Oeuvres d’Art : 24 mars 2017 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/07800

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Oeuvres d’Art : 24 mars 2017 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/07800
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24 mars 2017
Cour d’appel de Versailles
RG n°
15/07800

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50A

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 MARS 2017

R.G. N° 15/07800

AFFAIRE :

Syndicat NATIONAL DES ANTIQUAIRES

C/

SNC CHRISTIE’S FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mai 2011 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

3ème chambre

2ème section

N° RG : 09/10883

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Pierre GUTTIN

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant après prorogation au 17 mars 2017 les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Syndicat NATIONAL DES ANTIQUAIRES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 – N° du dossier 15000374, et Me Brigitte VERGILINO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 03 juin 2015 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS (pôle 5, chambre 4) le 12 décembre 2012

****************

SNC CHRISTIE’S FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 1]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1555296, Me Didier THEOPHILE de l’AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Janvier 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, et Madame Anne LELIEVRE, conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

Vu le jugement rendu le 20 mai 2011 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

– déclaré irrecevable l’action en nullité du Syndicat national des antiquaires,

– rejeté les autres demandes du Syndicat national des antiquaires,

– condamné le Syndicat national des antiquaires à payer à la société Christie’s France la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Vu l’arrêt de la Cour d’appel de Paris rendu le 12 décembre 2012 qui a :

– infirmé le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

– déclaré recevable l’action du Syndicat national des antiquaires,

– déclaré nulle et de nul effet la clause 4-b figurant dans les conditions générales de vente de la société Christie’s France,

– condamné la société Christie’s France aux dépens de première instance et d’appel,

– condamné la société Christie’s France à payer au Syndicat national des antiquaires la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 3 juin 2015 ayant partiellement cassé l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, seulement en ce qu’il a déclaré nulle et de nul effet la clause 4-b figurant dans les conditions générales de vente de la société Christie’s France et qui a :

– remis en conséquence sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouveaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles,

– condamné le Syndicat national des antiquaires aux dépens ainsi qu’à payer à la société Christie’s France la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu la déclaration de saisine de cette cour le 2 novembre 2015 par le Syndicat national des antiquaires ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2016 par lesquelles, le SNA, appelant, demande à la cour de :

Vu l’article 122-8 du code de la propriété intellectuelle,

– constater la nullité de la clause 4-b figurant dans les conditions de vente de la société Christie’s France ayant pour objet de faire supporter à l’acheteur la charge du droit de suite,

– condamner la société Christie’s France à lui payer la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts,

– condamner la société Christie’s France à lui payer la somme de 10. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 04 juillet 2016 par lesquelles la société Christie’s France, intimée, demande à la cour de :

A titre principal,

– dire irrecevable l’action en nullité du Syndicat national des antiquaires,

– débouter le Syndicat national des antiquaires de sa demande de dommages-intérêts,

A titre subsidiaire,

– dire que l’aménagement contractuel de la société Christie’s France aux termes duquel l’acheteur d’une oeuvre est redevable d’une somme équivalente au droit de suite ne viole pas l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle,

En conséquence,

– débouter le Syndicat national des antiquaires de toutes ses demandes,

– condamner le Syndicat national des antiquaires à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

FAITS ET PROCEDURE

Le syndicat national des antiquaires négociants en objets d’art, tableaux modernes et anciens (le Syndicat) fondé en 1901, a pour objet la défense des intérêts économiques et commerciaux de la profession et réunit 400 antiquaires et galeristes proposant à la vente des tableaux de maîtres anciens ou modernes.

Il expose que conformément aux dispositions de l’article L122-8 du code de la propriété intellectuelle, les auteurs d’oeuvres originales bénéficient d’un droit de suite après la première cession opérée par eux, lorsque intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art. En conséquence l’antiquaire ou le galeriste, lorsqu’il achète un bien soumis au droit de suite, prélève sur le prix à verser au vendeur, la somme correspondant à ce droit, qu’en sa qualité de vendeur, il reverse à l’artiste ou à ses ayants droits.

