Oeuvres d’Art : 15 janvier 2014 Cour d’appel de Paris RG n° 11/21191

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Oeuvres d’Art : 15 janvier 2014 Cour d’appel de Paris RG n° 11/21191
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15 janvier 2014
Cour d’appel de Paris
RG n°
11/21191

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 15 JANVIER 2014

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/21191

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 09/14439

APPELANT

Monsieur [M] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

assisté de Me Jean-louis LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0127

INTIMÉE

SA STUDIO [L] venant aux droits de la Société LES STUDIOS PHOTOGRAPHIQUES DE PARIS

prise en la personne de son Président du Conseil d’Administration, M. [U] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et assistée de Me Olivier LAUDE de L’ASSOCIATION LAUDE ESQUIER CHAMPEY, avocat au barreau de PARIS, toque : R144

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 novembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRET :

– contradictoire

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Vu le jugement rendu contradictoirement le 06 octobre 2011 par le tribunal de grande instance de Paris.

Vu l’appel interjeté le 25 novembre 2011 par M. [M] [P].

Vu les dernières conclusions de M. [M] [P], signifiées le 05 novembre 2013.

Vu les dernières conclusions de la SA Studio [L], signifiées le 29 octobre 2013.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 novembre 2013.

M O T I F S D E L ‘ A R R Ê T

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé à l’ordonnance déférée et aux écritures des parties ;

Considérant qu’il suffit de rappeler que M. [M] [P], né en 1960, a d’abord exercé des fonctions de responsable informatique au sein du studio [L] avant de devenir assistant photographe puis photographe de 1983 à 1989 et actionnaire de la société Les Studios Photographiques de Paris (aujourd’hui la SA Studio [L]) ;

Que suite à des difficultés financières l’ensemble du fonds photographique du studio [L] de 1934 à 1991 a été cédé à l’État français et est conservé à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine ;

Que de1992 à 2002 M. [M] [P] a exercé les fonctions de directeur général du studio [L] avant d’en démissionner le 11 avril 2002 pour être engagé le même jour en tant que directeur de la photo, l’article 9.1 du contrat stipulant que son salaire rémunérait ‘tant le travail effectué que la cession de ses droits [d’auteur] à titre définitif au profit de la société’ ;

Que par un contrat distinct du même jour, intitulé ‘contrat de cession de droits de propriété intellectuelle’, M. [M] [P] a cédé à la société Les Studios Photographiques de Paris (aux droits de laquelle vient désormais la SA Studio [L]) ‘l’ensemble de [ses] droits de propriété intellectuelle afférents aux oeuvres et aux photographies’ réalisées pour le compte de la société moyennant une rémunération proportionnelle de 10 % HT en cas de cession de ses oeuvres à titre onéreux ;

Que n’ayant pas reçu depuis 2006 les relevés relatifs à ses droits, M. [M] [P] a demandé le 19 novembre 2008 la communication de l’intégralité du chiffre d’affaires d’exploitation des photographies dont il est l’auteur, encaissé par la société Les Studios Photographiques de Paris pour les années 2006, 2007 et jusqu’au 30 juin 2008 ;

Qu’il indique avoir également constaté que de nombreuses exploitations de ses photographies avaient été conduites sans qu’il soit fait mention de son nom et de sa qualité d’auteur alors que le contrat de cession de droits susvisé précisait que ses photographies devaient être créditées ‘[M] [P] pour les Studios [L]’ ;

Que le 18 septembre 2009 M. [M] [P] a fait assigner la société Les Studios Photographiques de Paris devant le tribunal de grande instance de Paris en réparation de l’atteinte portée à ses droits moraux et patrimoniaux d’auteur, en désignation d’un expert pour chiffrer les droits qui lui sont dus pour les années 2006 à 2009 et en résolution du contrat de cession de droits du 11 avril 2002 ;

Considérant que le jugement entrepris a, en substance :

– dit que les photographies réalisées par M. [M] [P] pour la SA Studio [L] sont des oeuvres collectives,

– débouté en conséquence M. [M] [P] de ses demandes au titre du droit moral à la paternité,

