7 décembre 2022
Cour d’appel de Lyon
RG n°
22/01440
8ème chambre
N° RG 22/01440 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OELG
Décision du Tribunal de Commerce de LYON en Référé du 07 février 2022
RG : 2021r00888
[P]
C/
S.E.L.A.R.L. [X] [V]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 07 Décembre 2022
APPELANT :
M. [L] [P]
né le 10 Août 1968 à GOLBASIE (TURQUIE)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Matthieu ALLARD de la SELARL NEKAA ALLARD, avocat au barreau de LYON, toque : 1625
INTIMÉE :
La SELARL [X] [V], représentée par Maître [X] [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société FRPLG, EURL au capital de 2 000 euros, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 500 236 203, dont le siège social était sis [Adresse 4]), exerçant en cette qualité [Adresse 2], désignée à ces fonctions par Jugement du Tribunal de commerce de LYON le 23 mai 2019
Représentée par Me Thomas KAEMPF de la SELARL BK AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 438
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 02 Novembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Novembre 2022
Date de mise à disposition : 07 Décembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
* * * *
La société FRPLG est une EURL, société à responsabilité limitée à associé unique, créée le 24 octobre 2007 au capital de 2 000 euros pour l’activité de travaux de peinture et vitreries.
Le capital était intégralement détenu par le gérant [L] [P]. Son suivi comptable était fait par le cabinet COGESTEAM.
Etant en état de cessation des paiements, la société FRPLG a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 23 mai 2019. La SELARL ALLIANCE MJ représentée par Maître [X] [V] a été désignée comme liquidateur judiciaire. La date de cessation des paiements a été provisoirement fixée au 23 novembre 2017. Le passif déclaré s’est élevé à la somme de 98 915,96 euros.
Ont été constatés deux comptes courants débiteurs’:
c/c [P] EX ANTERIEUR’: 32 261 euros,
c/c ASSOCIE COMPTE COURANTS CT’: 90 989 euros.
Suivant courrier avec accusé de réception du 13 février 2020, le liquidateur judiciaire a interrogé Monsieur [P] sur les mesures envisagées pour régulariser les comptes courants débiteurs dans les meilleurs délais.
Il a répondu que les sommes représentent l’ensemble des résultats générés par la société chaque année. Il a déclaré ces sommes pour ses impôts sur le revenu. Il soutient qu’il n’aurait pas à rembourser ces créances, l’EURL étant soumise au régime fiscal de l’impôt sur le revenu. Il ne s’agit pas de créances à l’égard de la société mais de résultats annuellement déclarés sur la déclaration d’impôts sur le revenu.
Le liquidateur judiciaire, estimant que ces explications n’avaient aucun sens sur le plan comptable alors qu’il ressort des grands livres qu’il y a eu des dépenses personnelles effectuées par Monsieur [P] (repas, retraits d’espèces, courses dans des supermarchés, chèques non justifiés…), a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception le 28 juillet 2021 aux fins de remboursement. En vain.
Par jugement du 3 août 2021, le tribunal de commerce de LYON a transféré les mandats non clôturés et non redditionnés à la SELARL [X] [V].
Le 16 novembre 2021, la SELARL [X] [V], liquidateur judiciaire de l’EURL FRPLG, dont le gérant et unique associé est Monsieur [P], a assigné en référé celui-ci devant le président du tribunal de commerce de LYON aux fins de remboursement de son compte courant débiteur à hauteur de 123 250 euros au moyen d’une provision à cette hauteur avec intérêt à compter de la première mise en demeure du 19 novembre 2019 outre 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
La demanderesse revendique l’application de l’article L 223-21 du code de commerce qui interdit aux gérants et associés de sociétés autres que des personnes morales à contracter un prêt ou à se faire consentir un découvert en compte courant outre le fait de se faire cautionner envers des tiers. Les comptes courants débiteurs d’associés sont susceptibles de constituer un abus de biens sociaux. Les réponses de Monsieur [P] sont farfelues. La créance est certaine, liquide et exigible.
Monsieur [P] a soulevé l’incompétence du juge des référés au profit du juge de la procédure collective, puis a excipé de contestations qu’il prétend sérieuses justifiant le rejet des demandes.