Ayant appris que la société Christie’s France (la société Christie’s), société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, avait organisé les 23, 24 et 25 février 2009 la vente de la collection Yves Saint Laurent et Pierre Bergé en dérogeant à ces dispositions puisque, l’article 4-b de ses conditions générales de vente prévoyait que le montant du droit de suite serait supporté par l’acheteur et non par le vendeur, et qu’elle avait généralisé cette pratique aux ventes qu’elle avait organisées postérieurement, le Syndicat a, par acte du 3 juillet 2009, fait assigner la société Christie’s aux fins de voir qualifier cette pratique d’acte de concurrence déloyale et constater la nullité de la clause litigieuse en ce qu’elle serait contraire aux dispositions de l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle.

Le tribunal de grande instance de Paris, considérant que les clauses contraires à l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle, transposition en droit interne de la directive 2001/84 qui visait essentiellement à assurer aux auteurs une juste rétribution de leur art, ne relevaient pas du régime des nullités absolues mais relatives, en a déduit que le Syndicat était irrecevable à invoquer la nullité de la clause litigieuse.

L’arrêt partiellement cassé, a déclaré recevable l’action du Syndicat, en considérant que l’objectif de la directive susvisée et par suite de l’article L122-8 du code de la propriété intellectuelle n’était pas limité à la protection des auteurs mais était aussi de contribuer au bon fonctionnement du marché commun de l’art par l’adoption d’un régime unifié du droit de suite entre Etats-membres et que cet objectif relevait de l’ordre public économique, ce qui fondait l’ intérêt légitime du Syndicat à agir en nullité de la clause insérée par la société Christie’s dans ses conditions générales de vente et a retenu que cette clause devait être annulée, comme contraire au texte susvisé du code de la propriété intellectuelle, non susceptible d’aménagement conventionnel.

Par arrêt du 22 janvier 2014, la première chambre civile de la Cour de cassation, après avoir rejeté le premier moyen du pourvoi dirigé contre le chef de l’arrêt ayant déclaré recevable l’action du Syndicat, a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de la règle édictée par l’article 1er § 4, de la directive 2001/84/CE du Parlement Européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une oeuvre d’art originale et sursis à statuer jusqu’à la réponse à la question posée à la Cour de justice de l’Union européenne.

Suite à l’arrêt rendu le 26 février 2015 par la Cour de justice de l’Union européenne sur l’interprétation sollicitée de la directive européenne, la première chambre civile de la Cour de cassation a dit que la cour d’appel de Paris, pour déclarer nulle et de nul effet la clause 4-b des conditions générales de vente de la société Christie’s a énoncé que la loi nationale met clairement le paiement du droit de suite à la charge des vendeurs et “n’autorise aucune dérogation par voie conventionnelle, son imputation à l’acheteur contredisant l’objectif de suppression des distorsions de concurrence poursuivi par la directive” et que ce faisant, elle a violé l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité de l’action en nullité du Syndicat

Considérant que le moyen d’irrecevabilité tiré du défaut d’intérêt à agir du Syndicat a été rejeté par l’arrêt de la cour d’appel de Paris, définitif sur ce point ;

Considérant que la société Christie’s invoque un autre moyen d’irrecevabilité du syndicat en application du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui ; qu’elle soutient que devant la cour d’appel de Paris, le Syndicat fondait son action en nullité de la clause 4-b de ses conditions générales de vente sur la violation de la directive du 27 septembre 2001 et demandait à la cour d’appel de dire que son article 1§4 a posé le principe, auquel il ne saurait être dérogé, selon lequel le paiement du droit de suite est à la charge du vendeur et de dire en conséquence que la clause est nulle ; que le Syndicat demandait à titre subsidiaire de poser à la CJUE une question préjudicielle en interprétation de la directive ; que le Syndicat se contredit devant cette cour en disant que la Directive n’a aucune incidence dans le litige et que l’issue du litige serait désormais uniquement du ressort du droit français au motif que la loi française est souveraine, ce qui revient pour le Syndicat qui avait jusque là fondé sa demande sur la violation de la Directive, en écarte désormais les principes tel qu’interprétés par la CJUE ; que cette contradiction manifeste s’opère à son détriment, de sorte que l’action en nullité du Syndicat doit être déclarée irrecevable ;

Mais considérant que le Syndicat réplique à juste titre qu’il résulte de ses conclusions récapitulatives devant la cour d’appel de Paris qu’outre les dispositions de la directive européenne, il avait également fondé son action sur les dispositions de l’article L122-8 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle interprétées à la lumière des débats parlementaires et du rapport [I] ; qu’en effet il demandait, dans ses conclusions récapitulatives du 29 mai 2012, de dire que la clause litigieuse contrevient au même principe tel qu’il résulte de l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle qui a transposé l’article 1§ 4 de la directive ; que le Syndicat fait en outre référence en en-tête du dispositif de ses conclusions, tant à la Directive 2001/84/CE qu’à l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle ; qu’il s’en déduit qu’il ne peut être soutenu qu’il fondait son action exclusivement sur la violation de la directive ;

Que le moyen d’irrecevabilité de la société Christie’s doit être rejeté ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu’il a déclaré le Syndicat irrecevable à agir en nullité ;

Sur la validité ou la nullité de la clause 4-b des conditions générales de vente de la société Christie’s

Considérant que la clause litigieuse 4-b) des conditions générales de vente de la société Christie’s prévoit que “pour tout lot assujetti au droit de suite et désigné par le symbole correspondant à la lettre lambda au sein du catalogue, la société Christie’s percevra de la part de l’acheteur, pour le compte et au nom du vendeur, une somme équivalente au montant du droit de suite exigible, au taux applicable à la date de la vente. Christie’s reversera ensuite cette somme à l’organisme chargé de percevoir ce droit, ou le cas échéant, à l’artiste lui-même” ;

Considérant que le Syndicat fait valoir que l’interprétation par la CJUE de la directive 2001/84/CE selon laquelle celle-ci “ne s’oppose pas à ce que la personne redevable du droit de suite, désignée comme telle par la législation nationale, que ce soit le vendeur ou un professionnel du marché de l’art, intervenant dans la transaction, puisse conclure avec toute autre personne, y compris l’acheteur, que cette dernière supporte définitivement, en tout ou en partie, le coût du droit de suite, pour autant qu’un tel arrangement contractuel n’affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur” , ne contredit pas le fait que le législateur français, selon les termes des dispositions de l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle , a décidé que le droit de suite était à la charge du vendeur et n’a pas prévu que cette charge repose sur une personne autre ;

Qu’ est inopérante la démonstration de la société Christie’s visant à établir une distinction entre la personne qui a la charge du droit de suite et la personne qui en supporte le coût définitif, pour en conclure que sa pratique qui consiste à faire supporter le coût du droit de suite à l’acheteur ne modifie en rien le fait que le vendeur et la société Christie’s conservent respectivement la charge légale du droit de suite et la responsabilité de son paiement à l’égard de l’auteur ;

Que celui qui a la charge du droit de suite est bien celui qui doit en supporter le coût ; qu’il résulte des débats parlementaires que le droit de suite s’analyse comme un prélèvement sur le prix de vente et admettre que le coût puisse en être supporté par l’acheteur détourne son fondement dès lors qu’il ne s’agit plus d’un prélèvement sur le prix de vente, lequel revient intégralement au vendeur, mais d’un prélèvement en sus du prix de vente ;

Qu’il conteste l’affirmation de la société Christie’s selon laquelle le droit français ne saurait être interprété de manière différente de la directive qu’il transpose, alors qu’il convient de rechercher l’intention du législateur à la lumière des travaux préparatoires, desquels il résulte clairement que le législateur a mis le droit de suite à la charge du vendeur, sans qu’il soit possible d’y déroger contractuellement ; qu’un amendement dit “Gaillard” visant à permettre le transfert du droit de suite à la charge de l’acheteur n’a pas été retenu par la commission mixte paritaire ; qu’une telle pratique est non seulement contraire à l’esprit du texte mais constitue un détournement de la loi, ce qui résulte aussi d’un courrier de la Direction des affaires civiles et du sceau, adressé le 10 juin 2008 au Président du comité des galeries d’art ;

