Comptes courants d’associés : 9 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/22876

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Comptes courants d’associés : 9 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/22876

9 décembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG
19/22876

Pôle 5 – Chambre 8

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 9 DÉCEMBRE 2022

(n° / 2022, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/22876 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBFJS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2019 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2019030298

APPELANT

Monsieur [F] [X]

Né le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 14] (94)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 6]

[Localité 13]

Représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocate au barreau de PARIS, toque : L0056,

Assisté de Me Ingrid CHANTRIER, avocate au barreau de PARIS, toque : G106,

INTIMÉS

Monsieur [O] [L]

Né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 17]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 15]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 18]

CANADA

Représenté et assisté de Me Marie-Charlotte TOUZET de la SELARL CARDEX AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D961,

Monsieur [G] [C]

Né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 16] (92)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 8]

[Localité 11]

SAS COMPTOIRS DU MULTIMÉDIA DÉVELOPPEMENT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 451 144 489

Ayant son siège social [Adresse 9]

[Localité 11]

SCP THEVENOT PARTNERS, prise en la personne de Maître [W] [N], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société COMPTOIRS DU MULTIMEDIA DÉVELOPPEMENT,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 839 428 539,

Ayant son siège social [Adresse 7]

[Localité 11]

SCP BTSG, prise en la personne de Monsieur [S] [M], en qualité de représentant des créanciers de COMPTOIRS DU MULTIMEDIA DÉVELOPPEMENT,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 434 122 511,

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 12]

Représentés et assistés de Me Jean-Michel BONZOM de la SELAS Burguburu Blamoutier Charvet Gardel & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L0276,

SCP BTSG, prise en la personne de Monsieur [S] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société ANTHEA INTERACTIVE,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 434 122 511,

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 12]

SAS ANTHEA INTERACTIVE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 534 663 646,

Ayant son siège social [Adresse 10]

[Localité 11]

Non constituées

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2021, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l’artcicle 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– Réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Exposé du litige

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

La SAS Anthea Interactive a été créée en septembre 2011 avec un capital social divisé en 4.000 actions. M.[X] en a été le président jusqu’au 13 septembre 2017.

Le 26 janvier 2016, M. [X] a cédé à M.[L] 800 actions de la société Anthea Interactive moyennant le prix de 75.000 euros, puis le 27 avril 2016, 200 actions au prix de 150.000 euros.

Le 31 mai 2016, M. [L] a cédé à M.[X] 17 actions de la société Anthea Interactive au prix de 12.500 euros, puis le 30 juin 2016 à nouveau 17 actions au prix de 12.500 euros.

Le 13 septembre 2017, un protocole de cession des droits sociaux de la société Anthea Interactive a été signé d’une part par M.[A] ‘le cédant’, représenté par M.[X], d’autre part, par M.[C] et la SAS Comptoirs du Multimedia Developpement, les cessionnaires, le premier s’engageant à acquérir 2.400 actions et la seconde 1600 actions soit la totalité du capital de la SAS Anthea Interactive. Le protocole précise que tant le cédant, M.[A], que M.[X] certifient que le capital de la société se trouve détenu par M.[X] à hauteur de 3.060 actions et par M.[A] à hauteur de 940 actions.

Par deux actes du 13 septembre 2017, la société Anthea Interactive dénommée la cédante, représentée par M.[X], a d’une part cédé à M.[C] 2.400 actions pour 1 euro, d’autre part 1.600 actions à la société Comptoirs du multimedia développement pour 1 euro.

Le même jour, M.[X] a démissionné de son mandat de président d’Anthea Interactive et l’assemblée générale des actionnaires a désigné M.[C] pour lui succéder à cette fonction.

Par actes en date du 23 mai 2019, M. [L] a fait assigner la SAS Anthea Interactive, la SAS Comptoirs du Multimedia Developpement, M.[X] et

M. [C] pour voir prononcer la nullité de toutes les assemblées générales, consultations écrites et décisions adoptées par la société Anthea Interactive depuis le 30 juin 2016, ainsi que la nullité des cessions d’actions intervenues le 13 septembre 2017’au profit de M.[C] et de la SAS Comptoirs du Multimedia Developpement.

