6 décembre 2022
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
21/02606
2ème Chambre
ARRET N°530
CP/KP
N° RG 21/02606 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GLKN
[N]
C/
S.A.R.L. GARAGE [G] [M]
S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02606 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GLKN
Décision déférée à la Cour : jugement du 02 mars 2021 rendu(e) par le Tribunal de Commerce de NIORT.
APPELANT :
Monsieur [P] [N]
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Ayant pour avocat plaidant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS.
INTIMEES :
S.A.R.L. GARAGE [G] [M], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Ayant pour avocat plaidant Me Vincent BILLETTE, avocat au barreau de DEUX-SEVRES.
S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES En sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la SARL GARAGE [G] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Ayant pour avocat plaidant Me Vincent BILLETTE, avocat au barreau de DEUX-SEVRES.
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
EXPOSÉ DU LITIGE :
Les parts sociales représentatives du capital de la société Garage [N] [P] SARL aujourd’hui dénommée Garage [G] [M] SARL appartenaient antérieurement a M. [P] [N] et à sa famille ; elles ont été cédées en totalité à M. [G] [M] et Madame [L] [O] épouse [M] par acte en date du 4 janvier 2016.
Cette cession a été consentie moyennant les conditions financières suivantes :
-le règlement du prix de cession des parts pour 35 000 euros ;
-le remboursement progressif du compte-courant ouvert au nom de M. [P] [N] dans les livres de la société faisant apparaître à la date de cession, une créance de M. [P] [N] sur la société d’un montant de 43 237,76 euros.
Par jugement du tribunal de commerce de Niort en date du 29 mars 2019, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l’égard de la société Garage [G] [M] SARL, conformément aux articles L 620-1 et suivants et R 621-1 et suivants du Code de commerce.
En application de l’article L 624-1 du Code de commerce, le mandataire judiciaire la société SELARL Actis Mandataires Judiciaires a établi la liste des créances déclarées et formulé une proposition de rejet :
-d’une créance de 34 737,76 euros résultant du solde du compte-courant ouvert au nom de M. [P] [N] dans les livres de la société Garage [G] [M] SARL faisant apparaître une créance de M. [P] [N] sur la société,
-d’une créance de 3 600 euros au titre des frais irrépetibles engagés devant le juge commissaire par M. [P] [N].
M. [P] [N], par 1’intermédiaire de son conseil, a maintenu sa demande d’admission de ces créances.
La société Garage [G] [M] SARL, à la demande du juge commissaire a formulé diverses observations a l’appui de cette proposition de rejet d’admission.
Estimant que la contestation était sérieuse et relevait à ce titre de la formation de jugement du tribunal de commerce, le juge commissaire a invité M. [P] [N] a assigner la société Garage [G] [M] SARL devant cette juridiction dans un délai d’un mois conformément aux dispositions de 1’article R 624-5 du Code de commerce.
Par acte signifié le 30 juillet 2020, M. [P] [N] a assigné la société Garage [G] [M] SARL, a comparaître devant le Tribunal de Commerce de Niort.
Par jugement en date du 2 mars 2021, le tribunal de commerce de Niort a :
-Rejeté la demande de M. [P] [N] d’admission au passif de la Société Garage [G] [M] SARL d’une créance de 34.737,76 euros résultant du solde du compte-courant ouvert à son nom dans les livres de la Société Garage [G] [M],
-Rejeté la demande de M. [P] [N] d’admission d’une créance de 3.600 euros au titre de ses frais irrépétibles,
-Condamné M. [P] [N] aux entiers dépens de l’instance dont frais de Greffe liquidés pour 84,48 euros TTC, ainsi qu’au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Par déclaration en date du 24 août 2021, M. [P] [N] a fait appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués contre :
-la SARL Garage [G] [M],
-la SELARL Actis Mandataires Judiciaires prise en la personne de Maître [T] [S].
Moyens
M. [P] [N], par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 30 août 2022, demande à la cour de :
-Juger M. [P] [N] recevable et bien fondé en son appel,
En conséquence,
-Réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Niort en date du 2 mars 2021 en ce qu’il a :
– Rejeté la demande de M. [P] [N] d’admission au passif de la Société Garage [G] [M] SARL d’une créance de 34.737,76 euros résultant du solde du compte courant ouvert à son nom dans les livres de la Société Garage [G] [M],
– Rejeté la demande de M. [P] [N] d’admission d’un créance de 3.600 euros au titre de ses frais irrépétibles,
– Condamné M. [P] [N] aux entiers dépens de l’instance dont frais de Greffe liquidés pour 84,48 euros TTC, ainsi qu’au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Statuant à nouveau,
-Juger que la créance de M. [P] [N] au titre de son compte-courant d’associé d’un montant de 34.237,76 euros sera fixée au passif de la SARL Garage [G] [M] ; la fixer et l’y admettre à ce titre,
-Juger que la créance de M. [P] [N] au titre de ses frais irrépétibles d’un montant de 3.600 euros sera fixée au passif de la SARL Garage [G] [M] ; la fixer et l’y admettre à ce titre,
-Condamner la SARL Garage [G] [M] à verser à M. [N] la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Débouter la SARL Garage [G] [M] et son mandataire ACTIS Mandataires Judiciaires de toutes leurs demandes, fins et prétentions,
-Condamner la SARL Garage [G] [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La SARL Garage [G] [M] et la SELARL Actis Mandataires Judiciaires, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 22 février 2022, demandent à la cour de :
Vus les articles L 620-1 et suivants et R 621-1 et suivants du Code de commerce,
Vus les articles 226-13 et R 321-1 du Code pénal,
Vu l’article D 112-3 du Code monétaire et financier,
Vu l’article 21 de l’Ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
-Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Niort en date du 2 mars 2021 en l’ensemble de ses dispositions.
Et par conséquent :
-Rejeter la demande de M. [P] [N] d’admission au passif de la société Garage [G] [M] SARL d’une créance de 34 237,76 euros résultant du solde du compte courant ouvert à son nom dans les livres de la société Garage [G] [M] SARL’;
-Rejeter la demande de M. [P] [N] d’admission d’une créance de 3 600 euros au titre de ses frais irrépétibles’;
-Maintenir la condamnation de M. [P] [N] aux dépens de première instance et au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Rejeter la demande de M. [P] [N] de condamnation aux dépens et au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Condamner M. [P] [N] aux entiers dépens de l’instance d’appel ainsi qu’au paiement de la somme de 3 600 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2022.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La question posée est celle de savoir si [P] [N], cédant des parts, est fondé à voir fixer au passif de la SARL Garage [G] [M] :
-une créance de 34 237,76 euros au titre du solde du compte-courant ouvert,
-une créance de 3 600 euros au titre des frais irrépetibles engagés devant le juge commissaire par M. [P] [N].
1) Sur la créance de 34 237,76 euros au titre du solde du compte-courant :
1- Le tribunal a rejeté cette demande au motif :
-que plusieurs ventes automobiles opérées par la garage [N] avant la cession étaient suivies de factures d’avoir sans aucune nécessité comptable,
-que plusieurs véhicules d’occasion étaient revendus sans être inscrits sur le livre de police,
-que ces agissements étaient concomitants à des apports en compte-courant, augmentant d’autant la créance de l’ancien gérant,
-que ces agissement suspects remettaient en cause la réalité de la créance de compte-courant au moment de la cession.
2- Dans leurs écritures devant la cour, les intimées décrivent le système frauduleux suivant : M. [N] émettait immédiatement une facture d’avoir équivalente au prix facturé. Elle n’était pas remise au client, si bien que la vente n’était nullement annulée dans les faits, et l’appelant pouvait porter comptablement le prix de vente sur le compte-courant au titre d’avances de trésorerie par lui consentie et accroître ainsi artificiellement sa créance. Les intimées ont décrit une variante plus subtile qui consistait :
-à vendre par exemple, un véhicule pour un prix de 1 500 euros,
-à émettre une facture de ce montant remise au client et encaisser cette somme,
-à émettre immédiatement une facture d’avoir pour un montant de 1 500 euros, non remise au client,
-à émettre une nouvelle facture pour un montant de 1 000 euros, non plus remise au client,
-à considérer la différence (500 euros) comme une avance en trésorerie consentie par M. [N].
3- En réponse, M. [N] ne conteste pas avoir émis des factures d’avoir, il en discute simplement le nombre. Il réfute tout agissement frauduleux et explique avoir été contraint de faire des apports en compte-courant pour ne pas mettre en péril la société. Il dit en justifier par les grands-livres qui corroborent parfaitement les apports en compte-courant effectués par lui :
– le 31 août 2014, sur le compte n°455100 : 4.000 euros libellé ‘Apport Gérant’
– le 31 juillet 2014, sur le compte n°641100 : 14.000 euros libellé ‘Apport Perso’
– le 30 avril 2014, sur le compte n°472000 : 15.000 euros libellé ‘Apport Perso’.
Les différents moyens échangés entre les parties appellent de la cour les observations suivantes.
4- M. [N] prétend certes que le nombre de factures d’avoir qu’il a émises est inférieur à celui prétendu par les intimées mais il ne conteste pas pour autant avoir eu recours à ce type de factures à plusieurs reprises. En outre, alors même qu’il lui est reproché de ne pas avoir justifié de telles factures, et que le tribunal dans sa décision a évoqué des avoirs ‘sans nécessité comptable’, M. [N] n’a pas cru devoir faire connaître à la cour, les raisons pour lesquelles les divers avoirs litigieux avaient été consentis, ce qui conforte les allégations des intimées. Notamment, celles-ci versent aux débats deux factures du même jour (15 septembre 2015) à l’intention de Mme [U] : l’une de 3.400 euros pour l’acquisition d’un véhicule Renault Scenic, l’autre correspondant à un avoir du même montant. Force est de constater que l’appelant reste taisant sur cette incongruité alors même que le mandataire produit une attestation de Mme [U] qui précise avoir bel et bien acquis le véhicule susvisé.
5- Pour illustrer le mécanisme de la variante de fraude consistant à émettre un avoir ne couvrant qu’une partie du prix du véhicule vendu, les appelantes versent aux débats une attestation de M. [D] [J] qui déclare avoir acheté un véhicule d’une valeur de 1.500 euros, au demeurant réglé en espèces. A la seule et unique date du 14 novembre 2014, le garage a émis non moins de trois factures : une première de 1.500 remise au client, une deuxième de -1.500 euros (avoir) et une troisième de 1.000 euros. Quant au Grand Livre Général, il fait état de la passation d’écriture suivante :
’30/11/2014…………..[J] ……………. 1000,00″
6- Outre les cas de Mme [U] et de M. [J], particulièrement éloquents, les intimées produisent des pièces attestant d’anomalies similaires concernant la situation d’autres clients qu’il n’est pas utile de détailler plus avant. Des manoeuvres permettant à M. [N] tout à la fois de dissimuler des revenus personnels et d’accroître artificiellement sa créance en compte-courant sont parfaitement démontrées.
7- Certes, les différentes ventes litigieuses mises en exergue par les intimées ne permettent pas de reconstituer une dissimulation de fonds à hauteur de la créance en compte-courant alléguée par M. [N]. Mais le mécanisme frauduleux dont l’existence été démontrée ayant pour vocation de dissimuler des entrées de trésorerie, l’appelant n’est pas fondé à reprocher aux intimées de ne pas rapporter la preuve de détournements à hauteur de la créance non admise. Quant aux apports prétendus personnels apparaissant en comptabilité, ils sont nécessairement frappés de suspicion au regard de la fraude pratiquée.
2) Sur la créance de 3 600 euros au titre des frais irrépetibles engagés par M. [P] [N] :
Le tribunal a rejeté cette demande au motif qu’aucune pièce n’a été versée au dossier.
8- Devant la cour, M. [N] prétend qu’il a dû acquitter des honoraires d’avocat à hauteur de 3.600 euros pour assurer sa défense dans le cadre de l’instance ayant donné lieu au jugement du 29 mars 2019 (procédure de sauvegarde) et dit en justifier en produisant une pièce n° 13 présentée dans le bordereau de communication sous le libellé suivant : ‘ Convention d’honoraire’. L’examen de la pièce en question permet de constater qu’elle n’est que le dernier feuillet d’un acte de plusieurs pages. Certes, y figurent les signatures de M. [N] et d’un avocat, mais ce document ne permet de connaître ni la raison pour laquelle ce conseil a été mandaté, ni le montant de ses honoraires. Le jugement ne pourra qu’être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [P] [N] d’admission d’un créance de 3.600 euros au titre de ses frais irrépétibles.
*****
9- M. [N] qui succombe sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel et dès lors à payer à la SARL Garage [G] [M] et à la SELARL Actis Mandataires Judiciaires, toutes deux prises comme une seule et même partie, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Rejette toute demande plus ample ou contraire,
Condamne M. [P] [N] à payer à la SARL Garage [G] [M] et à la SELARL Actis Mandataires Judiciaires, toutes deux prises comme une seule et même partie, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne M. [P] [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,