Oeuvres d’Art : 1 avril 2015 Cour d’appel de Paris RG n° 14/17318

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Oeuvres d’Art : 1 avril 2015 Cour d’appel de Paris RG n° 14/17318
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1 avril 2015
Cour d’appel de Paris
RG n°
14/17318

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 1

ARRET DU 01 AVRIL 2015

(n° 188 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/17318

Décision déférée à la Cour : Décision du 18 Juillet 2014 rendue par le Conseil des Ventes Volontaires de Meubles aux Enchères Publiques

APPELANTS

Monsieur [N] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant et assisté de Me Gérard SULTAN, avocat au barreau D’ANGERS

Ayant eu la parole en dernier,

BRANGER ARENES AUCTION

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Gérard SULTAN, avocat au barreau d’ANGERS

INTIME

LE CONSEIL DES VENTES VOLONTAIRES DE MEUBLES AUX ENCHÈRES PUBLIQUES

19, av de l’Opéra

[Localité 1]

non représenté à l’audience du 18 février 2015

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre (rapporteur)

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie BENARDEAU

MINISTÈRE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au Procureur Général, représenté lors des débats par Madame TEILLER, Avocat Général, qui a fait connaître oralement son avis lors des débats et n’a pas déposé antérieurement de conclusions écrites.

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Sylvie BENARDEAU, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu le recours adressé par lettre recommandée en date du 21 juillet 2014, enregistré au greffe de cette cour le 29 juillet 2014, exercé par M. [N] [S], commissaire-priseur de ventes volontaires et l’OVV Branger Arene Auction, prise en la personne de son gérant M. [N] [S], à l’encontre de la décision rendue le 18 juillet 2014 par le Conseil des Ventes Volontaires qui a prononcé contre eux l’interdiction d’exercice de toutes activités de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques d’une durée de trois ans.

Entendus à l’audience du 18 février 2015, le conseil de M. [N] [S] et de l’OVV Branger Arene Auction, conforme à ses écritures aux termes desquelles il demande à la cour d’infirmer la décision déférée et de dire que les manquements reprochés ne sont pas établis, le Ministère Public qui n’a pas antérieurement déposé d’écritures, en son avis visant à la confirmation de ladite décision, M. [N] [S], tant à titre personnel qu’ès qualités de gérant de l’OVV Branger Arene Auction ayant eu la parole en dernier .

Constaté le retrait de la procédure du Conseil des Ventes Volontaires pour se conformer à l’arrêt rendu le 10 septembre 2014 par la Cour de cassation .

***

Il résulte du dossier que M. [N] [S] a été sollicité par Mme [L] [W], notaire à [Localité 3] ( Maine et Loire ) pour se déplacer au domicile d’une de ses clientes, [J] [Z], personne âgée, décédée le [Date décès 1] 2011, dont elle gérait les biens, afin d’estimer un tableau du peintre [X] [Q] [O], intitulé ‘ Vents et poussières’ .

Le 26 avril 2010 M. [N] [S] a ainsi estimé cette oeuvre entre 30 000 et 40 000 euros.

Le 15 septembre 2011, Mme [L] [W], se présentant comme propriétaire dudit tableau, l’a déposé chez l’OVV Branger Arene Auction afin qu’il soit vendu aux enchères publiques, sans cependant que ne soit établi un mandat de vente dûment signé par la propriétaire .

M. [N] [S] a inclus l’oeuvre dans une vente programmée le 26 octobre 2011 et dans le catalogue publié à cette fin, celle-ci était estimée entre 30 000 et 40 000 euros .

Concomitamment M. [N] [S] s’est adressé à Mme [T] [V], expert en peintures et sculptures des 19ème et 20ème siècles, qui a donné un premier avis estimatif de l’ordre de 80 000 à 120 000 euros, puis le 5 octobre 2011, après examen de la toile une évaluation comprise entre 300 000 et 400 000 euros .

Maître [N] [S] qui n’a pas procédé à la modification du catalogue de vente a cependant porté sur le site Interenchères cette estimation de l’oeuvre .

La vente s’est déroulée le 26 octobre 2011 et le tableau a été adjugé 1 750 000 euros .

Une action en nullité de la vente intervenue entre [J] [Z] et Mme [L] [W] a alors été engagée par l’héritière de la défunte .

Par la suite, à l’occasion de la procédure disciplinaire mise en oeuvre, M. [N] [S] n’a pas transmis au commissaire de police détaché auprès du commissaire du gouvernement près le Conseil des Ventes qui le lui avait demandé par courrier du 19 décembre 2013, une copie de la page du livre de police sur laquelle figurait le tableau litigieux au motif que ce document avait été détruit lors des inondations survenues à [Localité 2] en août 2011 .