Par ordonnance du 7 février 2022, le juge des référés’:
s’est déclaré compétent ;
a condamné [L] [P] à payer à la SELARL [X] [V] en qualité de liquidateur judiciaire de la socité FRPLG la somme provisionnelle de 123 250 euros outre intérêts à compter de la première mise en demeure du 19 novembre 2019 ;
l’a condamné à payer 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le juge des référés a notamment retenu que’:
La demande ne concernait que le recouvrement de comptes courants négatifs. Cela s’apparente à un recouvrement d’actif. Monsieur [P] est devenu débiteur de la société FRPLG. Il ne s’agit pas d’une action en responsabilité de Monsieur [P]. Or, le juge de la procédure collective n’est compétent que pour connaître des contestations nées de la procédure collective.
Les comptes courants négatifs ne sont pas contestés.
Le défendeur ne conteste pas les comptes courants débiteurs, ni leur montant.
Le délai de prescription de trois ans à compter de la découverte des faits n’est pas acquis car la découverte s’établit au moment des écritures relatives à la clôture de l’exercice 2018. Peu important qu’une partie des comptes courants soit antérieure à 2013. Seul le jour de la découverte des faits est à prendre en compte. L’assignation a été délivrée le 16 novembre 2021, soit moins de trois ans à compter de la découverte des faits.
Les comptes courants débiteurs seraient dus à l’affectation des résultats déficitaires de la société, cette pratique étant la conséquence du régime d’imposition sur le revenu des EURL. ll a indiqué des bénéfices entre 2012 et 2018 à hauteur de 288 256 euros avec un report à nouveau d’un déficit en 2013 de 91 484 euros. Or, l’imputation des résultats de la société dans les comptes courants doit être positif. Les prélèvements qu’il a opérés sont supérieurs au montant disponible. Il est interdit de se faire consentir un découvert en compte courant par la société au profit de son dirigeant. La contestation n’est pas sérieuse.
Par déclaration électronique du 18 février 2022, le conseil de [L] [P] a interjeté appel de l’ensemble des dispositions de l’ordonnance de référé.
La procédure a été orientée à bref délai suivant les articles 905 à 905-2 du code de procédure civile et les plaidoiries fixées au 2 novembre 2022 à 9 heures.
Moyens
Suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 avril 2022, [L] [P] demande à la Cour, de’:
Vu les articles 223-21 à 223-23, R 662-3 du code de commerce, 564 et 873 al 2 du code de procédure civile, 1347, 1347-1 et 1348-1 du code civil,
infirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau
renvoyer la SELARL [X] [V] à mieux se pourvoir au fond devant la chambre des procédures collectives, les demandes excédant les pouvoirs juridictionnels du juge des référés,
juger que les demandes souffrent de contestations sérieuses tant dans leur principe que du fait de la fin de non recevoir tirée de la prescription,
débouter l’intimée de ses demandes,
la renvoyer à mieux se pourvoir au fond,
la condamner à lui payer 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.
L’appelant fait notamment valoir que’:
l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif relève du juge de la procédure collective compétent pour toutes les contestations nées de la procédure collective tout comme celles sur lesquelles la procédure collective exerce une influence juridique même en matière de référé. En l’espèce, le juge a dit qu’il s’agissait du recouvrement d’une créance. Or, il s’agit d’une action née de la procédure collective ou ayant au moins une incidence indirecte sur la procédure collective. Il s’agit de la mission propre du mandataire à la liquidation dans le cadre de la liquidation. En réalité, il s’agit de critiquer une faute de gestion non séparable des fonctions de gérant susceptible d’engager sa responsabilité pour insuffisance d’actif en application de l’article L 651-2 du code de commerce. A défaut, le mandataire liquidateur semble vouloir agir en nullité de la convention de compte courant débiteur. Le juge des référés n’a pas le pouvoir de prononcer une telle nullité. A tout le moins, cela suppose de constater la nullité de la convention de compte courant. Enfin la provision a pour but de satisfaire les créanciers de la société, ce qui a une incidence directe sur la procédure collective et de ce fait cela rentre dans le champ de la liquidation judiciaire. La compétence de la chambre des procédures collectives du tribunal de commerce est d’ordre public.
les contestations sérieuses sont relatives’:
à l’imputation des bénéfices et pertes sur les comptes courants d’associés. Si la société est assujettie à l’impôt sur les revenus, l’existence d’un compte courant débiteur représentant le déficit de la société au moment de la liquidation judiciaire ne peut constituer une faute de gestion. Le bénéfice qui est affecté sur le compte courant en crédit devient disponible pour les associés. Pour la perte, elle s’impute sur les bénéfices antérieurs.
