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25 mai 2020
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/03307
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 10
ARRÊT DU 25 MAI 2020
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/03307 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7JJ7
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 12 décembre 2018 emportant cassation partielle d’un arrêt rendu par le cour d’appel de Paris (Pôle 5 chambre 5), le 14, septembre 2017, RG : 15/19950, sur un appel d’un jugement rendu le 17 juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Paris, sous le n° RG : 12/13700.
DEMANDEURS-ESSES A LA SAISINE
Monsieur [P] [A] [U] [S]
Domicilié [Adresse 2]
[Localité 2]
né le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 4]
Madame [N] [V] [T] EPOUSE [S]
[Adresse 2]
[Localité 2]
née le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 3] (62)
Représenté par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Représenté par Me René DESPIEGHELAERE, avocat au barreau de LILLE, toque : 287, substitué par Me Thibaut FRANCESCHINI, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDERESSE A LA SAISINE
SAS FRANCAISE AM FINANCE SERVICE
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 326 817467
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Représentée par Me Guillaume HENRY de l’AARPI SZLEPER HENRY Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : R017
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 1037-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Février 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Edouard LOOS, Président chargé du rapport, et Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Conseiller
Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller
Monsieur François THOMAS, Conseiller appelé d’une autre chambre afin de compléter la cour en application de l’article R.312-3 du code de l’organisation judiciaire, qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur [O] [M] dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. et Mme [S] ont fait l’acquisition en 1986 d’une oeuvre intitulée ‘Etude pour le poisson volant,1954″ attribuée au peintre [Z] [Q] et authentifiée par M. [R], membre de la chambre syndicale des experts professionnels. Ayant découvert en 2012 que l’oeuvre n’était pas authentique, il ont fait assigner en résolution de la vente et en payement de dommages-intérêts la société Française AM ayant agi pour le compte du vendeur lors de la cession, laquelle a appelé M. [R] en garantie. La société La Française AM Finance et la Fédération des caisses de crédit mutuel d’Ile de France étaient également dans la cause .
Vu le jugement prononcé le 17 juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Paris qui a:
– dit que les demandes formées par M. [P] [S] et Mme [N] [T] épouse [S] étaient recevables,
– mis hors de cause les sociétés La Française AM et la Fédération des caisses de crédit mutuel d’Ile de France,
– débouté M. et Mme [S] de leurs demandes dirigées contre la société CA Consumer finance,
– condamné la société La Française AM finance services à payer à M. et Mme [S] la somme de 69.486,26 euros avec intérêts de retard au taux légal à compter du 19 septembre 2012,
– dit qu’en application de l’article 1154 du code civil les intérêts de retard dus pour une année entière à compter du 19 septembre 2012 pourront être capitalisés,
– débouté M. et Mme [S] de leur demande en payement d’une somme de 20.000 euros de dommages-intérêts,
– dit que l’action en garantie de la société La Française AM finance services contre M. [W] [R] était recevable,
– condamné M. [R] à garantir la société La Française AM finance services de la condamnation prononcée ci-dessus en principal et intérêts au profit de M. et Mme [S],
– condamné in solidum la société La Française AM finance services et M. [R] à payer à M. et Mme [S] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toutes les autres demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société La Française AM finance services et M. [R] aux dépens,
– ordonné l’exécution provisoire,
– rejeté toute autre demande des parties.
Vu l’appel de M. et Mme [S],
Vu l’arrêt prononcé le 14 septembre 2017 par la cour d’appel de Paris qui a:
– déclaré la demande d’indemnisation des consorts [S] recevable,
– confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– condamné M. et Mme [S] aux entiers dépens.
Vu l’arrêt prononcé le 12 décembre 2018 par la Cour de cassation qui a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande de M. et Mme [S] tendant à la condamnation de la société La Française AM finance services à leur verser la somme de 203.596 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 14 septembre 2017, a condamné la société La Française AM finance services aux dépens et à payer à M. et Mme [S] la somme globale de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejetant sa demande formée du même chef.
Vu la déclaration de saisine du 11 février 2019 de M. et Mme [S],
Vu les conclusions du 24 octobre 2019 de M. et Mme [S],
Vu les conclusions du 6 novembre 2019 de la société La Française AM finance services.
M. et Mme [S] demandent à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondé leur appel limité au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile,
– fixer et de condamner au payement la société La Française AM finance services au montant du préjudice subi fixé à 203.596 euros outre la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.