Au regard de ces faits, il est ainsi reproché à M. [N] [S], commissaire priseur de ventes volontaires et l’OVV Branger Arene Auction :

– d’avoir fait figurer dans le catalogue de la vente organisée le 26 octobre 2011 à [Localité 2] une estimation de 30 000 à 40 000 euros pour le lot n° 351 constitué d’un tableau du peintre [X] [Q] [O], intitulé ‘ Vents et poussières’ que l’expert associé à la vente avait estimé entre 300 000 et 400 000 euros, en conformité avec les données du marché, faits constituant un manquement à l’article L . 321-5 du code de commerce,

– de ne pas avoir établi de mandat de vente signé par Mme [L] [W], pour la mise en vente du tableau du peintre [X] [Q] [O], intitulé ‘ Vents et poussières’ , faits constituant un manquement à l’article L . 321-5 du code de commerce,

– d’avoir refusé de communiquer au commissaire du gouvernement près le Conseil des Ventes intervenant dans le cadre de l’instruction préparatoire du dossier disciplinaire la page du livre de police comprenant le tableau du peintre [X] [Q] [O], intitulé ‘ Vents et poussières’ , fait constituant un manquement à l’article L . 321-10 et R 321-45 du code de commerce .

M. [N] [S] et l’OVV Branger Arene Auction contestent la totalité des faits qui leur sont reprochés .

Ils font valoir qu’en portant dans le catalogue de vente l’estimation initialement retenue en mai 2010 en dehors de la perspective de toute vente, M. [N] [S] est donc resté fidèle à celle-ci et qu’à la suite de l’intervention de Mme [V] il a modifié cette évaluation pour faire mention de la nouvelle sur le site Interenchères .

Invoquant la bonne foi, ils indiquent que l’estimation d’une oeuvre d’art est éminemment aléatoire et que le commissaire-priseur doit se déterminer en fonction d’un principe de précaution, que le marché de l’art est fluctuant et les ventes aux enchères incertaines.

Ils rappellent avoir été mandatés par Mme [L] [W], propriétaire de l’oeuvre à laquelle une réquisition de vente a été transmise qui ne s’est pas plainte des conditions dans lesquelles la vente a été organisée et s’est déroulée .

Ils précisent qu’il avait été demandé à Mme [V] une estimation raisonnable dans le cadre du devoir de prudence du commissaire-priseur et que d’ailleurs celle-ci s’est déterminée en toute liberté sur une évaluation qui s’est avérée largement inférieure au prix d’adjudication et que par ailleurs aucune décision d’annulation de la vente Armspach -Marsollier n’a été prononcée par le tribunal saisi à cette fin .

Enfin ils soutiennent qu’aucun texte ne prévoit que la non transmission d’un document réclamé par le commissaire du gouvernement qui n’est pas l’organe disciplinaire, soit passible de poursuites devant le Conseil des Ventes Volontaires et qu’au demeurant il a été justifié de l’impossibilité de transmettre le livre de police relatif au tableau litigieux .

L’article L . 321-5 du code de commerce prévoit en son deuxième alinéa que : ‘ Les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques mentionnés au même article L . 321-4 prennent toutes dispositions propres à assurer pour les clients la sécurité des ventes volontaires aux enchères publiques qui leur sont confiées, notamment lorsqu’ils recourent à d’autres prestataires de services pour organiser et réaliser ces ventes’.

Il se déduit de ces dispositions que l’opérateur de ventes volontaires doit assurer par tout moyen, pour ses clients, acheteurs et vendeurs, la sécurité tant matérielle que juridique des opérations qu’il met en oeuvre pour l’organisation et la réalisation des ventes aux enchères publiques.

Or il s’avère que M. [N] [S] qui avait en 2010 estimé l’oeuvre alors qu’il savait qu’elle était la propriété de [J] [Z] dont il n’ignorait pas davantage que ses biens étaient gérés par Mme [L] [W], son notaire, ne s’est nullement interrogé, lorsque celle-ci lui a remis, désormais en qualité de propriétaire, le tableau litigieux, sur les circonstances et les conditions dans lesquelles elle l’ avait acquis, alors même qu’en cette qualité de notaire, soumise à des règles déontologiques strictes, elle ne pouvait se trouver dans une situation de conflit d’intérêt avec sa cliente .

