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18 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n°
19-10.241
CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 mars 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10160 F
Pourvoi n° Z 19-10.241
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2020
M. S… N…, domicilié […] ), a formé le pourvoi n° Z 19-10.241 contre l’arrêt rendu le 6 novembre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l’opposant à l’Agent judiciaire de l’État, domicilié […] , défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. N…, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l’Agent judiciaire de l’État, après débats en l’audience publique du 11 février 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. N… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. N….
M. N… fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR limité à la somme de 300 000 € l’indemnisation de son préjudice matériel et à celle de 20 000 € l’indemnisation de son préjudice moral pour la destruction de l’oeuvre intitulée « […] » ;
AUX MOTIFS QUE « M. N… a payé l’intégralité de la somme due à M. E…, de sorte que, conformément aux dispositions du protocole d’accord signé entre eux le 16 juillet 1998, il est bien devenu, le 9 juillet 1998, le propriétaire de l’oeuvre “la Colombe volante” ; qu’en effet, le 29 avril 1997, il avait adressé à M. E… un chèque bancaire n°[…]6, d’un montant de 50 000 USD, encaissé par M. E… le 15 mai 1997; que le 7 mars 1998, il lui avait envoyé un nouveau chèque bancaire n°[…]2 d’un montant de 60 000 USD ; que l’erreur matérielle sur la date du chèque, mentionnant le 7 mars 1997, a été corrigée immédiatement par M. N… auprès de sa banque ; que ce chèque a été encaissé par M. E… le 25 mars 1998 ; que le 9 juillet 1998, M. N… a adressé à M. E… un dernier chèque bancaire, d’un montant de 100 000 USD, encaissé et débité le 9 juillet 1998 ; qu’aux termes de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, tout usager du service public peut engager la responsabilité de l’Etat, qui est tenu de réparer le dommage résultant de son fonctionnement défectueux ; que la faute lourde du service de la justice permet de retenir cette responsabilité, toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi étant de nature à caractériser cette faute lourde ; que l’oeuvre a fait l’objet d’un scellé judiciaire à destination du greffe du tribunal de grande instance de Paris le 4 février 1997 dans le cadre d’une saisie-contrefaçon effectuée à la diligence des ayants droit de A…, avant de faire l’objet d’un classement sans suite par le parquet le 27 février suivant ; qu’elle a cependant été conservée par le service public de la justice après que les ayants droit de A… aient déposé plainte avec constitution de partie civile, à la demande du juge d’instruction pour les besoins de l’information ; que M. N…, devenu propriétaire de cette oeuvre, toujours conservée par le service public de la justice, dont il a demandé la restitution à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il finisse par apprendre que celle-ci avait été détruite, doit être regardé comme manifestement intéressé à la procédure et par conséquent comme un usager de la justice ; qu’il ne peut être reproché à M. N… de n’avoir pas exercé les droits de recours contre la saisie-attribution dès lors, que comme l’observe le ministère publie, l’avis en date du 4 mars 2017 sur le classement sans suite de la procédure de saisie-attribution n’était pas renseigné, de sorte que le propriétaire d’alors, M. E… n’a pu être averti de cette décision, en contravention avec les dispositions L 68 et suivants du code du domaine de l’Etat; que cette omission du parquet de Paris a ainsi privé tant M. E… que M. N… de l’exercice des voies de recours auxquelles se réfère l’agent judiciaire de l’Etat ; que, sans qu’il soit nécessaire de reconstituer précisément le mécanisme qui a conduit à la disparition de l’oeuvre par destruction, il est constant que l’oeuvre conservée sous main de justice n’a pu être représentée à son propriétaire, alors que, par arrêt du 30 janvier 2003, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris avait confirmé la décision du 17 mars 2002 du juge d’instruction qui avait rendu une ordonnance de non-lieu, précisant expressément, refusant en cela de faire droit à la demande des ayants droit de A…, qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner la destruction de l’oeuvre, ce dont il se déduisait qu’elle devait être remise à son propriétaire ; que la destruction d’un objet placé sous main de justice par le service public de la justice en infraction à une décision judiciaire, constitue une faute lourde puisque ledit service public a fait preuve d’inaptitude dans l’exécution de sa mission ; que s’agissant du préjudice subi par M. N…, celui-ci réclame la valeur à dire d’expert de cette oeuvre considérée comme authentique ; que le juge d’instruction dans son ordonnance de non lieu confirmée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel a indiqué que : “Il apparaissait qu’L… A… avait été amené à travailler à compter des années 50 avec des artisans verriers italiens de la région de Murano et plus particulièrement K… F… ; que ces derniers produisaient matériellement des oeuvres en verre à partir d’indications fournies par l’artiste ; que par lettre du 24 avril 1953, K… F… lui proposait de réaliser une colombe volante en verre ; que, le 12 mai suivant, A… acquiesçait au projet dans son principe ; qu’il en esquissait à cette occasion les principaux traits ; que l’idée de réaliser une colombe