Que le Syndicat rappelle que la loi française qui transpose les dispositions d’une directive, de façon conforme aux objectifs à atteindre est souveraine sur les moyens pour y parvenir ;

Que par conséquent l’arrêt interprétatif de la CJUE ne peut avoir pour effet d’imposer une dérogation à une disposition législative nationale conforme aux objectifs de la directive ;

Que la société Christie’s réplique que l’arrêt de la CJUE précise que la directive n’encadre pas l’identité de la personne supportant définitivement le coût du droit de suite ; que la CJUE en a logiquement conclu que rien ne s’oppose à un aménagement contractuel de la personne redevable de ce droit, désignée comme telle par la législation nationale avec toute autre personne, y compris l’acheteur, pour autant qu’un tel arrangement contractuel n’affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur ;

Que soutenant que la loi française transpose au mot près la directive européenne, il n’est pas sérieux d’alléguer qu’elle a entendu encadrer l’identité de la personne supportant définitivement le coût du droit de suite ; que l’aménagement contractuel qui lui est reproché, ne modifie en rien l’identité des personnes redevables du droit de suite à l’égard de l’auteur, qui reste le vendeur et le professionnel intervenant dans la vente ;

Que les stipulations contractuelles insérées dans ses conditions générales de vente, “n’emportent aucun transfert à l’acheteur de la charge du droit de suite” mais ont pour seul effet de faire supporter à celui-ci son coût définitif, sans affecter les obligations du vendeur ou les siennes à l’égard de l’auteur, la charge légale du droit de suite restant inchangée ;

Qu’en vertu de l’effet relatif des contrats l’aménagement contractuel n’a pas pour effet de rendre l’acquéreur responsable du paiement du droit de suite envers l’auteur ;

Que l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle n’impose pas que le coût définitif du droit de suite soit supporté par le vendeur dès lors qu’aucun ordre public ne justifie de porter atteinte au principe de liberté contractuelle s’agissant de la détermination de la personne devant supporter définitivement le coût du droit de suite ; que ce texte ne saurait interdire un aménagement contractuel autorisé par la directive qu’il transpose ;

****

Considérant que l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle prévoit au profit des auteurs d’oeuvres originales graphiques et plastiques ressortissant d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen, un droit de suite, qui est un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d’une oeuvre après la première cession opérée par l’auteur ou ses ayants droit, lorsqu’intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art ; que par dérogation, ce droit ne s’applique pas lorsque le vendeur a acquis l’oeuvre directement de l’auteur, moins de trois ans avant cette vente et que le prix de vente ne dépasse pas 10.000 euros ; que selon l’alinéa 3, le droit de suite est à la charge du vendeur et la responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et, si la cession s’opère entre deux professionnels, au vendeur ;

Que par arrêt du 26 février 2015 ( Christie’s France, C-41/14), la Cour de justice de l’Union européenne, en réponse à la question suivante :

– “la règle édictée par l’article 1er §4 de la Directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une oeuvre originale, qui met à la charge du vendeur le paiement du droit de suite, doit-elle être interprétée en ce sens que celui-ci en supporte définitivement le coût sans dérogation possible ‘”

a dit pour droit que “l’article 1er § 4 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la personne redevable du droit de suite, désignée comme telle par la législation nationale, que ce soit le vendeur ou un professionnel du marché de l’art intervenant dans la transaction, puisse conclure avec toute autre personne, y compris l’acheteur, que cette dernière supporte définitivement, en tout ou en partie, le coût du droit de suite, pour autant qu’un tel arrangement contractuel n’affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur” ;

Considérant qu’une directive ne lie les Etats que quant aux objectifs à atteindre et leur laisse le choix quant aux moyens d’y parvenir ; qu’elle n’emporte donc aucun effet direct dès lors qu’elle a été dûment transposée en droit interne ;