Par ailleurs M. [N] [S] et l’OVV Branger Arene Auction ne peuvent justifier avoir reçu de Mme [L] [W] un mandat de vente, tel que défini par l’article L.321-5 du code de commerce, à savoir un mandat ayant donné lieu à un écrit.

La réquisition de vente dont il est fait état, a certes été établie au nom de la venderesse mais pour autant elle est dépourvue de toute date et signature, de sorte qu’il ne peut être considéré que le commissaire-priseur s’est conformé aux dispositions sus mentionnées.

Pas davantage l’acte de dépôt du 15 septembre 2011 ne peut équivaloir à un mandat de vente dès lors qu’il ne vise que la seule remise de l’oeuvre et non pas sa vente et qu’il ne porte pas la signature de Mme [L] [W] .

Quant à l’estimation de l’oeuvre, et quand bien même ne peuvent être méconnus, le caractère fluctuant du marché de l’art et l’aléa qui préside à toute vente aux enchères publiques, il s’avère que celle-ci, eu égard à la notoriété du peintre [X] [Q] [O], était nettement sous-évaluée, alors même que dans un premier temps et sans avoir vu le tableau, l’expert [V] l’avait fixée entre 80 et 120 000 euros , avant que de retenir une fourchette comprise entre 300 000 et 400 000 euros .

Certes le commissaire-priseur n’a pas une connaissance précise de tous les objets qu’il est susceptible de vendre. Mais pour autant il n’est pas dépourvu de toute compétence notamment s’agissant d’un artiste de renom jouissant d’une côte établie tel que [X] [Q] [O] laquelle pouvait être aisément vérifiée, ce qui au demeurant relève des diligences que le commissaire-priseur doit accomplir, alors même que dans son courrier 16 septembre 2011 à propos de son avis estimatif de 80 000 à 120 000 euros, Mme [T] [V] indiquait à M. [N] [S] que ‘ Compte tenu de l’engouement actuel pour ce peintre et pour les artistes chinois en général une plus value est tout à fait envisageable’ .

Dés lors se trouve privé de toute pertinence l’argument développé par M. [N] [S] consistant à soutenir que le maintien dans le catalogue de vente, pourtant commandé le 27 septembre 2011, soit postérieurement à l’avis dont il vient d’être fait état, de l’estimation anormalement basse qu’il avait initialement retenue, répondait au respect du principe de précaution qui doit guider le commissaire-priseur au moment de l’examen de l’oeuvre alors même qu’il disposait de cette première évaluation supérieure de trois à quatre fois à la sienne .

Par ailleurs, en maintenant sa propre estimation dans le catalogue de vente, alors même que ce document mentionne expressément en tant qu’expert de l’oeuvre en cause le nom de Mme [T] [V], M. [N] [S] n’a pas assuré une information loyale du public en laissant croire aux éventuels enchérisseurs que l’évaluation mentionnée était celle de cet expert et il ne peut être considéré que ce manquement a été suffisamment réparé par la rectification intervenue sur le site Interenchères .

Enfin et quelque soit au demeurant le sort réservé par le tribunal à l’action afin d’annulation de la vente Armspach-Marsollier, engagée sur le fondement des vices du consentement par l’héritière de [J] [Z], la disproportion existant entre l’estimation proposée par le commissaire-priseur et celle retenue par l’expert [V], puis le prix d’adjudication, n’a pas été sans incidence sur la détermination de son auteur à l’engager .

Ces constatations démontrent ainsi que M. [N] [S] et l’OVV Branger Arene Auction ont agi en méconnaissance des dispositions de l’article L 321-5 du code de commerce ainsi que l’a justement retenu le Conseil des Ventes Volontaires.

Enfin M. [N] [S] a été dans l’impossibilité de présenter au délégué du commissaire du gouvernement le livre de police relatif à l’oeuvre en cause, document obligatoire qui est destiné à assurer la traçabilité des objets vendus .

Il soutient que ce document aurait été détruit lors des inondations survenus en août 2011.

Mais ainsi M. [N] [S] reconnaît-il avoir procédé le 26 octobre suivant à la vente du tableau en violation des dispositions légales.

Les manquements reprochés sont donc avérés et par leur gravité ils justifient la sanction prononcée par le Conseil des Ventes dont la décision sera en conséquence confirmée.

PAR CES MOTIFS

Constate le retrait de la procédure du Conseil National des Ventes .

Confirme la décision déférée .

Laisse les dépens à la charge de M. [N] [S] et l’OVV Branger Arene Auction .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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