– donné acte à la SA Studio [L] de ce qu’elle reste devoir à M. [M] [P] la somme de 5.840,65 € TTC au titre du solde de ses droits à rémunération et, en tant que de besoin, l’a condamnée à lui payer ladite somme avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2011,

– débouté M. [M] [P] du surplus de ses demandes ;

I : SUR LES DEMANDES DE M. [M] [P] AU TITRE DE L’ATTEINTE À SON DROIT MORAL :

Considérant que les premiers juges ont débouté M. [M] [P] de ses demandes au titre de l’atteinte portée à son droit moral à la paternité au motif que les photographies revendiquées doivent recevoir la qualification juridique d’oeuvres collectives et que seule la SA Studio [L] est investie des droits d’auteur sur ces photographies ;

Considérant que M. [M] [P], qui reproche aux premiers juges de ne pas avoir effectué une recherche photographie par photographie, conteste cette qualification en faisant valoir qu’il concevait chaque prise de vue, du début jusqu’à la fin et que la SA Studio [L] ne démontre pas en quoi elle aurait dirigé et pris l’initiative des photographies, et plus particulièrement, lui aurait commandé d’effectuer les réglages, le cadrage, la lumière, de choisir l’angle de prise de vue, le temps de pose, le moment convenable, l’objectif idoine et la sensibilité de la pellicule ;

Qu’il rappelle qu’il était alors le seul photographe et que les dirigeants de la société n’avaient aucune compétence en matière de photographie en particulier et en matière artistique en général ; qu’en outre les contrats du 11 avril 2002 lui attribuent la qualité de seul auteur ;

Qu’il précise que les principes de la charte [L] sur laquelle s’est fondé le tribunal, ont été conçus, établis, mis au propre et rédigés par lui-même ; qu’il a en particulier inauguré les photographies en couleurs à partir de 1998 alors que jamais auparavant le studio [L] n’avait réalisé de photographies en couleurs ;

Qu’il demande en conséquence à la cour de dire que ses photographies ne sont pas des oeuvres collectives et de faire droit à sa demande d’atteinte au droit de paternité dans le cadre contractuel, exclusivement pour les photographies utilisées collectivement ;

Considérant que la SA Studio [L], qui conclut à la confirmation du jugement entrepris, réplique que les photographies griffées ‘Studio [L] Paris’ ont la nature d’oeuvres collectives, la charte rédigée par M. [K] [Z] (et non pas par l’appelant) rappelant formellement les principes directeurs que tous les contributeurs à l’oeuvre [L] doivent respecter quant à l’éclairage, le cadrage, la profondeur de champ, le fond, une pratique spécifique du maquillage et la retouche, effectuée sur le négatif comme sur l’épreuve ;

Qu’elle fait valoir que ces caractéristiques relèvent de critères créatifs participant à l’originalité d’une photographie au regard du droit d’auteur, lesquels ne sont pas définis par le photographe mais imposés depuis toujours par le studio [L] ; qu’il en résulte un crédit photographique unique et une ‘griffe’ reproduite sur les tirages eux-mêmes ;

Qu’elle ajoute que les photographies [L] sont la résultante de la contribution de plusieurs intervenants chargés successivement du maquillage, de l’éclairage, du jeu de l’ombre et de la lumière, des retouches et du tirage ; qu’elles reposent bien sur un travail collectif réalisé sous sa direction et dont les contributions viennent se fondre dans un ensemble ;

Qu’elle précise encore que la nature juridique d’une oeuvre de l’esprit résulte exclusivement de la loi et que la conclusion d’un contrat de cession de droits d’auteur est parfaitement compatible avec l’existence d’une oeuvre collective dont le propriétaire peut être amené à se faire céder les droits des contributeurs à cette oeuvre collective en contrepartie d’une rémunération proportionnelle, sans que cela ne remette en cause le caractère collectif de ladite oeuvre ;

Considérant ceci exposé que si M. [M] [P] reproche aux premiers juges d’avoir qualifié ses photographies d’oeuvres collectives sans s’être livré à un examen de celles-ci oeuvre par oeuvre, force est de constater que lui-même dans ses conclusions n’individualise pas les photographies pour lesquelles il revendique la titularité des droits d’auteur ;

Considérant qu’en effet M. [M] [P] revendique cette titularité pour l’ensemble des photographies qu’il a réalisées pour le studio [L] sans qu’il estime nécessaire d’établir cette qualification image par image et que de même il conteste la qualification d’oeuvres collectives pour l’ensemble de ses photographies sans estimer nécessaire de les examiner individuellement, faisant valoir d’une façon générale qu’il ne recevait aucune directive, aucun ordre, avant et pendant ses prises de vue et qu’au contraire il donnait des instructions à sa maquilleuse et à ses assistants photographes ;

Considérant que pour sa part la SA Studio [L] a fait procéder à une recherche dans ses archives par M. [G] [X], documentaliste-iconographe, qui – sans être sérieusement contredit par M. [M] [P] autrement que par une pétition de principe – a identifié 878 photographies comme ayant été réalisées par M. [M] [P] entre 1992 et 2008, lesquelles sont détaillées à la pièce 13 du dossier de la SA Studio [L] ;

Considérant que l’article L 113-2, 3ème alinéa du code de la propriété intellectuelle dispose qu”est dite collective l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé’ ;

Considérant par ailleurs qu’en vertu des dispositions de l’article L 113-5, la personne physique ou morale sous le nom de laquelle l’oeuvre collective est divulguée, est investie des droits de l’auteur ;

Considérant que la personne physique ou morale (en l’espèce la SA Studio [L]) qui revendique la propriété d’une oeuvre collective en vertu de l’article L 113-5 susvisé doit justifier de son rôle prépondérant du début du processus de création de l’oeuvre jusqu’à sa commercialisation ; qu’elle doit en particulier rapporter la preuve de sa maîtrise sur la création et ses conditions de réalisation par l’encadrement de la liberté de création des contributeurs et par l’harmonisation de leurs contributions ;

Considérant que M. [M] [P] conteste tout rôle de la SA Studio [L] en affirmant notamment avoir été l’unique photographe du studio [L] depuis 1984 et en particulier de 1992 à 2003 (pages 12 et 25 de ses conclusions) ; qu’il n’en justifie cependant que par un extrait de l’ouvrage ‘Studio [L], 1934-2009’ de Mme [U] [A] qui ne mentionne ce fait que pour les années 1987 à 1990 alors que pour sa part la SA Studio [L] indique sans être formellement contredite qu’au moins 17 photographes ont travaillé pour ce studio avant 1991 et 22 après 1992 ; qu’il est ainsi produit les factures de certains d’entre eux (MM [I] [Y], [Q] [E], [W] [H]) ;

Considérant que M. [M] [P] revendique également la rédaction d’une ‘charte [L]’ qui décrirait les éléments techniques et artistiques devant être respectés lors d’une séance de photographie ; qu’il apparaît toutefois que le document qu’il produit (pièce 59 de son dossier) a été établi en mars 2007 à l’attention des nouveaux propriétaires de la société et se contente de détailler ses fonctions et charges de travail en sa qualité de directeur artistique ;

Mais considérant que déjà en 1987 dans sa préface du livre ‘Studio [L] Paris – acteurs’, M. [R] [T] faisait état d”un esprit, celui de la rigueur, de la qualité, du prestige, d’un parti pris d’idéalisme et de rêve (héritier direct de l’art cinématographique), un esprit qui, dès les origines, a dicté un choix esthétique’, d’un style ‘inimitable’ par le jeu des ombres et des lumières, la retouche sur le négatif et sur l’épreuve effaçant le grain de peau pour concentrer toute l’expression d’un visage sur le regard, par le tirage (recherche dans le cadrage, le contraste et l’emploi de filtres adoucissants) ; qu’il en concluait que le studio [L] est de ce fait une école de discipline et d’humilité pour le photographe ;

Considérant que les éléments qui caractérisent l’esthétique d’une photographie tirée et divulguée sous son nom par le studio [L] ont été analysés en 1991 dans l’ouvrage ‘Studio [L], cinquante ans de mythes étoilés’ édité par le Ministère de la culture :

‘- Le portrait se resserre autour du visage, ou du buste, plus rarement autour du corps en pied (sauf si la fonction l’exige : ainsi dans le cas du danseur).

