Votre panier est actuellement vide !
26 septembre 2001
Cour de cassation
Pourvoi n°
00-84.620
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six septembre deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de Me THOUIN-PALAT, de la société civile professionnelle GATINEAU, et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général FROMONT ;
Statuant sur les pourvois formés par :
– X… Rose,
– Y… Edmond,
– La BANQUE VON ERNST et COMPAGNIE AG,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 26 mai 2000, qui a condamné la première pour complicité et recel d’escroquerie, à 3 ans d’emprisonnement avec sursis, le second, pour recel d’escroquerie, à 2 ans d’emprisonnement avec sursis et après avoir relaxé Pierre Z…, Bibi A…, et Syad C… pour complicité de recel d’escroquerie, a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la Banque VON ERNST et Cie AG ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Rose X…, pris de la violation des articles 6 2 et 3. d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 121-3, 121-7, 313-1, 321-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
” en ce que : l’arrêt attaqué a déclaré Rose X… coupable de complicité d’escroquerie et de recel d’escroquerie ;
” aux motifs que : ” Rose X…, qui représentait à Abidjan la société Locasystème avait, en prévision d’une éventuelle extension de son activité, créé en 1987, la société NovaInvestment, immatriculée sur l’île de Man (Grande-Bretagne) ; que cette société, qui avait ouvert un compte à Monaco n’avait, en fait, jamais fonctionné ; qu’en juillet 1989, Rose X… faisait la connaissance de Claude F… qui allait la convaincre d’utiliser la société NovaInvestmentpour servir d’intermédiaire dans des opérations de défiscalisation d’oeuvres d’art et l’incitait à cet effet à ouvrir avec Edmond Y…, en mars 1990, un compte à l’Union des Banques Suisses (UBS) au Luxembourg ; qu’au début du mois de juin 1990, elle était avisée par Claude F… que les fonds allaient être transférés sur le compte Novaen vue de l’acquisition d’un tableau italien du 16ème siècle ; que Claude F… rencontrait alors Edmond Y… et lui remettait une page découpée de son agenda sur laquelle figurait le nom supposé de l’acheteur, Francis G…, son adresse à Londres, ainsi que les dimensions du tableau et le nom du peintre (Mantegna) ; qu’au vu de ces seuls éléments Rose X… établissait une facture au nom de NovaInvestment; qu’elle se rendait ensuite au Luxembourg en compagnie de Claude F…, remettait à l’UBS une copie de la facture et, sur les instructions de Claude F…, procédait immédiatement au retrait des fonds, Rose X… conservant pour sa part, à titre de commission la somme de 390 000 dollars ; qu’elle reversera, par la suite, la somme de 450 000 francs à la société TransgalaxySA Genève dont la société Esmirica, dirigée par Edmond Y…, détenait 99 % des parts ; que ces faits sont constants, que l’audition en qualité de témoin de Francis G…, comme celle du représentant de l’UBS au Luxembourg, sollicitée par Rose X… et Edmond Y… ne serait pas de nature à apporter à cet égard, d’éléments nouveaux d’appréciation et ne ferait que retarder inutilement l’issue de la procédure ; que Rose X… a accepté, à la demande de Claude F…, d’ouvrir un compte au Luxembourg, et, après transfert des fonds, de retirer aussitôt, sous forme d’espèces, des sommes très importantes ; qu’elle reconnaît, cependant, n’avoir jamais vu le tableau de Mantegna et avoir établi elle-même la fausse facture qu’elle a remise au banquier ; qu’elle a ainsi apporté sciemment son concours dans la réalisation de l’escroquerie commise au préjudice de la BIL et s’est, en outre, rendue coupable du délit de recel pour avoir elle-même conservé, sur les fonds obtenus frauduleusement, la somme de 390 000 dollars ” ;
” alors 1) que : la complicité par aide ou assistance suppose, pour être constituée, que le prévenu ait, en connaissance du but poursuivi par l’auteur principal de l’infraction, apporté son aide ou son assistance pour la commettre ; qu’en effet, seule la connaissance certaine de l’infraction, à l’exception du doute, peut constituer la complicité punissable ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que Rose X… avait ouvert un compte à l’UBS, sur les instructions de Claude F…, en vue de servir d’intermédiaire dans des opérations portant sur des oeuvres d’art ; qu’en se bornant, dès lors, pour déclarer qu’elle aurait apporté sciemment son concours à l’escroquerie commise au préjudice de la BIL, à se fonder sur la circonstance qu’elle aurait fait preuve d’imprudence en établissant la facture relative au tableau, sans avoir vu celui-ci, sur la seule base des renseignements fournis par Claude F…, énonciation insuffisante pour établir la connaissance nécessaire contributive de la complicité d’escroquerie, ceci d’autant qu’un tel acte s’inscrivait dans la suite logique d’une transaction portant sur des oeuvres d’art, et sans rechercher si ladite exposante avait alors eu conscience, à ce moment précis, qu’une telle transaction constituait en réalité une façade, et que Francis G…, présenté comme l’acquéreur du tableau par Claude F…, n’était ainsi pas au courant de l’opération litigieuse, laquelle consistait en une escroquerie au préjudice de la BIL, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