M. [C], la SAS Anthea Interactive et la SAS Comptoirs du Multimedia Developpement ont également demandé la nullité de la cession des actions intervenue le 13 septembre 2017, mais se sont opposés à la demande de nullité des délibérations des actionnaires lors des assemblées générales intervenues le 13 septembre 2017.

M.[X] n’a pas comparu en première instance.

Le 6 novembre 2019, la société Anthea Interactive a été placée en liquidation judiciaire. La SCP BTSG en la personne de Maître [M] a été désignée liquidateur judiciaire.

Par jugement du 8 novembre 2019, assorti de l’exécution provisoire,le tribunal de commerce de Paris a:

– prononcé la nullité du protocole de cession des actions de la société Anthea Interactive du 13 septembre 2017, condamné M.[X] à payer 10.000 euros à M.[C], 5.000 euros à la SAS Comptoirs du Multimedia Developpement et 5.000 euros à M.[L] en réparation de leurs préjudices avec intérêts au taux légal et anatocisme,

-annulé les assemblées générales et toutes les délibérations ultérieures à compter du 30 juin 2016, condamné M.[X] à verser 1.000 euros chacun à M.[L],M.[C] et à la société Comptoirs du Multimedia Développement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et condamné M.[X] aux dépens.

M. [X] a relevé appel de ce jugement, selon déclaration en date du 10 décembre 2019 en intimant M.[L], M.[C], la société Anthea Interactive et la société Comptoirs du multimedia développement, puis par seconde déclaration en date du 2 janvier 2020, la SCP BTSG en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anthea Interactive et de mandataire judiciaire de la société Comptoirs du multimedia développement, ainsi que la SCP Thevenot Partners en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société Comptoirs du multimedia développement. Les deux appels ont été joints le 13 octobre 2020.

Moyens

Par ordonnance du 5 janvier 2021, le conseiller de la mise en état a débouté M.[L] de sa demande de radiation de l’affaire au rôle des affaires de la cour.

Dans ses conclusions n°2 déposées et signifiées par RPVA le 2 juillet 2021, M. [X] demande à la cour’:

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du protocole de cession de la SAS Anthea Interactive du 13 septembre 2017, en ce qu’il l’a condamné à payer 10.000 euros à M.[C], 5.000 euros à la société Comptoirs du Multimedua Developpement et 5.000 euros à M.[L], en ce qu’il a annulé les assemblées générales et toutes les décisions ultérieures de la société Anthea Interactive à compter du 30 juin 2016, en ce qu’il l’a condamné sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les parties de leurs autres demandes,

– statuant à nouveau, débouter la SAS Comptoirs du Multimedia Developpement, M.[C] et M.[L] de l’ensemble de leurs demandes, condamner solidairement la société Comptoirs du Multimedia Developpement, M.[C], M.[L] et la société Anthea Interactive au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ,ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Patricia Hardouin SELARL 2H Avocats conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 25 février 2021, M. [L] demande à la cour de:

– débouter M.[X] de ses prétentions,

– confirmer le jugement en ce qu’il lui a reconnu la qualité d’associé, en ce qu’il a prononcé la nullité du protocole de cession du 13 septembre 2017 avec toutes conséquences en découlant, en ce qu’il a condamné M.[X] à lui payer des dommages et intérêts,

– l’infirmer sur le montant des dommages et intérêts et statuant à nouveau, condamner solidairement M.[X], M. [C] et la société Comptoirs du Multimedia Developpement à lui payer 30.000 euros de dommages-intérêts, avec intérêt au taux légal et anatocisme,

– condamner solidairement M.[X], M.[C], la société Comptoirs du Multimedia Developpement et la société Anthea Interactive au paiement de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M.[X] aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions n°2 notifiées le 30 août 2021, M.[C], la SAS Comptoirs du Multimedia Developpement, la SCP Thevenot Partners, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société Comptoirs du Multimedia Developpement, ainsi que la SCP BTSG ès qualités de représentant des créanciers de la société Comptoirs du Multimedia Developpement demandent à la cour de:

– confirmer le jugement en ce qu’il a annulé le protocole de cession d’actions de la société Anthea Interactive du 13 septembre 2017 entre M.[X] et M.[C] et entre M.[A] et la société Comptoirs du Multimedia Developpement avec toutes conséquences de droit en découlant, et en ce qu’il a condamné M.[X] au paiement de dommages et intérêts à M.[C] et à la société Comptoirs du Multimedia Developpement,

– l’infirmer concernant le quantum des condamnations et, statuant à nouveau, condamner M.[X] à payer 105.500 euros de dommages et intérêts à M.[C] et 48.500 euros de dommages et intérêts à la société Comptoirs du Multimedia Developpement, juger que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter des présentes conclusions, ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

– débouter M.[X] de ses prétentions,

– condamner M.[X] à payer 30.000 euros de dommages et intérêts chacun à M.[C], à la société Comptoirs du Multimedia Developpement et à la société Anthea Interactive, ainsi que 6.000 euros chacun à M. [C] et à la société Comptoirs du Multimedia Developpement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Anthea Interactive, n’a pas constitué avocat.

Ainsi qu’ils y avaient été autorisés, le conseil de M.[X] et le conseil de M.[C], de la société Comptoirs du Multimedia Developpement, de la SCP Thevenot Partners et de la SCP BTSG ès qualités, ont déposé chacun une note en délibéré respectivement le 17 et 24 septembre 2021 relativement à l’absence de mise en cause de M.[A].

Motivation

SUR CE

– Sur l’annulation du protocole de cession d’actions du 13 septembre 2017 pour dol et ses conséquences

Les intimés demandent la confirmation du jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du protocole de cesssion du 13 septembre 2017 avec toutes les conséquences qui en découlent. M.[L] soutient que M.[X] a disposé des actions de la société Anthea Interactive sans tenir compte de sa qualité d’associé depuis 2016.M.[C] et la société Comptoirs du multimedia développement, ainsi que la SCP Thevenot Partners et la SCP BTSG ès qualités invoquent un dol en ce que M.[X] a vendu des actions dont il n’était pas propriétaire et en ce qu’il a dissimulé un important passif.

Pour s’opposer à l’annulation du protocole de cession du 13 septembre 2017, M.[X] fait valoir qu’aucun dol n’est caractérisé, qu’il n’a jamais dissimulé la qualité d’actionnaire de M.[L], que ce dernier a été impliqué dans le projet de cession au cours des échanges intervenus au mois d’août 2017 et, quant au passif de la société Anthea Interactive, qu’il a été intégré dans les réflexions au moment de la valorisation des titres, lesquels ont été cédés pour 2 euros.

Le protocole de cession du 13 septembre 2017, objet du litige, précise que le capital de la société Anthea Interactive se trouve détenu par M.[X] à hauteur de 3.060 actions et par M.[A] à hauteur de 940 actions.

A l’issue des cessions respectives réalisées entre MM.[X] et [L] du 26 janvier 2016 au 30 juin 2016, lesquelles ont donné lieu à l’établissement d’imprimés Cerfa, le capital social de la société Anthea Interactive se trouvait réparti comme suit:

– M.[X]: 3.034 parts ( 4.000 – 800 -200+17+17)

– M.[L] : 966 parts ( 800+200-17-17).

Le compte PEA de M.[L] a été débité le 17 mars 2016 puis le 28 avril 2016 des sommes respectives de 75.000 euros et 150.000 euros correspondant au prix de cession figurant sur les imprimés Cerfa, de sorte que M.[X] manque à établir que le prix de vente de ses actions ne lui aurait pas été réglé. Si M.[X] n’a pas mis à jour le registre des mouvements de titres à la suite de ces cessions, il ne conteste cependant pas la qualité d’actionnaire de M.[L] lors du protocole de cession du 13 septembre 2017, puisqu’il écrit dans ses conclusions que ‘la qualité d’actionnaire de Monsieur [L] était parfaitement connue avant même la cession intervenue le 13 septembre 2017.’.

