14 novembre 2022
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/02669
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET
N° 903
S.A.R.L. [5]
C/
URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS
COUR D’APPEL D’AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 14 NOVEMBRE 2022
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N° RG 21/02669 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IDL5 – N° registre 1ère instance : 17/00889
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 11 février 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.R.L. [5] agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me Jean-michel LECLERCQ-LEROY de la SELARL LOUETTE-LECLERCQ ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 95
ET :
INTIME
URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté et plaidant par Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU DEMONT HARENG DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE
DEBATS :
A l’audience publique du 13 Juin 2022 devant Madame Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 14 Novembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
La société [5], organisme de formation professionnelle, a fait l’objet d’un contrôle par les services de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Nord Pas-de-Calais (ci-après l’URSSAF), portant sur l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires « AGS » sur la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2015.
Dans le cadre de ce contrôle, la société [5] a été destinataire d’une lettre d’observations datée du 29 novembre 2016 relevant l’existence d’un travail dissimulé suite aux constats établis par l’inspectrice de l’URSSAF lors de sa visite sur site du 17 février 2016.
Le 24 février 2017, l’URSSAF a mis en demeure la société [5] d’avoir à régler la somme de 68 177 euros correspondant aux cotisations et contributions, majorations de retard dues au titre du redressement litigieux.
Le 20 avril 2017, l’URSSAF a émis une contrainte à l’encontre de la société [5] signifiée le 24 avril 2017, pour obtenir le paiement de cette somme.
La société [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lille d’une opposition à la contrainte par courrier recommandé du 26 avril 2017.
Par un jugement du 11 février 2021 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des motifs et des faits, le tribunal a :
– dit la société [5] recevable en son opposition,
– débouté la société [5] de sa demande tendant à obtenir l’annulation de la procédure de contrôle pour non respect des dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale,
– débouté la société [5] de sa demande tendant à obtenir l’annulation des opérations de contrôle pour non respect des dispositions de l’article L. 143-13,
– débouté la société [5] de sa demande tendant à obtenir l’annulation des opérations de contrôle pour non respect des dispositions de l’article L. 114-19 du code de la sécurité sociale,
– débouté la société [5] de sa demande de dommages et intérêts,
– confirmé le chef de redressement n°1,
– confirmé le chef de redressement n°2,
– débouté la société [5] de sa demande en remboursement des cotisations sociales versées au titre de l’emploi de Mme [I] et de M. [K] pour les années 2013, 2014 et 2015,
– validé la contrainte pour son entier montant,
– condamné la société [5] à payer à l’URSSAF Nord Pas-De-Calais la somme de 61 013 euros – 43 581 euros de cotisations et 17 432 euros de majorations de redressement – et ce en deniers et quittances valables des sommes qui auraient pu être payées depuis, outre les majorations de retard à parfaire jusqu’au complet paiement,
– condamné la société [5] au paiement des dépens en ce compris notamment les frais de signification de la contrainte (70,98 euros),
– débouté la société [5] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société [5] à payer à l’URSSAF Nord Pas-De-Calais la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision a été notifiée à la société [5] le 12 avril 2021 qui en a relevé appel le 7 mai suivant et les parties ont été convoquées à l’audience du 13 juin 2022.
Par conclusions communiquées au greffe le 10 juin 2022 et soutenues oralement à l’audience, la société [5] demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement,
Statuant à nouveau,
– annuler les chefs 1 et 2 du redressement opéré par l’URSSAF Nord Pas-de-Calais,
– annuler la contrainte émise par l’URSSAF Nord Pas-de-Calais,
– condamner l’URSSAF Nord Pas-de-Calais à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions communiquées au greffe le 25 mai 2022 et soutenues oralement à l’audience, l’URSSAF Nord Pas-de-Calais demande à la cour de:
– confirmer le jugement,
– condamner la société [5] à lui payer la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société [5] aux dépens de l’instance.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
Sur la régularité de l’avis de contrôle
La société [5] expose que la date de report de la première visite de l’inspectrice de l’URSSAF initialement prévue au 25 janvier 2016 suivant l’avis de contrôle dont elle a été destinataire, n’a jamais fait l’objet d’un commun accord ni d’une confirmation écrite de la part de l’organisme de sorte que ce dernier n’a pas respecté son obligation de confirmation en cas de report et d’information en temps utile et par tout moyen de sa date.
Elle ajoute que la gérante a dû demander elle-même confirmation de la visite par mail le 17 février 2016 matin, qu’elle n’était pas prête, qu’elle a dû annuler les formations de la journée et qu’elle n’a pas pu bénéficier de l’assistance d’un conseil.
Elle soutient qu’en l’absence de preuve de la réception de la confirmation du report, le contrôle doit être annulé pour non-respect de la procédure.
L’URSSAF réplique que la visite du 17 février 2016 a été fixée d’un commun accord avec la société [5] par téléphone lorsque l’inspectrice a annulé sa première visite de contrôle du 25 janvier 2016, qu’elle a confirmé cette nouvelle visite par un courrier simple puisque la loi ne lui impose aucun formalisme particulier dans ce cas de figure.
Elle ajoute que l’accord de la société [5] pour le report de la visite de contrôle au 17 février 2016 ne fait aucun doute eu égard au courriel envoyé le matin même du 17 février 2016 par l’appelante à l’inspectrice de l’URSSAF pour avoir confirmation de sa visite dans l’après-midi. Elle souligne que la gérante et son conjoint étaient bien présents le 17 février 2016 à 14h pour accueillir l’inspectrice dans leurs locaux et se rendre disponible pour le contrôle.
En vertu de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, «Tout contrôle effectué en application de l’article L. 243-7 est précédé de l’envoi par l’organisme chargé du recouvrement des cotisations d’un avis adressé à l’employeur ou au travailleur indépendant par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l’article L 8221-1du code du travail.
Cet avis fait état de l’existence d’un document intitulé » Charte du cotisant contrôlé » présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu’ils sont définis par le présent code. Il précise l’adresse électronique où ce document dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable et indique qu’il est adressé au cotisant sur sa demande.
L’employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l’avis prévu à l’alinéa précédent. (‘). »
Il résulte de ces dispositions que l’avis préalable de contrôle n’ a pour objet que d’informer l’employeur ou le travailleur indépendant de la date de la première visite de l’inspecteur du recouvrement. Dans le cas où l’URSSAF entend reporter cette première visite, il lui incombe d’en informer en temps utile et par tout moyen approprié l’employeur ou le travailleur indépendant, et de rapporter la preuve de la réception de l’information en cas de recours contentieux.
En l’espèce, il est constant qu’un avis de contrôle daté du 4 janvier 2016 a été envoyé à la société [5] pour une visite prévue le 25 janvier 2016 vers 14h00. Il n’est pas contesté que cet avis a été régulièrement délivré.
Il ressort du dossier que l’inspectrice du recouvrement a téléphoné le matin du 25 janvier 2016 à la gérante de la société, Mme [I], pour annuler sa visite de l’après-midi et qu’elle lui a, à ce moment-là, communiqué la date de report du 17 février 2016.
Il est établi que le 17 février 2016 à 10h33, Mme [I] a adressé à l’inspectrice du recouvrement un mail en ces termes « Bonjour Mme [E], Je n’ai pas eu de confirmation. Pouvez-vous me dire si vous passez effectivement dans nos locaux cet après-midi ‘ (…) ».
Il ressort de ces éléments que la société [5] a reçu un avis de contrôle conforme aux dispositions de l’article précité et qu’elle a été informée de son report en temps utile, puisqu’elle disposait d’un délai de trois semaines pour se préparer au contrôle.
L’absence de confirmation écrite du report et a fortiori de sa réception par la société est indifférente comme l’ont relevé les premiers juges, le premier avis de contrôle étant régulier. Et les attestations d’élèves produites par la société [5], déclarant que les cours du 17 février 2016 après-midi ont été annulés à la dernière minute, sont sans incidence sur l’information délivrée de la date du report du contrôle.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté la société [5] de sa demande tendant à obtenir l’annulation de la procédure de contrôle pour non-respect des dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale.
Sur la régularité de la durée de contrôle
La société [5] expose qu’entre la date du début du contrôle le 17 février 2016 et la date de la lettre d’observations le 29 novembre 2016, il s’est écoulé un délai de huit mois, et que l’URSSAF ne démontre pas l’existence d’un travail dissimulé lui permettant de se prévaloir des dispositions de l’article L.243-13 du code de la sécurité sociale relatives à l’absence de limitation de la durée de contrôle.
Elle se prévaut de l’avis de classement sans suite du procureur de la République de la procédure. Elle ajoute que l’URSSAF ne peut être juge et partie dans la mesure où c’est celle qui a transmis ledit procès-verbal au ministère public et qu’elle n’a exercé aucun recours devant le procureur général ni n’a engagé de poursuites.