à la prescription de l’article L 223-23 du code de commerce’: le délai est de trois ans à compter du fait dommageable ou de la révélation du fait dommageable pour les actions en responsabilité. Il est nécessaire de démontrer la dissimulation. Or, les comptes étaient régulièrement publiés et non dissimulés. Le montant et le principe de la créance sont contestés. Il est lui même créancier de sommes qu’il a payées pour la société à compenser. A tout le moins, le montant de la provision est sérieusement contestable. Le cabinet COGESTEAM a établi une attestation étayée par les grands livres. Les comptes courants débiteurs avant 2013 n’ont pas contribué au passif. Le bilan et les comptes courants n’ont pas pu être révisés pour 2019. Les sommes avant 2013 qui sont essentiellement réclamées sont prescrites.
à l’interdiction de découvert en compte courant’: une telle convention est nulle si c’est au bénéfice du dirigeant. Il faut néanmoins que le compte courant soit réellement débiteur et qu’aucune compensation ne s’applique. Or, il y a un bénéfice en 2018 de 29 976 euros et des dépenses à rembourser.
Suivant conclusions notifiées par RPVA le 18 mai 2022, la SELARL [X] [V] demande à la Cour, de’:
Vu l’article 873 du code de procédure civile et L 223-21 du code de commerce,
confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
condamner [L] [P] à lui payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance d’appel.
Le juge des référés est compétent car il ne s’agit pas d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif. Il n’est pas reproché de faute de gestion et le tribunal saisi de la procédure collective n’est compétent que pour connaître des contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence. Sont exclues toutes les actions qui auraient pu naître même en l’absence d’une procédure collective. Si seules les règles du droit commun des contrats sont en cause, le tribunal des procédures collectives n’est pas compétent. Il en est de même des actions en recouvrement exercées par le liquidateur car le remboursement d’un compte courant débiteur d’un associé est exigible que la société soit ou non en procédure collective. Monsieur [P] déforme les arrêts de la Cour de cassation qu’il cite.
Par ailleurs, il n’est nullement question d’une action relevant du livre VI du code de commerce. Le fait que le liquidateur agisse vient du fait que le débiteur est dessaisi de ses prérogatives de dirigeant dès l’ouverture de la procédure collective en application de l’article L 641-9 et que le liquidateur se substitue à lui. Il ne s’agit pas d’une mission propre du mandataire liquidateur. Le recouvrement des actifs est une mission habituelle du liquidateur et relève du livre II qui traite des actions mises en ‘uvre par le liquidateur venant aux droits de la société administrée. Le gérant dessaisi peut être condamné comme n’importe quel débiteur. Il n’est nullement question d’une faute de gestion reprochée. Tous les développements sur une absence de faute sont hors débat. Il ne s’agit nullement non plus d’une action en nullité de la convention de compte courant qui échapperait au juge des référés. Le liquidateur demande uniquement le remboursement des sommes dues, en raison du solde débiteur.
La créance est liquide certaine et exigible : les deux séries d’explication de Monsieur [P] sont étrangères au débat : Le débat sur la prescription est inopérant car la demande est fondée sur les écritures relatives à l’exercice clos le 31 décembre 2018 témoignant des positions débitrices de deux comptes courants d’associé. Seule est à prendre en compte la date du solde du compte et non la date de l’écriture puisqu’une compensation s’effectue en même temps. Le fait qu’il n’aurait pas commis de faute de gestion, ce qui conduirait à faire échec au remboursement, n’a pas lieu d’être puisqu’il ne s’agit pas d’une action en responsabilité. Par ailleurs, l’article L 223-21 du code de commerce régit la nullité absolue des conventions ayant pour objet ou pour effet de rendre l’associé ou le gérant débiteur de la société, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le fait que l’appelant soit en règle avec l’administration fiscale est inopérant. Il reste débiteur de la société, ce qui est interdit. Il doit rembourser la société et non l’administration fiscale. Il n’est pas remis en cause le principe de l’affectation des résultats en compte courant d’associé du fait de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu. Le titulaire du compte courant d’associé n’est pas pour autant autorisé à être débiteur de la société. Il est possible d’affecter un bénéfice ou d’imputer une perte en compte courant créditeur mais uniquement à concurrence du crédit. La position débitrice doit être réglée par l’associé titulaire du compte courant. La règle est d’ordre public’: aucun associé ni gérant personne physique ne peut être débiteur de la société administrée. En outre, il ressort de la comptabilité de la société FRPLG que les résultats 2016-2017 n’ont pas été affectés au solde des comptes courants.