Qu’ainsi dans sa décision, la CJUE précise que les Etats membres de l’Union européenne sont responsables de ce que la redevance au titre du droit de suite doit être perçue et que cette responsabilité implique que ces Etats sont “les seuls à pouvoir déterminer dans le cadre défini par la directive 2001/84, la personne redevable, chargée du paiement de ladite redevance à l’auteur” ; que la directive énonce que la personne redevable est en principe le vendeur, mais son article 1er §4 combiné avec l’article 25 n’exclut pas que les Etats- membres peuvent prévoir des dérogations à ce principe, à condition de choisir la personne redevable parmi les professionnels visés à l’article 1er paragraphe 2 de cette directive, qui interviennent en tant que vendeurs, acheteurs ou intermédiaires dans les actes de revente relevant du champ d’application de la directive ; qu’en tout état de cause, elle ne se prononce pas sur l’identité de la personne qui doit supporter définitivement le coût du droit de suite, l’objectif poursuivi portant sur l’indication de la personne responsable du paiement de la redevance et sur les règles visant à établir le montant de cette dernière ;

Qu’il en résulte que les législations nationales sont souveraines pour déterminer à qui incombe la charge finale du coût de la redevance ;

Qu’en l’espèce, à l’occasion de la transposition de la directive de 2001 par la loi n°2006-961 du 1er août 2006, le législateur français a choisi de faire de l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle, un outil de régulation du marché français ; que si l’instauration d’un droit de suite existait en droit interne, depuis 1920 déjà à la charge du vendeur, les galeries d’art en étaient exemptées jusqu’à la promulgation de la loi susvisée ; que le législateur a clairement mis le droit de suite à la charge du vendeur et la responsabilité de son paiement, au professionnel de la vente, alors qu’il n’y était nullement contraint par la directive ; qu’il a fait ce choix pour assainir les règles de la concurrence sur le marché national ;

Que ce choix délibéré résulte clairement de l’examen des travaux parlementaires ; que selon le rapport de M. [I], au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat, “seul le vendeur subira une restriction dans l’exercice de l’abusus de son droit de propriété”, la personne responsable du paiement (le professionnel) “étant simplement chargée de prélever les fonds sur le prix de vente de l’oeuvre afin de les tenir à la disposition de l’auteur” ; que “le droit de suite est mis à la seule charge du vendeur” et que la simplicité de ce principe contribuera à établir des conditions de concurrence saines entre les principales places de marché au sein de l’Union ; que la faculté de prévoir des dérogations conventionnelles, bien qu’envisagée, a été écartée par le rejet, par la commission mixte paritaire, de l’amendement déposé par M. Gaillard, visant à permettre des arrangements entre le vendeur et les professionnels participant à la vente, afin d’asseoir une meilleure position concurrentielle de la France, notamment à l’égard de Londres ;

Qu’enfin, une proposition de loi enregistrée à la Présidence du Sénat le 13 octobre 2016, tendant à encourager l’activité culturelle et artistique et à renforcer l’attractivité du marché de l’art, vise en son article 11, à compléter le troisième alinéa de l’article L122-8 du code de la propriété intellectuelle par la phrase suivante “par convention, le paiement du droit de suite peut être mis à la charge de l’acheteur”, ce dont il se déduit qu’en l’état actuel de la législation cet aménagement conventionnel n’est pas autorisé, la loi adoptée le 1er août 2006, revêtant un caractère impératif fondé sur un ordre public économique de direction ;

Que par conséquent, la clause des conditions générales de la société Christie’s visant à imputer la charge définitive du droit de suite à l’acheteur, est contraire aux dispositions impératives de l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle imposant que la charge en revienne exclusivement au vendeur et doit, comme telle, être déclarée nulle et de nul effet ;

Considérant que la société Christie’s sera condamnée à payer un euro à titre de dommages et intérêts au Syndicat ;

Considérant que la société Christie’s, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel ;

Considérant, vu l’article l’article 700 du code de procédure civile, la société Christie’s sera condamnée à payer au Syndicat national des antiquaires la somme de 10.000 euros ;

 


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