L’URSSAF réplique que la présente procédure est relative au travail dissimulé, faisant ainsi échec à l’application de la limitation de la durée du contrôle prévue à l’article L.243-13. Elle ajoute que la décision de classement sans suite n’a pas autorité de la chose jugée et qu’elle est purement administrative.
Aux termes de l’article L.243-13 du code de la sécurité sociale, « les contrôles prévus à l’article L.243-7 visant les entreprises versant des rémunérations à moins de dix salariés ou les travailleurs indépendants ne peuvent s’étendre sur une période supérieure à trois mois, compris entre le début effectif du contrôle et la lettre d’observations.
Cette période peut être prorogée une fois à la demande expresse de l’employeur contrôlé ou de l’organisme de recouvrement.
La limitation de la durée du contrôle prévue au premier alinéa du présent I n’est pas applicable lorsqu’est établi au cours de cette période : 1° Une situation de travail dissimulé, défini aux articles L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail (‘). »
En l’espèce, il ressort du procès-verbal de travail dissimulé dressé le 29 novembre 2016 et de la lettre d’observations établie à la même date envisageant un redressement pour dissimulation d’emploi salarié et pour minoration des heures de travail déclarées, qu’à l’issue des opérations de contrôle du 17 février 2016, l’inspectrice du recouvrement a retenu une situation de travail dissimulé.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu qu’une situation de travail dissimulé ayant ainsi été établie en cours de contrôle, la limitation de la durée de contrôle à trois mois prévue à l’article R.243-13 précité ne pouvait s’appliquer.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur le chef de redressement n°1 : travail dissimulé avec verbalisation ‘ dissimulation d’emploi salarié ‘ taxation forfaitaire
La société [5] conteste l’existence d’un travail dissimulé s’agissant de M. [K]. Elle soutient que pour la période concernée par le contrôle, il existait deux associés détenant 50% du capital, M. [K] et Mme [I], qui était gérante de la société assujettie au régime des dirigeants soumis au régime social assimilé à celui des salariés ; que l’inspectrice du recouvrement a construit son raisonnement sur le postulat que Mme [I] disposait du statut de salariée en se fondant sur les fiches de paie alors que cela n’a pas pour conséquence de caractériser le lien de subordination avec la société ; qu’elle évoque l’interdiction du bénévolat dans une société commerciale alors que cela ne s’applique pas au dirigeant qui est libre de travailler sans être soumis à la convention collective et de percevoir une rémunération faible ; que dès lors, aucun texte n’autorisait l’URSSAF à comptabiliser son temps de travail comme une salariée.
Elle fait valoir que les heures déclarées de formation pour Mme [I] sont conformes aux besoins et à l’organisation de la société ; que différentes formations sont dispensées en simultané, non pas par l’existence de deux formateurs, mais grâce aux outils de e-learning qui permettent à Mme [I] de dispenser des formations sans être physiquement présente. .
Elle argue que les versements de 2 000 euros effectués à M. [K] entre février 2013 et avril 2013 ne sont pas une rémunération déguisée mais de simples remboursements sur le compte courant d’associé de M. [K]. Elle ajoute que le seul fait de commander des tickets restaurant pour les deux associés n’est pas une preuve de travail dissimulé.
S’agissant de la déclaration préalable à l’embauche de M. [K], elle prétend qu’elle a été régularisée par Mme [I] avec quelques jours de retard et que l’inspectrice du recouvrement a choisi de ne pas la transmettre au parquet.
Elle rappelle que pour établir l’existence d’un travail dissimulé il faut démontrer l’élément intentionnel et que la décision de classement sans suite s’impose à l’URSSAF, laquelle a choisi de ne pas la poursuivre au pénal.
L’URSSAF réplique qu’il résulte de son contrôle que la société [5] et Mme [I], en sa qualité de gérante égalitaire salariée, ont, d’une part, employé un salarié sans avoir effectué de déclaration préalable à l’embauche ni accompli des déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci et, d’autre part, minoré les heures de travail de deux salariés dans le but de bénéficier de bases de cotisations forfaitaires.
Elle soutient qu’il ressort des constatations de son inspectrice faisant foi jusqu’à preuve du contraire que des salaires ont été payés à M. [K] de février à avril 2013, soit avant son embauche en septembre 2013 ; que le nombre de tickets restaurant est constant sur l’année et correspond à deux personnes ; que la société a recouru aux bases forfaitaires « formateurs occasionnels » pour limiter le montant des cotisations ; que des formations différentes étaient dispensées le même jour et ne pouvaient être dispensées par une seule personne ; que le nombre d’heures déclarées pour M. [K] n’est pas conforme à la réalité, lequel a travaillé sur l’ensemble de l’année 2013.
Elle précise que les statuts de la société n’ont pas été communiqués ; que la qualité de gérante n’exclut pas nécessairement celle de salariée et qu’en tout état de cause, la société a inscrit les salaires de Mme [I] et de M. [K] au compte « formateurs occasionnels » et que Mme [I] s’est elle-même inscrite dans le régime du contrat de travail.
Elle conclut que la qualité de salarié de M. [K] est incontestable, qu’elle n’a pas à démontrer une quelconque intention frauduleuse et que l’élément intentionnel peut être déduit du fait que la société [5] est un organisme de formation professionnelle spécialisé en ressources humaines, paie et comptabilité, qu’elle a employé depuis six salariés pour lesquels elle a bien fait une déclaration préalable à l’embauche, et qu’elle n’a versé aucune cotisation relative à l’emploi de M. [K] de janvier à août 2013 alors que des versements de rémunération apparaissent en comptabilité pour la même période.
En application de l’article L.8221-5 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2011-672 applicable au litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article L.1221-10 du même code précise que l’embauche d’un salarié ne peut intervenir qu’après déclaration nominative accomplie par l’employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet.
Selon l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l’un ou de l’autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu de que soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.
L’article L.242-1 du même code dispose que, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou pas l’entremise d’un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d’une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu’elle prenne la forme, notamment, d’un complément différentiel de salaire ou d’une hausse du taux de salaire horaire.
En l’espèce, la société [5], SARL ayant pour activité la formation professionnelle notamment dans les domaines des ressources humaines et comptabilité, a fait l’objet d’un redressement pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié s’agissant de M. [K].
Il ressort du procès-verbal relevant le délit de travail dissimulé et de la lettre d’observations, tous deux établis le 29 novembre 2016 par l’inspectrice de l’URSSAF, que la société [5] a déclaré un salarié de janvier 2013 à août 2013, puis un deuxième salarié à compter du 1er septembre 2013, en la personne de M. [K], alors que :
– cinq virements de 2000 euros au profit de M. [K], réalisés de février à avril 2013, sont inscrits au compte de salaires 421600 du Grand Livre comptable général de l’année 2013 et la DADS 2013 mentionne une période d’emploi de septembre à décembre 2013, période pour laquelle les bulletins de paie édités pour M. [K] mentionnent les sommes de 1813,94 et 1798 euros,
– la société [5] a financé un nombre de tickets restaurant correspondants à deux salariés tout au long de l’année 2013,
– des formations portant des intitulés différents et relatives à des matières différentes sont dispensées le même jour aux mêmes heures,
– les bilans pédagogiques et financiers de l’année 2013 transmis à la DIRECCTE indiquent un recours à un formateur occasionnel pour 156 heures de formation et à deux bénévoles pour 2215 heures de formations, soit un total de 2 371 heures de formation dispensées alors que dans le cadre d’une société commerciale, le recours au bénévolat n’est pas possible,
– un total cumulé d’heures pour les deux salariés déclarés, Mme [I] et M. [K], de 439 heures a été constaté,
– M. [K] a été officiellement embauché au 1er septembre 2013 et la déclaration préalable à son embauche a été réalisée le 11 octobre 2013.
L’inspectrice a conclu à la dissimulation d’emploi salarié de M. [K] du 1er janvier 2013 au 31 août 2013 et opéré un redressement sur la base d’un temps plein, soit un montant de 5 978 euros de cotisations et 2 391 euros de majoration (article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale).
Le simple fait que la déclaration préalable à l’embauche de M. [K] ait été réalisée le 10 octobre 2013, soit plus d’un mois après l’embauche au 1er septembre 2013, suffit à caractériser l’existence d’un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié en application de l’article L.1221-10.
Par ailleurs, la cour fait sienne la motivation des premiers juges qui ont retenu que :
– au vu du besoin du volume d’heures de formateur de la société [5] au moins égal à 2 371 heures par an, les heures de travail déclarées par Mme [I] et M. [K] étaient insuffisantes, même en les dédoublant en assurant deux formations simultanément, pour couvrir les besoins de la société, lesquels ne pouvaient être couverts par le recours à du bénévolat interdit dans le cadre d’une société commerciale ;
Exposé du litige
– le fait que depuis le contrôle, la société [5] ait recruté six nouveaux salariés démontre que les besoins de l’époque n’étaient pas couverts par les heures de formation déclarées ;
– dans ce contexte, et alors qu’aucune pièce en procédure ne justifie de la qualité de M. [K] dans la société en 2013, le versement répété de sommes identiques, à cinq reprises entre février et avril 2013, enregistrées dans un compte de salaire ne peut que laisser penser qu’il effectuait alors des heures de formation non déclarées.
En effet, la société [5], qui déclare que M. [K] était associé à 50%, et qu’il n’était donc pas salarié, ne produit pas plus en cause d’appel que devant le tribunal un quelconque document, comme les statuts de la société, qui permettrait à la cour de confirmer la véracité de ses déclarations s’agissant du statut d’associé de M. [K] et de versements constituant de simples remboursements sur le compte courant associé.
La cour relève que le dossier d’enquête préliminaire ayant fait l’objet d’un classement sans suite figurant au dossier de la société [5] comporte un extrait Kbis qui fait simplement état de la qualité de gérante de Mme [I].
Par ailleurs, la cour rappelle que s’il procède du constat d’un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le redressement effectué par l’URSSAF a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à l’emploi, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’intention frauduleuse de l’employeur requise pour caractériser l’infraction pénale. La décision de classement sans suite par le procureur de la République est donc sans incidence sur le redressement.
Ainsi la société [5] ne produit aux débats aucun élément pertinent de nature à combattre utilement les constats de l’inspectrice du recouvrement qui font foi jusqu’à preuve du contraire et qui établissent l’existence d’un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié s’agissant de M. [K] au cours de l’année 2013.
En conséquence, le chef de redressement n°1 est fondé et le jugement sera confirmé.
Sur le chef de redressement n°2 : travail dissimulé avec verbalisation ‘ minoration des heures de travail ‘ assiette réelle
La société [5] conteste la minoration des heures de travail de Mme [I] et de M. [K] pour bénéficier de l’application des bases fofaitaires « formateurs occasionnels » pour ses deux salariés, bases applicables aux formateurs dispensant moins de 30 jours de formation par an.
Elle expose que l’inspectrice du recouvrement a persisté à considérer Mme [I], gérante de la société et associée égalitaire à 50%, comme une salariée et à comptabiliser son temps de travail alors qu’elle n’est pas soumise à la législation sur le temps de travail, notamment aux horaires de travail.
Elle soutient que M. [K], titulaire de 50% du capital de la société et concubine d ela gérante à l’époque du contrôle, ne peut pas non plus être considéré comme salarié de sorte que la comptabilisation de son temps de travail ne pouvait être retenue ; qu’il ne pouvait pas non plus être considéré comme un bénévole dans la mesure où il pouvait escompter une rémunération sous forme de dividendes.
Elle ajoute que la société [5] et ses associés n’ont pas fait d’économie et que l’absence de charges salariales sur les rémunérations redressées par l’URSSAF s’est traduite par une augmentation de l’impôt sur le revenu des deux associés, de sorte que les sommes qu’elle aurait ainsi éludées en cotisations ont été payées en impôts et qu’à quelques euros près, les créances fiscales et sociales se neutralisaient.
L’URSSAF réplique que la société a déclaré ses deux salariés (Mme [I] et M. [K]) comme des « formateurs occasionnels » et appliqué des bases forfaitaires « formateurs occasionnels » prévues par l’arrêté du 28 décembre 1987 à leurs rémunérations, ce qui contrevient à la réalité ; que pour la période de contrôle de 2013 à 2015, il est impossible que Mme [I] et M. [K] aient dispensé chacun moins de 30 jours de formation par an comme le prévoit le statut des formateurs occasionnels ; que la société a minoré leurs heures de travail.
Elle développe qu’il ressort des bulletins de paie des deux salariés en 2013 et 2014 qui sont devenus travailleurs indépendants courant 2015 suite à la modification de leur situation matrimoniale (PACS), du nombre de tickets restaurant et chèques déjeuner commandés par la société, des plannings de formation et des bilans pédagogiques envoyés à la DIRECCTE que le besoin en heures de formateur était très supérieur à celui déclaré sur les fiches de paie des seuls deux salariés de la société et que le nombre d’heures de travail réalisées par Mme [I] et M. [K] révèle un nombre d’interventions supérieur au seuil des 30 jours par an.