La société La Française AM finance services demande à la cour, au visa des articles 1109 et suivants, 1231-1 et 1240 du code civil, de :
– confirmer le jugement du 17 juillet 2015 en ce qu’il a débouté les consorts [S] de leur demande de dommages-intérêts,
-condamner les consorts [S] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
M. et Mme [S] critiquent le jugement en ce qu’il a rejeté leur demande d’indemnisation de leur préjudice hormis par l’allocation d’intérêts sur la somme en principal sans tenir compte de l’esprit et de la finalité de leur investissement initial. Ils affirment s’être portés acquéreurs de l’oeuvre litigieuse attribuée à [Z] [Q] pour ‘allier l’esthétique à la finance’, et que la banque auprès de laquelle ils ont acquis cette oeuvre l’a cédée dans le prolongement de ses activités habituelles que sont l’investissement et le placement. Ils définissent leur préjudice comme la perte d’une plus-value nécessairement importante qu’ils auraient pu obtenir si la banque avait observé son devoir de conseil et d’information.
La société La Française AM finance services objecte que le prétendu préjudice des appelants lié à l’impossibilité de disposer de leur capital a déjà été réparé par le tribunal par le taux d’intérêt légal qui a pour objet de compenser l’immobilisation d’un capital et qu’ils n’ont pas été privés d’intérêts de 1986 à 2012 dès lors que le préjudice ne pouvait exister avant le 19 septembre 2012, date de l’assignation, les époux [S] ayant antérieurement à cette date conservé l’oeuvre sans entendre la revendre. Elle conteste par ailleurs leur méthode de calcul aboutissant à un montant de 203.596 euros alors qu’un investissement hautement spéculatif sur le marché de l’art ne peut être comparé à un placement financier classique comme un compte PEP Liberté Crédit mutuel cité par eux.
Ceci étant exposé, la société AM finance services n’a pas contesté en appel sa condamnation, dont elle a été garantie par l’expert [R], à restituer à M. et Mme [S] le prix de vente de l’oeuvre litigieuse, soit la somme de 69.486,26 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2012, date de la demande. Elle a, comme l’a jugé le tribunal, assumé les responsabilités du vendeur dont elle n’a pas révélé l’identité. A ce titre, elle doit répondre des fautes commises par l’expert qu’elle a sollicité pour certifier l’authenticité de l’oeuvre sans qu’il y ait lieu de rechercher si elle a commis une faute distincte de celle de l’expert. C’est donc à tort que les premiers juges ont débouté M. et Mme [S] de leur demande de dommages-intérêts au motif qu’ils ne démontraient pas que la société Union française de gestion, aux droits de laquelle se trouve la société La Française AM finance services, avait connaissance, lors de la vente, du défaut d’authenticité de l’oeuvre et qu’ils ne rapportaient pas la preuve en conséquence que cette société avait commis une faute et que cette faute était en lien de causalité avec un préjudice financier évalué par eux devant le tribunal à 20.000 euros et qu’ils chiffrent aujourd’hui à 203.596 euros.
M. et Mme [S] font valoir que leur préjudice trouve son fondement dans l’impossibilité d’avoir pu disposer de leur capital pour l’investir dans un placement rémunérateur. Cependant, ils affirment avoir voulu, sans être démentis par la société La Française AM finance services, ‘allier l’esthétique à la finance’ ce dont il se déduit qu’ils ont fait d’acquérir une oeuvre d’art dans une perspective d’investissement . La société intimée soutient que même s’il s’était agi de la gouache authentique de [Z] [Q] intitulée ‘Etude pour le poisson volant’ de 1954, la vente de cette oeuvre n’aurait procuré aucune plus-value puisque celle-ci avait été estimée à l’occasion d’une vente aux enchères organisée en 2002 par la maison Sotheby’s entre 50.000 et 70.000 euros et n’avait pas été vendue. Mais le défaut d’acquéreur lors d’une vente déterminée ne permet pas de préjuger d’une vente ultérieure. La faute de l’expert dont répond aujourd’hui la société La Française AM finance services a entraîné la disparition de l’éventualité d’une plus-value que M. et Mme [S] auraient pu réaliser en 2012 lors de la revente de l’oeuvre, quelle qu’elle soit, acquise en 1986 si celle-ci avait été authentique. Cette perte de chance sera réparée par l’allocation de la somme de 5000 euros.
Il convient d’accorder aux appelants la somme de 4000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d’appel, la demande formée du même chef par la société intimée étant rejetée.