RGDP : 29 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00143

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RGDP : 29 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00143
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2022

N° RG 20/00143

N° Portalis DBV3-V-B7E-TWEX

AFFAIRE :

[F] [P]

C/

Société INGRAM MICRO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 novembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F 17/00612

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Oriane DONTOT

Me Martine DUPUIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [F] [P]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Patricia GOMEZ-TALIMI de la SCP PDGB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : U0001

APPELANT

****************

Société INGRAM MICRO

N° SIRET : 344 658 117

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué , avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Olivier THIBAUD de la SCP FROMONT BRIENS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P107

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 mai 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 29 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement), en sa formation de départage, a :

– constaté que la demande de M. [F] [P] en paiement des heures supplémentaires portant sur la période antérieure au 28 mars 2014 est prescrite,

– rejeté la demande de M. [P] tendant à l’audition de M. [V] [C] en qualité de témoin,

– dit que le licenciement de M. [P] est sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Ingram Micro à verser à M. [P] les sommes de :

. 1 853,57 euros à titre de rappel de prime d’objectifs portant sur la période du 1er octobre 2016 au 3 mars 2017,

. 185,35 euros au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2017 conformément à l’article 1231-6 du code civil,

. 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement conformément à l’article 1231-7 du code civil,

– dit que les intérêts échus seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil

– ordonné le remboursement par la société Ingram Micro aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [P] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de six mois, dans les conditions prévues à l’article L. 1235-4 du code du travail et dit que le secrétariat greffe, en application de l’article R. 1235-2 du code du travail, adressera à la Direction générale de Pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l’objet d’un appel,

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

– dit n’y avoir lieu à transmission du jugement à la Commission nationale de l’informatique et des libertés,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail selon lesquelles les sommes visées par l’article R. 1454-14 sont exécutoires de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire, calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 8 169 euros,

– condamné la société Ingram Micro à verser à M. [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Ingram Micro aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 14 janvier 2020, M. [P] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 5 avril 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe le 25 mars 2022, M. [P] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a :

. requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. condamné la société Ingram Micro à lui verser un rappel de prime d’objectifs du 1er octobre 2016 au 2 mars 2017 à hauteur de 1 853,57 euros outre 185,35 euros au titre des congés payés,

. condamné la société Ingram Micro au remboursement des indemnités chômage à concurrence de six mois,

– infirmer le jugement rendu pour le surplus,

en conséquence,

– faire citer M. [V] [C] en qualité de témoin,

– transmettre le jugement à intervenir à la CNIL avec le plumitif,

– dire que le licenciement doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– fixer son salaire à la somme de 8 427,37 euros,

– condamner la société Ingram Micro au paiement des montants suivants :

. 175 000 euros, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 50 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

. 50 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour manquement par l’employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral,

. 357 669,83 euros au titre de rappel de salaires des heures supplémentaires, les repos compensateurs, outre 35.766,98 euros au titre des congés payés y afférents,

. 1 853,57 euros, au titre de rappel de salaires des primes non versées du dernier trimestre 2016 et des mois de janvier et février 2017, outre 185,35 euros au titre des congés payés y afférents,

. 50 564,22 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

. 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance, outre 2 500 euros au titre de la procédure d’appel,

– condamner la société Ingram Micro au remboursement des indemnités Pôle emploi dans la limite de six mois de salaire,

– débouter la société Ingram Micro de sa demande au titre du remboursement des JRS,

– condamner la société Ingram Micro aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Me Dontot, JRF & Associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– ordonner les intérêts de droit et l’anatocisme.

Par dernières conclusions remises au greffe le 3 mars 2022, la société Ingram Micro demande à la cour de :

à titre principal,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, de sa demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires prétendument effectuées, repos compensateurs et congés payés afférents, de sa demande pour travail dissimulé et pour manquement par l’employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [P] :

. 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 853,57 euros à titre de rappel de prime d’objectifs du 1er octobre 2016 au 2 mars 2017,

. 185,35 euros à titre de congés payés afférents,

. 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

– dire que le licenciement de M. [P] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– dire que les demandes de rappels de primes d’objectifs du 1er octobre 2016 au 2 mars 2017 et de congés payés afférents sont infondées,