De plus, il est apparu que l’appelant a utilisé les comptes courants pour des dépenses personnelles. Les comptes courants ne servaient donc pas exclusivement à affecter les résultats. Or, les dépenses personnelles n’ont pas à être supportées par la société et doivent lui être remboursées. Au demeurant, il ne prouve aucunement qu’il a payé pour le compte de la société.
La tenue de la comptabilité était l’obligation du gérant jusqu’au 23 mai 2019. L’absence de tenue de comptabilité en 2019 ne lui est qu’imputable.
Ainsi, la créance du liquidateur n’est pas sérieusement contestable.
Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 2 novembre 2022 à 9 heures.
A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 7 décembre 2022.
Motivation
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «’constater’» ou «’dire et juger’» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4,5,31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur la compétence du juge des référés
L’appelant soutient que l’action en cause est une action en responsabilité pour insuffisance d’actif qui relève de la compétence d’ordre public du juge de la procédure collective compétent pour toutes les contestations nées de la procédure collective.
Toutefois, le tribunal saisi de la procédure collective n’est compétent que pour connaître des contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique même en matière de référé et qu’il s’agit d’appliquer les règles juridiques régissant la procédure collective.
Ainsi, sont exclues toutes les actions qui auraient pu naître même en l’absence d’une procédure collective. Si seules les règles du droit commun des contrats sont en cause, le tribunal des procédures collectives n’est pas compétent.
L’analyse de Monsieur [P] est en conséquence manifestement erronée car comme l’argumente à juste titre l’intimée, il s’agit d’une action en recouvrement d’une créance mettant en jeu les règles de droit commun des contrats et non d’une action née de la procédure collective ou ayant au moins une incidence indirecte sur la procédure collective.
Comme le soutient le liquidateur judiciaire, son action n’a pas pour objet de caractériser une faute de gestion non séparable des fonctions de gérant aux fins d’engager sa responsabilité pour insuffisance d’actif en application de l’article L 651-2 du code de commerce ni même d’une action en nullité de la convention de compte courant débiteur.
Enfin si la provision a pour but de satisfaire les créanciers de la société, la demande de provision s’inscrit dans une action en recouvrement exercée par le liquidateur, le remboursement d’un compte courant débiteur d’un associé étant exigible que la société soit ou non en procédure collective. il n’est nullement question d’une action relevant du livre VI du code de commerce. L’intervention du liquidateur vient du fait que le débiteur est dessaisi de ses prérogatives de dirigeant dès l’ouverture de la procédure collective en application de l’article L 641-9 et que le liquidateur se substitue à lui. Il ne s’agit pas d’une mission propre du mandataire liquidateur. Le recouvrement des actifs est une mission habituelle du liquidateur et relève du livre II qui traite des actions mises en ‘uvre par le liquidateur venant aux droits de la société administrée. Le gérant dessaisi peut être condamné comme n’importe quel débiteur de la société en liquidation judiciaire.
Il ne s’agit pas plus d’une action en nullité de la convention de compte courant qui échapperait au juge des référés. Le liquidateur demande uniquement le remboursement des sommes dues dans le cadre d’un compte courant qui n’est pas mis en cause en tant que tel mais qui se révèle débiteur.
Ainsi, la Cour confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a retenu la compétence du juge des référés à l’exclusion du juge de la procédure collective.
Au surplus, en application de l’article 90 du code de procédure civile, la Cour étant juridiction d’appel tant de la juridiction des référés que de celle des procédures collectives qui est revendiquée par Monsieur [P], le moyen tiré de l’incompétence du juge des référés du tribunal de commerce de LYON est d’autant plus sans effet.
Sur la demande de provision
L’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que’« Le président peut (‘) dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier…».
L’article 9 du code de procédure civile dispose que’: «’Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’». L’article 1353 du code civil dispose que : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. »
En l’espèce, la SELARL [X] [V] a mis en évidence l’existence de deux comptes courants débiteurs au nom du dirigeant de l’EURL, Monsieur [P]. Elle a produit les statuts de la société FRPLG (pièce 2) qui indique expressément en leur article 9 que «’les comptes courants ne doivent jamais être débiteurs’» et invoque l’article L 223-21 du code de commerce qui interdit les comptes courants débiteurs dont sont titulaires les associés et dirigeants personnes physiques.
La contestation soulevée par Monsieur [P] sur la prescription n’est pas sérieuse car le délai de trois ans de l’article L 223-23 du code de commerce est relatif aux actions en responsabilité des articles L 223-19 et L 223-22 du code de commerce et non aux actions en remboursement. En tout état de cause, la demande de paiement est fondée sur les écritures relatives à l’exercice clos le 31 décembre 2018 témoignant des positions débitrices de deux comptes courants d’associé. Seule est à prendre en compte la date du solde du compte et non la date de l’écriture puisqu’une compensation s’effectue en même temps.
La contestation liée à l’existence ou non d’une faute de gestion n’est pas non plus sérieuse car il ne s’agit pas d’une action en responsabilité du dirigeant. Par ailleurs, le fait que l’appelant soit en règle avec l’administration fiscale est inopérant dans la mesure où il lui est en tout état de cause interdit d’être détenteur d’un compte courant débiteur. La demande de remboursement concerne l’entreprise et non l’administration fiscale.
En effet, le principe de l’affectation des résultats d’une entreprise en compte courant d’associé du fait de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu n’autorise pas un gérant à devenir débiteur de la personne morale. Affecter un bénéfice ou imputer une perte en compte courant créditeur n’est autorisé qu’à concurrence du crédit. Ainsi, l’obligation pour le titulaire du compte courant de payer le solde débiteur n’est pas sérieusement contestable en ce qu’il s’agit d’une règle d’ordre public’selon laquelle aucun associé ni gérant personne physique ne peut être débiteur de la société administrée.
Au surplus, comme l’a justement mis en évidence le liquidateur judiciaire, les résultats de la société n’ont pas toujours été affectés en comptes courants qui n’ont donc pas eu cette utilité exclusive. Par ailleurs, ces comptes ont été utilisés pour des dépenses personnelles du gérant.
Enfin, Monsieur [P] ne saurait sérieusement reprocher au liquidateur judiciaire l’absence de tenue de comptabilité en 2019, la tenue de la comptabilité étant l’obligation du gérant jusqu’au 23 mai 2019.
Monsieur [P] n’établit aucune créance certaine liquide et exigible à son profit qui devrait venir en compensation.
En conséquence, l’obligation à remboursement s’imposant à Monsieur [P] n’étant pas sérieusement contestable, la Cour confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a fait droit à la demande de provision de la SELARL [X] [V].
Sur les demandes accessoires
Monsieur [P], succombant tant en première instance qu’en appel, doit supporter les entiers dépens. La Cour confirme l’ordonnance déférée sur les dépens de première instance et y ajoute à la charge de Monsieur [P] les entiers dépens d’appel.
L’équité conduit la Cour à confirmer la condamnation de Monsieur [P] au titre des frais irrépétibles de première instance, le premier juge ayant justement apprécié le quantum de l’indemnité. L’équité conduit la Cour à condamner Monsieur [P] à payer à l’intimée la somme supplémentaire de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.
Corrélativement, la Cour déboute Monsieur [P] de ses demandes accessoires.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne [L] [P] aux entiers dépens d’appel,
Condamne [L] [P] à payer à la SELARL [X] [V] en qualité de liquidateur de la société FRPLG la somme supplémentaires de 2 000 euros pour les frais irrépétibles à hauteur d’appel,
Déboute Monsieur [P] de ses demandes au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT