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24 mars 2017
Cour d’appel de Versailles
RG n°
16/00137
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 39H
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 MARS 2017
R.G. N° 16/00137
AFFAIRE :
Association COMITE PROFESSIONNEL DES GALERIES D’ART (CPGA)
C/
SNC CHRISTIE’S FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Septembre 2011 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS
3ème chambre
1ère section
N° RG : 10/00943
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Pierre GUTTIN
SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant après prorogation au 17 mars 2017 les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Association COMITE PROFESSIONNEL DES GALERIES D’ART (CPGA)
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 – N° du dossier 14000374, et Me Bénédicte ROCHET de l’AARPI BARON AIDENBAUM & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
DEMANDERESSE devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2014 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS (pôle 5, chambre 4) le 03 juillet 2013
****************
SNC CHRISTIE’S FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1453724, Me Didier THEOPHILE de l’AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Janvier 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, et Madame Anne LELIEVRE, conseiller, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Alain PALAU, président,
Madame Anne LELIEVRE, conseiller,
Madame Nathalie LAUER, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 27 septembre 2011 qui a :
– déclaré irrecevables les demandes formées par le Comité professionnel des galeries d’art tant sur le fondement des articles L121-1 et L132-1 du code de la consommation que tendant à voir déclarer nulle la clause relative au droit de suite insérée dans les conditions générales des ventes intervenues les 27 et 28 mai 2008, 23, 24 et 25 février 2009, 27 mai 2008 et 8 décembre 2009 et tendant à voir interdire à la société Christie’s France cette pratique,
– déclaré mal fondée la demande en concurrence déloyale formée par le Comité professionnel des galeries d’art à l’encontre de la société Christie’s,
– dit que le Comité professionnel des galeries d’art ne rapporte pas la preuve de ce que la société Christie’s France serait en position dominante sur le marché de l’art français,
– débouté le Comité professionnel des galeries d’art de toutes ses demandes subséquentes notamment de production de pièces et de publication judiciaire,
– condamné le Comité professionnel des galeries d’art à verser à la société Christie’s la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 juillet 2013 ayant confirmé cette décision, condamné le Comité professionnel des galeries d’art à payer à la société Christie’s la somme de 15.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens ;
Vu l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 18 juin 2014 ayant cassé et annulé l’arrêt rendu le 3 juillet 2013 par la cour d’appel de Paris mais seulement en ce qu’il déclare irrecevable le Comité professionnel des galeries d’art tendant à voir déclarer nulle la clause relative au droit de suite insérée dans les conditions générales des ventes intervenues les 27 et 28 mai 2008, 23, 24 et 25 février 2009, 27 mai 2008 et 8 décembre 2009, remis en conséquence sur ce point la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles ;
Vu la déclaration du 16 septembre 2014 par laquelle le Comité professionnel des galeries d’art a saisi la cour d’appel de Versailles, cour de renvoi ;
Vu l’ordonnance d’incident rendue le 29 janvier 2015 le conseiller de la mise en état qui a :
– déclaré l’incident recevable,
– ordonné le sursis à statuer jusqu’à ce que la CJUE, saisie d’une question préjudicielle par un arrêt de la Cour de cassation du 22 janvier 2014, se soit prononcée,
– ordonné pour le cas où la CJUE estimerait que les Etats membres ont toute latitude pour décider qu’une dérogation conventionnelle est possible ou non, le sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour de cassation se soit prononcée sur l’interprétation à donner à l’article L122-8 du code de la propriété intellectuelle,
– ordonné le retrait de l’affaire du rôle général de la cour, à charge pour la partie la plus diligente de demander le rétablissement de l’affaire lorsque la cause du sursis à statuer aura cessé ;
Vu le rétablissement de l’affaire à la demande du Comité professionnel des galeries d’art le 7 janvier 2016 ;
Vu les dernières conclusions du 29 novembre 2016 par lesquelles le Comité professionnel des galeries d’art, appelant, demande à la cour de :
– le déclarer recevable à agir en nullité de l’article 4-b des conditions générales de vente de la société Christie’s France qui met le droit de suite à la charge de l’acquéreur,
– constater que le législateur a entendu conférer un caractère d’ordre public à l’alinéa 3 de l’article L122-8 du code de la propriété intellectuelle,
– annuler en conséquence l’article 4-b des conditions générales de vente de la société Christie’s France des ventes intervenues les 27 et 28 mai 2008, 23, 24 et 25 février 2009, 27 mai 2008 et 8 décembre 2009,
– faire interdiction à la société Christie’s France de prévoir dans ses conditions générales de vente ou tout autre document à destination des acheteurs que la charge du droit de suite incombe à l’acquéreur, sous astreinte de 10.000 euros par manquement constaté,
– condamner la société Christie’s France à lui payer la somme de 50.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions du 13 décembre 2016 par lesquelles la société Christie’s France, intimée, demande à la cour de :
Vu l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001,
Vu l’article L.122-8, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle,
– dire que l’aménagement contractuel de la société la société Christie’s France aux termes duquel l’acheteur d’une oeuvre est redevable d’une somme équivalente au droit de suite ne viole pas l’article L.122-8 du code de la propriété intellectuelle ;
En conséquence
– débouter le CPGA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner le CPGA à lui verser la somme de 50. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner le CPGA aux entiers dépens de l’instance, avec application de l’article 699 du code de procédure civile ;
FAITS ET PROCEDURE
Le Comité professionnel des galeries d’art fondé en 1947 et regroupant 240 galeries, est une association régie par la loi du 1er juillet 1901. Il a notamment pour objet de développer et sécuriser la profession et de défendre les intérêts de ses membres.