– Les accessoires sont rares. Le portrait émerge sur un fond qui est pur jeu d’ombres et de lumières.

– La lumière est empruntée au cinéma : le tungstène, qui remplace la lumière du jour, la lumière au gaz ou aux bougies, et se conjugue avec des émulsions de plus en plus rapides, permet de produire de nombreux effets, tant sur le visage que sur le fond (spots en contre-jour sur les cheveux, effets de moire sur le fond par exemple).

– La profondeur de champ est faible.

– le plan frontal est rare, [L] lui préfère les trois-quarts ou les profils.

– L’attention est portée sur les yeux. Le regard se détourne ou s’élève.

– Des effets de halo enveloppent, auréolent le visage.

– La retouche, effectuée sur le négatif comme sur l’épreuve, gomme les imperfections du modèle, lisse et affine le grain de la peau. [L] la combine parfois avec l’emploi de filtres adoucissants et diffusants.’

Considérant qu’à la même époque M. [K] [Z], dans une étude sur le portrait [L], rappelle également les ‘traits principaux qui font l’apanage d’un tirage [L]’, à savoir notamment un cadrage coupure basse sur une ligne située à mi-bras, entre l’épaule et le coude, une source d’éclairage au tungstène avec une source secondaire dirigée sur la chevelure, une profondeur de champ réduite, un fond uni sombre éclairé d’un halo de lumière ;

Considérant qu’il ressort encore de l’ouvrage ‘Clin d’oeil’ édité en 1995 par la Mission du patrimoine photographique, que le studio photographique [L] a été créé en 1934 et a dès le début mis en place un ‘style [L]’ particulièrement codé ‘constitué à partir d’un étrange croisement entre la lumière du portrait classique et une esthétique spécifiquement cinématographique issue de l’expressionnisme’ où les sujets photographiés ‘voient leur choix de postures strictement limités à quelques sages possibles où aucune fantaisie ou invention personnelle n’est admise’, produisant ainsi au fil des années ‘une chaîne sans fin de ressemblances s’originant dans une image mythique’ illustrée par la comparaison de portraits pris à plus de quarante années de distance ;

Considérant enfin que M. [M] [P] ne saurait prétendre être à l’origine de certains choix artistiques ou esthétiques tels que l’usage de la couleur qu’il affirme avoir introduit au studio [L] en 1998 (page 24 de ses conclusions) alors que la SA Studio [L] justifie y avoir recouru dès les années soixante en produisant notamment des photographies de l’actrice [C] [B] ;

Considérant qu’il en résulte que l’ensemble de ces critères caractéristiques d’une oeuvre de l’esprit ont été imposés depuis l’origine par le studio [L] – dont les créateurs les frères [D] s’étaient associés à une photographe renommée [V] [L] – non seulement aux photographes qui y ont travaillé mais également aux autres personnes intervenant à la réalisation des portraits ;

Considérant en effet que les photographies réalisées au sein du studio [L] sont le résultat d’une ‘chaîne ininterrompue d’opérations : accueil, attente ritualisée, maquillage, prise de vue, tirage, retouche’ ainsi que le rappelle l’ouvrage ‘Studio [L], cinquante ans de mythes étoilés’, impliquant la contribution de plusieurs intervenants autres que le photographe lui-même et ses assistants : maquilleurs, accessoiristes, éclairagistes, laboratoire, au sein d’un travail d’équipe dans lequel toutes ces contributions se sont confondues ;

Considérant en particulier que le maquillage et la retouche fondent ainsi une esthétique ‘antinaturaliste’selon l’ouvrage précité, idéalisant le corps en gommant toutes ses imperfections et contribuent à donner aux photographies [L] ‘leur style unique’ selon Mme [U] [A] dans son ouvrage précité ;