– condamner M. [P] à lui payer la somme de 9 376,51 euros bruts au titre des JRS dont il a indument bénéficié,

en conséquence,

– débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes,

–  condamner M. [P] à lui verser la somme de 2 500 euros,

à titre subsidiaire,

si la cour devait retenir le salaire de référence relatif aux heures supplémentaires calculé par M. [P] ainsi que sa méthode de calcul,

– limiter le montant de la condamnation au paiement des heures supplémentaires à 15 000 euros, outre les congés payés y afférents pour un montant de 1 500 euros bruts,

– déduire de la condamnation au titre des rappels d’heures supplémentaires la somme de

9 376,51 euros bruts correspondant aux jours de repos supplémentaires dont M. [P] a bénéficié,

–  déduire de la condamnation au titre des rappels d’heures supplémentaires la somme de

161 253 euros bruts au motif que sa rémunération, bien supérieure au minima conventionnel, opérait déjà paiement partiel de ces heures supplémentaires.

LA COUR,

La société Ingram Micro a pour activité principale l’achat, la vente et le négoce de matériels informatiques.

M. [F] [P] a été engagé par la société Ingram Micro, en qualité de chef de marché marketing, par contrat de travail à durée indéterminée du 18 mars 2013 à effet au 14 mai 2013.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention de commission, de courtage et de commerce intra-communautaire et d’importation-exportation.

En dernier lieu, il percevait une rémunération brute mensuelle de base de 6 756,16 euros, outre une rémunération variable.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [A] et M. [P] étaient chefs de marché en charge des produits ‘ Mobilité ‘ (tablettes, smartphones, produits connectés),

M. [A] pour la partie commerciale et M. [P] pour la partie marketing.

Par lettre du 3 mars 2017, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 14 mars 2017, et s’est également vu notifier une mise à pied à titre conservatoire.

Il a été licencié par lettre du 28 mars 2017 pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants :

« 

(‘)

Vous avez été engagé le 14 mai 2013 au sein de notre société. Vous occupiez en dernier lieu le poste de Chef de Marché Marketing.

Dans le cadre de vos fonctions, vous avez notamment en charge de :

– Travailler avec la direction, les départements commerciaux et techniques concernant la planification du produit et la gestion des lignes de produits concernés

– Définir des segments de marché, identifier les produits capables de répondre aux attentes des marchés ciblés et travailler avec les équipes commerciales afin de s’assurer que le produit soit bien positionné et que sa promotion soit efficace

– Identifier les opportunités du marché et travailler avec les fournisseurs afin de développer les produits et solutions appropriées

– Etre responsable du lancement et du suivi des produits pendant leur durée d’utilisation et être le premier interlocuteur du fournisseur et des équipes commerciales capables de répondre aux besoins clients.

Nous constatons aujourd’hui de nombreuses insuffisances professionnelles concernant la réalisation de ces missions.

1. D’une part, nous constatons des difficultés managériales sur cette année 2016-2017 :

Il est à préciser que vous encadrez du personnel sur le site d'[Localité 5] (92) mais aussi, sur celui de [Localité 6] (59).

– Des salariés ont remonté au service RH, des plaintes concernant votre management : ils souffrent d’un manque de communication de votre part.

Ce manque de communication induit des problèmes de compréhension des décisions que vous prenez et, par voie de conséquence, des difficultés d’application. En effet, votre service de [Localité 6] est fortement dépendant des remontées d’information et de vos décisions afin d’assurer la bonne marche du service.

– Dans d’autres cas, nous avons constaté que vous ne prenez pas position afin de trancher la situation, comme attendu d’un manager, obligeant votre hiérarchie à pallier.

– Vous ne savez donc pas indiquer à vos équipes des axes de travail clairs, des objectifs déterminés. Vos subordonnés souffrent d’un manque d’accompagnement surtout au sein de nos services centraux à [Localité 6]. Pourtant, vous ne venez que trop rarement alors qu’une grosse partie de votre équipe se situe sur ce site ainsi que les autres services avec lesquels vous devez impérativement travaillez.

Pour compenser, vous travaillez par mails ou téléphone, mais ce mode de fonctionnement n’est, aujourd’hui plus suffisant.

– Nous ne comprenons pas certaines de vos décisions : pour exemple, M. [Y], votre Directeur Marketing et responsable hiérarchique direct, a découvert, le 03 mars 2017, que Mme [B] [W], Chef de produit ayant notamment la charge des produits SAMSUNG, n’assistait jamais aux réunions avec le fournisseur.

Vos insuffisances professionnelles ont engendré, au fur et à mesure, des conflits internes et des tensions. Vos subordonnés ont le sentiment d’un clivage entre les services parisiens et les services des Hauts de France, faits que nous ne pouvons tolérer. Vous n’avez pas su créer et maintenir une cohésion d’équipe indispensable au fonctionnement optimal du service.

Plus largement, nous constatons que les rapports entre votre service et les autres services de l’entreprise et notamment, le service mobilité sont également tendus.

Ceci impacte un fonctionnement optimum de nos équipes. Il en a résulté des problématiques d’exécution qui ont induit un mécontentement de nos fournisseurs

2. Nous constatons également un gros problème dans votre recrutement dédié au vendor SAMSUNG

Vous savez que notre politique de développement est axée vers le développement de nouveaux vendors, pour s’éloigner de la dépendance économique que nous avons par rapport à Apple.

Dans ce contexte, vous avez été amené à développer les vendors SAMSUNG et SONY.

Pour SAMSUNG, vous avez insisté auprès de votre hiérarchie afin d’engager une Commerciale sédentaire sur la région parisienne, dédiée à la vente des tablettes SAMSUNG.

Vous avez induit en erreur votre hiérarchie. Bous avez affirmé à vos managers que SAMSUNG imposait que le commercial soit basé dans nos locaux parisiens. Le recrutement a donc été fait selon vos indications.

Pourtant, nous avons découvert que SAMSUNG n’imposait aucunement un recrutement sur [Localité 7].

Bien au contraire.

Le 10 février 2017, SAMSUNG nous faisait d’ailleurs savoir explicitement : « Nous envisageons de mettre un terme à sa mission et de recruter un spé. Sur [Localité 6] afin de remettre une dynamique sur le plateau qui sera plus en accord avec nos ambitions communes et développer l’adressage. »

Cet état de fait a été confirmé par la Direction de SAMSUNG, lors de la MWC du 28 février 2017, à M. [S], notre Directeur Exécutif Distribution. Cette organisation apparaît, en effet, totalement illogique et contre-productive puisque l’ensemble des services concernés sont basés à [Localité 6].

De plus, par mail en date du 20 janvier 2017, vous avez validé la période d’essai de cette salariée, dont le terme était fixé au 06 février 2017. Or, dès le 10 février 2017, SAMSUNG nous indique explicitement qu’il est totalement insatisfait de sa prestation.

Compte tenu de vos fonctions, nous ne pouvons tolérer d’avoir des indications fallacieuses et des recrutements inefficaces. Ils constituent pour nous des pertes de temps (temps de recrutement, à gérer le mécontentement du fournisseur, à pallier les lacunes du Commercial sédentaire..), des pertes financières (le financement du processus de recrutement, du Commercial sédentaire, ‘) et un mécontentement du vendor.

3. Enfin, nous constatons des insuffisances professionnelles quant à la réalisation et au suivi du dossier SONY

Vous avez travaillé en partenariat avec le service marketing afin de développer le fournisseur SONY sur le B2B et le B2C.

Pour votre partie B2C, sur vos conseils et expertise, vous avez fait acheté à l’entreprise un stock de Smartphones d’une quinzaine de références. Aujourd’hui, malgré vos indications, on ne vent pas ces produits. Au 13 mars 2017, il n’y avait aucun deal sur les clients B2B.

Aujourd’hui, ce stock est d’environ 1,4 million d’euros sans possibilité de l’écouler.

Pour solutionner cette situation grave, nous devrons :

– Soit vendre ces Smartphones moins cher : solution qui n’est pas envisageable.

– Soit devoir dépenser l’argent pour réussir à vendre : le coût potentiel en plus de la marge est estimé à 370k euros.

– Soit vendre à l’export : SONY a clairement indiqué qu’ils ne veulent pas supporter la totalité des coûts supplémentaires liés à la vente à l’export. La perte enregistrée pour INGRAM MICRO sera de plus de 50 K euros.

– Soit faire reprendre les produits par SONY avec un risque élevé de perte de la marque.

Au regard de nos tractations, cette dernière option semble celle envisagée par le partenaire. Pour notre budget 2017, cela représenterait une perte financière de 16 millions d’euros par an conformément au plan que vous avez vous-même préconisé.

Ainsi, vous n’avez pas réussi à identifier les produits capables de répondre aux attentes des marchés ciblés et d’en assurer leur promotion.