Il expose que conformément aux dispositions de l’article L122-8 du code de la propriété intellectuelle, les auteurs d’oeuvres originales bénéficient d’un droit de suite après la première cession opérée par eux, lorsque intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art. En conséquence l’antiquaire ou le galeriste, lorsqu’il achète un bien soumis au droit de suite, prélève sur le prix à verser au vendeur, la somme correspondant à ce droit, qu’en sa qualité de vendeur, il reverse à l’artiste ou à ses ayants droits.
Ayant été alerté par le fait que la société Christie’s France, filiale française de la multinationale Christie’s avait , à l’occasion de la vente “l’Art d’après-guerre et contemporain” prévue les 27 et 28 mai 2008, décidé de modifier ses conditions générales de vente en faisant supporter à l’acheteur le paiement du droit de suite, au moyen d’une clause 4-b, et ayant constaté que la société Christie’s avait persisté dans cette pratique, malgré ses protestations, notamment lors de la vente de la collection d’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé les 23, 24 et 25 février 2009 ainsi que lors de ventes postérieures en date des 27 mai 2009 et 1er et 8 décembre 2009, il a assigné celle-ci le 8 janvier 2010, afin de voir qualifier cette pratique de concurrence déloyale et illicite d’abus de position dominante et afin d’obtenir la nullité des stipulations contractuelles.
Le tribunal de grande instance de Paris a notamment considéré que la nullité invoquée était une nullité relative dont seul un co-contractant ou un auteur et ses ayants-droit pouvait se prévaloir et que le Comité professionnel des galeries d’art n’était pas recevable à agir en nullité de la clause litigieuse relative au droit de suite insérée dans les conditions générales de vente de la société Christie’s au motif qu’il ne représentait pas les intérêts des auteurs ou de leurs ayants-droit mais ceux des marchands d’art.
La cour d’appel a confirmé cette décision sur l’irrecevabilité à agir du Comité professionnel des galeries d’art au motif qu’il n’était pas contesté que les clauses litigieuses ne se trouvaient plus dans les conditions générales de vente de la société Christie’s qui les avait supprimées.
La Cour de cassation par l’arrêt susvisé a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Paris au visa de l’article 4 du code de procédure civile reprochant à la cour d’appel d’avoir ainsi statué en méconnaissant l’objet du litige et en violant ce texte alors que la société Christie’s avait seulement indiqué dans ses conclusions d’appel qu’elle avait décidé de suspendre le schéma contractuel que lui reproche le Comité professionnel des galeries d’art dans l’attente d’une décision définitive au fond.
L’affaire a été retirée du rang des affaires en cours, dans l’attente de la décision de la CJUE saisie dans une affaire similaire opposant le Syndicat national des antiquaires à la même la société Christie’s sur le même objet, d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de la règle édictée par l’article 1er § 4, de la directive 2001/84/CE du Parlement Européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une oeuvre d’art originale et sursis à statuer jusqu’à la réponse à la question posée à la Cour de justice de l’Union européenne.