M.[X], pourtant réputé avoir représenté au protocole de cession M. [Y] [A], n’explique nullement à quel titre ce dernier apparait dans le protocole de cession comme détenteur de 940 actions au 13 septembre 2017, alors qu’il n’est justifié d’aucun acte d’acquisition par M.[A]. Dans le protocole, M.[A] est désigné comme le cédant, représenté par M. [F] [X], M.[X] figure de seconde part à l’acte sans indication de sa qualité de cédant. Le mandat annexé à l’acte indique que M.[Y] [A], ‘actionnaire de Anthea Interactive’, donne pouvoir à M.[F] [X], ‘afin de signer tous document administratifs pour la nomination du nouveau PDG et du changement de siége social’. Ce pouvoir est dactylographié et ne comporte pas de signature sous le nom de M.[A]. Une signature illisible figure après un grand espace laissé en blanc tout en bas de la page comportant le pouvoir, signature qui compte tenu de la trace laissée par la photocopie a vraisemblablement été apposée sur une page différente de celle du pouvoir. Il sera en outre relevé, qu’alors que l’article 1 du protocole mentionne que le CEDANT cède au CESSIONNAIRE, qui s’engage à acquérir, les 4.000 actions de la société Anthea Interactive, l’article 5 du même acte mentionne un prix de 1 euro au titre du prix global de cession des ‘2.840 actions cédées’.

M.[L] communique un projet de pacte d’associés de la société Anthea Interactive, transmis par M.[X] le 19 juin 2016, qui mentionne de première part, M.[X] en qualité d’actionnaire de référence, et de seconde part, M.[Y] [A], M.[R] [Z], M.[O] [L] et M.[T] [B], associés minoritaires. Ce document n’est pas signé et il n’est pas contesté qu’il s’agissait d’un projet. Il ne peut en être déduit que M.[A] était actionnaire de la société Anthea Interactive.

Sont également versés aux débats deux actes sous seing privé, toujours en date du 13 septembre 2017, portant cession des actions de la société Anthea Interactive. Dans ces deux actes, le cédant est la société Anthea Interactive elle-même, représentée par M.[X], les acquéreurs étant respectivement la société Comptoirs du multimedia développement, pour les titres numérotés ‘1 à 1.599″ , et M.[C] pour les titres numérotés ‘1600 à 4000″. Ces actes portent la signature de M.[C] ( à titre personnel et en tant que représentant de la société Comptoirs du multimedia développement) et celle de M.[X] pour la société Anthea Interactive.

Les imprimés Cerfa produits par M.[L] (qui ne comportent pas le cachet de l’administration fiscale) font état des cessions suivantes le 13 septembre 2017:

– par M.[X] à M.[C] de 3.060 actions de la société Anthea Interactive,

– par M.[A] de la cession de 940 actions de la société Anthea Interactive à la société Comptoirs du multimedia développement,

Ces deux imprimés comportent toutefois une signature identique pour les deux cédants, celle de M.[X].

Le procès-verbal de l’assemblée générale tenue le même jour mentionne que ‘L’ensemble des associé, à savoir Monsieur [G] [C], Monsieur [F] [X] et la société COMPTOIRS DU MULTIMEDIA DEVELOPPEMENT’ ont été consultés et ont participé aux délibérations, qui portaient sur la démission de M.[X] de ses fonctions de président et de directeur général de la société, la désignation de M.[C] comme nouveau président et le changement de siège social.

Ainsi, les différents actes relatifs à la cession des actions de la société Anthea Interactive, bien que concomitants, comportent des indications qui ne concordent pas sur l’identité du ou des cédants.

Pour soutenir que M.[C] et la société Comptoirs du multimedia développement n’ont pu se méprendre sur la qualité d’actionnaire de M.[L], et que ce dernier était également parfaitement informé de la cession des actions de la société Anthea Interactive, M.[X] produit des courriels échangés au mois d’août 2017.

Dans un mail du 2 août 2017, M.[L] écrit à M.[G] [C] pour le remercier de son accueil et de l’échange très positif et lui indiquer qu’il va lui communiquer les états financiers 2014 à 2017, l’état des dettes, divers documents et quelques offres clients et lui demande en retour un rétroplanning. M.[C] lui répond qu’il lui envoie le rétroplanning, et indique ‘ Plaisir plus que partagé, trouvons vite les modalités finse pour mettre le projet en place’. Le 3 août suivant, M.[C] indique à M.[L], avec copie à M.[X] et M.[E] (les comptoirs.com) qu’il a besoin d’avoir rapidement ‘la liste des personnes ANTHEA et PRM avec leur poste pour comprendre qui doit bosser avec qui. On prépare une proposition et on affine avec vous.’ Dans un mail du 7 août 2017, M.[L] indique à M.[C], avec copie notamment à M.[X], qu’il trouvera dans la Dropbox le nouveau répertoire clients portefeuille.