Considérant que ces photographies sont dès lors des créations originales excédant la somme des apports des différents contributeurs en ce qu’il s’y ajoute la maîtrise d’oeuvre intellectuelle constitutive du ‘style [L]’ sans laquelle ces oeuvres n’auraient pas existé ;

Considérant que l’ensemble des photographies portant la griffe ‘[L]’ réalisées par M. [M] [P] doivent ainsi recevoir la qualification d’oeuvres collectives pour lesquelles seule la SA Studio [L] est investie des droits de l’auteur, en particulier du droit moral ;

Considérant que l’existence d’un contrat de cession de droits de propriété intellectuelle conclu entre les parties le 11 avril 2002 ne saurait renverser cette qualification ni constituer, à l’encontre de la SA Studio [L], un cas d’estoppel dans la mesure où d’une part la qualification juridique d’une oeuvre de l’esprit relève exclusivement de la loi, telle qu’il appartient au juge de la déterminer, et non pas d’un accord contractuel et où d’autre part l’oeuvre collective n’entraîne pas une élision totale des contributeurs, que l’article L 113-2 qualifie d’auteurs, et de leurs droits ;

Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit que la SA Studio [L] était seule investie des droits de l’auteur et en ce qu’il a débouté M. [M] [P] de ses demandes au titre de l’atteinte portée à son droit moral à la paternité ;

II : SUR LES DEMANDES AU TITRE DE L’INEXÉCUTION DU CONTRAT DE CESSION DE DROITS DU 11 AVRIL 2002 :

Considérant que M. [M] [P] reprend devant la cour sa demande de ‘résolution’ du contrat de cession de droits du 11 avril 2002 pour violation par la SA Studio [L] de ses obligations contractuelles et ses demandes en dommages et intérêts ainsi qu’en désignation d’un expert pour chiffrer ses droits patrimoniaux depuis 2006 ;

Qu’il fait valoir que plusieurs de ses photographies ont fait l’objet d’échanges marchandises sans achat d’espace apparent dans la presse par la SA Studio [L] mais par des fournitures de prestations en nature, de telle sorte que ces reproductions doivent rentrer dans l’assiette des droits qui lui sont dus ;

Qu’il ajoute que si les exploitations de ses photographies étaient effectivement gratuites comme le soutient la SA Studio [L], celle-ci aurait dû faire figurer son nom, ce qui n’a pas été le cas à de nombreuses reprises ;

Considérant que la SA Studio [L] réplique avoir respecté le droit à rémunération de M. [M] [P] en procédant aux redditions de compte au titre du contrat du 11 avril 2002 et en lui versant ses droits d’auteur pour les années 2006 à 2011 et que les demandes supplémentaires de M. [M] [P] sont relatives à des exploitations pour lesquelles aucun droit ne lui est dû, s’agissant d’exploitations publicitaires et promotionnelles pour lesquelles le studio [L] n’a pas perçu de droits d’auteur, soit des publications de presse ou d’autres exploitations qui n’ont pas donné lieu à une rémunération à son bénéfice ;

Considérant ceci exposé, que l’article 4.2 c) et d) du contrat de cession de droits du 11 avril 2002 est ainsi rédigé :

‘4.2 Les droits de propriété intellectuelle ainsi cédés emportent le droit exclusif pour la Société ou toute autre société que la Société désignerait et/ou déciderait de se substituer, d’exploiter dans tout lieu public ou privé, dans le monde entier, les oeuvres et les photographies réalisées par le Cédant :

(…)

c) en reproduisant sous toute forme (papier, électronique, numérique optonumérique, base de donnée en ligne, film, vidéogramme) en tout lieu et en toute langue, tout ou partie des oeuvres et des photographies pour la promotion et la publicité de la Société, de son catalogue de photographies, de sa marque, de ses produits et de ses services ainsi pour tout type d’exposition public.

d) en représentant en tout lieu et sous toute forme et en toute langue, tout ou partie des oeuvres et des photographies, que ce soit par présentation au public, projection publique et transmission ou télédiffusion dans tout lieu public ou privé par tout procédé de télécommunication de photographies, de documents, de données et de messages de toutes natures pour la promotion et la publicité de la Société, de son catalogue, de sa marque, de ses produits et de ses services ainsi pour tout type d’exposition public y compris les expositions virtuelles accessibles par voie de télétransmission.’