Cette situation est fortement préjudiciable pour notre entreprise. Outre la constitution d’un stock anormal de produits, c’est une perte financière notable. Cette perte va non seulement impacter les résultats de votre service, mais aussi celui d’autres services tels que le service achat et, à grande échelle, les résultats de l’entreprise. On projette un risque financier de 250 mille euros à la fin mars.

De plus, vous comprendrez aisément que dans le contexte actuel, explicité précédemment, nous ne pouvons nous permettre de mécontenter un vendor tel que SAMSUNG et SONY.

Une telle situation porte fortement atteinte à notre image de marque, à notre réputation de sérieux et de professionnalisme.

Par courrier remis en main propre du 03 mars 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable au licenciement le 14 mars 2017. Lors de cet entretien, vous vous êtes fait accompagner de Mme [X] [T], membre de CE (FO).

Les explications recueillies auprès de vous au cours de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour insuffisances professionnelles (‘) ».

Par lettre du même jour, M. [A] a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Le 24 mai 2017, M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin de faire reconnaître l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Sur la citation à témoin de M. [C] :

Le salarié fait valoir qu’il a dénoncé à plusieurs reprises l’ingérence de M. [C], Key Account Manager Tablettes Samsung, dans les procédures de la société. Il ajoute que l’employeur dans la lettre de licenciement fait état de plaintes émanant de M. [C].

Il en déduit qu’il détient des informations essentielles pour la défense de ses intérêts et qu’il doit donc être entendu comme témoins.

A juste titre, le premier juge a retenu qu’alors que l’article 222 du code de procédure civile prévoit que la partie qui demande une enquête doit préciser les faits dont elle entend rapporter la preuve, le salarié ne fournit pas de précision suffisante à l’appui de sa demande.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la transmission à la Commission nationale de l’informatique et des libertés de l’arrêt à intervenir :

Le salarié fait valoir que l’employeur produit une attestation de Mme [J], dans laquelle celle-ci consacre un paragraphe entier à la situation de M. [A], ce qui est contraire à l’article 5.1C du Règlement Général de la Protection des Données (RGPD).

Le règlement 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, dont se prévaut le salarié, ne concerne pas le contenu d’une attestation produite en justice, les informations qu’elle contient ne constituant pas une donnée personnelle au sens du RGPD.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la rupture :

Le salarié expose que la relation contractuelle s’était déroulée sans aucune difficulté jusqu’à sa convocation à l’entretien préalable.

Il précise qu’il a été convoqué le même jour que M. [A], responsable commercial au sein du service Mobilité.

Il affirme qu’il n’avait à l’origine aucune responsabilité de management et n’a bénéficié d’aucune formation. Il conteste l’ensemble des griefs.

L’employeur réplique que M. [P], malgré différentes alertes, n’a pas su tenir son rôle de manager et assurer de façon satisfaisante l’ensemble de ses responsabilités.

L’insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

Sur les difficultés managériales au cours des années 2016-2017 :

Le salarié indique qu’à l’origine il ne devait pas avoir de responsabilité d’encadrement mais que progressivement lui a été attribuée la charge de coordonner quatre salariés, trois travaillant sur le site d'[Localité 5] et un salarié travaillant à [Localité 6] (Mme [I]), ce qui a engendré une surcharge de travail.

Pour l’essentiel l’employeur tire argument des attestations de Mme [J], juriste, (pièce E n°34) et de Mme [I], commerciale. (pièce E n°39).

Le témoignage de Mme [J] se borne à reprendre le contenu d’entretiens avec Mme [I] et d’autres salariés relatifs au positionnement du poste de Mme [D] en charge de la gestion du dossier Samsung.

Mme [I] explique que M. [P] est devenu son supérieur hiérarchique en juin 2015, qu’au début les relations étaient bonnes puis que le comportement de M. [P] est devenu oppressant (appels multiples sur son téléphone personnel, mails et sms à répétition du style « t’es où ‘ », « alors », « on t’attend »). Elle fait état de nombreuses attaques sur sa vie privée, inappropriées et sans lien avec le cadre professionnel, de ce qu’il souhaitait gérer ses interactions avec ses collègues et ne voulait pas qu’elle échange avec son N+2, M. [Y], de ce qu’il dénigrait le fonctionnement de [Localité 6] et son travail et la tenait responsable de toutes les erreurs commises.