Si ces courriels démontrent que M.[L], M.[C] et M.[X] étaient en relation le mois précédant les cessions au sujet de leur future collaboration, il ne ressort pas clairement de ces échanges la qualité d’associé de M.[L] de la société Anthea Interactive. En effet, d’une part ces mails comportent des références à d’autres sociétés (Come-Out, PRM) et d’autre part, M.[L] a pu aussi être amené à échanger sur la situation de la société en qualité de salarié.

Aucun élément au débat ne permet de considérer que M.[A] était détenteur

d’ actions de la société Anthea Interactive au 13 septembre 2017, M.[X] qui s’oppose à l’annulation du protocole de cession au motif que tout le monde savait que M.[L] était actionnaire, ne le soutient d’ailleurs même pas. Il n’explique pas davantage pourquoi les cessions ont été faites par la société Anthea Interactive elle-même.

Il se déduit de ces éléments que le protocole de cession, en vertu duquel M.[C] et la société Comptoirs du multimedia développement ont acquis la totalité des actions de la société Anthea Interactive, a porté sur des actions qui étaient pour partie la propriété de M.[L], non signataire de l’acte de cession. M.[L] est donc fondé à demander l’annulation du protocole de cession portant sur ses actions et à se voir reconnaître la qualité d’associé de la société Anthea Interactive.

La non révélation par M.[X] de la qualité d’actionnaire de M.[L] lors du protocole de cession constitue un dol, en ce que l’information dissimulée portait sur un élément essentiel pour la régularité de l’opération, et était donc déterminante du consentement des cessionnaires, lesquels souhaitaient acquérir la totalité du capital social de la société Anthea Interactive.

Il s’ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du protocole de cession du 13 septembre 2017.

Il le sera également en ce qu’il a prononcé la nullité des assemblées générales de la société Anthea Interactive dès lors que ces assemblées ont été tenues sans que M.[L] soit convoqué et donc au mépris de ses droits d’associé. Toutefois, cette nullité s’appliquera aux assemblées générales tenues à compter du 13 septembre 2017 et non à compter du 30 juin 2016, la cour n’ayant pas connaissance des conditions dans lequelles les assemblées générales se sont réunies avant le13 septembre 2017. Le jugement sera infirmé uniquement en ce qu’il a fixé la date d’annulation des assemblées générales au 30 juin 2016.

– Sur la demande de dommages et intérêts de M.[L]

Le tribunal a condamné M.[X] à payer 5.000 euros de dommages et intérêts à M.[L].

M.[L] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M.[X] à lui payer des dommages et intérêts mais de l’infirmer sur le quantum et de condamner solidairement M.[X], M.[C] et la société Anthea Interactive et de la société Comptoirs du multimedia développement à lui régler 30.000 euros de dommages et intérêts outre intérêts, au visa de l’article 1343-2 du code civil.Il fait valoir que la fraude systématique à ses droits d’associés lui occasionne un préjudice matériel et moral, en lui faisant perdre une chance de pouvoir céder ses actions et en lui occasionnant un risque fiscal en ce qu’il avait déclaré son investissement dans Anthea Interactive, société dans laquelle il s’est particulièrement investi.

M.[X] réplique qu’il n’est justifié d’aucune perte de chance, les actions ayant été cédées pour la modique somme de 2 euros, que M.[L] a au demeurant participé aux échanges et qu’il n’est démontré aucun risque fiscal.

La cession par M.[X] d’actions ne lui appartenant pas caractérise une faute engageant sa responsabilité à l’égard de M.[L], titulaire desdites actions.

En revanche, il vient d’être jugé que M.[X] a commis un dol lors de la cession des actions, après qu’il a été retenu que la qualité d’actionnaire de M.[L] n’était pas connue des cessionnaires. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts dirigée contre les cessionnaires, et également contre la société Anthea, seul son dirigeant, M.[X] ayant commis une faute.