Considérant par ailleurs que l’article 5 relatif aux conditions financières est ainsi rédigé :

‘5.1 Compte tenu de la nature de l’activité principale de la Société, et à l’exception des cas stipulés à l’article 5.2 ci-dessous le Cédant cède, à titre gratuit à la Société, l’ensemble des droits de propriété intellectuelle attachés à ses oeuvres et à ses photographies.

5.2 Nonobstant les dispositions de l’article 5.1 ci-dessus, il est de convention expresse entre les Parties, que le Cédant percevra une rémunération proportionnelle sous la forme de droits d’auteur pour l’exploitation de ses oeuvres et de ses photographies lorsque les conditions ci-après stipulées seront intégralement remplies :

a) lorsque les oeuvres ou les photographies auront été effectivement réalisées par le Cédant et

b) lorsque les droits de reproduction ou de représentation sur les oeuvres ou les photographies feront l’objet d’une cession à titre onéreux, et que cette cession sera matérialisée par le paiement d’une somme à la Société qui sera distincte de celle payée pour les frais techniques.

5.3 En tout état de cause, le Cédant ne percevra aucun droit d’auteur pour les exploitations de ses oeuvres ou photographies qui seraient utilisées dans les conditions définies aux articles 4.2c) et 4.2d) du présent contrat et alors même que ces exploitations feraient l’objet d’un achat d’espace.

5.4 Compte tenu des usages propres aux studios photographiques, le Cédant ne percevra aucun droit d’auteur sur les portraits réalisés pour le compte de particuliers dès lors qu’il n’existe aucune possibilité pour ces derniers d’exploiter lesdits portraits en dehors du cercle de famille.

(…)

5.6 Le Cédant percevra, pour chacune des exploitations répondant aux critères définis à l’article 5.2 ci-dessus, une rémunération proportionnelle sur les exploitations concédées par la Société égale à dix pour cent (10 %) du prix de cession hors taxes effectivement encaissé par la Société. (…)

5.8 Les comptes de l’ensemble des droits dus au Cédant seront arrêtés deux fois l’an, le 30 juin et le 31 décembre et payés au plus tard soixante jours (60) après cet arrêté. Le paiement sera accompagné d’un relevé de droit indiquant les types d’exploitations consentis et le prix de cession encaissé par la Société.’

Considérant qu’il résulte de ces stipulations contractuelles que le principe est celui d’une cession gratuite des droits de propriété intellectuelle attachés aux photographies réalisées et qu’une rémunération proportionnelle n’est prévue qu’en cas de cession à titre onéreux des droits de reproduction ou de représentation sur ces photographies matérialisée par le paiement effectif des droits à la SA Studio [L] ; qu’en outre les exploitations publicitaires et/ou promotionnelles ne donnent lieu à aucune rémunération même en cas d’achat d’espace publicitaire ;

Considérant que les exploitations de photographies pour lesquelles M. [M] [P] estime qu’elles auraient dû donner lieu à une rémunération à son profit figurent aux pièces n° 34, 35, 53 à 58, 60 à 63, 68 et 69 de son dossier ;

Considérant en tout premier lieu que les pièces n° 58 et 62 ne comportent aucune photographie ;

Considérant que les photographies figurant aux pièces 34-1 à 34-25, 56, 57, 60, 61 (les six premières pages) et 63 sont extraites d’articles de presse ou en ligne dans un but d’information (pilotes de F1, concerts, ventes aux enchères, mode, vedettes, sports, expositions), que leur reproduction dans la presse constitue une exception au monopole de l’auteur telle que prévue par l’article L 122-5, 9° du code de la propriété intellectuelle qui dispose que ‘lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire : (…)

9° La reproduction ou la représentation, intégrale ou partielle, d’une oeuvre d’art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, dans un but exclusif d’information immédiate et en relation directe avec cette dernière, sous réserve d’indiquer clairement le nom de l’auteur’ ;

