Comptes courants d’associés : 29 novembre 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00179

·

·

Comptes courants d’associés : 29 novembre 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00179

29 novembre 2022
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG
22/00179

Chambre civile TGI

Arrêt N°

PC

R.G : N° RG 22/00179 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FVCO

S.C.I. DEVI

C/

S.A.R.L. SOCIETE DE CONSTRUCTION BOURBONNAISE (SCB)

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022

Chambre civile TGI

Appel d’une ordonnance rendue par le JUGE DE L’EXECUTION DE SAINT-DENIS en date du 10 FEVRIER 2022 suivant déclaration d’appel en date du 18 FEVRIER 2022 rg n°: 21/00542

APPELANTE :

S.C.I. DEVI La SCI DEVI gère un immeuble et est représentée par son gérant en exercice.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Pierre-yves BIGAIGNON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION, ayant plaidé

INTIMEE :

S.A.R.L. SOCIETE DE CONSTRUCTION BOURBONNAISE (SCB) immatriculée au RCS de Saint-Denis (La Réunion) sous le n° 451.297.071, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Alicia BUSTO de la SELARL CHICAUD ET PREVOST OCEAN INDIEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION substitué par Me PREVOST ayant plaidé

Clôture: 21 juin 2022

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Septembre 2022 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Mélanie CABAL, Conseillère

Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 29 Novembre 2022.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le  29 Novembre 2022.

Greffier : Mme Véronique FONTAINE

Exposé du litige

LA COUR

Suivant acte notarié dressé le 20 février 2013, Monsieur [Z] [L] [B] s’est porté caution solidaire de la SCI LES TAMARINS envers la SOCIETE DE CONSTRUCTION BOURBONNAISE (SCB), dans la limite d’un plafond de 500.000,00 euros en principal, majoré de tous intérêts, frais, commissions et accessoires.

La SCI LES TAMARINS a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du 8 septembre 2020.

Considérant que la SCI LES TAMARINS n’avait pas honoré l’intégralité de sa dette envers la SCB, celle-ci a fait procéder, le 9 octobre 2020, à une saisie-attribution, entre les mains de la SCI DEVI, des sommes détenues par elle pour le compte de Monsieur [Z] [B], pour le recouvrement d’une créance d’un montant principal de 450.000,00 euros, outre les frais de procédure et autres intérêts. La saisie attribution a été dénoncée à Monsieur [Z] [B] le 14 octobre 2020.

Par exploit d`huissier en date du 5 mars 2021, la société SCB a fait citer la SCI DEVI devant le juge de l’exécution en fixation d’une astreinte à défaut de production des pièces justificatives à l’appui de son affirmation de ce qu’elle n’était tenue à aucune obligation à l’égard de Monsieur [Z] [B] à la date de la saisie-attribution tentée le 9 octobre 2020 (tel son Grand Livre Comptable relatif aux exercices 2019 et 2020) , outre en paiement de la somme de 2 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En cours d’instance, la SARL SCB a ajouté :

– à titre principal, que lui soit déclarée inopposable le procès-verbal d’assemblée générale du

30 juin 2018, bloquant le compte d’associé de Monsieur [Z] [B] à hauteur de 46.500 euros et valider la saisie pour le montant de 46.728,02 euros ;

– à titre subsidiaire, valider la saisie pour le montant de 46.728,02 euros, présents sur le compte, retarder son effet attributif jusqu’au parfait remboursement de l’emprunt bancaire de la SCI DEVI auprès de la BANQUE DE LA REUNION pour un montant de 340.000 euros dont l`échéance est prévue au 8 novembre 2031 ;

– en tout état de cause, que soit ordonnée l’attribution immédiate de la somme de 228.02 euros, outre la condamnation de la société DEVI à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts.

Par jugement du 10 février 2022 (RG-21-542), le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes :

Valide, en tant que de besoin, la saisie-attribution effectuée le 9 octobre 2020 entre les mains de la SCI DEVI par la S.A.R.L. Société de Construction Bourbonnaise (SCB), sur les sommes détenues par elle au profit de Monsieur [Z] [B], et portant sur la somme de 451.475,17 € ;

Rappelle l’effet attributif immédiat produit par la mesure et notamment sur les sommes figurant au compte courant d’associé à la date du 9 octobre 2020 pour un montant de 46.728,02 € ;

Condamne la SCI DEVI à verser à la S.A.R.L. Société de construction Bourbonnaise (SCB) la somme de 10.000€ (DIX MILLE EUROS), à titre de dommages et intérêts ;

Ordonne à la SCI DEVI de produire dans le délai de huit jours suivants la signification de la présente décision, l’ensemble des documents et bilans comptables relatifs à ses exercices 2019 et 2020 ;

Assortit cette injonction de production de pièces comptables d’une astreinte de 500€ (CINQ CENTS EUROS) par jour passé un délai de huit jours, après la signification de la présente décision, et pour une durée de quatre mois, à l’encontre de la SCI DEVI ;

Condamne la SCI DEVI à verser à la S.A.R.L. Société de construction Bourbonnaise (SCB) la somme de 2.000 € (DEUX MILLE EUROS) en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamne la SCI DEVI aux entiers dépens ;

Rappelle que les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit.

Par déclaration déposée par RPVA le 18 février 2022 au greffe de la cour, la SCI DEVI a formé appel du jugement.

L’affaire a été fixée à bref délai selon un avis en date du 4 mars 2022.

L’appelante a déposé ses premières conclusions par RPVA le 4 avril 2022.

L’intimée a déposé ses premières conclusions par RPVA le 29 avril 2022.

La clôture est intervenue le 21 juin 2022.

L’affaire a été examinée le 20 septembre 2022.

***

Moyens

Aux termes de ses uniques conclusions d’appelante déposées par RPVA le 4 avril 2022, la SCI DEVI demande à la cour de :

Infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris d’appel.

STATUANT A NOUVEAU :

Juger que la créance de Monsieur [Z] [L] [B] envers la SCI DEVI deviendra exigible à compter du 08/10/2031, et, qu’en conséquence, le règlement à la SCB, du montant de ladite créance, interviendra à compter de cette même date.

Débouter la SCB de l’ensemble de ses prétentions dirigées contre la SCI DEVI.

Condamner la SCB à payer à la SCI DEVI la somme de 3 000,00 € au titre des frais irrépétibles.

Faire masse des dépens de première instance et d’appel.

Condamner la SCB aux entiers dépens ainsi consolidés.

L’appelante reproche au jugement querellé :

D’avoir considéré que la somme de 46 728,02 € figurant au crédit du compte courant d’associé de Monsieur [Z] [L] [B] était  » exigible  » au moment de la saisie-attribution litigieuse, alors que tel n’est manifestement pas le cas ;

De l’avoir condamnée au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 10.000,00 euros, alors même que la SCB n’a pas rapporté la preuve de son préjudice, ni celle du lien de cause à effet entre la faute alléguée et le prétendu dommage ;

De lui avoir fait injonction d’avoir à produire, sous astreinte,  » des documents et bilans comptables relatifs à ses exercices 2019 et 2020 « , alors que les pièces versées initialement aux débats permettaient une appréciation complète de la situation quant aux obligations de la SCI DEVI envers Monsieur [Z] [L] [B].

La SCI DEVI ne conteste pas l’effet attributif de la saisie-attribution pratiquée le 09/10/2020 sur la somme figurant au crédit du compte courant d’associé de Monsieur [Z] [L] [B]. Mais elle plaide le caractère différé de l’exigibilité de sa dette en vers l’associé, alors qu’il existe une convention de blocage des comptes courant d’associés, laquelle ne souffre aucune critique sérieuse.

L’appelante conteste l’appréciation du premier juge qui a considéré que le procès-verbal des délibérations de l’assemblée générale ordinaire des associés en date du 30/06/2018 ne saurait être assimilé à une convention de compte courant d’associé alors que celle-ci ne fait pas de doute.

La SCI DEVI plaide que la résolution portant blocage des comptes courants d’associés a été adoptée à l’unanimité des associés. Le procès-verbal de l’assemblée contient la résolution de blocage. Il est signé par tous les associés, Monsieur [T] [H] [B] intervenant aussi bien en qualité de représentant légal (gérant) de la société et rédacteur dudit procès-verbal, qu’en sa qualité d’associé.

La SCI DEVI affirme que cette convention de blocage a été exécutée à la lettre par les associés.

Elle souligne que la convention de blocage des comptes courants des associés étant intervenue le 30 juin 2018, le compte courant d’associé de Monsieur [B] est resté figé depuis, aucune norme comptable n’imposant à la SCI d’avoir à transférer le solde du compte  » Associés  » à un autre compte.

L’appelante conteste aussi l’allocation de dommages et intérêts à raison de sa faute présumée comme tiers saisi. Elle soutient qu’il n’existe pas de preuve du dommage allégué et encore moins du lien de cause à effet entre la faute et le prétendu dommage.

Elle affirme enfin que l’injonction sous astreinte est incompréhensible car elle a versé aux débats les pièces suivantes, largement suffisantes selon elle pour prouver la réalité de la convention de blocage du compte courant d’associé de Monsieur [Z] [L] [B] :

1°. Une attestation établie le 29/03/2021, adressée à Monsieur [Z] [L] [B], par le cabinet d’expertise-comptable et de commissariat aux comptes  » EXCO ANIS EXPERTS  » (pièce n° 4) ;

2°. Le procès-verbal des délibérations de l’assemblée générale ordinaire de la SCI DEVI en date du 30/06/2018 (pièce n° 7), ledit procès-verbal constatant la conclusion d’une convention de blocage des comptes courants des associés ;

3°. Un extrait du grand livre de la SCI DEVI faisant apparaître un solde créditeur de 46.728,02 euros en faveur de Monsieur [Z] [L] [B] (ancienne pièce n° 2), ce qui attestait l’exactitude de l’attestation de l’expert-comptable / commissaire aux comptes.

***

Aux termes de ses dernières conclusions en réplique N° 2, déposées par RPVA le 20 juin 2022, la SARL SCB demande à la cour de :

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du 10 février 2022,

LA CONDAMNER à verser à la SOCIETE DE CONSTRUCTION BOURBONNAISE la somme de 3.000,00 euros au titre des frais irrépétibles, et ce en application de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.

Selon l’intimée, la créance de Monsieur [B] à l’encontre de la SCI DAVY est établie. Il appartient à cette dernière de démontrer que cette créance n’est pas exigible. Or, pour fonder ses demandes, la société SCB a sollicité la communication des bilans de la SCI DEVI.

Elle considère que le juge de l’exécution a parfaitement relevé la mauvaise foi patente de la SCI DEVI dans la communication des pièces comptables.

Or, s’agissant des relations entre le tiers saisi et son associé, la communication des éléments financiers est indispensable pour apprécier l’existence ou non d’engagements financiers pouvant être constitutifs de valeurs mobilières saisissables. Mais la SCI DEVI n’a pas satisfait à son obligation de produire les justificatifs à l’appui de sa réponse, malgré l’invitation d’y procéder reçue de la part de l’huissier. En outre, la SCI DEVI ne publie pas ses comptes annuels.

La SOCIETE BOURBONNAISE DE CONSTRUCTION s’estime dès lors bien fondée à solliciter la remise de ces pièces justificatives, telles que le Grand livre comptable relatif aux exercices 2019 et 2020 pour s’assurer de l’exactitude de la réponse donnée par la SCI DEVI.

Selon l’intimée, la production, en défense, en première instance, d’une attestation d’un expert-comptable ne satisfaisait pas les obligations à la charge du tiers saisi au titre de son devoir de renseignement.

La société SCB fait valoir qu’en cause d’appel, soit plus d’un an et demi après la saisie, la SCI DEVI communique les bilans des exercices 2019 et 2020 dont il résulte qu’aucun motif légitime l’empêchait de fournir ces renseignements comptables dès lors que les comptes sont arrêtés chaque année. Mais au surplus, la production de l’attestation de l’expert-comptable de SCI DEVI vient révéler que, contrairement aux affirmations tenues devant l’huissier de justice lors de la saisie, la SCI DEVI était bel et bien tenue de sommes à l’égard de Monsieur [Z] [B], pour un montant de 46.728,02 euros.

Selon l’intimée, en cause d’appel, l’appelante a produit le Grand livre comptable mais celui-ci est illisible. Enfin, rien ne permet de connaître sur la foi de quoi l’expert-comptable s’exprime, dans la mesure où il ne lui appartient nullement d’authentifier la comptabilité, mais simplement de s’assurer de son équilibre. Son attestation n’est donc jamais que la reproduction des éléments qui lui ont été produits par sa cliente ; or, l’attestation date du 29 mars 2021, lorsque la saisie est intervenue le 9 octobre 2020. La SCI DEVI a donc disposé de de six mois pour pouvoir établir une présentation des comptes qui conduit l’expert-comptable à cette déduction.

La SARL SCB poursuit en soutenant que, faute d’être l’objet d’un séquestre entre des mains extérieures, une décision de  » blocage  » d’un compte courant est révocable à tout moment, et d’autant plus facilement que les associés sont tous membres de la même famille. La production du PV d’AG de 2018 n’est donc nullement probante. Enfin, le défendeur reconnaît que sa déclaration faite à l’huissier serait à tout le moins fausse pour la somme de 228,02 euros, représentant la part supérieure au compte courant prétendument bloqué.

Pour cette raison, le tiers saisi devra être condamné à lui régler la somme de 10 000,00 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice causé par son manquement.

L’intimée sollicite le prononcé d’une astreinte en exposant que le jugement n’a pas été spontanément exécuté, obligeant la SOCIETE DE CONSTRUCTION BOURBONNAISE à saisir le Juge de l’exécution d’une action en liquidation d’astreinte pour un montant de 16 800,00 euros. Cette astreinte a été liquidée par jugement du Juge de l’exécution, devant la résistance de la SCI DEVI.

***

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de  » constatations  » ou de  » dire et juger  » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur le périmètre de l’appel :

Selon les prescriptions de l’article 544 du code de procédure civile, Les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d’appel comme les jugements qui tranchent Tout le principal.

L’article 562 du même code prescrit que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

L’article 480 du même code prévoit que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.

Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4.

L’article 5 du même code prescrit que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

En cause d’appel, la SCI DEVI demande à la cour d’infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris et de  » juger que la créance de Monsieur [Z] [L] [B] envers la SCI DEVI deviendra exigible à compter du 8 octobre 2031, et, qu’en conséquence, le règlement à la SCB, du montant de ladite créance, interviendra à compter de cette même date. Elle conclut enfin au débouté des prétentions de la SCB à son égard.

La SARL SCB demande quant à elle dans le dispositif de ses dernières conclusions de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 10 février 2022.

Or, dans le dispositif du jugement entrepris, le juge de l’exécution a seulement rappelé l’effet attributif immédiat produit par la saisie-attribution, notamment sur les sommes figurant au compte courant d’associé à la date du 9 octobre 2020 pour un montant de 46.728,02 euros, validant  » en tant que de besoin  » la saisie-attribution effectuée le 9 octobre 2020 entre les mains de la SCI DEVI par la S.A.R.L. Société de Construction Bourbonnaise (SCB), sur les sommes détenues par elle au profit de Monsieur [Z] [B], et portant sur la somme de 451.475,17 euros.

Il n’a pas condamné la SCI DEVI au paiement de cette somme à la SARL SCB ni annulé la saisie-attribution dont la régularité n’a jamais été contestée.

Il résulte de ces constatations que le fait de rappeler l’effet attributif d’une saisie-attribution dans le dispositif d’un jugement ne constitue pas une décision consacrant la reconnaissance d’un droit ou la création d’une obligation pour les parties.

D’ailleurs, l’article L. 211-2 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que l’acte de saisie emporte attribution immédiate au profit du saisissant de la créance.

De plus, la demande de  » juger que la créance de Monsieur [Z] [L] [B] envers la SCI DEVI deviendra exigible à compter du 8 octobre 2031, et, qu’en conséquence, le règlement à la SCB, du montant de ladite créance, interviendra à compter de cette même date  » ne constitue pas une prétention au sens de l’article 954 du code de procédure civile et ne se rattache pas par un lien suffisant à la saisie attribution en cause.

En conséquence, la cour d’appel n’est en réalité saisie d’aucune prétention relative aux conséquences de la saisie-attribution délivrée à la requête de la SARL SCB, pas plus d’une demande de mainlevée ni de consignation par le débiteur principal.

L’ensemble de ces textes et principes a pour conséquence l’absence de saisine de la cour au sujet de la saisie attribution litigieuse.

Mais la SCI DEVI a été condamnée à payer des dommages et intérêts à la SARL SCB, outre l’injonction de produire sous astreinte l’ensemble des documents et bilans comptables relatifs à ses exercices 2019 et 2020 et une indemnité au titre des frais irrépétibles de la demanderesse, intimée.

Sur la demande de dommages et intérêts :

Aux termes de l’article L. 211-3 du code des procédures civiles d’exécution, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.

Selon le deuxième alinéa de l’article L. 211-4 du même code, en l’absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l’acte de saisie.

Toutefois, le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent.

L’article R. 211-4 impose au tiers saisi de fournir sur-le-champ à l’huissier de justice les renseignements prévus à l’article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives.

Selon les prescriptions de l’article R. 211-5, Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur.

Il peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.

Cependant, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que :

– le tiers saisi qui ne s’est pas abstenu de procéder à la déclaration requise mais qui a fourni des renseignements inexacts ou mensongers encourt une condamnation au paiement de dommages-intérêts (2e Civ., 13 juillet 2005, pourvoi n° 03-19.138, Bull. 2005, II, n° 204) ;

– le tiers, tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur saisi, est celui qui est tenu d’une obligation portant sur une somme d’argent, envers ce débiteur (2e Civ., 21 octobre 2004, pourvoi n° 03-10.131, Bull., 2004, II, n° 473) ;

– en application de l’article 1353 du code civil, il appartient au créancier qui a fait pratiquer une saisie-attribution d’établir que le débiteur est créancier du tiers saisi (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-30.008, Bull. 2011, II, n° 38);

– l’efficacité de la saisie n’est pas une condition d’application de l’alinéa 2 de l’article R. 211-5 du CPCE. Dès lors, un tiers saisi peut, même s’il n’est redevable d’aucune somme envers le débiteur saisi, être condamné au versement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de renseignement (2e Civ., 19 mars 2009, pourvoi n° 08-11.303, Bull. 2009, II, n° 78) ;

– lorsqu’il n’est tenu à aucune obligation envers le débiteur, le tiers saisi ne peut être condamné aux causes de la saisie pour manquement à son obligation de renseignement et n’encourt qu’une condamnation au paiement de dommages-intérêts (2e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 17-15.298). Mais, lorsque ce point est contesté, les juges doivent donc rechercher si, au jour de la saisie, le tiers n’était tenu à aucune obligation envers le débiteur saisi (2e Civ., 4 octobre 2001, pourvoi n° 99-11.574).

En l’espèce, le procès-verbal de saisie-attribution dressé le 9 octobre 2020 à la requête de la SARL SCB mentionne que la SCI DEVI, dont le gérant est Monsieur [B] [T], a répondu à l’huissier de justice  » Je ne détiens aucune somme pour le compte de Monsieur [B] [Z].  »

Or, il résulte clairement des débats et des pièces produites que la SCI DEVI détenait en réalité une somme au crédit du compte courant d’associé de Monsieur [B] [Z].

Le débat relatif à l’exigibilité immédiate ou non des sommes dues à Monsieur [B] [Z], ainsi que sur l’existence et la validité de la convention de blocage des comptes courants d’associés, est inopérant compte tenu de l’effet attributif immédiat de la saisie en faveur du créancier du débiteur saisi à qui sont inopposable les conventions conclues entre les associés ayant en outre pour effet d’empêcher un créancier d’exercer ses droits.

Contrairement à ce que soutient l’appelante, la sanction de l’article R. 211-5 n’est pas conditionnée par la justification d’un lien de causalité directe entre la déclaration mensongère et un dommage mais vise d’abord à inciter les tiers saisis à répondre rapidement et sincèrement aux réclamations du créancier saisissant.

En l’espèce, la SCI DEVI n’a jamais évoqué un motif légitime susceptible de justifier la déclaration inexacte ou mensongère relative à l’absence de dette envers Monsieur [B] [Z] alors qu’il existait un compte courant d’associé débiteur en sa faveur.

La seule information, fausse, selon laquelle aucune somme n’était détenue par la SCI DEVI, au profit du débiteur saisi, suffit à établir la mauvaise foi de l’appelante.

Le premier juge a donc parfaitement évalué le montant de la sanction en condamnant l’appelante à payer la somme de 10.000 euros à la SARL SBC à titre de dommages et intérêts.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef par adoption des motifs du premier juge.

Sur l’injonction de communication de pièces sous astreinte :

L’appelante fait grief au jugement entrepris d’avoir prononcé une astreinte afin de produire les documents et bilans comptables relatifs à ses exercices 2019 et 2020, alors que les pièces versées initialement aux débats permettaient une appréciation complète de la situation quant aux obligations de la SCI DEVI envers Monsieur [Z] [L] [B].

En réalité, la SCI DEVI considère que l’injonction n’était pas opportune car les documents produits étaient suffisants.

Enfin, l’intimée précise dans ses conclusions qu’en cause d’appel, l’appelante s’est enfin exécutée à produire le Grand livre comptable qui malheureusement est illisible.

Ce seul fait justifie le prononcé de l’astreinte par le juge de l’exécution puisqu’il est incontestable que le grand livre comptable n’avait pas encore été produit à la SARL SCB.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

La SCI DEVI supportera les dépens de première instance et d’appel.

Elle sera condamnée à payer à la SARL SCB une indemnité de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, en plus de ceux déjà alloués par le premier juge.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la SCI DEVI à payer à la SARL SOCIETE DE CONSTRUCTION BOURBONNAISE (SCB) la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;

CONDAMNE la SCI DEVI aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x