Il est constant que la cession par M.[X] des actions détenues par M.[L] sans que celui-ci en soit informé, a privé l’intéressé de ses droits d’associé depuis le 13 septembre 2017. Cependant, s’il a perdu une chance de pouvoir procéder lui-même à la cession de ses actions, il n’apporte aucun élément permettant de démontrer le prix auquel il était susceptible de les céder, la cession à M.[C] et à la société Comptoirs du multimedia développement étant intervenue pour un montant total de 2 euros, quant au risque fiscal allégué il n’est étayé par aucune pièce.

Au regard de ces éléments, le tribunal a exactement évalué le préjudice subi par M.[L] à la somme de 5.000 euros, le jugement étant confirmé de ce chef.

– Sur les demandes de dommages et intérêts de M.[C] et de la société Comptoirs du multimedia développement et de la société Anthéa Interactive

Le tribunal a condamné M.[X] à payer à M.[C] 10.000 euros de dommages et intérêts et 5.000 euros à la société Comptoirs du multimedia développement.

M.[C] et la société Comptoirs du multimedia développement demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M.[X] à leur payer des dommages et intérêts, mais de l’infirmer sur les montants pour les porter:

– à 105.500 euros s’agissant de M.[C] soit 20.000 euros en réparation du temps, des efforts et des ressources consacrés à la direction et la gestion de la société, 55.500 euros en réparation du préjudice en qualité d’actionnaire du fait de la perte définitive de valeur des actions acquises, et 30.000 euros au titre du préjudice moral résultant du dol et du comportement gravement fautif de M.[X],

– à 48.500 euros s’agissant de la société Comptoirs du multimedia développement, soit: 18.500 euros en réparation de son préjudice subi en qualité d’actionnaire du fait de la perte définitive de valeur des actions acquises auprès de M.[X] et 20.000 euros (le total de ces postes étant non pas de 48.500 euros mais de 38.500 euros)

outre intérêts au taux légal à compter de leurs conclusions.

M.[C], la société Comptoirs du multimedia développement et la société Anthea Interactive sollicitent par ailleurs dans une disposition distincte chacun 30.000 euros de dommages et intérêts.

M.[X] réplique que les cessionnaires ne peuvent prétendre à aucune indemnisation, en ce qu’ils ont acquis une société dans une situation très fragile pour 2 euros, situation qu’ils connaissaient, qu’ils doivent assumer le risque de leur investissement, qu’ils ne peuvent se prévaloir de la découverte d’un passif occulte, alors qu’ils bénéficiaient d’une garantie d’actif et de passif qu’ils leur appartenaient au besoin de mettre en oeuvre.

M.[C] a pris la direction de la société Anthea Interactive le 13 septembre 2017, concomitamment à son acquisition de l’intégralité des actions de la société, directement et indirectement par l’intermédiaire de la société Comptoirs du multimedia développement.Sa désignation a été portée sur l’extrait Kbis de la société Anthea Interactive.

Par courrier du 21 mars 2019, adressé à M.[C] en sa qualité de président de la société Anthea Interactive, l’avocat de M.[L] a indiqué que ce dernier, actionnaire de la société à hauteur de 966 actions, n’avait pas été convoqué aux assemblées générales ces dernières années, avait été informé que M.[C] était devenu actionnaire de la société sans qu’une quelconque décision d’agrément concernant cette cession ne soit intervenue, en violation de l’article 12 des statuts, et l’a mis en demeure de communiquer le registre des procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, du registre des mouvements de titres et du compte courant d’associé de M.[L].

Ce courrier a été suivi de l’assignation que M.[L] a fait délivrer le 23 mai 2019 pour voir prononcer la nullité de la cession des actions intervenue en violation des dispositions contractuelles et légales et la nullité des décisions adoptées par les associés depuis le 30 juin 2016 en violation de ses droits d’associé.

C’est par ailleurs en recevant une assignation en référé des consorts [F] (bailleurs) le 19 février 2019, que M.[C] a découvert que M. [X], avait en usurpant la qualité de président de la société Anthea Interactive conclu un bail commercial pour des locaux [Adresse 5], alors que son mandat social au sein d’Anthea Interactive avait cessé depuis le 13 septembre 2017.

Il se déduit de ces pièces, qu’au printemps 2019, M.[C] a été informé des difficultés relatives à l’actionnariat de la société Anthea Interactive, de sorte qu’il s’est impliqué pendant plus de 18 mois dans la gestion d’une société dont il croyait détenir le capital social, avant de comprendre qu’il n’en était rien.

A défaut de plus amples éléments en appel sur la manière dont le mandat social s’est exercé, la cour allouera à M.[C] 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de temps et de l’énergie vainement consacrée à la société Anthea Interactive. La cour y ajoutera une condamnation de M.[X] au paiement de 5.000 euros au titre du préjudice moral résultant de ce dol.

S’agissant de l’indemnisation de la perte définitive de valeur des actions du fait de la liquidation judiciaire de la société Anthea Interactive, M.[C] l’évalue à 75% du montant de la garantie d’actif consentie par M.[X] lors de la cession.

Si l’annulation de la cession a fait perdre à M.[C] la propriété des actions, leur valeur en septembre 2017 n’était pour la totalité du capital que de 2 euros. M.[C] ne produit pas d’élément permettant de retenir que les actions avaient pris de la valeur sous sa présidence, sachant qu’il a dû procéder à une déclaration de cessation des paiements en 2019 et qu’il n’est pas établi de lien entre la nullité de la cession et l’ouverture de la liquidation judiciaire qui résulte d’un état de cessation des paiements. M.[C] invoque vainement la convention de garantie d’actif et de passif pour justifier sa demande d’indemnisation, dès lors que le litige ne se rapporte pas à la mise en oeuvre d’une telle garantie. L’annulation du protocole de cession emporte remboursement du prix de cession. Il n’y a pas lieu à dommages et intérêts de ce chef.

M.[C] forme dans le dispositif de ses conclusions une seconde demande de dommages et intérêts de 30.000 euros, de même montant que sa demande d’indemnisation de son préjudice moral. En l’absence de moyen au soutien de cette seconde demande en paiement de 30.000 euros de dommages et intérêts, M.[C] sera débouté de ce chef de demande.

M.[X] sera en conséquence condamné à verser à M.[C] 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son investissement dans la société et 5.000 euros en réparation de son préjudice moral.

S’agissant du préjudice de la société Comptoirs du multimedia développement, la cour rejettera au même titre que pour M.[C] la demande de dommages et intérêts fondée sur la perte définitive de valeur des actions et confirmera le jugement en ce qu’il a condamné M.[X] au paiement de 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son investissement inutile dans la société Anthea Interactive. La société Comptoirs du multimedia développement sera déboutée de sa plus ample demande de dommages et intérêts.

La cour confirmera le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Anthea Interactive, qui ne justifie pas d’un préjudice.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M.[X] aux dépens de première instance et à payer une indemnité procédurale de 1.000 euros à M.[L], à M.[C] et à la société Comptoirs du multimedia développement au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La cour y ajoutera la condamnation de M.[X] aux dépens de l’appel et à payer à chacun d’eux une indemnité procédurale pour les frais exposés en appel de 3.000 euros.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du protocole de cession des actions de la SAS Anthea Interactive du 13 septembre 2017 avec toutes conséquences de droit, en ce qu’il a prononcé la nullité des assemblées générales de la SAS Anthea Interactive, sauf en ce qui concerne la date du 30 juin 2016, en ce qu’il a débouté la société Anthea Interactive de sa demande de dommages et intérêts, en ce qu’il a condamné M.[X] à payer 10.000 euros de dommages et intérêts à M.[C], 5.000 euros à la société Comptoirs du multimedia développement et 5.000 euros à M.[L], en ce qu’il a condamné M.[X] aux dépens et à payer à M.[C], à la société Comptoirs du multimedia développement et à M.[L] chacun 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’infirme en ce qu’il a débouté M.[C] de ses plus amples demandes,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la nullité des assemblées générales de la société Anthea Interactive à compter du 13 septembre 2017,

Condamne M.[X] à payer à M.[C] 5.000 euros en réparation de son préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute M.[C] et la société Comptoirs du multimedia développement de leurs plus amples demandes de dommages et intérêts,

Déboute M.[L] de sa plus ample demande de dommages et intérêts et en ce qu’elle est dirigée contre M.[C] et la société Comptoirs du multimedia développement,

Condamne M.[X] à payer à M.[C], à M.[L] et à la société Comptoirs du multimedia, chacun une indemnité procédurale de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en appel,

Condamne M.[X] aux dépens d’appel

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 

 


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