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11 juin 1997
Cour de cassation
Pourvoi n°
96-82.682
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour et les conclusions de M. l’avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE PARIS, contre l’arrêt de cette cour d’appel, 13ème chambre, en date du 12 avril 1996, qui, dans les poursuites exercées contre Daniel X…, dit DELAMARE, Shicong Y… et Danielle A…
Z… pour contrefaçon, les a relaxés des fins de la poursuite et a débouté les parties civiles de leurs demandes ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation fondé sur l’article 591 du Code de procédure pénale et pris de la violation, par fausse application, des articles 335-2 et 335-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
“en ce que l’arrêt attaqué a relaxé les prévenus des fins de la poursuite ;
“aux motifs que la reproduction de la signature, qui fait incontestablement partie de l’oeuvre elle-même, ne constitue pas une violation du droit moral de l’auteur, qu’aucune disposition assortie de sanctions pénales n’interdit de reproduire, par quelque technique que ce soit, la signature d’un artiste dont l’oeuvre est tombée dans le domaine public, enfin, que des précautions avaient été prises pour que la mention selon laquelle les tableaux litigieux étaient des copies ne puisse être effacée, tout risque de confusion entre l’oeuvre originale et sa copie étant ainsi écarté ;
“alors que constitue une contrefaçon toute reproduction, par quelque moyen que ce soit, d’une oeuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi ; que, s’agissant en particulier de ceux d’un peintre, ces droits comportent celui de contester l’imitation de sa signature sur des oeuvres qui, réalisées par des copistes selon un procédé dont est dissociable la reproduction de cet élément d’authentification, peuvent, cependant, grâce à celui-ci, être abusivement attribuées à l’artiste lui-même” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que la société Espace Vision, dirigée par Daniel X…, exploite à Paris une galerie de peinture spécialisée dans la vente de copies de tableaux de maîtres dont l’oeuvre est tombée dans le domaine public; que les reproductions sont effectuées par des artistes rémunérés par la société, tel Shicong Fang qui, sur instructions de Daniel X…, recopie à l’identique la signature du peintre lorsque celle-ci figure sur l’oeuvre originale; qu’en cas de refus du copiste, Daniel A…
Z…, responsable des achats dans la galerie, se charge d’imiter la signature du peintre sur la copie; que tous trois sont poursuivis pour avoir reproduit des tableaux en violation du droit moral de leur auteur, droit inaltérable et imprescriptible ;
Attendu que les premiers juges les ont déclarés coupables de contrefaçon aux motifs que le droit de copier une oeuvre tombée dans le domaine public n’emporte pas celui de copier la signature de son auteur, la reproduction de cette signature, lorsque la copie est exécutée, comme en l’espèce, sur un support et selon un procédé identiques à l’oeuvre originale, portant nécessairement atteinte à l’identité artistique de l’auteur ;
Attendu que, pour infirmer cette décision et relaxer les prévenus, la cour d’appel, après avoir relevé qu’aucune disposition assortie de sanctions pénales n’interdit de reproduire par quelque technique que ce soit la signature d’un artiste dont l’oeuvre est tombée dans le domaine public, énonce que la copie de la signature, qui fait partie du tableau dont la reproduction est licite, ne méconnaît pas le droit moral de son auteur; que les juges ajoutent que tout risque de confusion avec l’oeuvre originale est écarté puisque le format de la toile diffère et que la mention “copie” est apposée au dos de celle-ci ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué; que la reproduction de la signature de l’auteur d’une oeuvre d’art tombée dans le domaine public sur la copie de cette oeuvre ne porte pas atteinte au droit moral de cet auteur lorsque, comme en l’espèce, aucune confusion n’est à craindre entre l’original et sa copie ;