ne semblait naître qu’à compter de l’année 1953 ; que dès lors des doutes existaient quant à la date de réalisation de l’oeuvre détenue par S… N… puisque l’anneau auquel elle était attachée indiquait 1952 comme année de création ; que S… N… se prévalait en outre d’une photo représentant une colombe volante et publiée dans le catalogue d’une exposition organisée en 1955 ; que la note correspondante précisait que l’oeuvre avait été faite par I… X…, artisan-verrier auquel K… F… sous-traitait parfois la réalisation de sculptures et d’après un dessin d’L… A… ; que cette publication témoignait, selon lui de l’authenticité de l’oeuvre qu’il possédait ; qu’il apparaissait toutefois de façon évidente que ces deux colombes présentaient de nombreuses différences physiques, visibles à l’oeil nu ; qu’en aucun cas, S… N… ne possédait ainsi la colombe publiée dans ce catalogue ; que dès lors, soit A… avait autorisé la réalisation de plusieurs colombes, celle possédée par S… N… aurait pu lui être attribuée, soit l’artiste n’avait donné son accord que pour une seule oeuvre, à savoir celle présentée lors de l’exposition de 1955, S… N… possédant alors une contrefaçon ; que l’enquête ne permettait pas de trancher définitivement cette question ; qu’on savait de façon certaine qu’L… A… avait permis la réalisation d’une colombe ; qu’il s’agissait de celle présentée lors de son exposition en 1955 ; que l’artiste en avait d’ailleurs donné une photographie aux Archives de l’Art Américain du Smithsonian Institute ; qu’il n’était en revanche pas possible de déterminer si sa collaboration avec les artisans italiens avaient porté sur d’autres colombes ; que les héritiers d’L… A… et S… N… s’opposaient sur le sujet, les premiers assurant qu’une seule et unique colombe avait été produite, le second soutenant qu’au moins deux oeuvres avaient été créées sur ce thème, que l’insuffisance des éléments produits par les parties ne permettait toutefois pas de trancher dans un sens ou dans un autre, d’autant qu’aucune d’entre-elles ne parvenait à renverser dans leur totalité les arguments de la partie adverse ; qu’aucun document n’était trouvé témoignant de la collaboration entre L… A… et I… X… ; que son fils, P… X…, attestait toutefois, après quelques hésitations, de l’authenticité de l’oeuvre possédée par S… N… ; que cet élément permettait donc de douter du caractère contrefaisant de l’oeuvre ; qu’il ne suffisait pas, en revanche, à emporter la conviction, P… X… n’ayant produit son attestation qu’à partir d’un fax et d’une photo et non pas l’original de l’oeuvre ; que finalement si des doutes existent quant au caractère contrefaisant de l’oeuvre, aucun élément ne permet d’établir ce fait de façon certaine ; qu’une expertise n’aurait à cet égard été d’aucun secours, l’intervention de l’artiste n’ayant été qu’intellectuelle et non pas matérielle” ; que l’information suivie n’a pas permis de prouver que l’oeuvre était contrefaisante ; qu’il ne peut en être déduit pour autant que l’oeuvre est authentique en raison des doutes qui subsistent résultant des éléments objectifs rapportés dans l’ordonnance du juge d’instruction ; que l’existence de doutes pèse sur la valeur de l’oeuvre ; qu’en conséquence, le seul préjudice certain en relation de causalité directe avec la disparition de l’oeuvre, consiste en la perte de la somme de 220 000 USD que M. N… a versée à M. E… en 1997 et 1998 pour lui racheter l’oeuvre en cause, réévalué au jour où la cour statue, ainsi qu’ en un préjudice moral tenant à la perte d’une oeuvre d’art susceptible d’avoir été créée sur les indications de l’artiste A…, sans qu’il en ait eu pour autant la certitude absolue puisqu’il a préféré racheter l’oeuvre précédemment vendue à M. E… quand le comité A… a affirmé que l’oeuvre n’était pas authentique ; qu’il doit être également tenu compte pour l’évaluation de son préjudice du temps écoulé depuis ce paiement qui remonte à une vingtaine d’années » ;
1°) ALORS QU’après avoir retenu qu’il n’était pas établi que la sculpture intitulée « […] » était contrefaisante, la cour d’appel ne pouvait refuser d’en indemniser la perte en contemplation de sa valeur d’oeuvre authentique, sans violer l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire et le principe de la réparation intégrale ;
2°) ALORS QUE sans le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue une atteinte excessive au droit de propriété ; qu’après avoir retenu que la sculpture n’était pas contrefaisante, la cour d’appel ne pouvait, sauf à faire peser sur M. N… une charge excessive et à violer ainsi l’article 1er du protocole n° 1 additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, refuser de l’indemniser à hauteur de la valeur de l’oeuvre considérée comme authentique ;
3°) ALORS, à tout le moins, QUE le juge doit trancher les contestations élevées devant lui ; que la cour d’appel, à qui il appartenait de trancher la question l’authenticité de l’oeuvre, ne pouvait, sans violer l’article 4 du code civil, se retrancher derrière les doutes qui existaient sur ce point pour dénier à la sculpture litigieuse tout à la fois un caractère contrefaisant et un caractère authentique ;
4°) ALORS, en toute hypothèse, QU’en se bornant à se référer aux termes de l’ordonnance de non-lieu du 17 mars 2002, sans examiner ni a fortiori analyser, fût-ce sommairement, les lettres de The […] Gallery des 23 juin 1989 et 7 mars 1997 et la lettre de R… Perls du 7 février 1989, régulièrement versées aux débats par M. N… (pièces n° 3, 24, et 25) et qui confirmaient l’authenticité de l’oeuvre, pièces, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme.