Oeuvres d’Art : 7 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00340

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Oeuvres d’Art : 7 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00340
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7 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/00340

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 7 JUIN 2022

(n° / 2022, 20 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00340 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBG3W

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018024751

APPELANTS

Monsieur [C] [L]

Né le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 11] (63)

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 7]

Monsieur [X] [D]

Né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 15] (89)

Demeurant [Adresse 6]

[Localité 9]

Représentés par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018,

Assistés de Me Arnaud LACROIX DE CARIÈS DE SENILHES de la SCP JEANTET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2338,

INTIMÉS

SCP BTSG, en qualité de liquidateur judiciaire de la société NEMOS TECHNOLOGY, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 479 263 972,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 434 122 511,

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 10]

Représentée et assistée de Me Stéphane CATHELY de l’AARPI AARPI CATHELY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0986,

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 5]

[Localité 8]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mai 2021, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Anne-Sophie TEXIER dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTÈRE PUBLIC : L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis écrit le 8 avril 2020, et ses observations orales lors de l’audience.

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

La SARL Nemos Technology, constituée le 11 octobre 2004, avait essentiellement pour objet la fourniture d’une assistance technique en matière de sûreté et de qualité sur des sites sensibles.

Son capital a été détenu :

– entre le 11 octobre 2004 et le 14 août 2008, à parts égales, par M. [L] et un autre associé fondateur ;

– entre le 14 août 2008 et le 21 avril 2009, par M. [L] ;

– entre le 21 avril 2009 et le 15 décembre 2010, par M. [L] (90 % des parts) et M. [T] (10 % des parts) ;

– entre le 15 décembre 2010 et le 31 décembre 2012, par la SARL Exus Group, société gérée par M. [L] à laquelle ce dernier et M. [T] avaient apporté leurs parts ;

– entre les 31 décembre 2012 et 2014, à la suite de l’absorption de la SARL Exus Group par sa filiale Ittaka, par cette dernière ;

– à compter du 31 décembre 2014, par la société Merriwand Limited, à laquelle la société Ittaka avait cédé ses parts.

M. [L] a été gérant de la société Nemos Technology de la constitution de cette société jusqu’au 30 novembre 2011 puis à compter du 14 décembre 2012. Entre le 30 novembre 2011 et le 14 décembre 2012, la gérance a été exercée par M. [D].

Du 2 décembre 2013 au 21 juillet 2014, la société Nemos Technology a fait l’objet d’une vérification de comptabilité relative à la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Par lettre datée du 31 juillet 2014, l’administration fiscale a adressé à la société Nemos Technology une proposition de rectification concernant les exercices clos les 31 décembre 2011 et 2012 retenant, notamment, des rappels de TVA et l’application de pénalités de 40 % pour manquement délibéré. Ces rappels et pénalités ont été mis en recouvrement par un avis daté du 15 juin 2015.

Sur déclaration déposée le 15 avril 2015, la SARL Nemos technology a été mise en liquidation judiciaire le 28 avril 2015, la cessation des paiements étant fixée au 1er janvier 2015 et la SCP BSTG désignée liquidateur.

Les 19 et 20 avril 2018, le liquidateur a assigné MM. [L] et [D], en tant que dirigeants successifs de la société Nemos Technology, en responsabilité pour insuffisance d’actif et prononcé d’une sanction personnelle, en leur imputant :

– des fautes de gestion tenant à la poursuite d’une activité déficitaire au moyen du non-paiement des dettes sociales et fiscales et à la tenue d’une comptabilité irrégulière ainsi que, s’agissant de M. [L] seulement, à l’absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal et à des détournements d’actif ou à des paiements préférentiels effectués au profit de la société Ittaka ;

– des comportements passibles d’une faillite personnelle ou d’une interdiction de gérer consistant à avoir tenu une comptabilité irrégulière (C. com., art. L. 653-5, 6°) et, concernant M. [L] seulement, à avoir omis de déclarer la cessation de paiements dans le délai légal (C. Com., art. L. 653-8), détourné des actifs (C. Com., art. L. 653-4, 3° et 5°) et payé ou fait payer un créancier au préjudice des autres pendant la période suspecte (C. Com., art. L. 653-5, 4°).

Par jugement du 10 décembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

– prononcé une interdiction de gérer de 7 ans à l’encontre de M. [L] et de 2 ans à l’encontre de M. [D],

– condamné solidairement MM. [L] et [D], à payer à la SCP BTSG la somme de 154 603 euros,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné solidairement MM. [L] et [D] à payer à la SCP BTSG la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement MM. [L] et [D] à supporter les dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a, concernant les sanctions personnelles, retenu les griefs « d’aggravation frauduleuse avérée du passif » et de tenue d’une comptabilité irrégulière à l’encontre des deux dirigeants et celui de défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal à l’encontre de M. [L] tout en relevant que cette dernière carence n’avait pas aggravé le passif pendant la période suspecte. Il a par ailleurs considéré que constituaient des fautes de gestion commises par les deux dirigeants ayant entraîné une insuffisance d’actif le non-respect des dispositions fiscales et le défaut de paiement des dettes sociales et fiscales, d’une part, et la tenue d’une comptabilité irrégulière, d’autre part.

MM. [L] et [D] ont relevé appel du jugement selon déclaration du 19 décembre 2019.

Par ordonnance du 12 mars 2020, le délégataire du premier président a arrêté l’exécution provisoire assortissant l’interdiction de gérer et l’a limitée à la somme de 50 000 euros pour chacun des appelants en ce qui concerne les condamnations au comblement de l’insuffisance d’actif.

Suivant conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 5 février 2021, MM. [L] et [D] demandent à la cour :

– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de confirmer certains de ses motifs ;

– de rejeter les demandes du liquidateur et d’ordonner le remboursement de toute somme réglée en exécution de la condamnation prononcée en première instance ;

– à titre subsidiaire, de réduire la condamnation pécuniaire à 25 000 euros et les interdictions de gérer à un an en excluant, pour M. [L], « les sociétés du groupe Ittaka » ;

– en tout état de cause, de condamner le liquidateur à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions n° 2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 10 janvier 2021, la SCP BTSG, en qualité de liquidateur de la société Nemos Technology, demande à la cour :

– de confirmer le jugement sauf en ce qu’il a limité la condamnation solidaire de MM. [L] et [D] à la somme de 154 603 euros et d’infirmer certains de ses motifs ;

– statuant à nouveau, de condamner solidairement MM. [L] et [D] à lui payer une somme de 1 022 902,86 euros au titre de l’insuffisance d’actif et de dire que les intérêts se capitaliseront pour ceux échus depuis une année entière au moins en application de l’article 1343-2 du code civil,

– en tout état de cause, de rejeter les demandes des appelants et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre à supporter les dépens dont distraction au profit de Me Stéphane Cathely conformément à l’article 699 du même code.

Dans son avis déposé au greffe et notifié par voie électronique le 8 avril 2020, le ministère public invite la cour à exclure de l’interdiction de gérer infligée à M.[L] les sociétés du groupe Ittaka, à réduire la condamnation solidaire à contribuer à l’insuffisance d’actif à 100 000 euros et à confirmer le jugement pour le surplus.

Ainsi qu’il y avait été autorisé, M. [L] a, le 21 mai 2021, fait parvenir à la cour les K bis des 5 sociétés du groupe Ittaka concernées par sa demande d’exclusion du périmètre de l’interdiction de gérer.

SUR CE,

Sur la responsabilité pour insuffisance d’actif

L’article L. 651-2, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 9 décembre 2010, dispose :

« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. »

Sont également applicables, immédiatement, les dispositions ajoutées par la loi du 9 décembre 2016 au premier alinéa précité, qui énoncent : « Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».

Ainsi, l’engagement de la responsabilité de MM. [L] et [D] suppose l’existence d’une insuffisance d’actif, la commission de fautes de gestion ne relevant pas d’une simple négligence et la contribution de ces fautes à l’insuffisance d’actif.

L’insuffisance d’actif

Il ressort des pièces produites, et il n’est au demeurant pas discuté, que l’insuffisance d’actif ressort à 1 022 902,86 euros, montant correspondant à la différence entre le passif admis ou non contesté (1 056 282,12 euros) et le produit des actifs réalisés (33 379,26 euros).

Par ailleurs, il résulte des comptes annuels versés aux débats que les capitaux propres de la société Nemos Technology étaient négatifs tant au 31 décembre 2011 (- 243 900 euros) qu’au 31 décembre 2012 (- 132 000 euros) et, partant, que l’insuffisance d’actif existait aux dates auxquelles M. [L] puis M. [D] ont cessé d’exercer la gérance (pour le premier temporairement), à savoir, respectivement, les 30 novembre 2011 et 14 décembre 2012.

Sur les fautes de gestion et leur contribution à l’insuffisance d’actif

La tenue d’une comptabilité irrégulière imputée aux deux dirigeants

Le liquidateur soutient d’abord que « la comptabilité d’une société tenue au mépris des règles fiscales [ne reflète pas] une image fidèle de la situation économique et financière d’une entreprise ». Il fait ensuite valoir que la proposition de rectification fiscale du 31 juillet 2014 met en exergue des irrégularités comptables manifestes et délibérées qui ont privé les dirigeants successifs d’un outil indispensable pour apprécier la situation de l’entreprise. Enfin, il prétend qu’en l’absence de telles carences comptables, la défaillance de la société Nemos Technology serait apparue inéluctable dès le 31 décembre 2011, ce qui aurait permis d’éviter l’aggravation du passif et argue que les créances fiscales et sociales nées à compter du 1er janvier 2012 s’élèvent à près de 650 000 euros.

Les appelants répliquent que la comptabilité était exempte d’irrégularités manifestes, qu’aucune difficulté particulière ne leur a été signalée par les deux salariés chargés de la comptabilité ou le cabinet d’expertise comptable et qu’après avoir détecté des anomalies dans la gestion du compte client (accroissement des avoirs, annulations de factures, délais de règlements trop élevés), ils ont, de leur propre chef, fait diligenter un audit des comptes. Ils ajoutent que la proposition de rectification fiscale du 31 juillet 2014 ne rejette pas la comptabilité et imputent les irrégularités relevées à l’incurie de MM. [T] (directeur général adjoint) et [K] (en charge de la comptabilité).

Le non-respect de la législation fiscale, qui résulte en l’espèce des redressements définitifs mis à la charge de la société Nemos Technology à la suite de la proposition de rectification du 31 juillet 2014, n’implique pas, contrairement à ce que semble soutenir le liquidateur, que la comptabilité a été irrégulièrement tenue et/ou ne donnait pas une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise.

Le liquidateur se prévaut également des « observations sur la comptabilité » de la proposition de rectification du 31 juillet 2014, dans lequel il est relevé :

– au titre de l’exercice 2011 :

* que la société Nemos Technology a transmis trois copies de ses données comptables présentant des insuffisances, la première ne comportant pas le détail des opérations diverses enregistrées par le cabinet comptable de la société, la deuxième les intitulés des comptes et la troisième les comptes clients individualisés, avant d’adresser une quatrième copie qui a été exploitée par le service vérificateur ;

* que les rapprochements bancaires au 31 décembre 2011 ne correspondaient pas aux soldes des relevés bancaires, les différences relevées provenant d’opérations non comptabilisées,

* que les avoirs ne mentionnaient ni la référence de la facture initiale, ni l’objet du litige commercial donnant lieu à avoir, ni le chantier, ni, dans certains cas, la quantité d’heures modifiée par l’avoir ;

– au titre de l’exercice 2012 :

* que la liasse fiscale avait été déposée sans que l’exercice clos en 2012 ne soit définitivement clôturé, que l’assemblée générale ordinaire du 30 juin 2013 avait validé et approuvé les comptes alors que la comptabilité n’avait pas été clôturée, la situation ayant été régularisée le 7 janvier 2014 ;

* que les avoirs présentaient les mêmes omissions que celles relevées au titre de l’exercice 2011.

S’agissant, d’abord, des insuffisances affectant les trois premières copies des données comptables transmises lors de la vérification, il n’est pas possible de déterminer, en l’absence de précisions complémentaires fournies sur ce point dans la proposition de rectification, si elles concernaient les données elles-mêmes, ou seulement les copies qui en ont été faites, étant observé qu’une quatrième copie, exploitable cette fois, a été transmise au vérificateur.

Ensuite, il n’est pas démontré que les omissions affectant les avoirs ont rendu les comptes irréguliers, insincères ou non conformes au principe d’image fidèle.

Il convient également de relever que la proposition de rectification ne donne aucune indication, d’une part, sur l’ampleur des opérations non comptabilisées à l’origine de la discordance entre les « rapprochements bancaires au 31 décembre 2011 » et les « soldes des relevés bancaires » et, d’autre part, sur l’origine du retard dans la clôture des comptes 2012.

Enfin, force est de constater que l’administration fiscale n’a pas rejeté la comptabilité.

Dans ces conditions, il n’est pas établi que la comptabilité présentait des irrégularités manifestes ou encore qu’elle était affectée d’insuffisances telles que l’image donnée aux dirigeants de la situation de l’entreprise s’en trouvait faussée.

La responsabilité de MM. [L] et [D] ne sera donc pas retenue de ce chef.

« L’augmentation frauduleuse du passif du fait du non-respect des dispositions fiscales et le défaut de paiement des dettes sociales et fiscales » imputés aux deux dirigeants

Le liquidateur, après avoir relevé que les dettes sociales et fiscales représentaient 91,36 % du passif admis, prétend que les deux dirigeants se sont volontairement soustraits à l’impôt, notamment au reversement de la TVA collectée, et invoque à cet égard le caractère délibéré du manquement retenu par l’administration fiscale ainsi que le dépôt, après l’annonce de la vérification de comptabilité puis en cours de contrôle, de déclarations rectificatives et complémentaires de TVA pour des montants substantiels. Il ajoute que ces manquements délibérés aux obligations fiscales et sociales, en entraînant le paiement de pénalités, ont contribué à l’augmentation du passif.

Il soutient également que l’activité déficitaire a été poursuivie grâce au retard apporté sciemment à la régularisation de la situation fiscale de la société Nemos Technology et donc abusivement.

Les appelants contestent le caractère délibéré du non-paiement des dettes fiscales en faisant valoir que ce passif a été découvert à la suite d’un audit diligenté par eux ayant débouché sur le licenciement de M. [T], fin 2012, et du comptable (M. [K]), en 2013. Ils ajoutent qu’après cette découverte, une déclaration de TVA rectificative a été spontanément déposée, le 20 décembre 2012, puis une déclaration complémentaire, le 25 novembre 2013.

A titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort des énonciations du jugement et des conclusions déposées par le liquidateur devant le tribunal que si ce dernier se prévalait, comme devant la cour, du non-respect de la législation fiscale et du défaut de paiement des dettes sociales et fiscales, cette circonstance était alors invoquée pour caractériser une poursuite d’activité déficitaire, tandis qu’elle l’est en appel essentiellement pour exciper d’une augmentation frauduleuse du passif, la poursuite abusive d’une activité déficitaire n’étant plus abordée que dans trois paragraphes (3.1.2.6.).

Ne pouvant faire abstraction de ces paragraphes, la cour considérera que le liquidateur impute aux dirigeants un non-respect de la législation fiscale et un défaut de paiement des dettes sociales et fiscales constitutifs d’une faute de gestion en ce qu’ils auraient permis la poursuite abusive d’une activité déficitaire et procéderaient d’une augmentation frauduleuse du passif.

La poursuite abusive d’une activité déficitaire

La société Nemos Technology a dégagé des résultats bénéficiaires en 2009 (17 000 euros), 2010 (56 960 euros) et 2012 (111 818 euros) et déficitaires en 2011 (- 319 800 euros), 2013 (- 101 824 euros) et 2014 (- 398 509 euros).

Compte tenu des résultats bénéficiaires réalisés en 2009 et 2010 puis en 2012, le liquidateur est mal fondé à reprocher à M. [L], au titre de sa première période de gérance, exercée jusqu’au 30 novembre 2011, et à M. [D], gérant du 30 novembre 2011 au 14 décembre 2012, d’avoir poursuivi une activité déficitaire.

Concernant les exercices 2013 et 2014, des pertes de, respectivement, 101 824 euros et 398 509 euros ont été réalisées, caractérisant une poursuite d’activité déficitaire par M. [L] pendant sa seconde période de gérance, mais il reste à déterminer si, comme le prétend le liquidateur, celle-ci a été rendue possible par le non-paiement des dettes sociales et fiscales, ce qui suppose d’établir la constitution d’un passif social ou fiscal ou son aggravation au cours de la période considérée.

En l’absence de production, par le liquidateur, des deux premières pages de la liasse fiscale de l’exercice 2014 (comportant le bilan), il n’est pas possible de déterminer si le passif social et fiscal, qui ressortait à 751 522 euros au 31 décembre 2013, a atteint un niveau supérieur au 31 décembre 2014.

Dès lors, le liquidateur échoue à démontrer que la poursuite de l’activité déficitaire a été rendue possible par le non-paiement des dettes sociales et fiscales.

L’augmentation frauduleuse du passif

Le liquidateur reproche aux deux dirigeants d’avoir, en s’abstenant de payer les dettes fiscales et sociales et en méconnaissant la législation fiscale, augmenté frauduleusement le passif de la société Nemos Technology mais ne s’explique sur cette fraude qu’en ce qui concerne la TVA redressée à l’issue de la vérification de comptabilité opérée par l’administration fiscale. Seul ce dernier aspect sera dès lors examiné.

La proposition de rectification du 31 juillet 2014 fait état d’une omission de déclarer une partie du chiffre d’affaires imposable à la TVA ressortant, au titre des exercices 2011 et 2012 à, respectivement, 1 071 336 euros et 1 775 019 euros et évalue en conséquence les droits de TVA collectée à rappeler à 209 982 euros (2011) et 347 904 euros (2012) ramenés, compte tenu de la déclaration complémentaire de TVA effectuée le 19 novembre 2012, à 38 599 euros (2011) et 347 904 euros (2012), soit un total de 386 503 euros.

A ces rappels de droits, se sont ajoutés, outre des intérêts de retard, des majorations pour manquement délibéré représentant 40 % de la somme de 386 503 euros, soit 154 601 euros.

Les rappels de droits retenus n’ont pas suscité d’observations de la part de la société Nemos Technology et les majorations de 40 %, contestées par cette dernière, ont été maintenues par le vérificateur le 7 novembre 2014 puis par l’interlocuteur départemental de la DGFIP le 8 avril 2015.

La somme de 572 331 euros, constituée de droits de TVA (386 503 euros), d’intérêts de retard (31 227 euros) et de majorations de 40 % (154 601 euros) a été mise en recouvrement suivant avis du 15 juin 2015.

Il ressort de la proposition de rectification qu’avant le dépôt de la déclaration complémentaire du 19 novembre 2012, la société Nemos Technology avait déclaré un chiffre d’affaires imposable à la TVA de 1 740 792 euros pour 2011, au lieu de 2 812 128 euros, soit une minoration de 38 %, et de 831 263 euros pour 2012, au lieu de 2 606 282 euros, représentant une minoration de 68 %.

M. [L] impute la responsabilité de ce manquement à la législation fiscale à M. [T], qui aurait « dissimulé sciemment une dette de TVA » en étant « aidé en ce sens » par le comptable de la société M. [K], lequel, en ne lettrant pas les créances clients, aurait rendu impossible le suivi des règlements des créances, notamment celles cédées à la société d’affacturage, ainsi que celui de la TVA collectée (conclusions, p. 6).

Si les fonctions de M. [T] telles que décrites dans sa lettre de licenciement du 16 janvier 2013 (directeur général adjoint ayant pour attributions : « – aide à la décision de la stratégie commerciale et marketing, / – encadrement des ingénieurs commerciaux et du personnel technico-commercial, / – aide à l’identification des profils ingénieurs, organisation de rendez-vous, / – et plus généralement toutes les missions entrant dans le domaine d’activité d’un directeur associé ») se rapportent à la gestion commerciale, et non à la tenue de la comptabilité, une défaillance dans le suivi commercial peut se répercuter sur l’enregistrement en comptabilité des factures et de leurs règlements.

Force est de constater, toutefois, que les motifs de licenciement énoncés dans la lettre n’évoquent pas la dissimulation d’une dette de TVA et il ne peut être considéré que la simple mention de « manquements inadmissibles au regard […] des règles comptables en général », sans autre précision, renvoie à une telle dissimulation.

Quant au lettrage des créances clients, il constitue, certes, un outil (non obligatoire) facilitant le suivi du règlement des factures, mais n’explique pas les minorations du chiffre d’affaires imposable à la TVA, a fortiori dans les proportions précisées ci-avant.

Par ailleurs, il n’est pas justifié du licenciement de M. [K] en 2013, ni, à le supposer intervenu, des motifs de celui-ci, ni, plus généralement, de « l’aide » apportée par ce dernier à une dissimulation de TVA.

Enfin, l’audit qui, selon M. [L], « a […] fait ressortir une dette de TVA aussi importante qu’imprévisible » (conclusions p. 7), n’est pas produit (le seul audit versé au débats, rédigé le 17 mai 2013 par M. [K], ne correspondant manifestement pas à celui invoqué), ni sa date précise indiquée.

Dans ces conditions, il n’est pas établi que la déclaration rectificative de TVA déposée le 19 novembre 2012 (la date du 20 décembre 2012 indiquée page 17 des conclusions des appelants, différente de celle du 19 novembre 2012 mentionnée en page 7 et dans la proposition de rectification, apparaissant erronée) fait suite à un audit ayant révélé une dissimulation orchestrée par le directeur général adjoint et le comptable.

Il reste que cette déclaration rectificative, qui a été déposée avant la réception, le 12 novembre 2013, de l’avis de vérification de comptabilité, témoigne d’une volonté de régularisation, d’ailleurs prise en compte par l’administration fiscale qui n’a pas appliqué de majoration pour manquement délibéré sur les droits de TVA correspondants.

Par ailleurs, si la seconde déclaration complémentaire, déposée le 25 novembre 2013 (selon les conclusions des appelants) ou le 3 décembre 2013 (selon la proposition de rectification), a été effectuée après réception de l’avis de vérification, aucun élément du dossier ne permet de retenir qu’elle s’explique par une anticipation des résultats des opérations de contrôle plutôt que, comme le soutient M. [L], par le délai nécessaire pour reconstituer le chiffre d’affaires imposable à la TVA, étant rappelé que la clôture des comptes de l’exercice 2012 est intervenue tardivement, le 7 janvier 2014.

Enfin, il convient d’observer que l’administration fiscale a retenu le caractère délibéré du manquement, et non l’existence de manoeuvres frauduleuses entraînant l’application de pénalités de 80 %.

Ainsi, il n’est pas établi que la minoration des chiffres d’affaires déclarés pour 2011 et 2012, malgré son importance, procède d’une volonté des dirigeants – exposant la société Nemos Technology au paiement de pénalités aggravant le passif – de soustraire cette dernière au reversement de la TVA collectée.

La faute de gestion tenant au défaut de paiement du passif social et fiscal et au non-respect de la législation fiscale, envisagée sous les deux angles invoqués par le liquidateur, à savoir la poursuite d’une activité déficitaire et la commission d’une faute, n’est donc pas caractérisée.

Les paiements préférentiels et détournements d’actif imputés à M. [L]

Le liquidateur soutient :

– que la proposition de rectification fiscale a relevé l’existence de frais injustifiés d’un montant de 23 695,55 euros exposés par M. [L] et comptabilisés en 2011 en charges déductibles, fait révélant une utilisation de la trésorerie de la société Nemos Technology à des fins personnelles ;

– que le solde du compte courant d’associé de la société Ittaka, créditeur de 409 569,71 euros au 11 septembre 2014, a fait l’objet d’un remboursement total entre le 21 novembre et le 31 décembre 2014, constituant un paiement préférentiel, et ce, au moyen des détournements d’actifs ou paiements suivants :

* le 21 novembre 2014, une opération intitulée « Generali 01/0/14 – 31/08/15 » pour 1 239,32 euros ;

* le 21 novembre 2014, une cession de mobilier pour 12 000 euros ;

* le 24 novembre 2014, une cession de véhicule pour 24 000 euros ;

* le 24 novembre 2014, une cession d’oeuvres d’art pour 14 700 euros ;

* à compter du 2 décembre 2014, trois paiements de 15 000, 41 000 et 10 000 euros, soit un total de 66 000 euros au titre de prestations de restructuration financière ou juridiques et administratives ;

* le 31 décembre 2014, deux cessions de créances pour un total de 36 000 euros;

* un paiement préférentiel de 12 000 euros intervenu le 19 janvier 2015 dont le remboursement a été obtenu « confirmant le caractère fautif dudit paiement ».

Le liquidateur argue également que la société Ittaka, dont l’activité est connexe à celle de la société Nemos Technology, a connu un très important essor tandis que celle de cette dernière s’effondrait, que « l’importance des flux financiers [entre les deux sociétés], leur caractère injustifié et donc anormal, l’appauvrissement de la société Nemos Technology concomitamment au redressement de la société Ittaka conduit légitimement à s’interroger sur l’ampleur de la confusion des patrimoines qui en est résultée entre les deux sociétés, caractérisant une faute de gestion supplémentaire » et qu’à « supposer même qu’il puisse être retenu que les sociétés Ittaka n’auraient pas détourn[é] la clientèle de la société Nemos Technology, la cour relèvera que l’ensemble des mesures prises pour développer le chiffre d’affaires de la société Ittaka auraient pu être prises pour développer l’activité de la société Nemos Technology ».

M. [L] fait valoir, de première part, que, par leur montant et leur ancienneté, les frais de 23 695,55 euros considérés par l’administration fiscale comme injustifiés au titre de l’exercice 2011 ne peuvent caractériser une faute de gestion à l’origine de l’insuffisance d’actif, de deuxième part, qu’il n’a jamais reçu de rémunération sous forme de dividendes ou de salaire de la part de la société Nemos Technology, de troisième part, que la créance détenue par la société Ittaka au titre du solde créditeur de son compte courant n’a pas été remboursée et, enfin, que toutes les opérations invoquées par le liquidateur judiciaire sont licites et régulières.

A titre liminaire, il convient d’observer que les allégations du liquidateur sur le détournement de clientèle, l’insuffisance des mesures prises pour développer l’activité de la société Nemos Technology au regard de celles entreprises au bénéfice de la société Ittaka et la confusion des patrimoines des deux sociétés procèdent d’affirmations générales non étayées.

Aucune faute de gestion ne peut donc être retenue de ces chefs. Les autres faits invoqués par le liquidateur seront examinés ci-après.

Les frais injustifiés exposés par M. [L]

Il résulte de la proposition de rectification du 31 juillet 2014 que ces frais ont été comptabilisés, non pas, contrairement aux allégations du liquidateur, au titre de l’exercice 2011, mais le 1er janvier 2012, soit au titre de l’exercice 2012, et ont donné lieu à une réintégration à l’assiette de calcul de l’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2012.

Outre que la réintégration est fondée sur un défaut de présentation des justificatifs qui ne suffit pas à établir que les dépenses correspondantes ont été exposées dans l’intérêt personnel de M. [L], leur enregistrement en comptabilité est intervenu le 1er janvier 2012, date à laquelle ce dernier n’était plus gérant de la société Nemos Technology.

La faute de gestion n’est donc pas caractérisée.

Le remboursement du solde créditeur du compte courant de la société Ittaka

Pour estimer que le solde créditeur du compte courant d’associé de la société Ittaka, a fait l’objet d’un remboursement constitutif d’un paiement préférentiel, le liquidateur se fonde sur le grand livre de la société Nemos Technology qui, à la date du 11 septembre 2014, mentionne que le compte « 46700003 Ittaka » était créditeur au profit de cette dernière de 409 569,71 euros, tandis qu’il présentait un solde nul au 31 décembre 2014.

Les écritures passées sur le compte 467, qui enregistre les opérations des « autres comptes débiteurs ou créditeurs », ne sont pas de nature à établir le remboursement d’un compte courant d’associé, dont les mouvements sont comptabilisés dans le compte 455 « associés – comptes courants ».

En outre, sur les cinq écritures passées entre le 11 septembre et le 31 décembre 2014 au débit du compte 467 (à l’origine de la diminution puis de la disparition de son solde créditeur au profit de la société Ittaka), quatre, à savoir celle intitulée « Generali 01/9/14 – 31/08/15 » (1 239,32 euros) et celles afférentes aux cessions de mobilier, véhicule et oeuvres d’art (respectivement, 12 000, 24 000 et 14 700 euros) ne recouvrent pas des remboursements de compte courant mais le produit d’opérations particulières payé à la société Ittaka par compensation.

S’agissant de la cinquième écriture portée au débit du compte 467, d’un montant de 380 000 euros et intitulée « Ittaka cession créances », l’allégation de M. [L] selon laquelle elle correspond, non pas à un remboursement, mais à un abandon de créance de la part de la société Ittaka, est corroborée par l’enregistrement dans le compte 455 relatif aux comptes courants d’associés, à la date du 31 décembre 2014, de deux écritures portées au crédit pour des montants de 32 000 euros et 380 000 euros (cette dernière opération étant intitulée « Ittaka cession créances »), soit un total de 412 000 euros, puis d’une écriture portée au débit pour un montant de 412 000 euros intitulée « Ab[a]ndon C/C [compte courant] ». La liasse fiscale de l’exercice 2014 mentionne d’ailleurs un produit exceptionnel sur opérations de gestion de 412 000 euros correspondant à un abandon de compte courant.

Enfin, la cessation des paiements ayant été fixée au 1er janvier 2015, les opérations réalisées en 2014 ne peuvent être qualifiées de paiements préférentiels intervenus en période suspecte.

Aucune faute de gestion tenant au prétendu remboursement du compte courant d’associé de la société Ittaka n’est donc caractérisée.

Les autres opérations qualifiées par le liquidateur de détournement d’actifs ou de paiements préférentiels

Ces opérations portent sur un total de 165 939,32 euros, et non de 129 939,32 euros comme indiqué par erreur par le liquidateur dans ses conclusions.

La cessation des paiements ayant été fixée au 1er janvier 2015, les opérations antérieures à cette date, soit la totalité de celles invoquées par le liquidateur à l’exception de la dernière, n’ont pas été effectuées en période suspecte, de sorte que la faute de gestion fondée sur l’existence de paiements préférentiels ne peut être retenue.

Quant à la dernière opération d’un montant de 12 000 euros, intervenue le 19 janvier 2015, le liquidateur indique lui-même qu’elle a donné lieu à un remboursement, ce dont il se déduit que la faute de gestion, fût-elle établie, n’a pas contribué à l’insuffisance d’actif.

Il reste à déterminer si les opérations effectuées en 2014 recouvrent, comme le prétend le liquidateur, des détournements d’actif.

* L’opération apparaissant dans le grand livre des comptes sous l’intitulé « Generali 01/9/14 – 31/08/15 » pour 1 239,32 euros

Le liquidateur se borne à citer cette opération, sans donner aucune explication quant à ce qu’elle recouvre, de sorte que la qualification de détournement d’actif doit être écartée.

* Les cessions de 12 000, 24 000 et 14 700 euros

Apparaissent dans le compte « 46700003 Ittaka » du grand livre de la société Nomos Technology, à la date du 21 novembre 2014, une « Cession mobilier / Ittaka » pour 12 000 euros et, à la date du 24 novembre 2014, une « cession véhicule Credipar » pour 24 000 euros et une « cession d’oeuvres d’art / Ittaka » pour 14 700 euros.

Les cessions concernées ont été enregistrées en comptabilité et ont donné lieu au paiement d’un prix réglé par compensation.

Par ailleurs, M. [L] produit :

– s’agissant des mobiliers cédés pour 12 000 euros, deux contrats de cession de mobiliers de bureau et de matériel informatique du 21 novembre 2014 ainsi qu’une déclaration du cabinet d’expertise comptable attestant que les biens cédés le 21 novembre 2014 étaient totalement amortis ;

– concernant le véhicule cédé pour 24 000 euros, une déclaration de cession d’un véhicule Peugeot 2017 ayant appartenu à Credipar ainsi qu’une cotation argus situant la valeur d’un tel véhicule entre 3 165 et 3 947 euros ;

– s’agissant des lithographies cédées pour 14 700 euros qui, au vu des écritures passées dans le compte d’actif « oeuvre d’art » du grand livre apparaissent avoir été au nombre de 6, une évaluation datée du 23 juillet 2018 émanant d’une galerie d’art qui mentionne un prix de 2 150 euros pour deux de ces oeuvres.

Ces éléments, qui constituent des indices du caractère sérieux du prix payé en contrepartie de la cession, ne sont pas utilement combattus par le liquidateur qui, dans la partie discussion de ses conclusions, à laquelle la cour doit exclusivement se référer pour déterminer les moyens à examiner, se borne à faire état des écritures inscrites au compte « 46700003 Ittaka » et à affirmer, sans produire d’autre pièce que le grand livre contenant ces écritures, que les opérations ont contribué à la distraction au profit d’Ittaka des actifs mobiliers de la société Nemos Technology, à un moment où la défaillance de cette dernière était inéluctable.

Il s’ensuit que le liquidateur échoue à démontrer les détournements d’actif qu’il allègue.

* Les trois virements représentant un total de 66 000 euros

Le grand livre de la société Nemos Technology mentionne l’inscription au compte « fournisseurs » de trois virements effectués au profit de la société Ittaka les 2, 10 et 23 décembre 2014 pour des montants respectifs de 15 000, 41 000 et 10 000 euros, soit un total de 66 000 euros.

M. [L] fait valoir que ces paiements s’imputent, d’une part, sur une facture de prestations accomplies par la société Exus Group dans le cadre du projet de vente de la société Nemos Technology à la société Eolen, négocié entre octobre et décembre 2012 et abandonné d’un commun accord le 14 décembre, et, d’autre part, sur des factures de prestations de services effectuées au profit de la société Nemos Technology par la société Ittaka.

Au soutien de ses allégations, il produit :

– concernant les prestations facturées par Exus Group :

* une facture du 31 décembre 2012 d’un montant de 31 000 euros HT décrivant les prestations fournies comme suit : « – Prestation juridique (vente Nemos) / – Rédaction : projet de cession, projet garantie de passif, projet transformation SARL SAS / – Etablissement des documents comptables (reporting d’activité) / – Suivi et audit juridique, social et comptable / – Assistance RV négociation » ;

* une lettre de la société Eolen du 14 novembre 2012 faisant part de l’intention de cette dernière d’acquérir les parts de la société Nemos Technology et un compte rendu d’une réunion du 14 décembre 2012 actant l’abandon du projet d’acquisition.

– Concernant les prestations facturées par Ittaka (devenue, à la suite de l’absorption d’Exus Group, associé unique de Nemos Technology) :

* douze factures émises les 31 janvier, 28 février, 31 mars, 30 avril, 31 mai, 30 juin 31 juillet, 31 août, 30 septembre, 31 octobre, 30 novembre et 31 décembre 2013 pour des montants, les 4 premières de 4 100 euros HT et les 8 suivantes de 3 200 euros HT, soit un total de 42 000 euros HT, au titre de la refacturation de prestations administratives effectuées par quatre salariés d’Ittaka en charge de l’informatique, du juridique, de la comptabilité et du commercial (le nom de ces salariés, leurs salaires et le taux de refacturation étant précisés dans un tableau joint à chacune des factures) ;

* une convention de management fees du 30 décembre 2012 prenant effet le 1er janvier 2013 conclue entre la société Ittaka et 4 de ses filiales, dont la société Nemos Technology prévoyant une rémunération déterminée annuellement au regard du volume d’activité.

S’agissant de la facture du 31 décembre 2012, les allégations de M. [L] selon lesquelles le projet initial de la société Eolen aurait été d’acquérir le fonds de commerce de la société Nemos Technology ne sont étayées par aucune pièce, tant la lettre d’intention du 14 décembre 2012 qu’un courrier du 14 décembre 2012 adressé à la CCSF par la société Nemos Technology (faisant état de l’engagement depuis septembre 2012 de discussions exclusives avec la société Eolen en vue de la cession de 100 % de son capital) se référant à une cession de parts.

De surcroît, les diligences facturées sont caractéristiques de celles habituellement conduites en matière de cessions de titres et certaines (projet de garantie de passif et de transformation en SAS) sont, à l’évidence, sans lien avec une cession de fonds de commerce.

Dès lors, il apparaît que les prestations facturées par la société Exus Group ont été accomplies dans le cadre d’un projet de cession de parts de la société Nemos Technology et donc, comme soutenu par le liquidateur, dans l’intérêt de la première, et non de la seconde.

En acceptant le règlement de ces prestations alors qu’il était parfaitement informé, de par ses fonctions de gérant d’Exus Group, de l’objet de celles-ci et de leur bénéficiaire, M. [L] a commis une faute de gestion excédant une simple négligence.

Les appelants indiquant dans leurs conclusions que les paiements de 66 000 euros étaient destinés à s’imputer sur les factures les plus anciennes, il doit être retenu que la facture litigieuse a été soldée grâce à ces paiements.

La faute de gestion considérée a donc contribué à l’insuffisance d’actif en faisant supporter à la société Nemos Technology une charge injustifiée de 31 000 euros HT.

Les autres factures détaillent les prestations effectuées, reposent sur une convention de management fees versées aux débats et ne sont pas spécialement critiquées par le liquidateur (dont l’argumentation porte sur les « factures datées du 31 décembre 2012 »).

Il n’est donc pas établi que leur paiement procède d’une faute de gestion.

* Les 2 cessions de créances pour un total de 36 000 euros

Le grand livre de la société Nemos Technology mentionne deux écritures portées au débit du compte fournisseur le 31 décembre 2014 intitulées « cession créance VB / Ittaka » et « cession créance Ittaka / Merriwaamnd [lire Merriwand] » pour des montants de, respectivement, 4 000 et 32 000 euros.

Le liquidateur déduit de ces écritures que « la société Ittaka aurait bénéficié de cessions de créances à hauteur d’un montant total de 36 000 euros, enregistrées selon deux opérations distinctes le 31 décembre 2014 » et que « la société Nemos Technology, qui avait parfaitement connaissance du prononcé inéluctable de sa liquidation judiciaire, a procédé à des cessions de créances détenues également à l’égard de la société de droit anglais Merriwand Limited qui apparaît en qualité d’associé unique de la société Nemos Technology ».

Une telle argumentation ne caractérise pas le détournement d’actif allégué.

Au demeurant, il convient de relever, s’agissant de l’écriture d’un montant de 32 000 euros, qu’elle a également été inscrite, sous le même libellé (« cession créance Ittaka / Merriwaamnd ») et à la même date (31 décembre 2014), au crédit du compte 455 (comptes courants d’associé) avant de faire l’objet, avec l’opération de 380 000 euros portée au crédit du même compte, d’une écriture en sens inverse d’un montant de 412 000 euros libellée « Ab[a]ndon C/C [compte courant] ». Il apparaît ainsi que l’écriture en cause ne traduit pas un détournement d’actif mais, au contraire, un abandon de créance en compte courant d’associé.

La faute de gestion alléguée n’est donc pas établie.

Le retard dans la déclaration de la cessation des paiements imputée à

M. [L]

Le liquidateur soutient que la cessation des paiements de la société Nemos Technology à la date du 1er janvier 2015 ne résulte pas de la rectification fiscale mais, comme l’a relevé le jugement d’ouverture, de la fin d’un moratoire portant sur de précédentes impositions impayées, que M. [L], qui a accepté une partie des conclusions de l’administration fiscale et procédé les 19 novembre 2012 et 3 décembre 2013 à deux déclarations complémentaires de TVA non accompagnées de paiements, savait avant l’issue de la procédure de vérification qu’une imposition était due et ne pouvait être réglée et que la société Nemos Technology était en réalité en cessation des paiements avant le 3 décembre 2013. Il ajoute que des cotisations Urssaf afférentes au 1er trimestre 2015 étant restées impayées à hauteur de 3 864 euros, l’insuffisance d’actif a été aggravée à due concurrence.

M. [L] conteste avoir eu conscience, au 1er janvier 2015, que la société était en cessation des paiements au motif qu’à cette date, la procédure de rectification fiscale étant toujours en cours, le passif en résultant n’était pas exigible, et qu’il avait pu légitiment penser, d’une part, que la pénalité de 40 % serait abandonnée par l’administration fiscale et, d’autre part, que l’avis favorable au remboursement partiel du CIR émis par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche serait suivi.

Tout d’abord, il doit être rappelé que l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion au sens de l’article L. 651-2 du code de commerce, s’apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou un jugement de report.

En l’espèce, cette date a été fixée par le jugement d’ouverture au 1er janvier 2015 et n’a pas été reportée.

C’est donc de manière inopérante que le liquidateur soutient que la cessation des paiements était antérieure au 1er janvier 2015 et invoque des circonstances tendant à démontrer la conscience qu’avait M. [L] de cette situation avant cette date.

Conformément à l’article L. 653-8 du code de commerce, la société Nemos Technology disposait d’un délai de 45 jours à compter du 1er janvier 2015, soit jusqu’au 14 février 2015, pour demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires.

Cette ouverture, sollicitée le 15 avril 2015, a donc été initiée avec 60 jours de retard.

Les dépôts, le 19 novembre 2012 et le 3 décembre 2013, de déclarations complémentaires de TVA non accompagnées de paiements ont, certes, rendu exigibles les droits supplémentaires déclarés mais ne suffisent pas, compte tenu de leur date, à établir que M. [L] ne pouvait ignorer l’existence de la cessation des paiements à la date du 1er janvier 2015.

Par ailleurs, M. [L] fait valoir à juste titre que le passif résultant de la vérification fiscale n’est devenu exigible qu’à réception de l’avis de recouvrement du 15 juin 2015, soit après la déclaration de la cessation des paiements.

Enfin, le jugement d’ouverture se borne à indiquer que la date de la cessation des paiements doit être fixée au 1er janvier 2015 « qui correspond à la fin du moratoire »,

sans préciser de quel moratoire il s’agit, ni le motif de son expiration, de sorte que cette « fin du moratoire » ne peut être regardée comme ayant alerté M. [L] sur la survenance de la cessation des paiements.

Dans ces conditions, il n’est pas établi que le retard de 60 jours dans la déclaration de la cessation des paiements procède d’une faute de gestion excédant une simple négligence, seule susceptible d’engager la responsabilité du dirigeant.

Sur la condamnation au comblement de l’insuffisance d’actif

Aucune faute de gestion n’ayant été retenue à l’encontre de M. [D], celui-ci ne peut être condamné à payer l’insuffisance d’actif.

Concernant M. [L], il a été dit qu’il avait commis une faute de gestion tenant au paiement indû d’une somme de 31 000 euros ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société Nemos Technology à due concurrence.

M. [L] verse aux débats, non pas ses déclarations de revenus 2011 à 2018 comme il le prétend dans ses conclusions, mais uniquement des avis d’impôt sur les revenus 2011 et 2013 et la première page de l’avis relatif aux revenus 2014, documents qui ne renseignent pas sur sa situation financière récente.

Dans une « fiche de dialogue » annexée à un contrat de prêt personnel, il a déclaré à l’établissement de crédit prêteur, le 15 janvier 2019, qu’il percevait un salaire net mensuel de 11 500 euros.

Par ailleurs, il n’établit pas la consistance de son patrimoine en se bornant à indiquer (sans produire le bail) qu’il est locataire de son appartement.

Enfin, il fait état de divers engagements personnels (cautions, prêts) souscrits au profit de la société Nemos Technology mais justifie uniquement s’être rendu caution solidaire de cette dernière à hauteur de 65 000 euros, le 8 mars 2013, et de 20 000 euros, le 8 juillet 2014, les autres cautionnements bénéficiant à d’autres sociétés du groupe Ittaka et la destination des fonds prêtés n’étant pas déterminable.

En considération de ces éléments, la contribution de M. [L] à l’insuffisance d’actif de la société Nemos Technology sera fixée à 31 000 euros.

Il convient donc d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné solidairement MM. [L] et [D] à payer au liquidateur la somme de 154 603 euros et, statuant à nouveau, de prononcer une condamnation à l’encontre de M. [L] uniquement, à hauteur de 31 000 euros, avec capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.

Le présent arrêt constituant un titre ouvrant droit, le cas échéant, au remboursement par le liquidateur de toute somme qui aurait pu lui être versée excédant la condamnation prononcée, il n’y a pas lieu d’ordonner un tel remboursement.

Sur les sanctions personnelles

La tenue d’une comptabilité irrégulière imputée à M. [L] et à M. [D]

L’article L. 653-5, 6°, du code de commerce prévoit qu’est passible d’une faillite personnelle le dirigeant à l’égard duquel est relevé le fait suivant : « 6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; ».

Le liquidateur renvoie à ses développements relatifs à la faute de gestion correspondante.

Il a été dit que la comptabilité n’était pas entachée d’irrégularités manifestes.

Le grief sera donc écarté.

L’augmentation frauduleuse du passif imputée à MM. [L] et [D]

L’article L. 653-4, 5°, du code de commerce dispose qu’est passible d’une faillite personnelle le dirigeant qui a « […] frauduleusement augmenté le passif de la personne morale ».

Le liquidateur se borne à faire valoir que « c’est à bon droit que le tribunal a retenu le grief d’aggravation frauduleuse au titre du non-respect des dispositions fiscales par la société Technology ».

Pour porter l’appréciation dont se prévaut le liquidateur, les premiers juges se sont fondés sur les redressements opérés en matière de TVA à l’issue de la procédure de vérification de comptabilité, dont il a été dit qu’ils ne résultaient pas d’une fraude commise par MM. [L] et [D].

Le grief n’est donc pas constitué.

Le retard dans la déclaration de la cessation des paiements imputé à M.[L]

L’article L. 653-8 du code de commerce, dans sa rédaction modifiée dans un sens moins sévère par la loi du 6 août 2015, comme telle applicable aux procédures en cours, dispose qu’est passible d’une interdiction de gérer, le dirigeant « qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation ».

Le respect du délai prévu par ces dispositions s’apprécie au regard de la date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture (en l’espèce le 1er janvier 2015) ou un jugement de report, inexistant au cas présent.

M. [L] n’a pas déclaré la cessation des paiements dans les 45 jours suivant le 1er janvier 2015 mais le 15 avril 2015 seulement, soit avec 60 jours de retard.

Il reste à déterminer si c’est sciemment que M. [L] n’a pas respecté le délai imparti par les dispositions précitées.

Le liquidateur renvoie à son argumentation relative à la faute de gestion correspondante qui, selon lui, démontre que « M. [L], qui n’ignorait pas l’importance de la dette sociale et fiscale de la société Nemos Technology, a sciemment reporté la déclaration de cessation des paiements de la société Nemos Technology pour détourner ses actifs et préserver son intérêt personnel ».

Il a été dit qu’il n’était pas établi que M. [L] avait conscience d’avoir déclaré la cessation des paiements avec retard.

L’élément moral faisant défaut, le grief n’est pas caractérisé.

L’usage des biens contraire à l’intérêt de la personne morale et le détournement d’actif imputés à M. [L]

L’article L. 653-4 du code de commerce dispose que :

« Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après :

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif […] de la personne morale. »

Le liquidateur renvoie aux développements de ses conclusions relatifs à la caractérisation de la faute de gestion tenant aux détournements d’actif.

Parmi les détournements d’actif invoqués par le liquidateur, a seul été retenu le paiement de 31 000 euros HT effectué au profit de la société Exus Group en contrepartie de prestations ayant bénéficié à cette dernière, et non à la société Nemos Technology.

Ce paiement contraire à l’intérêt de la société Nemos Technology a favorisé la société Exus Group, gérée par M. [L] et dont il était l’un des associés.

Le grief est donc caractérisé de ce chef.

Les paiements effectués pendant la période suspecte imputés à

M. [L]

L’article L. 653-5, 4°, du code de commerce prévoit qu’est passible d’une faillite personnelle, le dirigeant à l’égard duquel est relevé le fait suivant : « 4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ; ».

Le liquidateur renvoie à ses développements relatifs aux fautes de gestion en indiquant qu’ils établissent que « M. [L] a persisté à procéder à des paiements au profit de la société Ittaka postérieurement à la date de cessation des paiements de la société Nemos Technology ».

Un seul paiement d’un montant de 12 000 euros, en date du 19 janvier 2015, a été effectué après la cessation des paiements au profit de la société Ittaka et il résulte de l’appréciation portée lors de l’examen de la faute de gestion et du grief tenant au non-respect du délai de 45 jours imparti par l’article L. 653-8 du code de commerce qu’il n’est pas intervenu en connaissance de cause de la cessation des paiements.

Le grief doit donc être écarté.

La sanction

M. [D], qui n’a commis aucun des faits invoqués par le liquidateur, ne peut se voir infliger une sanction personnelle. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a prononcé une interdiction de gérer de 2 ans et, statuant, à nouveau, la cour dira n’y avoir lieu au prononcé d’une sanction à l’encontre de M. [D].

Un seul grief a été retenu à l’encontre de M. [L], qui concerne une opération ponctuelle d’une importance financière limitée (31 000 euros).

Il sera donc infligé à M. [L] une interdiction de gérer toute entreprise d’une durée de 1 an, le jugement étant confirmé en ce qu’il a prononcé une telle interdiction et infirmé en ce qu’il a fixé sa durée à 7 ans. Y ajoutant, la cour exclura du périmètre de cette mesure 4 sociétés du groupe Ittaka, étant précisé qu’il ressort de la lecture de son K Bis que la société 2B Partners a été radiée du RCS de [Localité 14] le 21 janvier 2021 à la suite d’une transmission universelle de son patrimoine.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Tant le liquidateur que M. [L] succombent partiellement.

Le second sera condamné aux dépens de première instance, le jugement étant confirmé sur ce point, et d’appel.

Les dispositions du jugement condamnant solidairement MM. [L] et [D] à payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées et la cour, statuant à nouveau, rejettera les demandes présentées en application de ce texte.

 


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