Il ressort du dossier que pour conclure à une minoration des heures de travail déclarées par l’appelante pour ses deux salariés, l’inspectrice du recouvrement a établi les constats suivants :
– les fiches de paies respectives établies entre 2013 et 2015 montrent que Mme [I] et M. [K] ont dispensé respectivement plus de 30 jours par an de formation, ce qui empêche l’application du statut de formateur occasionnel,
– les bulletins de paie de Mme [I] de 2013 (taux horaire de 237,14 euros) et 2014 (taux horaire de 237,14 euros) font état de 21h mensuelles, soit pour une moyenne de 7h de formation par jour, 3 jours de formation par mois,
– les bulletins de paie de M. [K] de 2013 indiquent 52h mensuelles (taux horaire de 44 euros), 49h mensuelles en 2014 (taux horaire de 47 euros) et 19h mensuelles en 2015 (taux horaire de 124 euros), un brut mensuel d’environ 2 300 euros sur les trois années contrôlées,
– les factures des tickets restaurant et chèques déjeuner achetés par la société pour les deux salariés entre 2013 et 2015, soit 50 titres par mois en 2013, 40 titres par mois en 2014 et 2015, sont incompatibles avec une supposée intervention de moins de 30 jours par an pour chacun,
– des formations portant des intitulés différents et relatives à des matières différentes sont dispensées le même jour aux mêmes heures,
– les bilans pédagogiques et financiers transmis à la DIRECCTE indiquent pour 2013 un recours à un formateur occasionnel pour 156 heures de formation, à deux bénévoles pour 2 215 heures de formation, soit un total de 2 371 heures de formation dispensées ; pour l’année 2014 un salarié en CDI pour 11 313 heures de formation, un formateur occasionnel pour 4 060 heures de formation, soit un total de 15 373 heures de formation dispensées ; pour 2015 deux travailleurs indépendants pour 10 628 heures de formation dispensées.
L’inspectrice du recouvrement a déduit de ses éléments que le nombre d’heures indiqué sur les bulletins de paie de Mme [I] et M. [K] était minoré et que les bases forfaitaires « formateurs occasionnels » ne pouvaient pas s’appliquer générant un redressement de 37 603 euros majoré de 40% par application des dispositions de l’article L.243-7-7 du code de la sécurité sociale, soit un total de 43 581 euros en cotisations et majorations.
A l’appui de sa contestation, la société produit divers échanges entre elle et l’URSSAF, le dossier d’enquête préliminaire, diverses attestations d’élèves, une liste de devis et les déclarations préalables à l’embauche de M. [K] et de six autres salariés entre mars 2016 et octobre 2016.
Motivation
A l’instar des premiers juges, il y a lieu de relever que les pièces produites ne viennent pas utilement contredire les constatations de l’inspectrice de l’URSSAF qui font foi jusqu’à preuve du contraire et qui caractérisent le travail dissimulé par minoration des heures de travail déclarées prévu par l’article L. 8221-5 2° rappelé au paragraphe précédent, le nombre d’heures de formation effectuées par Mme [I] et M. [K], salariés déclarés, étant supérieur à celui repris sur leurs fiches de paie.
En outre, l’appelante qui conteste ce chef de redressement au motif que Mme [I] et M. [K] ne sont pas salariés mais associés, les a toutefois déclarés en comptabilité comme salariés formateurs occasionnels, étant observé que la fonction de gérante n’exclut pas le statut de salarié.
Enfin, l’argument selon lequel l’appelante n’avait aucun intérêt financier à frauder l’URSSAF puisque les sommes évitées en cotisations sociales ont été payées en impôt est inopérant.
Il y a donc lieu, par confirmation du jugement entrepris, de valider le redressement dans son intégralité.
Il y a également lieu de rejeter la demande d’annulation de la contrainte formulée par la société [5] dans la mesure où cette dernière n’a pas démontré le caractère infondé de sa créance et qu’elle n’en conteste pas la régularité formelle.
La contrainte sera donc validée en son entier montant et le jugement confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à l’URSSAF la charge de ses frais irrépétibles. La société [5] sera condamnée à lui verser la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de la demande qu’elle a formulée sur le même fondement.
La société [5], succombant totalement, sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressors,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement,
Y ajoutant,
Déboute la société [5] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [5] à verser à l’URSSAF Nord Pas-de-Calais la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [5] aux dépens de l’instance d’appel.
Le Greffier, Le Président,