Considérant que ces insertions n’ont donc pas donné lieu à une quelconque cession de droits de la part de la SA Studio [L], qu’il sera au demeurant relevé que ces photographies indiquent bien le nom de leur auteur, la pièce n° 61 illustrant notamment un article consacré à M. [M] [P] ;

Considérant que les photographies figurant aux pièces n° 35, 55, 68 et 69 sont destinées à la promotion du studio [L] et ne donnent donc pas droit à rémunération ;

Considérant que si les photographies figurant à la pièce n° 53 ont fait l’objet d’une cession de droits de reproduction et de représentation à une société Les Films Christy’s, il ressort des pièces produites que cette société n’a effectué aucun paiement auprès de la SA Studio [L] malgré une condamnation en paiement en date du 18 mars 2008, cette société ayant été mise en liquidation judiciaire le 15 juin 2009 ; qu’ainsi en l’absence de tout paiement effectif, aucune rémunération n’est due à M. [M] [P] ;

Considérant enfin que les photographies figurant à la pièce n° 54 ont été présentées lors du Festival de [Localité 1] 2008 au sein de l’hôtel [1] à titre gracieux sans donner lieu à une cession onéreuse de droits de reproduction et de représentation et qu’aucune rémunération n’est donc due à M. [M] [P] ;

Considérant que pour le surplus qu’il ressort de l’attestation du cabinet d’expertise-comptable A2CS en date du 09 février 2010 que les cessions de droits à titre onéreux concernant les photographies réalisées par M. [M] [P] se sont montées à 43.273,14 € pour l’année 2006, 60.788,44 € pour l’année 2007, 77.121,13 € pour l’année 2008 et 42.380,12 € pour l’année 2009 et qu’ainsi au total pour ces quatre années c’est une somme globale de 11.463,65 € TTC qui est due à M. [M] [P] dont il convient de déduire la somme de 5.623 € TTC perçue le 31 décembre 2006 ;

Considérant que si ce n’est qu’au cours de la procédure de première instance que la SA Studio [L] a expressément reconnu devoir le solde, soit la somme de 5.840,65 € TTC, il convient de relever, comme l’ont fait les premiers juges, que les redditions ultérieures de compte n’ont pu intervenir dans les délais en l’absence de tout inventaire exhaustif des photographies prises par M. [M] [P] (cet inventaire n’ayant pu être terminé qu’en juin 2008) et de toute coopération de ce dernier qui dès 2008 ne s’est plus rendu au siège de la société ;

Considérant que la somme de 5.840,65 € a fait l’objet d’un paiement effectif le 06 février 2012, que des redditions de comptes sont intervenues pour les années 2010 (272,42 €) et 2011 (1.067,30 €) et ont fait l’objet d’un paiement effectif le 09 août 2012 ;

Considérant dès lors qu’en l’absence de manquements de la SA Studio [L] à ses obligations contractuelles, c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [M] [P] de sa demande de résiliation (et non pas de résolution) du contrat du 11 avril 2002 ainsi que de ses demandes indemnitaires ;

Considérant que le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu’il a donné acte à la SA Studio [L] de ce qu’elle restait devoir à M. [M] [P] la somme de 5.840,65 € TTC au titre de ses droits à rémunération arrêtée au 31 décembre 2009 et en ce qu’il a débouté M. [M] [P] du surplus de ses demandes ; qu’y ajoutant il sera précisé que celui-ci est rempli de ses droits à rémunération pour les années 2010 et 2011 ;

III : SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant qu’il est équitable d’allouer à la SA Studio [L] la somme de 5.000 € au titre des frais par elle exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à allouer des sommes au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Considérant que M. [M] [P] sera pour sa part, débouté de sa demande en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que M. [M] [P], partie perdante en son appel, sera condamné au paiement des dépens d’appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Dit que M. [M] [P] a été rempli de ses droits à rémunération pour les années 2010 et 2011 ;

Condamne M. [M] [P] à payer à la SA Studio [L] la somme de CINQ MILLE EUROS (5.000 €) au titre des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens ;

Déboute M. [M] [P] de sa demande en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] [P] aux dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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