8 décembre 2022
Cour d’appel de Pau
RG n°
21/00239
2ème CH – Section 1
MM/ND
Numéro 22/4296
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRÊT DU 08/12/2022
Dossier : N° RG 21/00239 – N° Portalis DBVV-V-B7F-HX7U
Nature affaire :
Appel sur une décision du juge commissaire relative à l’admission des créances
Affaire :
S.A.S. HESLYOM
C/
S.A.S.U. VOLTAFRANCE 3, S.E.L.A.R.L. EKIP’
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 08 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 06 Octobre 2022, devant :
Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l’appel des causes,
Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. HESLYOM
immatriculée au RCS de Tarbes sous le n° 793 282 591, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualité au siège, agissant dans les droits propres du débiteur
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean Philippe LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de PAU
Assistée de Me Stéphane DAYAN (membre de l’AARPI ARKARA AVOCATS ASSOCIES), avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S.U. VOLTAFRANCE 3
immatriculée au RCS d’Aix-en-Provence sous le n° 513 905 893, prise en la personne de son Président, représentant légal domicilié au siège ès-qualité
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me François PIAULT, avocat au barreau de PAU
Assistée de Me Laurence D’ORSO (AARPI D’ORSO ABRASSART & Associés), avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.R.L. EKIP’
immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 453 211 393, dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de Maître [F] [C], prise en son établissement secondaire de Tarbes situé [Adresse 3],
Agissant en qualité de liquidateur de la SAS Heslyom désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de Tarbes du 18 septembre 2018
Représentée par Me Camille ESTRADE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 22 DECEMBRE 2020
rendue par le JUGE COMMISSAIRE DE [Localité 4]
Exposé du litige
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
La SA CAPG Energies Nouvelles (CAPGEN), anciennement dénommée CAM Énergie est la filiale du Crédit Agricole Pyrénées Gascogne dédiée à l’investissement et au développement de projets dans les énergies renouvelables.
La SAS Heslyom, anciennement dénommée SAS [E] Énergie Service, puis SAS CAM Énergie Service a pour activité la construction, la maintenance, le nettoyage de centrales de production d’énergie renouvelable, l’exploitation de centrales de production d’énergie renouvelable, la structuration juridique et financière de projets de construction d’énergies renouvelables, l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la construction de centrales de production d’énergie renouvelable et en gestion de centrales de production d’énergie renouvelable en exploitation.
La société CAM Énergie devenue CAPGEN, filiale du Crédit Agricole Pyrénées Gascogne, était l’actionnaire majoritaire de la SAS [E] Énergie Service devenue CAM Énergie Service puis Heslyom.
CAPGEN était par ailleurs cliente de la société Heslyom.
Courant 2016, la société CAM Energie a refusé de régler à la société CAM Energie Service diverses factures représentant environ 860 000,00 euros au 16 novembre 2016.
A la suite de ce différend, un protocole d’accord a été signé le 13 décembre 2016, entre la société CAM Energie et le Crédit Agricole Pyrénées Gascogne, d’une part, et la société CAM Energie Service (devenue Heslyom), messieurs [W] [R] et [X] [H], salariés qui devenus associés en reprenaient la direction, la société Enercam, la SAS [E] Energie Service et la SAS Isaby, toutes trois représentées par M [G] [E], ce dernier intervenant également à titre personnel et comme porte-fort de son épouse, d’autre part, impliquant divers engagements croisés, notamment l’engagement de la société CAM Energie Service (devenue Heslyom) de rembourser un compte courant d’associé détenu dans des sociétés tierces par la société Chili Invest.
A la fin de l’année 2017, la société CAPGEN aurait créé un nouveau partenariat avec la société Tenergie, société concurrente de la société Heslyom, ce qui a conduit la société Heslyom à une perte importante de chiffre d’affaires.
Par jugement en date du 18 septembre 2018, le tribunal de commerce de Tarbes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité à l’égard de la société Heslyom et désigné la SELARL FHB pris en la personne de Me [K] [N] en qualité d’ administrateur judiciaire et la SELARL [F] [C], devenue la SELARL Ekip’ en qualité de liquidateur.
Par jugement du 15 octobre 2018, le tribunal a mis fin à la poursuite d’activité.
La société Voltafrance 3 est une société de projet qui a pour activité la production et la vente d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables.
Elle est propriétaire de plusieurs centrales photovoltaïques situées en France.
Selon contrat cadre du 21 juillet 2014, la société Voltafrance 3 a confié à la société Cam Energie Service devenue Heslyom l’exploitation et la maintenance de 15 centrales photovoltaïques.
Au cours de l’exécution du contrat, la société Voltafrance 3 a constaté, pour l’une des centrales située sur la commune de [Localité 6], une facturation anormale, par le gestionnaire du réseau ENEDIS (ERDF), de pénalités au titre de l’énergie réactive de ladite centrale.
Elle a sollicité des explications auprès de la société Heslyom et n’en aurait jamais obtenues.
Estimant que ces pénalités résultaient de manquements de la société Heslyom dans l’exécution de ses obligations au titre de la maintenance des centrales, la société Voltafrance 3 a adressé le 9 avril 2018 à la SAS Heslyom une facture au titre de la refacturation de ces pénalités, pour un montant total de 14640,02 euros HT soit 17568,02 euros TTC.
Cette facture n’a pas été réglée par la société Heslyom.
La société Voltafrance 3 a procédé à une déclaration de créance à titre chirographaire, le 19 novembre 2018, établie à la somme de 17568,02 euros.
Aux termes d’un courrier recommandé en date du 18 juin 2019, cette créance a fait l’objet d’une proposition de rejet total, au motif que la société Heslyom ne devrait aucune somme à la société Voltafrance 3, alors, qu’à l’inverse, la société Voltafrance 3 resterait devoir la somme de 12079,00 euros à la société Heslyom.
Par courrier recommandé du 28 juin 2019, la société Voltafrance 3 a fait savoir qu’elle s’opposait au motif de la contestation de sa créance et, par voie de conséquence, à la proposition de rejet.
Les parties ont été appelées à l’audience du 2 novembre 2020 du juge- commissaire.
Par ordonnance du 22 décembre 2020, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la SAS Heslyom a admis la créance de la société Voltafrance 3 au passif de la SAS Heslyom pour la somme de 17568,02 euros à titre chirographaire et rejeté toutes autres demandes des parties.
Par déclaration en date du 25 janvier 2021, la SAS Heslyom a relevé appel de cette ordonnance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2022, l’affaire étant fixée au 11 avril 2022 et renvoyée au 6 octobre 2022.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
Moyens
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Vu les conclusions du 23 avril 2021 de la SAS HESLYOM qui demande de :
Réformer en intégralité l’ordonnance rendue par le Juge-Commissaire à la procédure de liquidation judiciaire de la société Heslyom
Et statuant à nouveau :
A titre principal :
Rejeter en intégralité la créance déclarée par la société Voltafrance 3 au passif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société Heslyom
A titre subsidiaire :
Constater l’existence d’une contestation sérieuse à l’encontre de la créance déclarée par la société Voltafrance 3 au passif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société Heslyom,
En conséquence,
Inviter la société Voltafrance 3 à saisir le Tribunal compétant et Surseoir à statuer dans l’attente que le juge du fond statue sur le bien fondé de sa créance,
En tout état de cause :
Condamner la société Voltafrance 3 d’avoir à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi que les dépens.
Débouter la société Voltafrance 3 de l’ensemble de ses demandes.
*
Vu les conclusions de la SELARL EKIP’, ès qualités, en date du 22 juillet 2021 qui demande de :
Vu l’article L. 624-2 et L. 622-7 du code de commerce,
Vu l’article 1315 du Code civil,
Vu l’article 9 du code de procédure civile
A titre principal, sur les fins de non-recevoir :
Faire droit à la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire pour statuer comme juge de la vérification des créances au regard des contestations sérieuses invoquées.
Renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond,
Déclarer irrecevable la demande en paiement de la société Voltafrance 3 du fait de la prescription.
A titre subsidiaire,
Réformer l’ordonnance entreprise en date du 22 décembre 2020 en ce qu’elle a admis la créance déclarée par la société Voltafrance 3 à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Heslyom.
Statuant à nouveau,
Rejeter en totalité la créance déclarée par la société Voltafrance 3 le 19 novembre 2018.
Condamner la société Voltafrance 3 à payer à la SELARL Ekip’ ès qualité, la somme de 2000€ sur le fondement de l’article 700 du CPC en règlement des frais irrépétibles d’appel.
Condamner la société Voltafrance 3 aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Camille Estrade en application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Débouter la société Voltafrance 3 de ses demandes, fins et conclusions contraires,
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Vu les conclusions de la société VOLTAFRANCE 3 en date du 21 octobre 2021 qui demande de :
Vu les articles L. 624-2, L. 622-24, L. 622-25 et L. 641-3 du Code de Commerce
A titre principal :
Confirmer l’ordonnance rendue par le Juge Commissaire du Tribunal de Commerce de Tarbes en date du 22 décembre 2020 enrôlée sous la référence RG n° 2019 004696 en ce qu’elle a dit que la créance de la société Voltafrance 3 est admise au passif de la société Heslyom, pour la somme de de 17.568,02 € à titre chirographaire
Subsidiairement :
Confirmer l’ordonnance rendue par le Juge Commissaire du Tribunal de Commerce de Tarbes en date du 22 décembre 2020 enrôlée sous la référence RG n° 2019 004696 mais seulement en ce qu’elle a reconnu la qualité de créancier chirographaire de la société Voltafrannce 3
Et, infirmant partiellement pour le surplus et statuant de nouveau sur son quantum par l’effet dévolutif de l’appel
Juger y avoir lieu d’admettre la société Voltafrance 3 au passif de la société Heslyom, en qualité de créancière chirographaire à hauteur de la somme de 4.714,03 €.
En tout état de cause :
Condamner la société Heslyom au paiement de la somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Débouter la société Heslyom de toutes demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société Voltafrance 3.
Débouter la SELARL Ekip’ ès-qualité de toutes demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société Voltafrance 3.
Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation.
Motivation
MOTIVATION :
La société Heslyom fait valoir que la société Voltafrance 3 ne peut réclamer des pénalités qui lui auraient été facturées par ERDF (ENEDIS) pour la période antérieure au contrat d’exploitation maintenance daté du 21 juillet 2014, passé entre la concluante et la société Cam Energie.
Elle ajoute que la société Voltafrance 3 ne rapporte pas la preuve que sa créance serait effectivement née postérieurement au 21 juillet 2014 et qu’elle pourrait ainsi être imputable à la société Heslyom, ce qui est en tout état de cause contesté.
Elle indique également que la créance dont se prévaut la société Voltafrance 3 est partiellement prescrite dès lors qu’elle trouverait son origine sur la période allant du mois d’avril 2012 au mois de février 2018, la société Voltafrance 3 n’ayant initié aucune action en paiement à l’encontre de la société Heslyom pour interrompre son délai de prescription, cette dernière ne peut se prévaloir d’aucune créance née antérieurement au 18 septembre 2013 (5 ans avant l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Heslyom).
Elle considère également que la société Voltafrance 3 n’est pas partie au contrat cadre passé le 21 juillet 2014 avec Cam Energie et ne peut s’en prévaloir.
Enfin, elle considère qu’elle n’a nullement été défaillante dans son exécution des prestations de maintenance de la centrale photovoltaïque de la société Voltafrance 3, comme en témoigne le fait qu’elle s’est vu verser un bonus de surperformance en 2017, par la société CAPGEN.
La société Voltafrance 3 conclut au contraire à la confirmation de la décision déférée, aux motifs notamment :
‘ qu’elle rapporte la preuve des pénalités réglées à ENEDIS, par les factures émises par ce gestionnaire de réseau, au titre de l’énergie réactive consommée par la centrale photovoltaïque de [Localité 6] au-delà des paramètres de facturation définis par les conditions particulières du contrat d’accès au réseau public de distribution d’électricité en injection HTA, dit CARD-I ;
‘ que la société Heslyom était tenue de respecter ce document qui lui a été remis avec la convention d’exploitation et la convention de raccordement passée entre chaque société de projet et ERDF ;
‘ que la société Heslyom a manqué à ses obligations contractuelles de conduire le système électrique de production d’énergie de la centrale photovoltaïque en prenant en compte les autorisations et restrictions d’injection sur le réseau émises par le gestionnaire de réseau ERDF( devenu ENEDIS) et/ou le client (article 6.1.2 iii) ;
‘ que la créance n’est nullement prescrite, la facturation émise par la société Voltafrance 3, le 9 avril 2018, étant le point de départ de la prescription ;
‘ que la société CAM Energie a signé le contrat cadre d’exploitation pour son compte et le compte des sociétés de projet dont elle était la présidente, de sorte que la société Heslyom ne peut raisonnablement soutenir qu’elle n’a aucun lien contractuel avec la concluante ;
‘ que CAM Energie Service est en réalité intervenue sur la maintenance de la centrale de la société Voltafrance 3 avant la signature du contrat cadre de 2014 ;
A titre liminaire, il convient de rappeler ce qu’est l’énergie réactive.
L’énergie électrique est acheminée par les réseaux de transport et de distribution sous forme de courant alternatif. Cela signifie que la tension, exprimée en Volts, varie régulièrement entre des valeurs normées positives et négatives.
Par opposition, le courant délivré par une pile électrique est un courant continu. La valeur de tension est alors constante.
Seule une partie de l’énergie qui transite sur le réseau est exploitable directement par l’utilisateur, suivant ses usages : éclairage, chauffage, force motrice. Appelée « énergie active », elle est exprimée en kilowatt/heure (kWh).
Le reste de cette énergie est utilisé de manière indirecte, notamment par les champs magnétiques générés par certains appareils en fonctionnement. Appelée « énergie réactive », elle est exprimée en kilovoltampère réactif/heure (kVArh).
Plus il y a consommation de puissance réactive et plus les volumes d’énergies transportées sur le réseau sont importants. Cela provoque des pertes supplémentaires sur le réseau, l’usure et l’échauffement des câbles et la surcharge des transformateurs induisant des coûts supplémentaires pour le gestionnaire du réseau.
Malgré le fait que la puissance réactive soit utile à certaines machines, son coût est donc répercuté sur les utilisateurs des réseaux haute tension et moyenne tension selon des paramètres prédéfinis.
A consommation identique d’énergie active, donc d’usage de l’électricité pour les besoins d’un utilisateur donné, la quantité d’énergie réactive qui devra transiter par le réseau dépendra des solutions techniques retenues par l’utilisateur. L’énergie globale, donc la charge des réseaux, en dépendra directement.
C’est ainsi que pour les sites concernés, les distributeurs facturent la fourniture d’énergie ‘réactive’ afin d’inciter les opérateurs reliés au réseau à réduire l’énergie réactive absorbée par leurs installations.
En droit, l’article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2014, applicable en la cause, dispose : ‘Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission.’
L’article R. 624-5 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 30 juin 2014, dispose : ‘Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d’ appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.’
Il résulte de ces textes que le juge-commissaire dispose du pouvoir juridictionnel de statuer sur toutes les contestations qui ne sont pas de la compétence exclusive d’une autre juridiction (par exemple la juridiction administrative pour la contestation d’une créance fiscale), sauf si la contestation est sérieuse et que, dans ce dernier cas, il doit inviter une des parties à saisir la juridiction du fond compétente.
Et il ressort d’une jurisprudence constante que lorsque le juge-commissaire doit connaître du fond de la créance, il lui appartient de statuer, comme le fait le juge des référés, en juge de l’évidence. Il incombe dès lors à la cour d’appel qui retient l’existence d’une contestation sérieuse de préciser en quoi le juge-commissaire, puis elle-même, statuant avec les pouvoirs de ce dernier, dépassent leur office juridictionnel, pour permettre à la cour de cassation d’exercer son contrôle sur le caractère sérieux de la contestation.
Il a été jugé que le juge-commissaire, et à sa suite la cour d’appel, sont dépourvus de pouvoir juridictionnel pour statuer, lorsqu’ils sont saisis d’une demande d’admission de la créance, sur la rupture d’un contrat ayant donné naissance à la créance (Cassation Com. 18 février 2003, n° 0012666, B. No 23), ou sur sa validité (Cassation Com. 5 novembre 2003, n° 0017773; Com. 19 mai 2004, n° 0115741), ou sur l’exécution défectueuse d’un contrat (Cassation Com. 21 juin 2005, n° 0410868 ; Com. 5 juillet 2005, n° 0413129).
Si le juge-commissaire n’est saisi d’aucune contestation sérieuse, il relèvera donc de son pouvoir juridictionnel de trancher la contestation.
En l’espèce , il ressort du contrat cadre d’ exploitation-maintenance conclu entre la SAS CAM Energie, pour le compte des sociétés de projet, et la SAS CAM Energie Service, devenue Heslyom, que cette dernière, exploitant-mainteneur, devait notamment, dans la conduite du système électrique de production d’ énergie photovoltaïque des différentes centrales visées en annexe 1 du contrat, parmi lesquelles la centrale de [Localité 6] de la société Voltafrance 3, prendre en compte les autorisations et restrictions d’injection sur le réseau émises par le gestionnaire de réseau ERDF( ENEDIS) et/ou le client.
De ce fait, elle devait assurer le pilotage de ces centrales dans le respect des paramètres définis par ERDF/ ENEDIS, au travers du contrat d’accès au réseau public de distribution d’électricité en injection (CARD I) HTA (ligne moyenne tension), concernant les seuils de facturation de l’énergie réactive « soutirée » (consommée). Ce document définissait notamment des paramètres généraux et une méthode de facturation, et les paramètres de l’installation de production. Un schéma orthonormé matérialisait une zone ou « bandeau » de non facturation et le document précisait qu’en dehors de cette zone l’énergie réactive serait facturée au prix du KvArh.
Le contrat d’ exploitation-maintenance, en revanche, ne prévoit aucune modalité de refacturation, à l’exploitant-mainteneur, de l’énergie réactive facturée par ERDF/ ENEDIS.
Par ailleurs, le contrat passé entre les parties prévoyait qu’en cas de différend de nature technique au titre du contrat, notamment sur les incidents, les parties conviennent de requérir avant tout procès, l’avis d’un tiers-expert. Il n’est pas justifié qu’un tel avis aurait été recueilli.
Au-delà du constat de la facturation d’énergie réactive par ERDF/ ENEDIS, l’examen des manquements imputés à la société Heslyom par la société Voltafrance3 implique notamment de déterminer la nature de l’obligation qui pesait en la matière sur la société prestataire. Cette appréciation nécessite d’examiner l’ensemble des documents contractuels et techniques qui encadraient les prestations de la société Heslyom.
En effet, sauf à considérer que la société Heslyom était tenue d’une obligation de résultat concernant l’énergie réactive consommée, ce qui implique l’interprétation du contrat, le seul constat d’une facturation d’énergie réactive par ERDF/ ENEDIS ne suffit pas à établir les manquements de la société Heslyom dans l’exécution du contrat de maintenance.
Cette analyse échappe par conséquent au pouvoir juridictionnel du juge de la vérification des créances, juge de l’évidence, qui n’est pas compétent pour statuer sur l’exécution prétendument défectueuse d’un contrat.
L’ordonnance déférée est en conséquence infirmée, la cour décidant de surseoir à statuer sur l’admission ou le rejet de la créance de la société Voltafrance 3, en renvoyant cette dernière à saisir la juridiction compétente pour statuer sur l’existence et le montant de sa créance, dans le délai d’un mois de la notification de la présente décision par le greffe de la cour, à peine de forclusion.
Le sursis à statuer est prononcé jusqu’à la décision définitive qui sera rendue par la juridiction saisie au fond.
Il y a lieu également de réserver la décision sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme l’ordonnance du juge-commissaire,
Statuant à nouveau,
Constate l’existence d’une contestation sérieuse, concernant la créance déclarée par la société Voltafrance 3, qui excède les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire,
Invite la société Voltafrance 3 à saisir la juridiction compétente pour trancher cette contestation, dans le délai d’un mois de la notification du présent arrêt, à peine de forclusion,
Sursoit à statuer sur l’admission ou le rejet de la créance contestée, dans l’attente de la décision définitive qui sera rendue par la juridiction saisie au fond,
Réserve l’examen des demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens jusqu’en fin d’instance,
Ordonne la radiation de l’affaire du rôle et dit qu’elle sera réinscrite à l’initiative de la partie la plus diligente après la décision du juge du fond,
Dit que la présente décision sera portée sur l’état des créances, en application de l’article R. 624-9 du code de commerce.
Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière La Présidente