Elle ajoute que M. [P] noyait ses interlocuteurs sous les informations pour qu’ils ne puissent pas discerner le vrai du faux, qu’il organisait des call et des réunions qui trainaient en longueur sans finalité concrète, que son attitude au quotidien était très difficile et qu’elle a passé plusieurs soirées à pleurer en rentrant du travail.

Ce témoignage est le seul qui soit communiqué relatif des difficultés de comportement de

M. [P].

Par mail du 8 septembre 2016, M. [S], Executive manager, (pièce E n°7) a demandé à

M. [P] et M. [A] de se rendre à [Localité 6] deux fois par mois pour adapter les modes de communication.

Il est établi que M. [P] s’est rendu à [Localité 6] deux fois au mois de septembre 2016, une fois en décembre, trois fois en janvier et deux fois en février. A un rythme donc moins soutenu que ce qui lui avait été demandé.

S’agissant de la non-participation de Mme [B], chef de produit marketing à [Localité 5], aux réunions avec le client Samsung, l’employeur ne prouve pas qu’elle n’était pas invitée aux réunions avec Samsung. Le salarié établit lui en produisant des mails que

Mme [B] était très active sur ce dossier et qu’elle avait été nommée associée du mois au mois de mai 2016.

Pour sa part, le salarié établit avoir donné des consignes précises aux salariés (pièces S n°7 à 12)

Finalement, il est seulement établi que malgré la demande expresse du 5 septembre 2016

M. [P] n’a pas été à [Localité 6] en octobre et novembre 2016, seulement une fois en décembre mais trois fois en janvier 2017.

Sur le recrutement dédié au vendor Samsung

De l’échange de mails du mois de septembre 2016 (pièce E n°11) il résulte que la question de savoir si le poste de « Spé Samsung Tablettes » devait être positionné à [Localité 5] a fait l’objet de plusieurs échanges entre M. [P], M. [S] et Mme [E].

M. [P] soutenait que le poste devait rester à [Localité 5], comme il l’était depuis deux ans, ce que M. [S] a accepté. Il en a d’ailleurs informé la DRH par mail du 20 septembre 2016.

La lecture de ces échanges n’établit pas du tout que M. [P] a affirmé à ses managers que Samsung imposait que le commercial soit basé dans les locaux parisiens. Il a seulement indiqué que le « spé » à [Localité 6] n’avait pas fonctionné, que Samsung avait décidé d’arrêter, qu’il avait réussi deux ans auparavant à convaincre Samsung de relancer le poste de Spé mais cette fois à Issy. Il a aussi évoqué la validation de Samsung pour le financement du poste.

Mme [D] a donc été recrutée pour occuper ce poste à [Localité 5].

Le mail de M. [C], Key account Samsung, du 10 février 2017 indiquant que Samsung envisage de mettre un terme à la mission de Mme [D] et de recruter un « spé » à [Localité 6] ne suffit pas à démontrer que M. [P] avait donné une fausse information à son employeur.

S’agissant de la validation de la période d’essai de Mme [D], par mail du 20 janvier 2017 Mme [J] a demandé un retour à M. [P] sur la période d’essai de Mme [D], pour respecter le délai de prévenance. M. [P] a fait une appréciation globalement positive, a émis quelques réserves mais a conclu qu’il était très content de son recrutement, qu’au quotidien Mme [D] était très agréable, appliquait les méthodes données et était force de proposition.

Le 3 février 2017, M. [P] a alerté Mme [J] que la période d’essai se terminait le 6 février et que Mme [D] n’avait pas reçu de confirmation. Le 6 février, Mme [J] a répondu qu’en cas de retour positif comme en l’espèce il n’y avait pas de délai.

Le mail du 10 février 2017 de M. [C] indique sur le point d’activité de Mme [D] « comme évoqué je ne suis pas satisfait par sa prestation, nous avons de nombreuses remontées négatives (clients et internes SAMSUNG) concernant de nombreuses erreurs dans l’envoi des cotations (‘). Nous envisageons de mettre un terme à sa mission et de recruter un spé sur [Localité 6] afin de remettre une dynamique sur le plateau qui sera plus en accord avec nos ambitions communes de développer l’adressage ».

Il constitue le seul point de vue du client, qui n’est pas l’employeur de Mme [D].

M. [P] a immédiatement réagi en indiquant que 15 jours auparavant M. [C] avait demandé s’il était possible que Mme [D] fasse à la fois spé tablettes et spé carte SD pour mutualiser.

De ces éléments il résulte que ce grief n’est pas établi.

Sur le suivi du dossier Sony

L’employeur impute au salarié la responsabilité d’un achat trop important de smartphones et du fait qu’ils avaient été difficilement vendus.

Le salarié réplique que la mauvaise vente des appareils Sony est la conséquence du manque de support de la société et de son non-respect de ses engagements à l’égard de Sony.

Les échanges de mails démontrent (pièce S n°66) que M. [P] a participé à la commande de smartphones. En revanche, il n’a proposé qu’une première commande de 1,3 millions d’euros et 3 références de smartphones et 3 référence de tablettes.

Outre que ses propositions étaient soumises à la validation de sa hiérarchie, il ne peut donc lui être imputé la responsabilité d’une prise de commandes de 2,720 millions sur 15 références différentes de smartphones.

Au surplus, il est démontré que le contrat avec Sony a été signé plus tard que prévu et il n’est pas discuté qu’aucun moyen commercial supplémentaire n’a été accordé.

Ce grief n’est pas établi.

Sur la présentation de M. [P] de la société Samsung lors du salon World Mobile Congress le 27 février 2017 et sur l’absence de M. [P] à un rendez-vous convenu avec M. [L] (société Samsung)

Ces faits qui relèvent de l’insuffisance professionnelle, même non expressément mentionnés dans la lettre de licenciement, doivent être examinés contrairement à ce qu’a retenu le premier juge.

Les témoignages indirects versés au débat (pièces E n° 13 et 34) sont insuffisamment précis pour établir la réalité des faits reprochés.

Finalement, le seul non-respect du rythme de deux visites par mois au site de [Localité 6] sur une période de 4 mois alors que le salarié, pendant quatre années, n’avait subi aucune critique sur sa prestation de travail ne justifiait pas la mesure extrême que constitue un licenciement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

M. [P] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 44 ans, de son ancienneté d’environ 4 ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle et de ce qu’il ne justifie d’aucune période de chômage et indique seulement avoir retrouvé un emploi dans le secteur des solutions de paiement, il convient, infirmant le jugement, de lui allouer de ce chef la somme de 51 000 euros.

Il sera également confirmé en ce qu’il a ordonné le remboursement par la société Ingram Micro aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié à concurrence de six mois.

Sur le préjudice moral :

Le salarié fait valoir qu’il a été licencié de manière humiliante et vexatoire et souligne que le courrier de mise à pied lui a été remis devant ses collaborateurs et qu’il a été sommé de quitter immédiatement l’entreprise.

Il se prévaut de ce que son licenciement était prémédité de longue date comme le démontre le fait que Mme [D] a été rattachée hiérarchiquement à M. [G], responsable commercial B2C avant même son licenciement.

Le salarié ne communique aucun élément déterminant permettant d’estimer que la véritable cause du licenciement est économique et avait pour objet la réorganisation de l’entreprise par la réunion des postes managériaux sur le site de [Localité 6].

La seule mise à pied conservatoire, même non suivie d’un licenciement disciplinaire, ne constitue pas un acte vexatoire.

Le salarié n’établit la réalité d’aucun comportement humiliant de la part de l’employeur, ni du fait que son licenciement était prémédité. Ainsi, il figurait toujours sur l’organigramme présenté les 19 et 20 mars 2017.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour manquement par l’employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral :

Le salarié expose que « compte tenu des observations qui précèdent », qu’il ne précise pas davantage, son licenciement est intervenu dans des conditions contraires aux obligations de sécurité de la société et aux obligations relatives à l’interdiction de harcèlement moral.

Il indique qu’il a porté à de nombreuses reprises à la connaissance de la société les faits de discrimination dont étaient victimes les équipes situées sur le site parisien et qui les empêchaient de réussir.

Il affirme qu’il s’est vu retirer le 25 novembre 2016 sans explication ou confirmation écrite la responsabilité du site de [Localité 7] qui lui avait été confié en juillet 2016.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 dans sa version applicable à l’espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il a été précédemment démontré que le licenciement prémédité et ses conditions vexatoires ne sont pas établis.

Le salarié ne démontre pas que la responsabilité du site de [Localité 7] lui a été retirée en novembre 2016.

Il se prévaut d’un mail du 3 novembre 2016 par lequel il a informé sa hiérarchie qu’une salariée très inquiète de sa charge de travail avait fait une crise d’angoisse au bureau le jour même et d’un échange de mails des 29 et 30 novembre 2016 (pièce S n°23) avec son supérieur M. [Y] dans lequel celui-ci remet en cause, un peu sèchement, la pertinence du plan marketing et dans lequel lui-même attire l’attention sur le fait que l’équipe est composée de jeunes collaborateurs qu’il faut accompagner. Il rappelle aussi qu’il ne faut pas que les collaborateurs arrivent le matin « la boule au ventre » en se demandant quel mail va leur tomber dessus.

Il tire également argument (pièce S n°55) de l’avis émis par M. [O], psychanalyste consultant à la maison du travail, du 5 mai 2017 qui mentionne qu’il paraît très affecté par sa situation professionnelle et des méthodes de management qu’il aurait subies et présente une décompensation sur un mode anxieux évoquant un risque pour sa santé physique et psychique et d’une ordonnance médicale très postérieure au licenciement.

Ces éléments n’établissent pas des agissements répétés qui pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Le harcèlement moral n’est donc pas établi ni le manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral.

Sur les heures supplémentaires :

Le salarié fait valoir, ce qui n’est pas discuté, qu’il n’était pas bénéficiaire d’une convention de forfait et était donc soumis à la durée légale hebdomadaire de 35 heures.

Il indique que la sélection de mails qu’il produit démontre qu’il travaillait tôt le matin, tard le soir et durant les week-ends et ses congés. Il souligne qu’il avait accès à ses mails professionnels par son téléphone portable ce qui lui permettait d’être très réactif et que l’évolution du chiffre d’affaire de son équipe confirme sa surcharge de travail comme le fait que de nouvelles missions lui ont été confiées.

Il fait état d’une charge de travail constante de 8h le matin à minuit le soir et affirme que son management était destinataire des mails envoyés tardivement était au courant.

L’employeur oppose que M. [P] n’a jamais demandé le paiement d’heures supplémentaires et qu’il ne lui en a jamais commandé.

Il fait valoir que les demandes antérieures au 28 mars 2014 sont prescrites et soutient que le salarié ne communique aucun élément probant étayant sa demande.

Il souligne que la messagerie professionnelle du salarié étant accessible à distance il pouvait se connecter à tout moment et faire croire qu’il travaillait, qu’il envoyait souvent des mails de son téléphone portable, que ceux-ci ne révélaient pas toujours un réel travail et qu’il bénéficiait d’une totale autonomie de travail.

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Au soutien de sa demande, le salarié communique notamment :

– un tableau récapitulant le nombre d’heures supplémentaires sollicitées par semaine (pièce S n°32),

– un tableau mentionnant à titre d’exemple pour 8 dates sur la période non prescrite l’heure du premier mail et celle du dernier accompagné des mails cités ; par exemple le 14 juin 2016 premier mail envoyé à 7h15 et dernier mail envoyé à 21h36 (pièce S n°31),

– de très nombreux mails (pièces S n° 31 et 49 à 54) envoyés et reçus toute la journée mais aussi dans la soirée, 1er octobre 2015 à 21h37, 2 octobre 2015 à 22h28, 8 novembre 2016 à 22h01, le matin tôt 18 novembre 2016 à 7h16, certains pendant les week-end, dimanche 15 juin 2014, samedi 9 avril 2016 de 11h02 à 14h24,

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de produire ses propres éléments, ce qu’il s’abstient de faire.

Les managers de M. [P] qui étaient destinataires des mails de M. [P] sont mal fondés à soutenir qu’ils ignoraient que le salarié faisait des heures supplémentaires. L’employeur ne peut non plus valablement soutenir qu’il ne commandait pas les heures supplémentaires alors le salarié faisait face à une charge de travail très importante.

Le salarié n’ayant pas été soumis à une convention de forfait en heures il n’y a pas lieu de rechercher s’il n’a pas déjà été rémunéré d’une partie des heures supplémentaires en étant rémunéré au-delà du minimum conventionnel.

Au regard de l’ensemble des éléments versés au débat, prenant en compte le fait que le salarié ne travaille pas sans interruption du premier au dernier mail de la journée et de ce qu’il dispose d’une autonomie d’organisation, mais aussi de ce que la rédaction des mails est l’aboutissement de l’exécution d’un autre travail, il convient de fixer pour la période non prescrite le nombre d’heures supplémentaires effectuées par le salarié à 610 heures pour l’année 2014 (mars à décembre), 756 heures en 2015, 560 en 2016 et 20 heures en 2017.

Après application des taux de majoration, il convient d’accorder au salarié la somme de 124 825,90 euros outre les congés payés afférents.

Au titre du repos compensateur il lui sera accordé la somme de 64 166, 40 euros, outre les congés payés afférents.

Il convient donc, infirmant le jugement, d’accorder au salarié la somme de 188 992,30 euros au titre des heures supplémentaires et de repos compensateur outre les congés payés afférents.

Sur les dommages et intérêts pour travail dissimulé :

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

En l’espèce, l’importance et le caractère pérenne des dépassements horaires imposés au salarié qui était soumis à la durée légale du travail suffit à caractériser l’élément intentionnel.

Il convient, infirmant le jugement, de faire droit à la demande du salarié de ce chef.

Sur le rappel de primes du dernier trimestre 2016 et des mois de janvier et février 2017, et les congés payés afférents :

Le salarié expose qu’au cours du dernier trimestre 2016 et en janvier et février 2017, il n’a pas perçu les primes auxquelles il avait droit.

Il rappelle il peut bénéficier d’une prime mensuelle de 1 000 euros pour 100 % d’objectifs atteints.

Il prétend qu’il a atteint 94 % de ses objectifs au dernier trimestre 2016 et 90 % de ses objectifs en janvier et février 2017 et que l’employeur lui doit un reliquat de 1 381,80 euros pour le dernier trimestre 2016 et de 471,77 euros pour janvier et février 2017.

L’employeur réplique que M. [P] a réalisé 49,94 % de ses objectifs au dernier trimestre 2016 et 67,5% en janvier et février 2017 et qu’il a été rempli de ses droits.

S’agissant du dernier trimestre 2016, M. [P] se prévaut des objectifs qu’il a transmis par mail à M. [S] le 25 septembre 2016 et que celui-ci a approuvé le 7 octobre 2016 (pièce S n°33) et du mail qu’il a envoyé le 5 janvier 2017 à M. [S] (pièce S n°34) faisant état d’une réalisation d’objectifs pour lui de 94%.

Ce n’est que le 13 avril 2017, après le licenciement, que M. [S] a opposé un taux de réalisation de 49,94 %, taux que l’employeur ne justifie pas, le mail de M. [Y] du 13 avril 2017 et le courrier de Mme [H], DRH, n’étant accompagnés d’aucun justificatif.

Le taux de réalisation de 94 % doit donc être retenu.

S’agissant des mois de janvier et février 2017, l’employeur se prévaut d’un taux de réalisation de 67,5% mais ne produit aucune pièce en justifiant et contredisant les informations circonstanciées données par le salarié dans son courrier du 26 avril 2017.

Le taux de 90 % sera donc retenu.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a accordé au salarié la somme de

1 853,57 euros à titre de rappel de prime d’objectifs sur la période du 1er octobre 2016 au 3 mars 2017, outre les congés payés afférents.

Sur le remboursement des jours de repos accordé dans le cadre du forfait-jours :

L’employeur expose qu’il a fait bénéficier le salarié de jour de repos dans le cadre d’un forfait- jours et qu’il est fondé à solliciter le remboursement.

Dès lors qu’il a été jugé que le salarié était soumis à la durée légale du travail, les jours de repos qui lui ont été accordés dans le cadre d’un forfait jours qui ne lui était pas applicable étaient indus.

Il convient, infirmant le jugement, de faire droit à la demande dont le montant n’est pas discuté.

Sur les intérêts :

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement à hauteur de 50 000 euros et du présent arrêt pour le surplus.

Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué au salarié la somme de 1 500 euros de ce chef.

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [P] les frais par lui exposés en cause d’appel non compris dans les dépens à hauteur de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Ingram Micro à payer à M. [P] les sommes suivantes :

. 188 992,30 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et de repos compensateur,

. 18 899,23 euros à titre de congés payé afférents,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

. 51 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec intérêt au taux légal à compter du jugement à hauteur de 50 000 euros et du présent arrêt pour le surplus,

. 50 564,22 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite,

CONDAMNE M. [P] à payer à la société Ingram Micro la somme de 9 376,51 euros bruts au titre des JRS dont il a indûment bénéficié,

CONFIRME pour le surplus le jugement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Ingram Micro à payer à M. [P] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

DÉBOUTE la société Ingram Micro de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Ingram Micro aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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