La Cour de justice de l’Union européenne a rendu son arrêt le 26 février 2015 sur l’interprétation sollicitée de la directive européenne.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité de l’action du COMITÉ PROFESSIONNEL DES GALERIES D’ART
Considérant que la société Christie’s ne soutient plus l’irrecevabilité de l’action en nullité du Comité professionnel des galeries d’art ;
Qu’à toutes fins, l’objectif de la directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 à la lumière de laquelle l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi de transposition n°2006-961 du 1er août 2006, doit être interprété, est non seulement d’assurer la protection des auteurs, mais aussi de contribuer au bon fonctionnement du marché commun de l’art, sans entraves ni concurrence, par l’adoption d’un régime unifié du droit de suite entre Etats membres, tout opérateur, tiers au contrat litigieux, justifiant d’un intérêt légitime, est recevable à en invoquer la violation ;
Que le Comité professionnel des galeries d’art , qui regroupe des opérateurs dont les ventes sont soumises au droit de suite, prétendant que la clause litigieuse est nulle, comme violant les dispositions de l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle , a un intérêt légitime à agir en nullité de ladite clause ;
Qu’il doit être déclaré recevable en son action ;
Sur la validité ou la nullité de la clause 4-b des conditions générales de vente de la société Christie’s
Considérant que la clause litigieuse 4-b) des conditions générales de vente de la société Christie’s prévoit que “pour tout lot assujetti au droit de suite et désigné par le symbole correspondant à la lettre lambda au sein du catalogue, la société Christie’s percevra de la part de l’acheteur, pour le compte et au nom du vendeur, une somme équivalente au montant du droit de suite exigible, au taux applicable à la date de la vente. Christie’s reversera ensuite cette somme à l’organisme chargé de percevoir ce droit, ou le cas échéant, à l’artiste lui-même” ;
Considérant que le Comité professionnel des galeries d’art fait valoir qu’aux termes de l’arrêt de la CJUE du 26 février 2015 et de l’article 122-8 du code de la propriété intellectuelle, celui qui a la charge du droit de suite est bien celui qui doit en supporter le coût et qu’admettre une distinction entre la personne qui a la charge du droit de suite et la personne qui en supporte le coût définitif, aboutit purement et simplement à transférer la charge financière due par le vendeur à l’acquéreur ; qu’ il résulte clairement des débats parlementaires que le législateur français a entendu mettre le droit de suite à la charge du vendeur sans qu’il soit possible d’y déroger ; que par conséquent, la possibilité d’aménager contractuellement le paiement du droit de suite, autorisée par la CJUE, est sans effet au regard de la législation française dès lors que le législateur a exclu un tel aménagement en réaffirmant que le droit de suite est à la charge du vendeur ; que si le législateur a entendu apporter une certaine souplesse quant à la responsabilité du paiement du droit de suite, il n’a jamais entendu permettre de faire supporter à l’acheteur le droit de suite qui incombe au vendeur ;
Que celui qui a la charge du droit de suite est bien celui qui doit en supporter le coût ; qu’il résulte des débats parlementaires que le droit de suite s’analyse comme un prélèvement sur le prix de vente et admettre que le coût puisse en être supporté par l’acheteur détourne son fondement dès lors qu’il ne s’agit plus d’un prélèvement sur le prix de vente, lequel revient intégralement au vendeur, mais d’un prélèvement en sus du prix de vente ;
Qu’il conteste l’affirmation de la société Christie’s selon laquelle le droit français ne saurait être interprété de manière différente de la directive qu’il transpose, alors qu’il convient de rechercher l’intention du législateur à la lumière des travaux préparatoires, desquels il résulte clairement que le législateur a mis le droit de suite à la charge du vendeur, sans qu’il soit possible d’y déroger contractuellement ; qu’un amendement dit “[H]” visant à permettre le transfert du droit de suite à la charge de l’acheteur n’a pas été retenu par la commission mixte paritaire ; qu’une telle pratique est non seulement contraire à l’esprit du texte mais constitue un détournement de la loi ;
Que diverses associations regroupant des collectionneurs d’art considèrent tout comme lui, que le droit de suite a toujours été conçu en France comme devant être supporté par le vendeur ;
Que le fait qu’une proposition de loi ait été récemment déposée devant le Sénat visant à permettre par convention de mettre le paiement du droit de suite à la charge de l’acquéreur démontre que le droit positif ne le permet pas ;
Que la société Christie’s reconnaissait elle-même le caractère d’ordre public de l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle dont elle faisait état dans son pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 12 décembre 2012 ; que l’on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public ou les bonnes moeurs ;
Que la société Christie’s réplique que l’arrêt de la CJUE précise que la directive n’encadre pas l’identité de la personne supportant définitivement le coût du droit de suite ; que la CJUE en a logiquement conclu que rien ne s’oppose à un aménagement contractuel de la personne redevable de ce droit, désignée comme telle par la législation nationale avec toute autre personne, y compris l’acheteur, pour autant qu’un tel arrangement contractuel n’affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur ;
Que soutenant que la loi française transpose au mot près la directive européenne, il n’est pas sérieux d’alléguer qu’elle a entendu encadrer l’identité de la personne supportant définitivement le coût du droit de suite ; que l’aménagement contractuel qui lui est reproché, ne modifie en rien l’identité des personnes redevables du droit de suite à l’égard de l’auteur, qui reste le vendeur et le professionnel intervenant dans la vente ;
Que les stipulations contractuelles insérées dans ses conditions générales de vente, “n’emportent aucun transfert à l’acheteur de la charge du droit de suite” mais ont pour seul effet de faire supporter à celui-ci son coût définitif, sans affecter les obligations du vendeur ou les siennes à l’égard de l’auteur, la charge légale du droit de suite restant inchangée ;
Qu’en vertu de l’effet relatif des contrats l’aménagement contractuel n’a pas pour effet de rendre l’acquéreur responsable du paiement du droit de suite envers l’auteur ;
Que l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle n’impose pas que le coût définitif du droit de suite soit supporté par le vendeur dès lors qu’aucun ordre public ne justifie de porter atteinte au principe de liberté contractuelle s’agissant de la détermination de la personne devant supporter définitivement le coût du droit de suite ; que ce texte ne saurait interdire un aménagement contractuel autorisé par la directive qu’il transpose ;
****
Considérant que l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle prévoit au profit des auteurs d’oeuvres originales graphiques et plastiques ressortissant d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen, un droit de suite, qui est un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d’une oeuvre après la première cession opérée par l’auteur ou ses ayants droit, lorsqu’intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art ; que par dérogation, ce droit ne s’applique pas lorsque le vendeur a acquis l’oeuvre directement de l’auteur, moins de trois ans avant cette vente et que le prix de vente ne dépasse pas 10.000 euros ; que selon l’alinéa 3, le droit de suite est à la charge du vendeur et la responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et, si la cession s’opère entre deux professionnels, au vendeur ;
Que par arrêt du 26 février 2015 ( Christie’s France, C-41/14), la Cour de justice de l’Union européenne , en réponse à la question suivante :
– “la règle édictée par l’article 1er §4 de la Directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une oeuvre originale, qui met à la charge du vendeur le paiement du droit de suite, doit-elle être interprétée en ce sens que celui-ci en supporte définitivement le coût sans dérogation possible ‘”
a dit pour droit que “l’article 1er § 4 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la personne redevable du droit de suite, désignée comme telle par la législation nationale, que ce soit le vendeur ou un professionnel du marché de l’art intervenant dans la transaction, puisse conclure avec toute autre personne, y compris l’acheteur, que cette dernière supporte définitivement, en tout ou en partie, le coût du droit de suite, pour autant qu’un tel arrangement contractuel n’affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur” ;
Considérant qu’une directive ne lie les Etats que quant aux objectifs à atteindre et leur laisse le choix quant aux moyens d’y parvenir ; qu’elle n’emporte donc aucun effet direct dès lors qu’elle a été dûment transposée en droit interne ;
Qu’ainsi dans sa décision, la CJUE précise que les Etats membres de l’Union européenne sont responsables de ce que la redevance au titre du droit de suite doit être perçue et que cette responsabilité implique que ces Etats sont “les seuls à pouvoir déterminer dans le cadre défini par la directive 2001/84, la personne redevable, chargée du paiement de ladite redevance à l’auteur” ; que la directive énonce que la personne redevable est en principe le vendeur, mais son article 1er §4 combiné avec l’article 25 n’exclut pas que les Etats- membres peuvent prévoir des dérogations à ce principe, à condition de choisir la personne redevable parmi les professionnels visés à l’article 1er paragraphe 2 de cette directive, qui interviennent en tant que vendeurs, acheteurs ou intermédiaires dans les actes de revente relevant du champ d’application de la directive ; qu’en tout état de cause, elle ne se prononce pas sur l’identité de la personne qui doit supporter définitivement le coût du droit de suite, l’objectif poursuivi portant sur l’indication de la personne responsable du paiement de la redevance et sur les règles visant à établir le montant de cette dernière ;
Qu’il en résulte que les législations nationales sont souveraines pour déterminer à qui incombe la charge finale du coût de la redevance ;
Qu’en l’espèce, à l’occasion de la transposition de la directive de 2001 par la loi n°2006-961 du 1er août 2006, le législateur français a choisi de faire de l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle, un outil de régulation du marché français ; que si l’instauration d’un droit de suite existait en droit interne, depuis 1920 déjà à la charge du vendeur, les galeries d’art en étaient exemptées jusqu’à la promulgation de la loi susvisée ; que le législateur a clairement mis le droit de suite à la charge du vendeur et la responsabilité de son paiement, au professionnel de la vente, alors qu’il n’y était nullement contraint par la directive ; qu’il a fait ce choix pour assainir les règles de la concurrence sur le marché national ;
Que ce choix délibéré résulte clairement de l’examen des travaux parlementaires ; que selon le rapport de M. [W], au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat, “seul le vendeur subira une restriction dans l’exercice de l’abusus de son droit de propriété”, la personne responsable du paiement (le professionnel) “étant simplement chargée de prélever les fonds sur le prix de vente de l’oeuvre afin de les tenir à la disposition de l’auteur” ; que “le droit de suite est mis à la seule charge du vendeur” et que la simplicité de ce principe contribuera à établir des conditions de concurrence saines entre les principales places de marché au sein de l’Union ; que la faculté de prévoir des dérogations conventionnelles, bien qu’envisagée, a été écartée par le rejet, par la commission mixte paritaire, de l’amendement déposé par M. [H], visant à permettre des arrangements entre le vendeur et les professionnels participant à la vente, afin d’asseoir une meilleure position concurrentielle de la France, notamment à l’égard de Londres ;
Qu’enfin, une proposition de loi enregistrée à la Présidence du Sénat le 13 octobre 2016, tendant à encourager l’activité culturelle et artistique et à renforcer l’attractivité du marché de l’art, vise en son article 11, à compléter le troisième alinéa de l’article L122-8 du code de la propriété intellectuelle par la phrase suivante “par convention, le paiement du droit de suite peut être mis à la charge de l’acheteur”, ce dont il se déduit qu’en l’état actuel de la législation cet aménagement conventionnel n’est pas autorisé, la loi adoptée le 1er août 2006, revêtant un caractère impératif fondé sur un ordre public économique de direction ;
Que par conséquent, la clause des conditions générales de la société Christie’s visant à imputer la charge définitive du droit de suite à l’acheteur, est contraire aux dispositions impératives de l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle imposant que la charge en revienne exclusivement au vendeur et doit, comme telle, être déclarée nulle et de nul effet ;
Considérant que la société Christie’s sera condamnée à payer un euro à titre de dommages et intérêts au Comité professionnel des galeries d’art ;
Sur la demande tendant à l’interdiction d’insérer de telles clauses, sous astreinte
Considérant que le Comité professionnel des galeries d’art sollicite, afin de s’assurer de l’effectivité de la décision à intervenir, d’interdire à la société Christie’s France de reformuler de telles clauses à l’avenir dans ses conditions générales de vente ou dans tout document qui serait émis à destination des acheteurs potentiels ; qu’il expose que ces clauses illicites créent des distorsions dans le cadre des ventes volontaires d’objet d’art ; qu’elles impactent les galeries d’art puisque les vendeurs seront tentés de vendre par l’intermédiaire de la société Christie’s afin de ne pas supporter le droit de suite et que les galeries, en tant qu’acheteurs, seraient amenées à supporter un coût supplémentaire qu’elles ne supportaient pas jusqu’à présent ;
Mais considérant qu’il n’est pas contesté que la société Christie’s France, filiale française de la multinationale Christie’s dont la notoriété est incontestable, a suspendu l’insertion de la clause litigieuse jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue ;
Qu’eu égard à la teneur du présent arrêt, déclarant nulle la clause litigieuse, il n’est pas nécessaire de faire droit à la demande d’interdiction ; que la demande du Comité professionnel des galeries d’art est rejetée ;
Considérant que la société Christie’s , partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel ;
Considérant, vu l’article l’article 700 du code de procédure civile, la société Christie’s sera condamnée à payer au Comité professionnel des galeries d’art la somme de 10.000 euros ;