” alors 2) que : de la même façon, pour que le délit de recel soit constitué, il doit être démontré que le receleur ait su, au moment de la détention, que l’objet recelé provenait d’une infraction ; qu’à ce titre, il n’existe pas de présomption de recel en cas de simple négligence ; que dès lors, en se fondant sur le fait que Rose X… avait établi la facture litigieuse sur la seule base des éléments que lui avait fournis Claude F…, sans avoir procédé personnellement à des vérifications supplémentaires, pour en déduire qu’en percevant une commission sur les sommes ayant transité sur le compte à l’UBS, elle s’était ainsi rendue coupable de recel, sans rechercher si elle avait alors eu conscience de ce que l’acquéreur annoncé par Claude F…, Francis G…, n’était pas à l’origine de cette transaction et des fonds transmis, la cour d’appel a derechef privé sa décision de base légale ;
” alors 3) que : tout prévenu a droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; que la cour d’appel, qui a refusé de procéder à l’audition des divers témoins, sollicitée par Rose X…, en se bornant à affirmer, sans en justifier, que ces auditions ne seraient pas de nature à apporter d’éléments nouveaux, a une nouvelle fois violé les textes susvisés ” ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Edmond Y…, pris de la violation des articles 6 2 et 3. d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 121-1, 121-3, 313-1, 321-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
” en ce que : l’arrêt attaqué a déclaré Edmond Y… coupable de recel d’escroquerie ;
” aux motifs que : ” en juillet 1989, Rose X… faisait la connaissance de Claude F… qui allait la convaincre d’utiliser la société NovaInvestmentpour servir d’intermédiaire dans des opérations de défiscalisation d’oeuvres d’art et l’incitait à cet effet à ouvrir avec Edmond Y…, en mars 1990, un compte à l’Union des Banques Suisses (UBS) au Luxembourg ; qu’au début du mois de juin 1990, elle était avisée par Claude F… que les fonds allaient être transférés sur le compte Novaen vue de l’acquisition d’un tableau italien du 16ème siècle ; que Claude F… rencontrait alors Edmond Y… et lui remettait une page découpée de son agenda sur laquelle figurait le nom supposé de l’acheteur, Francis G…, son adresse à Londres, ainsi que les dimensions du tableau et le nom du peintre (Mantegna) ; qu’au vu de ces seuls éléments Rose X… établissait une facture au nom de NovaInvestment; qu’elle se rendait ensuite au Luxembourg en compagnie de Claude F…, remettait à l’UBS une copie de la facture et, sur les instructions de Claude F…, procédait immédiatement au retrait des fonds, Rose X… conservant pour sa part, à titre de commission la somme de 390 000 dollars ; qu’elle reversera, par la suite, la somme de 450 000 francs à la société TransgalaxySA Genève dont la société Esmerica, dirigée par Edmond Y…, détenait 99 % des parts ; que ces faits sont constants, que l’audition en qualité de témoin de Francis G…, comme celle dit représentant de l’UBS à Luxembourg, sollicitée par Rose X… et par Edmond Y… ne serait pas de nature à apporter à cet égard d’éléments nouveaux d’appréciation et ne ferait que retarder inutilement la procédure ; qu’Edmond Y… avait accompagné Rose X… au Luxembourg pour obtenir l’ouverture d’un compte au nom de la société NovaInvestment; qu’il a, à la demande de Claude F…, transmis lui-même à Rose X… les éléments qui allaient lui permettre d’établir la fausse facture ; qu’il était donc pleinement conscient du caractère frauduleux de l’opération ; qu’en recevant sur un compte ouvert au nom d’une société dans laquelle il détenait des intérêts une partie des sommes détournées, il s’est sciemment rendu coupable de recel d’escroquerie ” ;
” alors 1) que : nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ; qu’à ce titre, l’élément matériel du recel, suppose établi le caractère personnel de la détention ou du profit ; qu’à cet égard, Edmond Y… démontrait (conclusions p. 9 et 10) qu’il n’avait en aucun cas bénéficié des sommes litigieuses, dès lors, d’une part, qu’il ne disposait d’aucune procuration sur le compte bancaire de la société TransgalaxySA, et, d’autre part, que ce virement correspondait au règlement d’une dette de la société NovaLtd à l’égard de ladite société TransgalaxySA ; qu’ainsi, en se fondant, pour entrer en voie de condamnation, sur la seule circonstance que l’exposant détenait des parts dans la société TransgalaxySA, via la société Esmerica, la cour d’appel n’a pas répondu aux articulations essentielles développées par ce dernier, démontrant qu’en tout état de cause, le virement litigieux n’avait pu profiter qu’à la société TransgalaxySA ;
” alors 2) que : en tout état de cause, et à titre subsidiaire, pour que le délit de recel soit constitué, il doit être établi que le receleur ait su que l’objet recelé provenait d’une infraction ;
qu’ainsi, en se bornant, pour déclarer Edmond Y… coupable de recel, à se fonder sur la circonstance qu’il avait servi d’intermédiaire dans une opération portant sur une oeuvre d’art, sans justifier de ce qu’il aurait alors eu conscience de ce que l’opération, telle que présentée par Claude F…, n’était qu’une façade et qu’elle constituait, en réalité, une escroquerie au préjudice de la BIL, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
” alors 3) que : tout prévenu a droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; que la cour d’appel, qui a refusé de procéder à l’audition des divers témoins, sollicitée par Edmond Y…, en se bornant à affirmer, sans en justifier, que ces auditions ne seraient pas de nature à apporter d’éléments nouveaux, a une nouvelle fois violé les textes susvisés ” ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’en prononçant par les motifs repris au moyen, la cour d’appel, qui a motivé son refus d’entendre les témoins sollicités par la défense, a justifié sa décision ;
D’où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;