Comptes courants d’associés : 22 novembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04258

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Comptes courants d’associés : 22 novembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04258

22 novembre 2022
Cour d’appel de Rennes
RG
20/04258

1ère Chambre

1ère Chambre

ARRÊT N°384/2022

N° RG 20/04258 – N° Portalis DBVL-V-B7E-Q4TH

M. [W] [E]

C/

SCP [P] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 26 Septembre 2022 devant Madame Véronique VEILLARD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [W] [E]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 6] (44)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Sébastien CHEVALIER, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

La SCP [P] [J], représentée par Maître [P] [J] en qualité de mandataire liquidateur de la SARL DESIGN AUTO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Véronique BAILLEUX, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Exposé du litige

FAITS ET PROCÉDURE

Le 14 décembre 2016, un véhicule de marque Bmw X5 immatriculé [Immatriculation 4] a été acquis auprès de M. [U] [C] au prix de 51.000 €.

Considérant que ce véhicule était sa propriété, la sarl Design’auto, garage automobile, a mis en demeure par courrier du 28 novembre 2017 M. [W] [E], son associé à hauteur de 40 %, et qui faisait usage exclusif de ce véhicule depuis son acquisition, de le restituer et à défaut de lui soumettre une proposition de rachat.

Par jugement du 29 novembre 2017, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la sarl Design’auto.

La scp [P] [J] (ci-après « la scp [J] ») a été désignée mandataire à la liquidation judiciaire de la sarl.

Par courrier du 11 décembre 2017, elle a sollicité de M. [E] la restitution du véhicule litigieux entre les mains de la selarl Antonitti et Jourdan, commissaire-priseur, en charge de la réalisation des actifs de la sarl.

Le conseil de M. [E] a répondu que le véhicule était la propriété exclusive de son client.

Le 14 décembre 2017, M. [E] a procédé au transfert de la carte grise du véhicule à son nom personnel.

Le 11 avril 2018, la scp [J] a avisé le procureur de la République de ce qu’elle considérait être un détournement d’actif opéré par M. [W] [E].

Le 20 décembre 2018, elle l’a assigné devant le tribunal de grande instance de Nantes (devenu tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020) aux fins de restitution du véhicule litigieux.

Par un jugement en date du 27 août 2020, le tribunal judiciaire de Nantes a :

-condamné M. [E] à restituer le véhicule Bmw X5 immatriculé [Immatriculation 4] à la scp [J] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la sarl Design’auto, ce dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 500 € par jour pendant quatre mois,

-condamné M. [E] à payer à la scp [J] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la sarl Design’auto la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts,

-débouté M. [E] de ses demandes,

-condamné M. [E] aux dépens de l’instance,

-condamné M. [E] à payer à la scp [J] en sa qualité de liquidateur de la sarl Design’auto la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l’exécution provisoire de sa décision.

M. [W] [E] a interjeté appel le 4 septembre 2020.

Moyens

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [E] expose ses demandes et moyens dans ses conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 22 septembre 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l’alinéa 1er de l’article 455 du code de procédure civile.

Il sollicite de la cour de :

-le recevoir en son appel et l’y déclarer fondé,

-y faisant droit,

-réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 27 août 2020,

-débouter la scp [J] de ses demandes de restitution du véhicule et d’indemnisation de ses préjudices,

-condamner la scp [J] à lui verser les sommes de :

– 5.000 € en réparation de son préjudice moral,

– 5.000 € au titre de ses frais de défense,

-condamner la scp Delaere aux entiers dépens.

La scp [P] [J] expose ses demandes et moyens dans ses conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 19 octobre 2020.

Elle sollicite de la cour de :

-à titre principal,

-confirmer le jugement de première instance constatant l’existence d’un titre de propriété du véhicule Bmw X5 immatriculé [Immatriculation 4] au bénéfice de la sarl Design’auto,

-constater que M. [E] a acquis le véhicule litigieux, indisponible, en fraude des droits de la liquidation judiciaire de la sarl Design’auto,

-en conséquence,

-dire et juger que la possession du véhicule BMW X5 immatriculé [Immatriculation 4] revendiquée par M. [E] est manifestement viciée,

-condamner M. [E] à payer le prix du véhicule d’un montant de 51.000 euros,

– à défaut,

-à titre subsidiaire,

-ordonner la liquidation de l’astreinte,

-contraindre M. [E] au paiement de celle-ci en application du jugement de première instance,

-prononcer la nullité de la vente illicite faite par M. [E] en violation du droit de propriété de la liquidation judiciaire de la sarl Design’auto,

-ordonner la restitution du véhicule en quelque main qu’il se trouve.

-en tout état de cause,

-condamner M. [E] à verser à la liquidation judiciaire de la sarl Design-auto la somme de 5.000 € au titre de son préjudice financier,

-le débouter de sa demande indemnitaire reconventionnelle,

-le débouter de sa revendication de propriété sur le véhicule litigieux,

-condamner M. [E] à lui verser la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles engagés pour la présente instance,

-le condamner aux dépens.

Motivation

MOTIFS DE L’ARRÊT

1) Sur la propriété du véhicule

M. [E] soutient avoir acquis le véhicule Bmw X5 avec des fonds personnels et avoir pu régulièrement se faire remettre un certificat d’immatriculation en préfecture. Selon lui, le virement de 51.000 € depuis le compte de la sarl Design’auto, qui précédait l’achat du véhicule, a été considéré à tort par le tribunal comme établissant la propriété de celle-ci. Il précise que ce mouvement de fonds correspondait en réalité à un remboursement de compte courant d’associé consécutif à la vente d’un autre véhicule Audi RS4 immatriculé [Immatriculation 5] acheté le 22 avril 2016 par la sarl Design’auto avec les fonds de M. [E]. Il affirme avoir été l’utilisateur exclusif du véhicule Bmw et indique, enfin, que toute exécution forcée est vaine puisqu’il l’a cédé début 2019.

La scp [J] soutient qu’aux termes de l’article R.322-4 du code de la route, les garages professionnels dans la vente automobile ne sont pas obligés de mettre la carte grise au nom de leur entreprise et que, de ce fait, une simple déclaration d’achat a été effectuée le 10 mai 2017, sur laquelle la sarl Design’auto est expressément identifiée en qualité de professionnel acquéreur et M. [U] [C] en qualité de vendeur. Elle ajoute que M. [E] ne produit aucun certificat de cession le mentionnant comme acquéreur du véhicule et que le véhicule fait l’objet d’une mention dans la comptabilité de l’entreprise en qualité d’actif immobilisé et figure sur le livre de police du garage outre que l’assurance a été souscrite par et au nom de la sarl Design’auto auprès de la compagnie d’assurance Axa. Se fondant sur les règles relatives à la possession, la scp [J] soutient que la prescription acquisitive d’un objet est nécessairement écartée lorsqu’il est constaté que la détention de l’objet par une personne résulte de ses fonctions salariales et que M. [E] n’a aucun mandat de direction ni tout autre mandat qui pourrait s’y apparenter.

Elle indique, par ailleurs, que M. [E] n’apporte aucune explication sur le transfert d’argent d’un montant de 51.000 € depuis le compte de la sarl Design’auto sur le compte bancaire de sa compagne, ce dont on peut déduire que l’achat du véhicule a été effectué par la sarl. Elle avance que M. [E] a déjà procédé à l’achat de plusieurs véhicules en se servant sur les comptes courants de la sarl Design’auto.

Enfin, la scp [J] conteste la qualité de preuve irréfutable de l’amende de composition pénale produite par M. [E] pour prouver sa propriété sur le véhicule, retenant que la composition pénale ne constitue pas une condamnation pénale définitive et qu’elle n’a aucune autorité sur une décision civile à intervenir.

En droit, l’article 2276 du code civil prévoit qu’en fait de meubles, la possession vaut titre. Pour être utile, la possession doit, en vertu de l’article 2261, être continue, paisible, publique et non équivoque.

Il résulte, de surcroît, de l’article 1142 que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur.

En l’espèce, en cause d’appel, comme en première instance, aucune des parties ne produit ni le contrat de vente du véhicule litigieux, ni le certificat d’immatriculation établi au moment de l’achat à M. [C].

L’examen des transferts de fonds permet toutefois d’établir que :

– le 8 décembre 2016, un virement de 51.000 € a été effectué depuis le compte de la société Design’auto vers le compte de Mme [E], épouse de M. [E],

– le 13 décembre 2016, un virement d’un montant de 51.000 € intitulé « VIR SEPA Bmw X5 » a ensuite été opéré depuis le compte de Mme [E] au profit de M. [U] [C], vendeur du véhicule Bmw X5,

– cet ordre de virement a été signé par M. [W] [E] par délégation de son épouse.

Au regard de la concomitance des écritures bancaires, des bénéficiaires des virements et de l’objet mentionné « Bmw X5 », cet ordre de virement a bien servi au paiement du véhicule litigieux avec des fonds provenant de la sarl Design’auto.

Ce mouvement de fonds vers le livret de Mme [E] est retrouvé dans la comptabilité de la sarl Design’auto à la date du 16 décembre 2016.

Outre ces faits comptables, le récépissé de déclaration d’achat daté du 10 mai 2017, produit par la scp [J], fait apparaître Design’auto comme acquéreur et M. [C] comme vendeur.

L’assurances souscrite le 14 décembre 2016 auprès de la compagnie AXA l’a été au nom de la sarl Design’auto comme en atteste l’attestation établie par [P] [G] le 15 novembre 2017.

La possession du véhicule résulte ainsi de la fonction d’associé de M. [E] au sein de la sarl et ne relève pas d’un achat à titre personnel.

Si le certificat d’immatriculation établi le 14 décembre 2017 (pièce n° 6 produite par M. [E]), fait apparaître le nom de M. [E] en qualité de propriétaire du véhicule, il demeure, comme l’a justement relevé le premier juge, que cette immatriculation est intervenue bien postérieurement ‘ près d’une année ‘ à l’acquisition du véhicule et à son assurance auprès d’AXA.

Il ne saurait à lui seul établir la propriété certaine de M. [E] du véhicule litigieux.

Il s’évince encore de cette pièce que le changement de propriétaire sur ce certificat est intervenu postérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 29 novembre 2017.

Un délai d’un an entre le prétendu achat sur fonds personnels par M. [E] et le changement de propriétaire sur le certificat d’immatriculation est pour le moins insuffisant à prouver sa bonne foi.

Du reste, dans un courriel du 30 novembre 2017 adressé à la scp Estuaire avocats, M. [E] écrit : « Le véhicule a été acheté par Design’auto mais l’achat a été fait par mes soins à titre personnel [‘] il était convenu que les associés achetaient leurs voitures sur la sarl ».

Sans dénaturer la teneur de ce message par une exégèse excessive, les termes utilisés par M. [E] renforcent le fait que l’achat du véhicule litigieux a été réalisé par la sarl avec les fonds de celle-ci, laquelle en est dès lors propriétaire.

Enfin, s’agissant du procès-verbal de composition pénale dont a fait l’objet M. [E] pour détournement d’actif, celui-ci ne mentionne pas la propriété du véhicule litigieux par M. [E] et n’a, comme l’a relevé le premier juge, aucune autorité sur la décision civile à intervenir.

Au vu de tous les éléments qui précèdent, la possession de M. [E] ne saurait être qualifiée d’univoque tandis que la propriété de la sarl Design’auto sur le véhicule Bmw X5 est démontrée.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu’il reconnaît la propriété du véhicule à la sarl Design’auto.

En dernier lieu, il convient de relever que les causes du jugement de première instance n’ont pas été exécutées.

Il résulte également de la pièce n° 23 produite par M. [E] que toute exécution forcée est vaine puisque le véhicule a été cédé début 2019.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de réparation du préjudice par l’allocation de dommages et intérêts à due concurrence du prix du véhicule litigieux, M. [E] étant condamné à payer à la scp Delaere la somme de 51.000 euros, montant par ailleurs non discuté.

La mesure d’astreinte, relative à la garantie de l’exécution d’une décision au titre des dispositions de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, devient sans objet.

L’appelant sera donc débouté de toutes ses demandes et le jugement confirmé en toutes ses dispositions sauf s’agissant des modalités de restitution du véhicule.

2) Sur la demande indemnitaire de la scp Delaere

Ainsi que justement relevé par le premier jugement, M. [E] s’est attribué à tort la propriété et l’usage exclusif d’un véhicule appartenant à la sarl Design’auto depuis le mois de décembre 2016 ‘ ce qui constitue une faute ‘, le rendant indisponible à son véritable propriétaire la sarl Design’auto et conduisant à son absence à l’actif de la société au moment de sa liquidation judiciaire, lui occasionnant un préjudice certain et direct en empêchant le désintéressement des créanciers à due concurrence.

Il convient d’en confirmer la réparation à la hauteur retenue par le premier jugement, à savoir la somme de 5.000 € que M. [E] sera condamné à payer à la scp [J] en sa qualité de mandataire liquidateur.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Compte tenu de ce qui précède, les demandes indemnitaires de M. [E] seront rejetées et le premier jugement confirmé sur ce point.

3) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l’instance d’appel, M. [E] en supportera les dépens.

Par ailleurs, il n’est pas inéquitable de condamner l’appelant à verser à la scp Delaere la somme de 3.000 € par application au titre des frais irrépétibles d’appel.

Les dispositions du jugement afférentes aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il ordonne la restitution du véhicule Bmw X5 immatriculé [Immatriculation 4] à la scp [J], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la sarl Design’auto,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [W] [E] à payer à la scp [J] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la sarl Design’auto la somme de 51.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel,

Condamne M. [W] [E] aux dépens d’appel,

Condamne M. [W] [E] à verser à la scp Delaere la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 

 


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