme, sauf instruction contraire de son client interrogé par celle-ci.
La société Générale n’a pas produit le dernier spécimen de signature déposé par son client correspondant à celui remis lors de l’ouverture du compte, ou postérieurement à l’occasion d’une actualisation, étant précisé que [L] [V] était client de la banque depuis de nombreuses années.
De leur côté, les appelants ont produit la procuration notariée signée le 8 décembre 2010 par [L] [V] et ont établi, dans un document versé aux débats, un état comparatif entre cette signature et la signature figurant sur la copie de chacun des chèques litigieux.
La cour dispose également, parmi les pièces versées aux débats par les parties, de la copie de la carte nationale d’identité de [L] [V] et de la copie de neuf chèques émis sur le compte ouvert au Crédit Agricole en 2008, 2009 et 2010, dont l’attribution à [L] [V] n’a pas été contestée par celui-ci ou ses ayants-droits, étant précisé qu’il ne s’agit pas de chèques encaissés sur les comptes de Mmes [G] ou [I].
L’examen comparatif des signatures figurant sur les chèques litigieux avec les signatures attribuées à [L] [V], révèle des différences flagrantes.
Il permet également de constater que les imitations émanent de deux personnes différentes, puisque celles figurant sur les chèques encaissés sur le compte de Mme [G] ou de son époux présentent certaines différences notables avec la signature de [L] [V] mais sont similaires entre elles, tandis que celles figurant sur les chèques encaissés sur le compte de Mme [I], similaires entre elles, présentent des différences notables non seulement avec la signature de [L] [V], mais également avec celles qui ont été apposée par Mme [G].
S’agissant des signatures pour lesquelles il est établi qu’elles émanent de Mme [G], elles laissent apparaître clairement après la barre du ‘ l’, puis après le ‘m’ le graphisme d’un ‘ e’, alors que sur aucune des signatures apposées par [L] [V] sur les documents versés aux débats, les ‘e’ dans ‘[V]’ sont figurés comme ceux sur les chèques litigieux, puisqu’ils apparaissent uniquement comme une petite barre verticale totalement liée à la lettre suivante (m ou n) dont ils se distinguent à peine, de sorte que le rendu de l’ensemble est différent de l’imitation.
S’agissant des signatures pour lesquelles il est établi qu’elles émanent de Mme [I], elles contiennent un ‘P’ majuscule dont l’inclinaison est différente de toutes celles du ‘P’ de la signature de [L] [V] et plusieurs présentent une boucle sur le dessus, totalement absente de la lettre ‘P’ de la véritable signature.
L’écriture de l’ensemble est beaucoup plus nette et ronde que celle de la véritable signature, de sorte que le rendu final de la signature imitée est également visiblement différent de l’original.
Il convient ainsi de considérer que les imitations étaient aisément décelables par un employé de banque normalement avisé, ce dont il résulte que la Société générale avait des raisons de mettre en doute la régularité des titres pour lesquels elle effectuait des encaissements au profit de Mme [G] ou de Mme [I].
Contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal dans la décision critiquée, la Société Générale n’a donc pas satisfait à son obligation de vérifier l’authenticité de la signature figurant sur les chèques dont le paiement lui était demandé.
La banque qui a payé fautivement des chèques falsifiés est néanmoins fondée à opposer au titulaire du compte sa propre faute si elle est en relation de cause à effet avec le dommage allégué.
Si [L] [V] ne peut être tenu pour responsable des agissements de ses deux employées, il a néanmoins commis une négligence grave en ne s’inquiétant pas pendant plusieurs années, et notamment durant toute la période concernée, du fonctionnement de son compte dont il n’a pas surveillé les mouvements, étant précisé qu’il lui appartenait de se soucier, le cas échéant, du défaut de réception régulière de ses relevés de compte en interpellant la banque à ce sujet et il n’a pas non plus surveillé ses carnets de chèques dont plusieurs formules ont été arrachées par deux de ses aides à domicile qui y ont eu accès.
Il n’est justifié d’aucune circonstance particulière qui aurait pu l’empêcher de consulter ses comptes, de vérifier les opérations effectuées sur ceux-ci, en opérant un rapprochement avec les chèques émis faisant partie de chéquiers qui étaient utilisés par ailleurs pour régler des dépenses lui incombant, tels les salaires de ses employées, ou de s’apercevoir qu’il ne recevait plus ses relevés, étant précisé que son grand âge n’en est pas une dès lors qu’il ne faisait l’objet d’aucune mesure de protection judiciaire pour la gestion de ses biens.
Il n’est nullement démontré que sa vigilance aurait été trompée par des manoeuvres de ses deux employées de maison pour lesquelles l’enquête pénale a établi qu’elles ont subtilisé des formules de chèques et qu’elles ont émis les chèques correspondant en imitant la signature de leur employeur, mais auxquelles il n’a pas été reproché d’avoir détruit, détourné ou falsifié les relevés de compte de celui-ci afin d’empêcher ou de retarder la découvert des faits.
Une surveillance de ses chéquiers, dont il se servait régulièrement, et des mouvements sur son compte ou, le cas échéant, une réaction de sa part au défaut de réception de ses relevés pour les réclamer, aurait permis d’éviter les paiements de chèques portant une signature falsifiée présentés au delà de la date des premiers relevés faisant apparaître les débits correspondant à des formules de chèques volées, ainsi que la poursuite des agissements frauduleux, étant précisé que le premier chèque débité du compte de [L] [V] ouvert à la Société Générale, comportant une fausse signature, date du 15 avril 2002 et qu’il en a été tirés 18 autres sur la seule année 2002.
La gravité respective des fautes commises par la Société Générale et par [L] [V] et leur rôle causal apprécié notamment au regard de la période de temps sur laquelle se sont étendus les détournements, justifie de partager la responsabilité à raison de 20% à la charge de la banque et de 80% à la charge de [L] [V].
Le jugement critiqué sera en conséquence infirmé en ce qu’il a débouté [L] [V] de ses demandes en indemnisation formée à l’encontre de la Société Générale en retenant que la responsabilité de celle-ci n’était pas engagée.
Le montant des douze chèques débités à compter du 28 décembre 2011 sur le compte de [L] [V] alors qu’ils étaient falsifiés, s’élève à 15 398,94 euros, étant rappelé que les falsifications ont commencé en avril 2002.
Statuant à nouveau, la Société Générale sera en conséquence condamnée à payer aux consort [V] la somme de 3 079,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
– Sur les demandes au titre des dépens et frais irrépétibles
Le jugement critiqué sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
Statuant à nouveau, la Société Générale sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le jugement critiqué sera en revanche confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
En outre, il n’apparaît pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe;
– DECLARE l’intervention volontaire de M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S] en leur qualité d’ayants droits de [L] [V], RECEVABLE ;
– CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré les demandes formées par [L] [V], aux droits duquel viennent en cause d’appel M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S], à l’encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine, irrecevables comme prescrites et en ce qu’il a déclaré les demandes formées par [L] [V], aux droits duquel viennent en cause d’appel M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S], à l’encontre de la Société Générale, en remboursement des douze chèques tirés sur son compte après le 28 décembre 2011, recevables et en ce qu’il a rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– INFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– CONDAMNE la Société Générale à payer à M. [B] [V], M. [C] [V] et Mme [X] [V] épouse [S], en leur qualité d’ayants droits de [L] [V], la somme de 3 079,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
– CONDAMNE la Société Générale aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– DEBOUTE les demande des parties au titre des frais irrépétibles d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL